Alentours d'Oliya | Au nom de nos Dieux

Arkuisa de la seconde ennéade de Kärfias
Onzième année du Onzième Cycle
Environs d'Oliya

Le soleil d’été est lourd. Même pour un elfe. La cape que tu portais par-dessus ta tenue fragmentaire n’aidait pas. Découpée irrégulièrement à ses bordures, à la manière du limbe d’une feuille, et largement décorée de symboles de ton peuple, agencés de manière à conserver cette apparence proche du végétal, plusieurs fois tu t’étais toi-même fait remarquer que des atours moins typiques des Sylvains, plus sobres, auraient pu être un choix plus judicieux... mais chaque fois tu en étais venu à te dire que lorsque l’on faisait ta taille, il était plus sage de se présenter distinctement en tant qu’elfe que de laisser aux hommes le temps de nourrir leur imagination. Tant qu’à être un elfe, tu préférais tout de même ne pas être accusé de sorcellerie avant même avoir usé de magie. Le souvenir des sorciers Sombres était encore vif dans les mémoires des Naélisiens.

Seraient-ils capables de tendre l’oreille à ce que tu as à leur dire, les mortels ?
Auraient-ils un œil à poser sur ce que tu as à leur montrer, les mortels ?
Leur esprit était-il apte à se projeter là où jamais leur corps ne pourrait ?

Tu as bien peur que les mortels ne comprennent pas quelles raisons pourraient les pousser à vivre pour des temps que leurs enfants ne connaîtraient pas. Tu as peur que les mortels soient incapables de voir ce qu’ils ont à gagner à quitter leur statut d’esclave. Car quitter le statut d’esclave, c’est quitter la protection de son maître. Tu as peur que les mortels trop capricieux ne saisissent pas le sens « d’harmonie ». Tu as peur que les mortels craignent trop demain pour regarder plus loin.

Mais tu en es persuadé, il est des mortels qui chérissent assez la terre pour la choisir devant les clairons du pouvoir. Il est des mortels fatigués de se battre pour avoir le droit d’exister dans un monde qui est le leur. Il est des mortels qui aspirent à autre chose qu’une quotidienne peine pour un peu de pain.
Tu compteras sur ces mortels une fois là-bas. Ils seront votre pierre angulaire quand leurs arbres chanteront la Symphonie. Ils seront ceux sur qui s’appuyer pour enseigner l’harmonie à leurs pairs. Une seule vie mortelle ne permet peut-être pas de voir passer les siècles, mais tu es convaincu qu’un monde où chacun d’entre eux a sa place, un monde où chacun d’entre eux nourrit l’autre plutôt que de le voler, un monde où une nature nourricière est appréciée à sa juste valeur, un monde où la richesse et le pouvoir ne sont pas des dieux pour lesquels on tue, est aussi un monde dans lequel les enfants d’Elenwë peuvent être heureux.

- Ne t’en fais pas Ilweran. On n’avance pas là où l’Estel ne chante plus.

Ton compagnon était inquiet, et à raison. L’histoire du Royaume elfe ne mentait pas, et les souvenirs du Blanc et de la Dorée encore moins. Les Arïn sont des créatures fragiles, et comme ils sont fragiles, ils sont féroces. Le vivant craint ce qui peut le détruire et se méfie de ce qu’il ne comprend pas. Et lorsque l’on est fragile comme les mortels, une grande majorité de ce que l’on ne comprend pas peut potentiellement nous détruire.
Les hautes sciences, la magie, l’Art ; nombreux étaient les Arïn maintenus dans leur méconnaissance.
Les hautes sciences, la magie, l’Art ; autant de choses qui laissées entre leurs mains pourraient les détruire. Autant en tant qu’individus, qu’en tant que société.
Leur société détruite, c’est ce que tu veux. Détruite par le savoir, détruite par l’empathie, détruite par la liberté. Transformée. Mais qui es-tu pour rêver des Terres Mortelles ployant devant les Voies de La Mère ?

Le bras de la Dame Sauvage, voilà ce que tu es, et avec la disparition de Curulotsë, il fallait que tu te le prouves à toi-même.

- J’espère que les autres sont déjà prêts.

Le vol du lézard ailé perd en altitude autant qu’en vigueur, et tu connais assez Ilweran pour que sans avoir à l’écouter au travers du lien qui vous unit, tu comprends que c’est là l’expression de ses appréhensions. Pour autant il ne recule pas, décidé cette fois à t’accompagner jusqu’au bout, et pensifs tous les deux, vous avancez ensemble vers la frontière d’Aduram, bercés par les bruissements de l’Oliya.

Heureusement, tout le peuple de Naélis n’était pas d’ascendance mortelle.

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De longues heures déjà que tu marchais à bonne allure, l’esprit perdu entre tes questionnements, le roulement lointain de l’eau et les Chants de l’Anaëh. De longues heures déjà que ton esprit était ailleurs, pris dans une analyse trop routinière de tes environnement intérieur et extérieur. De longues heures déjà que tu aurais dû remarquer les subtils changements dans les rythmes, dans les accents et dans les mouvements, mais jusque-là, ton cœur n’avait pas été pris de sursaut.

Tu étais trop près maintenant pour l’ignorer.

Quelque chose ici perturbait la forêt. Quelque chose ou quelqu’un. Instinctivement tu rabattis la capuche de ta cape sur ta tête avant de t’élancer à travers les branches, terminant de briser la relative quiétude de ton voyage.
Quelque chose ou quelqu’un ? Quelqu’un.
Un ou plusieurs ? Plusieurs.
Plusieurs mais qui ? Il faudrait que tu le découvres.

L’écho rendu par les battements de ton cœur à la forêt te laissait au moins comprendre que plusieurs n’étaient pas tranquilles. Plusieurs n’étaient pas à l’aise. Plusieurs fuyaient. Plusieurs cherchaient leur liberté, et parce que plusieurs cherchaient leur liberté, ils excitaient ta curiosité.

Ils ne pouvaient pas être d’Anaëh.

