[QG Aigle]L'humble demande d'une voyageuse

80 Verimios 10:XI ~ été      -     Alëandir

Après plusieurs ennéades de recherches infructueuses, à force d'insister, j'ai mis la main sur un rapport confidentiel des Éperviers datant des dernières prises de contact avec la péninsule et spécifiquement des déboires de notre délégation Diantraise au sujet de leurs destructeurs envoyés en Anaëh. Il semblerait qu'un mage humain extrêmement puissant logeait au Palais du roi humain. Il n'y avait aucune description, seule la mention d'un nom : Nakor.

Il est également mention d'un demi sang portant une bague très semblable aux descriptions trouvées dans l'une des plus anciennes versions du Livre des Morts que j'ai pu trouvé à Holimion. Je n'ai ni nom ni description de cet homme, mais il semble qu'il soit haut placé dans la hiérarchie du Culte en terre humaine.

Je pense maintenant en savoir assez pour tenter un premier voyage jusqu'à la capitale péninsulaire.

J'ai cependant encore besoin d'informations supplémentaires et possiblement d'une escorte étant donné notre passif avec ces barbares. J'ai obtenu un rendez-vous avec les diplomates du Trône Blanc et si cela ne suffit pas, les Eperviers, les Aigles ou les Linaësiens seront peut-être plus réceptifs.

2 Karfias 11:XI ~ été         -      Alëandir

La matinée était à peine entamée lorsque les pas d'Uriel la menèrent vers le QG des Aigles, non loin des murs su Trône Blanc. Armes et armures grouillaient déjà dans la grande cour, profitant du soleil encore bien pâle pour réaliser leurs entrainements matinaux avant que la chaleur de l'été ne les rendent proprement invivables. Contrairement aux camps et aux casernes qui brillaient d'ordinaire par leur exactitude et leur régularité, il se dégageait de chaque petit groupe de guerrier un étrange mélange de précision et de chaos dont Uriel essayait de ne pas se soucier malgré la désagréable impression que cela produisait sur elle.

Elle n'était pas là pour ça.

Après avoir été plaider sa cause jusque dans les couloirs des services diplomatiques et les officines de l'armée royale, c'était maintenant vers les Aigles qu'elle se tournait sans le moindre abattement ni le moindre mouvement d'humeur. Agacée, oui, elle l'était. Mais elle n'en voulait a personne ne ne pas pouvoir lui accorder d'aide alors que la mission qu'elle avait reçu ne devait rien avoir d'officiel. Si elle avait grappillé pas mal de conseils sur la conduite à adopter en terre mortelle, dans une période aussi troublée, aucun volontaire n'avait accepté de quitté son poste pour une durée indéterminée. Si cela ne faisait pas ses affaires, Uriel considérait tout de même cela comme une bonne chose.

Vêtue de son armure de plate et de maille, ses deux arc débandés dans un étui dorsal et son carquois de ceinture plein à craqué, elle ne faisait pas tâche dans le paysage. Seul le tissus bleu et les ornements frappés de la tête de mort couronnée de houx du Repos de Tyral qui apparaissaient sur sa tenue la différenciait des tenues disparates frappées de serres et d'ailes des Aigles. Ca et le masque de métal qui lui couvrait les yeux et une partie du front, bien sûr, mais elle avait tant l'habitude de le porter qu'elle n'y pensait même plus. Autour d'elle, certains lançaient des regards intrigués. Il fallait dire que les ordres de Chasse-Mort n'étaient pas bien connu du publique, même dans les hautes sphères de l'armée. Ni leurs codes, ni leur existence ne faisaient l'objet de discours officiels de la part du Culte.

D'un pas décidé, Uriel grimpa les marches du bâtiment principal vers le bureau du Lieutenant qui avait le temps de la recevoir. Une heure plus tard, elle refermait la porte du dit bureau, têt haute et dot droit... Mais sans plus de soutien qu'elle n'en avait en franchissant le seuil. Comme les autres officiers, le Lieutenant des Aigles l'avait néanmoins autorisée à présenter sa requête aux Aigles qui voudraient bien l’accompagner. Il s'était même engager à faire passer une note concernant ce projet. En descendant les escaliers, elle tentait d'estimer mentalement le nombre de jours d'attente maximal qu'elle pouvait se permettre avant de poursuivre sa route.

