[Demeure Xaran] Intronisation dans la maison Xaran

« Ais-je seulement déjà entendu le son de ta voix ? Il est vrai que je n’avais pas mentionné le besoin que ma domestique ait une langue … » Réfléchit Vazdran Xaran à haute voix, tout en secouant ses épaules musculeuses pour mieux se caller dans sa bassine d’eau fumante. Il expira tout l’air de ses poumons pour exprimer sa béatitude à mesure qu’il s’immergea dans la flotte bouillante. Le pauvre semblait s’être frotté à plus fort que lui, au vu de cette multitude de contusions qui zébrait son corps dans l’ensemble. De la détente, pour le corps et l’esprit, ne lui sembla dès lors guère comme le plus insupportable des supplices. Sans compter de cette paire de main enjôleuse qui venait ajouter à ce moment de paix un peu de piquant …

« Je ne parle jamais sans que l’on m’en ait préalablement donné le droit, votre excellence Xaran. » Murmura Hayath, de sorte à respecter le cadre serein qu’instaurait le moment du bain. Ses doigts agiles valdinguèrent le long de sa nuque avant d’atterrir contre ses épaules aux muscles roidis par l’effort de sa dernière journée. Autant que son doigté, sa répartie docile sembla plaire à son maître, vu le sourire satisfait qu’il tira. Si seulement le malheureux pouvait être à même de constater la tronche que tira sa servante, qui ne retirait évidemment aucun plaisir à flatter l’égo de ce sombre personnage.

Plus d’un mois s’était écoulé depuis le début de sa prime mission de repentie. Simple en l’état, mais d’une complexité qui dépassait l’entendement lorsqu’on prenait temps de s’attarder aux détails de sa mission. Les informations de secondes zones, les racontars à deux cailloux, rien de tout ça ne devait être relevé. Seules celles qui étaient dignes de sa maîtresse se devaient d’être soulevées. Ainsi, dans ses rapports qu’elle déposait avec une assiduité sans pareille au temple d’Isten, elle préféra mettre de l’avant les méthodes qu’elle dut utiliser pour peaufiner sa couverture. Tous les détails y était, de A à Z. Une véritable encyclopédie dans laquelle y était décrit ses moindres faits et gestes … Les premières pages firent mention de son plan initial : comprendre le quotidien des deux primas de la maison Xaran et s’attacher à l’un des deux membres selon ses possibilités de réussite.



Faern d’Hosse du C’nros, Vazdran Xaran est reconnu pour son impressionnante maîtrise de l’art élémentaire. Plus spécialement encore pour celle de l’eau, dont il sait manipuler la forme aussi aisément que sait le faire le boulanger de sa pâte. Plus de quatre cent années de service dans l’unité magique du Puy lui ont bien évidemment servies. D’un tempérament posé, calculateur et pragmatique, Vazdran n’a en rien hérité du même feu qu’animait son grand frère Velkyn. Des deux, rien ne laissait transparaître leurs= lien de parenté, si ce n’est des traits faciaux qui semblaient s’agencer, au contraire de leurs caractères aux antipodes. Tous comme la majorité de leur peuple, le Faern d’Hosse est reconnu pour faire preuve de gourmandise lorsqu’il est question de la belle chaire. Sans femme officielle, le mage de bataille préfère s’entourer de poules au plumage reluisant, dont il peut disposer et abuser à sa guise lorsqu’il lui plait et d’envoyer à l’abattoir lorsqu’il en pressent le besoin. Des informateurs qui tinrent Hayath au courant, jamais on ne fit mention d’une quelconque inclination à la violence gratuite. On ne peut toutefois en dire autant de sa jeune sœur … Du haut de ses cinq cent quelques années, il est le deuxième de sa fratrie.



Kel’Zora Xaran est la cadette de sa famille de prima sanguis et fait également parti des prêtres d’Uriz. Toute jeune, mais prometteuse, à peine âgée de la fin deux-centaines, on dit d’elle qu’elle sera probablement la plus jeune à atteindre le plafond des hautes sphères religieuses. Évidemment, ce racontars n’était à ce point plus très difficile à avancer, puisque lesdites hautes sphères n’existaient plus … À l’image de feu son aîné, Kel’Zora semble avoir été touchée personnellement de la fougue d’Uriz. Un rien la fait sortir de ses gonds, ne passant pas une seule journée sans incendier une pauvre âme de milles et unes insultes, rudoiements et même, si l’occasion se présentait, de de la molester pour se passer les nerfs. L’entendre parler calmement est une bénédiction pour son interlocuteur et être désigné comme l’un de ses servants est une malédiction … Sa fougue, sa ténacité, sa passion et son assiduité lui permettent même au-delà de son petit âge, d’exceller au combat et d’être en mesure d’être crainte même de certains vétérans. Aussi dit-on d’elle que par-dessus tout, c’est sa jalousie maladive qui guide ses pas… Elle envie à un point tel, qu’elle saurait tuer pour obtenir l’objet de convoitise d’un autre. C’est à tous les coups une femme dangereuse à laquelle on ne désire pas se mettre à dos. Ni croiser le chemin, tout simplement … Quant à son goût pour les plaisirs charnels, la seule information que l’on pouvait glaner fidèlement, c’est qu’elle nage à peu près dans les mêmes eaux que son frère aîné ; portée dans le sadisme extrême, la cruauté et évidemment, dans l’humiliation. De ceux et celles qui purent profiter d’une nuit en sa compagnie, peu semblèrent enclin à en décrire tous les croquants détails … Elle est la sœur cadette de leur fratrie et le choix le moins avisé pour s’introduire dans leur maison.