Elle portait la robe des disciples de Tari, mais elle n’était pas une elfe, tu en étais certain. Et c’est parce que tu en étais certain que tu t’es laissé tomber des branches sur la route de sa monture.
Effrayé, le cheval se cabra, stoppant net sa course en hennissant à tout rompre. Les deux regards dissimulés se cherchèrent le temps que la bête retrouve son calme, mais au premier silence, tu fus le premier à parler. D’un ton tranchant, dans la langue Vaanie.

- Qui es-tu ?

- Par ici. " lança Elghinn en pointant le bras sur le côté ,confortablement installé devant sa mère sur ce siège bien moins mouvant que la monture qu'il avait connu toute sa vie durant. Sans poser de question, Krish avait orienter la douce et craintive jument qu'on dont elle avait reçu les rênes à Eraison.

Dresser de toute sa hauteur, les yeux plissés mais libérés de son bandeau de toile blanche, Elghinn scrutait les ombres de la forêt. La cacophonie de ce monde le mettait encore bien mal à l'aise, mais en l’occurrence, la concentration lui permettait de faire abstraction de beaucoup pour se concentrer sur la sensation fraiche et apaisante qu'il captait en continuant à avancer. Curieuse, l'oreille aux aguets, Krish avait accepté de suivre l'instinct de son rejeton et de dévier de la piste qui les emmenait vers l'Oliya pour remonter un peu au Nord.

Pourtant, les bruits répétés qu'elle sentait autour d'elle la mettait mal à l'aise. Elle avait l'impression de voir les ombres danser, s'étirer. Il y avait quelque chose de tout proche, elle en était convaincue. Elle n'en détestait que plus cette fichue capuche qui obstruait ses sens et l'empêchait de se mordre le bout des doigts, un réflexe de stress qu'elle gardait de ses premiers temps au temple du Chaos. Elle voyait aussi mal qu'elle entendait et cela la mettant dans un état de nerf... Ne pouvant pas prendre le risque de retirer son déguisement ou de dégainer le marteau de maître qu'elle avait récupéré chez Halandarin, elle avait tiré une dague, la cachant dans une de ses insondables manches. C'est tout ce qu'elle pouvait faire pour l'heure et elle avait hate de trouver l'origine de l'étrange impression d'Elghinn et de voir enfin les rives de l'Oliya pour sortir de cet enfer vert.

- C'est tout proche. " murmura le garçonnet en langue drow avec une lueur avide dans le regard. Il sentait cette source. Ils y étaient presque. Quelque chose de frais, de fluide, de paisible. " Just..."

Une silhouette tomba juste devant eux. Leur monture se cabra soudain, coupant la concentration et l'exaltation d'Elghinn d'un violent pic d'adrénaline. Il se retrouva debout sur le pommeau de la selle, presque accroupi, la dague qu'il portait en bandoulière déjà à moitié dégainée. Krish avait saisit la crinière alezan de sa main droite, son côté le moins abimé. Elle n'avait pas chevauché depuis longtemps mais sentit avec contentement son corps s'adapter avec facilité à ce petit écart. Après les rodéos que lui avait fait subir Tril, le caractère craintif et la force mesurée de cette monture n'étaient pas bien violents. Forçant la cavale à retomber en raccourcissant ses rênes plus que ne le ferait le moins soigneux des elfes, Krish la fit légèrement tournée de façon à ce que la tête de l'animal ne se retrouve pas entre elle et la menace inconnue.

Maîtresse de sa monture, elle s'était brusquement redressée, la posture fière, la tête droite et le maintien souple comme elle en avait l'habitude à Thaar. La dague qu'elle gardait prête avait glissé dans sa paume, révélant sa lame pâle au bout de sa main bandée. En une fraction de seconde, la mère avait perdu son masque aussi sûrement que son fils.

Les yeux rouges d'Elghinn se vrillèrent intensément sur l'inconnu au moment ou celui-ci articulait quelques mots en langue Oliyane.

- Nous sommes des voyageurs. N'ai crainte. Nous ne voulons pas approcher te tes frontières. Nous nous en éloignons de ce pas. "

Arme en main mais sans que leur posture ne se montre hostile, ils restèrent tous les deux immobiles, prêt à protéger leur vie. La tension qui tenait Krish aux tripes depuis plusieurs jours s'évanouit soudain. Derrière son masque de tissus, ses yeux étaient happés, non par le visage de l'elfe, mais par l'artère qu'elle voyait pulser à son cou.

Leurs thèmes ne t’inspirent rien qui vaille. Les yeux rougeoyants de l’enfant te semblent trop éveillés pour être innocents, les armes en main traduisent la méfiance que leur posture se veut dissimuler, et comme si cela ne suffisait pas, les justifications de la femme ne font absolument aucun sens venant de quelqu’un portant les habits du clergé de Tari.

- Etrange tenue pour des voyageurs ton bras droit nu quitte le couvert de ta cape, et trace nonchalamment un demi-cercle, feignant de désigner l’habit des étrangers Mais au point où vous en êtes, vous empêcher d’approcher les frontières, ce serait retenir à l’intérieur.

Une lueur court discrètement à la surface de ta peau, et pourtant sous le soleil d’été, l’air qui vous entoure paraît soudainement froid. Lentement, tu entames un premier tour de l’insolite convoi. Tu observes attentivement, presque comme si tu avais été capable de voir à travers le Voile qu’elle portait. Tu écoutes surtout, ce que jouent les Premiers Fils à leur contact. Tu sondes les savoirs des yeux et des oreilles de la forêt, sans réel succès.
Tes aînés sont incapables de te dire qui ou comment. Seulement où. Ta respiration ralentit, ton oreille remonte sa trace, et à défaut de ceux de l’adulte, tes yeux d’or, comme brillant dans l’obscurité de ton capuchon, se vrillent dans ceux du tout jeune Sombre. Ardamir. Ardamir. Il n’y a qu’Ardamir… et un douloureux sentier.