Uriel s'immobilisa, fermant un instant les yeux pour laisser travailler sa mémoire et retrouver la voix qui venait de l'arrêter à la volée. Daranovar... Thelion ? Non. Plus proche. Elle repoussa toutes les personnes qui faisait parti du clergé. Dans les conditions actuelles, il devait être guerrier. Mais ça ne lui disait rien. Qui d'autres ? Un homme. Hors des ordres. Elle n'arrivait pas a mettre le doigt dessus.

Alors elle se retourna, son maintien toujours aussi impeccable, et esquissa une expression de surprise derrière son masque.

- Heru Eowald... ? C'est bien vous ?

Cela faisait quoi... trois siècles qu'ils ne s'étaient pas vu. Pourtant, rien qu'à sa façon de se tenir, elle le sentait changé. La désinvolture avec laquelle il parlait de la mort des leur le lui confirma, même s'il avait toujours été quelque peu taquin. Loin de se formalisée étant donné le respect de sa salutation, elle le salua à son tour, poing sur cœur.

- Oui... Je dois vous paraitre bien étrange dans cet accoutrement. Beaucoup de choses ont changer. " Elle lui offrit un fin sourire, réellement heureuse de recroiser sa route. " Je crains que vous ne puissiez pas m'aider aujourd'hui. Je suis venu quérir l'aide des guerriers de légende que sont les Aigles et comme vous pouvez le voir, mon équipement est encore en bon état. " Elle passa sa main couverte d'un gant d'archerie sur son plastron. " Mais je ne vous attendais pas ici. Vous avez emménager à Alëandir ou vous êtes là pour affaire ? "

Elle allait décidément de surprise en surprise. Non seulement l'homme n'était plus forgeron, mais en plus il avait quitté Anaëh... Aucune moue ne vint assombrir le peu de son visage encore visible, mais son cœur se serra en entendant la nouvelle. L'échec d'Uraal avait fait tant de mal à leur peuple. Même un homme bon comme l'Eowald qu'elle avait connu en avait été réduit à aller vivre en terre mortelle. Le pauvre. Ce siècle avait du lui paraitre si long loin de chez lui et de tout réel réconfort ?

Puis une clochette lui rappela la raison de sa venue...

Et il lui apprit comme si de rien était qu'il faisait parti du corps des Aigles.

Son ton malicieux prouvait qu'au moins, le plaisir qu'il éprouvait à mettre en boite ses interlocuteurs était intacte. Le bout de son nez se fronça un peu. Elle ne pouvait que prier pour qu'il n'ai pas pris des manières et la pensée des terres extérieures... Et même si c'était le cas, n'était-ce pas ce pourquoi elle était là ?

- Je ne renie pas mes paroles. Les Aigles méritent l'estime qu'on leur porte. " répondit-elle très sérieusement à l'amusement de son vis à vis avant de l'inviter d'un geste à faire quelques pas au travers de la cours. " En réalité, depuis notre dernière rencontre, ma voie a elle aussi un peu évoluée. Je suis aujourd'hui en mission pour le Pergaën et mon enquête me conduira d'ici quelques jours à entamer un voyage au-delà de nos frontières. " L'idée lui déplaisait toujours autant et même son vocabulaire châtié ne parvenait pas à faire sonner sa phrase comme une simple information détache. " J'ai cherché auprès du trône blanc et des éperviers à former une petite délégation pour m'aider dans cette tâche, mais le non interventionnisme y fait loi et aucun officiel ne voudrait pousser un de ses subornés à risquer un voyage à l'extérieur. Voyage qui pourrait sous entendre que le Trône Blanc cautionne mes actes. " Elle se tourna légèrement vers son compagnon pour lui lancer un regard qui ne pourrait sûrement pas être rendu à cause des entrelacs de métal. Inutile de préciser que les réponses avaient été plutôt négatives. " Le Lieutenant Ren du corps des Aigles m'a accordé une entrevue à ce propos mais les temps sont trop troublés pour qu'il se risque à dépeupler vos rangs. Il a tout de même fait l'effort de me promettre qu'il ne s'opposerait pas au volontariat de ses hommes si j'arrivais à en convaincre... Alors me voilà réduite à quémander de l'aide pour maximiser mes chances d'atteindre Diantra et de traiter avec les mortels. " Elle se tourna plus franchement vers lui, campée sur ses jambes sans la moindre marque d'hésitation, posant machinalement une main sur l’aumônière de cuir bardée de symboles sacrées. " Votre aide serai plus que la bienvenue, mais vous comprenez que ce ne serait pas l'affaire de quelques heures ou d'une visite des lieux. Alors n'ayez crainte. Vous pouvez retirer votre offre, je n'en prendrais nul ombrage. "