Elle était coupable. Coupable de cette interminable et ô combien mélodieuse sérénade de plaintes jouissives. C’est que, les journées s’étaient écoulées aussi prestement les unes que les autres et au travers le temps, Hayath s’était frayée une place de choix dans le cœur froid du maître de la maison. Ce genre de siège, rarissime en l’état, non pas réservé aux putains ni aux amantes, mais plutôt aux jouets préférés. Car c’est ce qu’elle était à ses yeux ; un objet avec lequel il se divertissait, utilisait à sa guise pour se détendre et s’évader. D’aucunes de ses boniches ou de ses servantes, n’avaient usée d’autant de flaire pour palier à ses besoins. Elle devinait quoi dire lorsqu’il était de mauvais poil, comment le distraire, mais surtout, se tenait en son ombre pour qu’en aucune occasion il ne manque de rien.

Si ses mains étaient souventefois sollicitées pour le raidir, ce jourd’hui était différent, il lui demanda de faire l’exacte inverse à ses muscles endoloris. C’est donc ainsi, sous les vacillantes lumières de deux jumelles chandelles, qu’elle s’affaira à délier les tensions qui malmenaient le corps de son maître. Et à l’écho des soupirs cadencés de son patient, elle savait bien s’y prendre. À l’instar des grains dans un sablier, les minutes s’égrainèrent et de fil en aiguille, Vazdran fût tracté vers le monde de Morphée, où il s’endormit lourdement pour n’en laisser comme signaux de vie, que d’interminables ronflements. Et c’était pour elle une chance qu’elle se devait de saisir. En quels autres moments se retrouverait esseulée dans la chambre maîtresse de ce manoir gargantuesque ?

Sur la pointe des orteils, évitant au mieux les crissements du plancher de bois, elle se déplaça jusqu’au bureau central. Là, y était disposée une quantité monstre de paperasse à peu près ordonnée, où elle se devait de farfouiller sans en défaire le chaotique système de classement. D’un doigté agile, elle s’empara de quelques vélins, puis les observa en diagonales sans jamais trouver la moindre information pertinente. Et elle le fit, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle tombe nez à nez avec un contrat, stipulant de faramineux frais encourus par l’emménagement d’une bicoque dans la Sanguette. L’achat de l’endroit en décombres, mais aussi, celui d’armements, de vêtements, de frais de mercenariat et surtout … la réfection de l’endroit. C’était à n’y rien comprendre ; pourquoi de riches Primas s’appropriraient un établissement aussi minable, alors qu’ils ont en leur possession déjà tout ce qu’ils désirent ? Non, il y avait anguille sous roche …

«  Rahh ! Mais fermez vos sale gueules de connards ! C’est vos langues que vous voulez perdre, ou vos verges ?! » Hurla au loin la voix tyrannique de Kel’Zora. Une introduction qui ne manquait pas de subtilité! D’autant plus lorsque l’on entendait le fracassement d’un des gardes lourdement harnaché contre l’un des murs du couloir.

Vite! Il lui fallait regagner sa place avant que n’arrive la matrone. Elle replaça à la va-vite le tas de parchemin, mais au vu de la cadence de l’enragée, Hayath n’eut le temps de peaufiner le rangement avant de glisser sous le bureau pour reprendre sa place au-dessus de son maître, mains positionnées à ses côtes. Un coup de botte fit voler en éclat le verrou de la porte, faisant voler en éclat la poignée et de même que le sommeil réparateur de son frère.

« Je vais te pendre par les couilles, espèce d’asticot pestiféré! » Vociféra Kel’Zora envers son frère, à peine sorti de sa torpeur. « Deux! Deux de plus sont morts! Tu m'expliques, merde ?! »

« Quoi, qui ça deux, fichtre? Ne vois-tu pas que je dormais à poings fermés? » Râla son frère, l’air calme quoi qu’irrité, même si elle venait de réduire à néant sa séance de repos.

« Je me fiche bien du bien que tu peux tirer de ta chienne de poche, je te parle de notre frère! » Lança-t-elle sans réfléchir, alors que la rage lui avait rougit le visage en entier.

« Sors. » Dit-il alors vers Hayath, qui n’avait pipé le moindre mot, quoi que possédant un air visiblement bien perdu. «  SORS, JE T’AI DIT! » Hurla-t-il cette fois vers elle, en perdant de sa légendaire contenance. Était-ce la première fois qu’elle l’entendit crier? Elle ne savait plus trop.

Chose certaine, les prochains rapports à sa réelle maîtresse se montreront bien plus croustillants que les derniers …