Tu déglutis, dissimulant à peine ta perplexité. Ils ne sont que deux. Une femme et un enfant. Même venus d’Elda, quel pouvoir avaient-ils ? Du sang Puysard, tu en as déjà fait couler beaucoup. Beaucoup trop. Ils ne demandaient qu’à partir, qu’à s’en aller, alors pourquoi autant t’accrocher à un pauvre môme, et à un potentiel parent déguisé, cherchant la liberté ? Pardonner. Se montrer magnanime, n’étais-ce pas la grande leçon que se voulait vous enseigner l’arrivée d’Haldren parmi vous ?

- Mais qu’à cela ne tienne, nous faisons la même route à peu de choses près. Autant que je vous accompagne. Un rictus d’une dégoûtante assurance te tord le visage On ne sait jamais sur quoi vous pourriez tomber dans cette forêt.

Certainement rien de bien pire que toi. La femme et l’enfant empestent l’odeur de la guerre, au moins autant que toi. Et malheureusement, il en fallait peu pour deviner que vous n’œuvriez pas sous la même bannière.

Le sang dont Krish avant encore le goût sur la langue les suivait à travers la Symphonie au même titre que la chaleur brûlante qui couvait dans son coeur ou les flammes d'Ardamir. Sourde à cet environnement qui était devenu hostile envers eux, l'eldéenne et son fils se contentaient de faire de plus en plus de victime lorsque l'Anaëh leur opposait de la résistance. S'ils avaient eut la chance de ne tomber sur aucun golem, la végétation et les animaux semblaient leur en vouloir personnellement, ce qui ne faisait que renforcer la méfiance et la haine de l'eldéenne envers tout ce qui les entouraient.

Plus ils s'étaient éloignés des elfes, moins leur comédie avait été nécessaire, plus son attention s'était relachée, plus ses réflexes des ombres et de Thaar revenaient... Et plus sa tenue la gênait, mais ne revenons pas sur les détails qui fachent. Elle suivit le manège de l'elfe des yeux, s'attendant à tout moment à le voir fondre sur elle, griffes et crocs en avant. Elghinn n'était pas en reste mais ses oreilles suivaient le déplacement de la chose qu'il suivait depuis déjà quelques heures. Elle était vraiment toute proche...

Contrairement à ses précédentes rencontre avec les elfes, rien ne vint tordre le ventre de l'eldéenne. La haine sourde qui battait dans sa poitrine ne se ravivait pas. Ses yeux s'étrécirent derrière son masque lorsqu'au lieu de poser plus encore de questions, l'étranger se proposa de jouer les guides. Doucement, Elghinn desserra la prise qu'il avait sur son arme et la dague de Krish disparue à nouveau dans sa manche.

- Avant nous devons retrouver quelqu'un.
- Elghinn. " aboya sèchement sa mère pour le retenir.
- Elle est juste par là. A quelques minutes d'ici.

L'enfant continua avec sérieux en pointant la direction qu'il sentait être la bonne.

- Faisons-donc un détour.

Ils empestent la guerre. Ils empestent le sang. Ils portent sur eux l’odeur de cadavres passés, présents, et surtout futurs. Elle. Lui. La rage qui les habite n’est que mauvais présage. Ils doivent disparaître. Pour le bien de la forêt ils doivent disparaître. Alors pourquoi est-ce que tu n’arrives pas à les tuer ? Pourquoi est-ce que tu marches à leurs côté comme si de rien n’était ? Pourquoi hésiter à porter un coup fatal maintenant ? Ce serait tellement simple pourtant.

Ce n’était pas le moment. Pas encore.

Quelque part entre bonheur et terreur, ton cœur bat un rythme syncopé, et ton sourire trouve une paix factice, conforté dans l’assurance de faire ce qu’il fallait par une forêt dont la méfiance s’était faite observatrice plutôt que vengeresse. Autour de vous les ombres dansaient, épiant votre cortège de leurs petits yeux fouineurs. Autour de vous des combattants à crocs, à poils et à plumes suivaient de loin le sillage du Feu de L’Ennemi. Et tu continuais d’avancer nonchalamment, posant à peine l’œil sur ceux que tu accompagnais, comme leur accordant la moindre confiance.
Les minutes passent, et tu soupires, éventuellement aussi éreinté par le silence que par les faux-semblants. Ta main droite, toujours ta main droite, vient chercher le haut de ta capuche, et libérer ton visage de l’obscurité. Tu ne le sais pas, mais les traits que tu lui dévoiles, ils lui sont familiers. Ton menton pointu, ta mâchoire anguleuse, ton long nez, et tes yeux effilés aux pupilles d’or. Elle ne leur connaît pas cette fraîcheur, elle les a vu plus marqués par le temps et libres des ésotériques tracés de soleil qui les barraient maintenant, comme ils étaient lorsque Yutar est tombée, mais elle les a vu. Elle les a aussi bien vu que tu l’entends elle.

- Tu te fais du mal pour rien. la langue Eldéenne, rendue presque ridicule par ton timbre trop léger et la douceur de l’accent elfique te glisse entre les lèvres avec une certaine aisance Je sens bien que tu es mal à l’aise aussi couverte… tu laisses passer un temps avant de conclure Olath Jalil.

Tu t’étonnes toi-même d’avoir pu prononcer ces mots sans la moindre agressivité, presque amusé de ce que l’Eldéenne ait pu penser tromper non seulement les elfes, mais la forêt elle-même. Mais ce qui ne se voit pas de tes doutes, il se ressent. Le froid. Le froid qui t’entoure sous le soleil s’est fait légèrement plus mordant.

Le sang, cela fait des jours qu'elle le réprime. Pour l'instant leur survie passait avant tout. Le premier vrai repas de son fils a été fait sur la dépouille d'un compatriote de l'homme qui s'était improvisé leur guide... Et probablement leur garde de prison s'il en avait l'occasion. Il marche d'un bon pas. Il parle eldéen comme si de rien était.