- Vous avez toute ma reconnaissance, mais vous ne savez pas même en quoi ma mission consiste. " remarqua la prêtresse face à l'engagement total et soudain du guerrier.

Bien qu'elle ne se formalise en aucun cas des façons familières d'Eowald, elle appréciait chacune de ses marques de respect à sa juste valeur. Cependant, elle ne pouvait s'enlever de l'idée que cette rencontre était surréaliste. La présence et la dispositions d'une vieille connaissance rendaient l'affaire conclue avant même d'être énoncée.

Elle avait le souvenir d'un jeune homme plein d'ambition et de passion pour son art pour qui la vie de chaque elfe était importante. Elle se rappelait parfaitement des discussions qu'ils avaient eu au sujet de la mentalité Daranovan et du devoir de tout elfe envers la protection d'Anaëh. Aujourd'hui, elle retrouvait un guerrier accomplis prêt à laisser tomber son devoir sur quelques mots d'une personne qu'il n'avait pas vu depuis des siècles. Uriel notait posément le doute qui lui serrait le cœur. Quelque chose clochait... Il ne pouvait en être autrement. A l'abri derrière son masque, elle ne se gênait pas pour dévisager Eowald, cherchant un indice, une soudaine explication.

Pourtant, ce n'était pas à elle de juger.

- Y a-t-il une chapelle ici ? "

Dans beaucoup de QG et casernes, des chapelles aux Cinq avaient été construites pour permettre aux recrues de pouvoir se recueillir quotidiennement. Celui des Aigles ne faisait pas exception. Le bâtiment un peu à l'écart du reste du complexe était bordé d'un sanctuaire à ciel ouvert spécifique à Kÿria. Les pierres blanches et le toit rouge prenaient aussi bien du style des temples de Tari que de ceux de Calimentar. A cette heure pourtant matinale, il ne restait qu'un ou deux Aigles rendant encore leurs hommages à l'intérieur. Les grandes fenêtres ciselées laissaient entrer une forte lumière blanche.

En poussant la porte de bois, Uriel porta la main à son front, ses doigts heurtant le métal froid de son masque, avant de se diriger vers les bancs les plus loin des autels. La chapelle était vide et les représentations des cinq les observaient en silence.

Ce ne fut qu'une fois installée avec Eowald, son étui dorsal posé près d'elle, que la prêtresse commença, la mine on ne peut plus sérieuse.

- Nous ne voulons engendrer ni haine, ni panique, aussi je vous demanderai de promettre que ce que je m’apprête à vous dire restera entre nous quoi qu'il arrive. "

La formulation était quelque peu dramatique, mais elle voulait être certaine qu'il prenne la mesure des enjeux... En tout cas, autant qu'un profane pouvait les comprendre.

- L'hiver dernier, le Voile de Tari a été agité par quelque chose que nous ne connaissons pas mais qui est si contre-nature qu'il a brisé l'équilibre du Cycle de la Vie et de la Mort. Des Souffles ont perdu leur chemin, errants dans notre monde jusqu'à en devenir fous, d'autre se sont retrouvés coincés entre les deux Mondes et ce n'est là que ce que nous avons pu constater. Pour autant que nous puissions le savoir, les dégâts pourraient être pire encore sur le long terme. Une enquête a donc été initié par le Très Saint Semi-Mort dans le but d'en trouver la cause exacte et de nous assurer que toutes les failles ou perturbations seraient arrêtés et réparées. " Elle se tenait droite, plus tendue qu'à l'ordinaire tant le sujet était grave. " En un an, nous avons seulement gagné la certitude que l'origine de tout cela ne se trouve pas en Anaëh, mais à l'extérieur. Que ce soient les mortels ou les daedhels, des étrangers commencent à atteindre un niveau de magie suffisante pour menacer le Voile et le Trône Blanc est retenu dans des conflits internes. Plusieurs d'entre nous ont donc été missionnés pour répertorier et gérer les sources de magies dangereuses hors de nos frontières en plus de trouver l'origine de la situation actuelle en suivant chacun une piste différente. Pour ma part, ce sont des artéfacts d'une grande puissance que je dois retrouver... Et je ne vous cacherai pas que mes chances de survie dans cette entreprise sont loin d'être au sommet de ma liste de préoccupations. "