Pourtant ce n'est pas ses mots mais bien son visage qui poussent l'eldéenne à s'arrêter. Se figer aurait été plus indiqué dans ce cas précis. Quelque chose... Ne lui était pas étranger. Elle plissait les yeux pour le voir plus en détail malgré son masque, immobile sur le dos de sa monture. Elle était si concentré qu'Elghinn quitta la route et leur escorte des yeux pour l'interroger du regard, sans parvenir à attirer son attention. Après quelques instants, elle dégagea son visage de quelques coups bref, dévoilant sa peau sombre aux multiples cicatrices et ses yeux sanguins.

- Pourquoi est-ce que tu ne nous attaques pas ? " demanda-t-elle en Oliyan sans quitter l'homme des yeux. Son visage... Elle connaissait son visage... Ses yeux s'écarquillèrent. " L'Homme de Yutar..." souffla-t-elle.

Impossible...

Parmi les ombres qui les entourait, deux yeux d'un noir abyssal les observaient, marchant d'un pas souple et tranquille autour d'eux, sans émettre le moindre son.

Lorsque ta face trouve la sienne, c’est peinte d’un masque de sévérité et de lassitude qu’elle se dévoilait. Pourquoi tu ne les attaques pas ? Ce n’est pas le moment. C’est tout. Tu n’en sais pas plus. Tu pourrais d’ailleurs tout aussi bien lui renvoyer la question, et certainement y répondrait-elle mieux que toi.

- J’ai largement assez tué des tiens comme ça. parce que les mots te semblaient porter tellement plus de poids ainsi, c’est l’elfique qui te revint Alors tant que je ne serai pas certain que c’est la meilleure chose à faire, je n’ai aucune raison de ne pas te laisser la vie.

Tu soupires, laisses dériver tes yeux vers celui que tu avais déjà deviné être sa progéniture, laisses se pencher tes oreilles vers un Dragon-Fae se tenant à l’écart des deux êtres honnis par la Symphonie, et tu te laisses aller à réfléchir. Elle qui était mère, elle qui était protectrice de la vie de son enfant, peut-être pourrait-elle comprendre. Peut-être finirait-elle elle aussi par ressentir la fatigue que fait peser la guerre sur les épaules des combattants. Peut-être emmènerait-elle avec elle la lassitude qui semblait être sienne, et la communiquerait-elle au reste de son peuple.
Ou peut-être son retour ne serait-il pour elle que l’occasion d’exciter des pulsions vengeresses à l’encontre de l’inextricable forêt dont elle fut trop longtemps prisonnière. Peut-être son retour marquerait-il l’avènement de nouvelles batailles. L’aube de nouveaux sacrifices. Pour les deux peuples elfiques.

Peut-être.

- Laisse-moi deviner, le sourire te revient avec l’Oliyan tu n’as absolument rien compris de ce que je viens de dire n’est-ce pas ?

Ou au contraire, peut-être avait-elle saisi jusqu’aux raisons pour lesquelles tu jonglais entre les langues. Des suppositions. Toujours des suppositions. Des suppositions auxquelles s’ajoutait une autre incertitude, avait-elle saisi la motivation secondaire t’ayant poussé à les escorter ?

Jet de dés - Sensibilité:

Jet de dés - Perception:

Le quelqu’un que l’enfant avait confié devoir retrouver, le quelqu’un qu’il traquait à travers la forêt comme s’il était un véritable elfe remontant les rumeurs susurrées par la Sylve, tu voulais savoir qui il était, si seulement il était un quelqu’un. Pour ce qu’en laissaient penser son attitude et la direction que vous empruntiez, ce n’était pas le cas. Et si tes soupçons s’avéraient vrais, il était hors de question de faire preuve d’autant de patience envers quelqu’un que tu n’en faisais preuve auprès d’eux.

Très bien... Ils n'avaient pas le droit à l'erreur mais la naïveté crasse des elfes leur permettait une nouvelle fois d'éviter la mort. Elle n'allait certainement pas se plaindre. Pour mener son plan à bien, il fallait d'abord qu'elle s'en sorte et son fils avec elle.

Pourtant, elle ne pouvait s'enlever de l'esprit se vieux souvenir. Cette face vociférante au-dessus de Yutar couvert de sang et ampli de rage. En le voyait, elle se rappelait distinctement s'être dit que les elfes étaient plus prêt d'Uriz qu'ils ne voulaient bien le penser. Même si cette raclure de fond de chiotte ne s'en était pas pris à son fils, elle n'aurait pas bouger le petit doigt pour empêcher le massacre. Alors voir ce parangon de la guerre aussi calme et docile... la mettait mal à l'aise. Leur Divine Mère Abusive avait elle réussit à resserrer l’étau sur son esprit ?

L'idée lui traversa l'esprit que si elle-même avait put vivre des siècles en quelques ennéades, peut-être les dieux avaient-ils tout le temps du monde pour réagir aux évènements qui leur déplaisaient. Dans ce cas, comment trouver étrange qu'un elfe d'Anaëh se fasse si vite recadrer ? Tchhh... Foutue connasse qui jouait encore et encore aux parangons de vertu.

L'elfe ricana sournoisement en Oliyan suite à ses quelques explication en elfique. Krish s'apprêtait à lui renvoyer une pique histoire pour lui signifier que ce n'était pas très sport de parler dans une langue qu'elle ne parlait pas le moins du monde, mais Elghinn fut plus rapide...

- C'est sûr. Nous sommes de sombres barbares incultes et je suis de toute façon trop jeune pour comprendre votre langue si complexe. " railla-t-il en elfique tout en adoptant une expression qui était tout sauf celle d'un enfant de son âge. Peut-être était-ce du à l'intervention d'un elfe, mais les traits de son nouveau visage se pliaient en une expression à la fois orgueilleuse et moqueuse qui rappelait à sa mère les frasques d'un mastodonte aux yeux clairs dont il avait peut-être hérité. Sa moue était la même. Ses yeux en revanche avaient le mordant de ceux de sa mère tout comme leur couleur rubis.

Si elle retint un soupire, le regard qu'elle posa sur son fils était on ne pouvait plus clair. Elle allait devoir discuter avec lui du concept d'à-propos et de mensonge de façon bien plus pertinente que ce qu'elle avait fait jusque maintenant. S'il était increvable dans les milieux les plus dangereux de ce monde, il ne voyait pas la nécessité de savoir cacher ses émotions ou de ne pas donner toutes ses cartes. Quelque part, les Ombres avaient préservé la naïveté de son caractère bien plus que ne l'aurait fait une vie à Elda... Sans même parler d'un Œdipe qui lui serait sûrement fatal lorsqu'il devrait commencer à partager sa mère avec toutes les affaires qu'elle avait sur le feu. Au moins, la Guerre serait un sain exutoire.

Plutôt que de chercher plus loin, elle se résigna à rire jaune tout comme l'étranger à son côté.

- Chez vous aussi on dit que la vérité sort de la bouche des enfants ? " Son oreille se tendit vers la droite en même temps que celle d'Elghinn.
- Maman ?
- Va-y. " Le gamin sauta à bas du cheval et cavala vers les fourrés. Krish eut tout juste le temps de lancer un " Ne craignez rien. C'est une amie. " avant qu'un ronronnement profond et grave s'élève des fougères sous lesquelles Elghinn venait de disparaitre.

- Difficile d’argumenter le contraire.

Tu feins de rire, tandis que sous ta cape, les doigts de ta main gauche s’excitent. Les lignes de force de ton épaule à ta paume senestre pulsent. La chose est tout près, et l’enfant semble le confirmer.

Jet de perception:

Jet de magie:

L’enfant interpelle sa mère. La mère se prépare à lui répondre. Les pieds de l’enfant touchent le sol… Dans un mouvement d’une vivacité extrême, ta main gauche quitte le couvert de ta cape, et tranche trois fois l’air face à toi. Trois plumes de givre, plus effilées que les mieux taillées des pointes de flèches, filent vers les fougères. Ton bras retombe dans sa léthargie, tes yeux se plissent, tes lignes de force s’illuminent, et ta main droite se soulève.

Le froid s’intensifie un peu plus. Un rugissement plaintif se soulève d’entre les fourrés. Tes muscles se tendent, prêts à répondre à l’assaut d’une créature que tu devines toujours vivante. Les souvenirs d’Eraïson cascadent en un instant au premier plan de ta mémoire. Tu n’aurais pas pensé qu’il puisse en ce jour rester dans votre monde des créatures du plan d’existence avec lequel s’amuse le Mage Noir, mais le peu que tu as pu en voir durant les batailles ne te laisse pas le choix quant à ce que se devait être son devenir.

Mais la réaction de l’enfant. La réaction de l’enfant aux cris de la bête n’avait rien de logique.
La réaction de la mère ne le serait certainement pas plus.
La fée aqueuse condensée des suites du sortilège précédent risquerait de t'être utile... si l'on te laissait le temps de la former.

- T'Challa ! " hurla Elghinn en sautant littéralement à travers les fourrés sans se préoccuper de l'elfe. A peine le bras du mage s'était-il levé qu'un coup de talon propulsait la monture en avant. La jument s'immobilisa entre celui qu'elle savait désormais être un mage et sa fidèle amie une seconde trop tard. Elle ne pouvait pas tenté de volter pour qu'une ruade atteigne l'elfe, cela prendrait trop de temps. Sans se préoccuper de son bras, de son épaule, de son flanc ou de la fatigue, elle se jeta sur le mage. Sa lame était plus une amélioration utile qu'un atout majeure et malgré sa tenue, si la lutte était dans le temps la seule forme de combat dans laquelle même Velkyn la craignait, son passage dans les Ombres n'avait émoussé ses réflexes.

Jet de lutte:

Crochetant le cou massif de l'elfe, elle profita de son aplomb, de son poids et sa taille pour s'en servir comme d'un pivot. Sa chute le déséquilibra légèrement en arrière, mais lorsqu'elle s'enroula autour de ses jambes comme un serpent, c'est en avant qu'il plongea face contre terre, un bras remonté dans le dos et a moitié enseveli sous des kilomètres de tissus bleus. Il était plus fort et plus lourd qu'elle, tout son coté gauche hurlait sa désapprobation, mais elle n'avait pas besoin de beaucoup plus de temps. Les réflexes de survie acquis dans les Ombres avaient la peau dure.

- C'est moi ! " lançait une voix à la fois autoritaire et inquiète " C'est moi, T'Challa. " Le son d'un effort, un ronronnement satisfait. Une seconde de plus et la créature d'Ombre fuirait en emportant Elghinn sur son dos, comme elle le faisait lorsqu'une situation dégénérait dans le grand désert qu'ils arpentaient depuis bien des années.

Jet de dés : magie:

Tes dents claquent alors que tu trouves le sol. Pourquoi ? Est-ce que tous les Drows entretenaient des rapports avec ces saletés de bêtes destructrices ? Est-ce que le Mage Noir avait à ce point rendu ses invocations indispensables aux gens de son peuple ? Si seulement tu savais. Si seulement tu savais les conditions dans lesquelles s’était tissé le lien entre eux et la panthère. Si seulement tu savais exactement ce qu’était le plan des ombres. Si seulement tu pouvais comprendre ce qu’ils venaient de vivre. Peut-être que tu comprendrais.

- Qu’est-ce que vous…

Tu te souviens des ombres comme associées à un rituel menaçant aussi bien Elfes que Drow. Tu te souviens des ombres comme étant à Haldren ce qu’étaient tes sculptures à toi. Celle qu’il appelait T’Challa n’était pour toi qu’une abomination, une erreur, une anomalie laissée par Haldren derrière lui ; pas une créature vivante à part entière.