Elle s'arrêta enfin, ayant préféré aller jusqu'au bout de sa tirade quitte à en réexpliquer des parties pour laisser son comparse en saisir l'ampleur. L'histoire était si invraisemblable qu'elle aurait put ressembler à une vaste blague, mais le visage austère d'Uriel se chargeait d'en enlever toute dimension comique. A vrai dire, elle s'attendait davantage à voir Eowald se lever et partir sans un mot qu'à sauter une nouvelle fois sur sa proposition.

Elle s'était trompée.

Elle aurait préféré voir juste.

Mais cela l'arrangeait plus qu'elle ne pouvait le dire.

Elle était prête à embarquer sans remord un inconnu dans sa quête alors c'était sûrement les Dieux qui lui rappelaient la valeur que devait toujours avoir une vie en lui envoyant quelqu'un qu'elle connaissait, ne serait-ce qu'un peu. Dans les faits, elle ne savait pas beaucoup plus à quoi s'attendre que si l'homme avait été un parfait étranger. Dans le fond, cela changeait une ribambelle de détails.

Elle acquiesça silencieusement.

Durant son sacerdoce, elle avait vu bien des vétérans. Elle savait quelles pouvaient être leurs fêlures. Elle ne pourrait pas plaider l'innocence lors de sa traversée de la Tourmente. Mais elle avait une chance infime d'arriver à destination sans un guide expérimenté.

- Merci Eowald. " Elle s'inclina en signe de gratitude, une fraction de seconde. Incapable de sourire. " Je me sens tout de même obligé d'insister sur la dangerosité de tout cela. J'aimerais te demander de réfléchir plus amplement à cet engagement, mais je n'ai pas le luxe d'attendre. Alors je te propose un marché. Escorte moi jusqu'à Diantra et nous ferons le point là-bas." Pour l'instant, elle se doutait que cette proposition sonnait comme une simple anecdote propice à soulager sa conscience, mais avec le temps et les rencontres, beaucoup de choses pouvaient changer. Une fois cette échappatoire établie, elle termina en se levant, hissant son long étui sur son épaule. " Nous avons deux jours pour nous procurer ce qui te semblera nécessaire pour le voyage. Par où commençons-nous ? "

Uriel frissonna. Elle soutint le regard de l'Aigle tout en retirant respectueusement la main qu'il avait posé sur son épaule. Lui aussi avait l'impression que cette rencontre était jouée d'avance... Restait à savoir à quel point les dieux seraient capricieux à l'avenir.

- Mon foyer se trouve là ou le Pergaën a besoin de moi. " répondit-elle avec son flegme habituel " Nous partirons donc demain matin car j'ai encore quelqu'un a voir. J'aurai des provisions et quelques équipements de base. Je te fais confiance pour récupérer ce qui sera spécifique à un voyage en terres mortelles. Je ne te ferai pas l'affront de te demander si tu auras besoin d'une monture. "

Un mensonge nécessaire pour ne pas perdre la face. Elle n'avait pas le droit de flancher maintenant. Elle n'avait pas le droit de flancher tout court. Elle s'inclina à nouveau.

- Demain matin au levé du soleil sur l'Esplanade du Trône Blanc. " Ce serait plus prêt pour lui que l'Esplanade des Cinq dans le quartier des fontaines où se trouvait le temple de Tari.

Sans attendre davantage, elle quitta les lieux de son long pas dynamique. Les choses bougeaient enfin et il lui restait plusieurs tâches indispensables à effectuer avant de prendre la route... Où du moins les jugeait-elle comme indispensable du haut de sa longue expérience de voyage en solitaire.