- Saleté d’Haldren…

Jet de dés : force:

Tu luttes, tu cherches une échappatoire à la prise de l’Eldéenne. Elle est moins forte que toi. Elle est en moins bon état que toi. Mais elle est bien meilleure lutteuse que toi. Tu peines à trouver le bon geste. Tu gigotes sans réellement créer de mouvement, ton bras gauche, le plus faible, le seul à posséder la moindre liberté. Tu serres les dents, cherche du répondant ne serait-ce que dans ton poignet, puisant dans tes chairs pour donner effet maximum à mouvement moindre.
La fée aqueuse est là. Tu avais réussi à t’en accompagner avant ta chute. Tu as un catalyseur. Il te manquait juste une solution.

Jet de dés : magie:

Ta paume gauche se crispe, tes boucles d’oreilles semblent presque chauffer, tes lignes de force brillent d’une intense lumière, et la fée ouvre les bras. La masse d’air froid qui te suivait depuis votre rencontre se fige, se concentre, t’entoure. La fine sphère givrée gonfle et éclate, se tentant tant bien que mal à souffler celle qui te maintient.
La leçon est dure, mais voilà ce qu’il en coûte de ne pas exécuter un Drow sur le champ.

Haldren...

Tout le reste disparu, ne laissant que ce seul nom. Une crispation remonta des entrailles de la drow jusqu'à serrer son cœur pour le faire violemment remonter jusqu'à sa gorge. Une chaleur intense lui envahit le corps, courant comme un frisson jusqu'à sa tête. Haldren l'avait retrouvée. Il avait envoyé ce type pour finir le travail. Il avait donc le bras assez long pour la trouver jusqu'aux abords de l'Anaëh ?!

Elle saisit les cheveux de l'elfe et tira violemment sa tête en arrière pour la rabattre sèchement contre le sol... Dont la terre était trop meuble pour laisser de traces plus grave qu'un bleu ou une légère égratignure

- SALE CHIEN C'EST LUI QUI T'ENVOIE!! Toujours en Oliyan, elle se tendit dans la direction qu'avait pris Elghinn. " FUYEZ ! " Sa voix dérailla. " FUYEZ !" Hurla-t-elle une seconde fois en sentant quelque chose de froid s'insinuer entre elle et le mage. Un bond leste. Une ombre plus sombre encore que celles de cette dense forêt. Un petit corps blanc. Elle raffermis sa prise sur le bras et les cheveux de sa proie et se baissa vers son oreille. " Tu es a moi, sale rat. Où est-il ?! "

Une soudaine poussée la souleva brusquement du corps qu'elle tenait. Penchée en avant, ses côtes protestèrent. Une décharge nerveuse remonta le long de son bras, tétanisant ses doigts. Le poignet du mage s'échappa. Elle eut beau se cramponner à sa crinière claire, un hoquet de douleur lui coupa la respiration lorsque son buste s'étira sur le côté. Puis, aussi soudainement que la glace l'avait soulever, elle éclata en un milliers de miroirs, balayant les alentours d'un souffle froid qui rejeta la drow en arrière.

Jet de constitution:

A demi sonner par la douleur qui vrillait ses nerfs et lui coupait la respiration, il n'en avait pas fallut tant que ça pour la désarçonner. Dans son état, rien d'étonnant. Elle n'avait pas perdu conscience, mais c'était tout juste. La terre contre sa joue, le sol sous elle. Ses cheveux blanc retombés pêle-mêle sur son visage. Elle était couchée sur le flanc. Elle s'obligea à se redresser sur un bras... qui fléchi aussi sec entre les couches de tissus dans lesquelles il était empêtrer et sa propre faiblesse. Son épaule heurta de nouveau le sol. Des larmes de douleur lui montèrent aux yeux mais la rage la tenait toujours sur le qui-vive. Trahie par son corps ! Elle grogna.

Quelques secondes et elle parvenait finalement à se redresser sur son bras droit, le gauche replié contre elle pour juguler une quinte de toux qui lui renvoyait du sang dans la bouche. Ses jambes étaient en appuies sous la tenue de prêtresse à moitié déchirée. A sa taille, les dagues et le marteau de forge pesaient agréablement. Ses yeux sanglants semblaient luire d'une étrange flamme purpurine. Même embuées, ses iris ne quittaient pas la silhouette du mage.

Elle cracha une gerbe de liquide rougeâtre avec un rire mauvais. Sa jument était trop loin pour qu'elle espère l'atteindre en un saut... Et elle voulait la tête de cette enflure. Elle voulait le voir ramper. L'humilier. Le détruire jusqu'à ce qu'il ne reste de lui que de quoi avertir son maître de la réalité de ce qu'il avait engendré en la laissant croupir dans les Ombres.

Tôt ou tard, elle aurait la peau de ce vieux rat de Baenfere.

Piteux état que celui de l’Eldéenne. Tu n’espérais presque pas réussir à te défaire d’elle. Comme tu t’étais trouvé forcé de le faire il y a de longs siècles face à une Halyalindë en proie à ses démons, tu t’étais préparé à ployer devant un véritable monstre cette fois. Mais les circonstances s’évertuaient à t’être favorables. Le destin s’efforçait de t’offrir des occasions d’achever un animal blessé, et cette fois, ta patience arrivant à bout, tu n’étais pas loin de succomber à la tentation.
À peine libéré des siennes, tes jambes se recroquevillent sous ton torse, et te propulsent à la verticale. Le pouvoir s’inverse. Tu regardes la femme peinant à se relever de haut, ton visage, ton bras et ton épaule nus se faisant testament des dangereuses mélodies dans lesquelles ton esprit est d’ores et déjà plongé. L'elfique te coule avec une sécheresse digne de la langue Puysarde.

- Seule Hiril Löthren a le pouvoir de m’ordonner tu fais craquer ton cou et crache une gerbe de salive rougie Je me contente de nettoyer les abominations que votre ancien congénère a laissé derrière lui. ton expression se referme, tes pupilles pourtant d’or s’offrant presque en miroir au carmin des siennes Et pour quelqu’un qui semble autant les apprécier, c’est étrange que tu le détestes lui... Un tour de ton poignet droit, et tu érigeais autour de vous une sphère alvéolée de glace, autrement plus solide que la première à moins que votre tout puissant père des batailles ne t’ait déjà appris sa trahison.

Jet de dés :

Tu n’aimes pas perdre le contrôle. Habitué à la prédation, tu n’aimes pas devenir la proie, et ne serait-ce que quelques instants, tu as été sa victime. Ton poing droit se referme, ton pied gauche frappe le sol, et c’est de sous les pieds de la forgeronne que surgissait le danger. Deux bras de glaise chacun aussi large que son torse se croisèrent derrière puis devant elle avant de se saisir de ses bras au niveau des coudes.
Tu te rapproches d’elle, la respiration lente, contenant la colère, contenant le désir de sang, contenant les pulsions de l’excessive Dame Sauvage. Pourquoi ? Parce que dans son assaut furieux, l’Eldéenne venait de t’ôter d’un doute.

- La seule chienne ici, c’est celle qui non seulement ose se promener au sein de nôtre forêt, en portant à la hanche le marteau de nôtre Toer Tamindal… mais en plus se pavane impunément avec ce qu’il reste de son enfant.

Jet de dés :

Jet de dés :

Tu ignores tout ce que pourrait bien babiller celle qui te fait face. Ses mots n’ont plus de valeurs même devant tes accusations les plus folles. Tes yeux se ferment. Tu cherches le Dragon-Fae. Tu cherches la dissonance de la Panthère. Tu espères que l’un t’aide à trouver l’autre. Les murmures de la Sylve, l’oreille de celui auquel tu es lié, les perturbations de la trame, tu scrutes chaque ligne de la partition du monde, à la recherche de la nuance qui trahirait leur présence.
Tu t’élances, corps entier dans le mouvement, sautes, lance ta jambe gauche en demi-cercle, fais le chemin inverse du bras droit, et lorsque tu retombes, loin à travers les arbres, une détonation retentit. Un œil de flammes s’ouvre en face du petit hybride, mais son explosion n’aura fait qu’accélérer la course effrénée de la panthère. Tu soupires. Qu’à cela ne tienne, tu devras te contenter de la mère.

- Je remercie les pressentiments qui m’ont empêché de te tuer. Ton regard conduit la fée des eaux jusque dans le dos de Krish Tu veux savoir où est Haldren ? Peut-être qu’un jour je serai d’humeur à t’en parler. Après que tu m’aies conduit à Halandarin.

Elle n’a aucune raison d’accepter, et si elle accepte, elle n’a aucune raison de s’y plier. Haldren était repentant. Elle, elle portait plus de rage que tu ne pouvais l’imaginer. La moindre occasion justifierait d’une tentative de prendre l’ascendant, et de lentement déguster ta fin, toi qui depuis le départ avait fait l’erreur de l’épargner. Seulement…

- Tu n’as pas le choix.

Un tour de poignet, un souffle de la fée, et la glace s’abattait violemment dans son dos, au creux de ses lombaires. Le froid, c’est le froid qu’elle sentirait le premier. Mais qu’elle le déguste le froid, parce qu’une fois le froid passé,  elle ne sentirait plus rien.

Tôt ou tard, la Maîtresse des Forges de lave se rappellerait qu’il n’est jamais bon de sous-estimer un Maître des arcanes.

Elghinn était en sécurité avec T'Challa. Le pouvoir du mage la maintenait en place.  Elle buvait chaque parole que l'elfe avait prononcé au sujet d'Haldren. Sa trahison ? Ses abomination ? Plus il en parlait, plus ses yeux brillaient d'une flamme surnaturelle. Le rouge sang de ses iris couvrait peu à peu ses pupilles. Une douloureuse brulure lui emplissait la tête et exaltait sa rage et soif de vengeance. Elle éclata de rire en l'entendant parler du maître forgeron.

- Encore un ami d'Aesus. Pauvre petits elfes abandonnés par leur forgeron." Elle cracha de nouveau, son rire ayant encore malmené ses côtes. " Halandarin m'a choisie. Vos dieux l'ont fait souffrir, je lu ai donné asile. Tu peux aller crever, mais avant dit moi où est Haldren. "
- Tu n'as pas le choix.

Une sensation glaciale transperça tissus et cuir au creux de ses reins. Une terreur atroce se referma sur le cœur de l'eldéenne. Ses yeux, luisant jetèrent un regard par dessus son épaule avant de revenir à son vis à vis. Elle tenta de maintenir son expression moqueuse, serra les dents. Elle se fichait de la douleur. Elle n'était rien. Mais dans les yeux durs de l'elfe, elle venait de comprendre ce qu'il s'apprêtait à faire.

Ses tripes étaient prises dans la glace sans qu'aucune magie ne soit à l'heure. Sa poitrine se serrait si fort en suffoquait. Sa respiration tremblante retenait à grand peine la nausée qui risquait de la submerger. Mais son sourire était encore là. Ses yeux restaient vrillés dans ceux de l'elfe, crachant leur haine tout autant que leur terreur. Elle gigotait, s'étirait au maximum pour retarder l'avancé de la masse de glace qui s'apprêtait à lui briser le dos. Ses lèvres s'agitèrent en un souffle à peine audible.

- Neitar rei;: Neitar hojh;: Neitar areiam;: Kyorl uns'aa, Ilharn ;:
Ne jamais abandonner. Ne jamais renoncer. Ne jamais se rendre. Regarde moi, Père.

Un coup sec. Elle serra les dents à s'en vriller les tympans, ferma les yeux à s'en fendre les paupières. Ses oreilles étaient plaquées sur son crâne. Le premier coup ne suffit pas. Un second, plus fort, fini le travail. Son cœur pulsait à une telle vitesse qu'elle ne pouvait en distinguer les battement. Le sang s'enfuyait. Chaque expiration était accompagnée d'un râle contenu. La douleur n'était rien. La peur par contre, lui donnait envie de vomir.

Tenue debout uniquement par les sangles de glace, elle toussa un rire mauvais.

- Félicitation." Un filet de sueur glissa le long de sa tempe pour longer son rictus. " Tu viens de condamner ceux de ta race à une mort lente. "

- Bien sûr. Tu souffles, continues de chercher contenance Mais ce serait dommage alors que tu croupisses là sans pouvoir en profiter.

Le métal. Si tu connais aussi bien le métal, c’est grâce à Halandarin. Plus que n’importe quel enseignement en géomancie de l’Académie, la manière qu’avait le Toer Tamindal d’agir sur les minéraux t’avait permis d’affiner ta maîtrise sur la terre, sur les cristaux, sur les métaux, sur les alliages… Et ce que tu avais appris en jouant avec les alliages s’était prouvé précieux pour ton approche des autres éléments. Tu devais plus au Toer Tamindal que l’Eldéenne ne pouvait l’imaginer. Tu étais plus proche du Toer Tamindal que l’Edéenne ne pouvait l’imaginer… mais peut-être en étais-tu plus éloigné que tu ne le pensais. Tu savais la souffrance d’Halandarin au sein du peuple elfe, mais jamais tu ne croirais qu’elle ait pu mieux la comprendre que toi. Elle ne pouvait que mentir.

Tu claques des doigts. Une jumelle enflammée vient trouver la fée des eaux. Les lambeaux du blasphème qu’était le déguisement de l’Eldéenne brûlent, lentement, les flammes léchant la tenue qu’elle portait au-dessous sans le moindre instant y prendre, contenues par ta seule volonté vacillante. Là tes yeux cherchent, tes mains cherchent, les lames et les masses, les cordes et les ceintures, les armes. Et les cordes brûlent. Et les ceintures brûlent. Et lorsqu’elles ont fini de brûler, à la commande de ton poing fermé, la troisième des fées se lève.
Celle aux ailes de cristal forgées appelle à elle le métal, les dagues et le marteau. Entre Krish et toi, entre vos deux regards embrasés, les outils flottent, péniblement. Ta main se baisse, tremblotante, et les alliages se défont, le métal se délite, l’unité se fractionne, lames et masses deviennent poussières.

Quelque chose en toi s’en veut d’avoir fait disparaître le marteau d’Halandarin, mais tu préférais ça à l’idée de le voir entre ses mains à elle.

- Alors comme ça Halandarin t’a choisi ? ta main termine son chemin fermée et au sol, et les deux bras de glaise soulèvent l’Eldéenne plus haut, alors qu’ils se voient attribuer un corps Tu es avec moi jusqu’à l’avoir prouvé.

Tes doigts reprennent leur ballet, tu fouettes l’air, brise enfin la sphère de givre qui vous séparait du reste du monde, pour vous entourer toi d’un côté, le golem et elle de l’autre, de bulles incomplètes, construites de ses flocons. Ce sortilège, elle devrait le reconnaître maintenant.

- Tu ferais aussi bien de me dire ton nom. Tu fais le premier pas, et elle se trouve forcée de te suivre, réduite à être portée comme un nourrisson par ton golem Le chemin risque d’être long.

Long et périlleux, tant pour toi que pour elle.

Ne pas céder. elle ne lui donnerait pas ce plaisir. Se sentant soulever, elle donne un violent coup dans la roche, brisant l'articulation du golem en formation. Une pierre vola, tâchée d'un peu de sang de ses phalanges. Bien maigre blessure pour l'être magique manipulé par l'elfe. Dans son état, un peu plus ou un peu moins de fatigue, c'est pas ce qui allait résorber ce porteur improviser. Prise à bras le corps, alourdie par ses jambes inertes, les bras coincés par l'étreinte de pierre, même sa tête était fermement saisit dans la poigne du golem.

Le cœur au bord des lèvres, Krish ne répondit à l'elfe que d'un vigoureux cracha. De toute façon, il n'y avait rien d'autre a faire... pour le moment.

Abandonner la place de prédateur est au moins aussi difficile que ça l’a été pour toi. Trop fière, malgré les blessures, malgré l’épuisement, et malgré la perspective de ne jamais revoir sa progéniture. Elle ne parlera pas à moins que sa vie, ou celle du seul être qu’elle aime soit expressément mise en danger. Tant pis. Pour peu qu’Halandarin soit encore en vie, tu as l’éternité devant toi.

Au rythme de la marche les heures s’égrainent. Bercée par le pas du golem et les roulis de plus en plus proches de l’Oliya, la vigilance de l’Eldéenne finit par s’éteindre, emportant avec elle le poids d’un monde. Enfin l’atmosphère devenait à nouveau respirable. Enfin tes poumons pouvaient s’emplir sans te sembler au bord de l’explosion. Enfin tu pouvais aspirer à autre chose qu’à la mort et au sang.
Tu roules les épaules et soupires. Le soleil est bas. Quelques dizaines de minutes encore et il ferait nuit noire. Tu claques de la langue, peste à voix basse, comme si elle t’épiait toujours, mais tu presses quand même le pas. L’Oliya est trop près pour que tu abandonnes l’idée de te laisser aller à l’eau. La tranquillité du fleuve, tu en as trop besoin pour t’arrêter maintenant. Tant pis si tu ne peux pas arranger de bivouac aussi confortable que celui que tu avais partagé il y a quelques temps avec le dragonnier. L’Eldéenne pouvait bien se contenter de moins.

L’Eldéenne pouvait se contenter de bien moins, mais les automatismes ont la dent dure. Rassembler les branches, tisser les lianes et les racines aériennes à même l’arbre, remplir les hamacs improvisés de feuilles, c’était une habitude trop ancrée en toi pour que tu fasses délibérément moins bien que l’usuel. Seule attention particulière, la couche de la Sombre se devait d’être assez haut pour que s’en jeter ne soit pas une option.

Ce n’est qu’à la faveur des Lunes que tu pus prendre congé de la besogne, et prendre la route de l’Oliya. Quelques minutes à peine, c’est tout ce qui te séparait de la berge, mais ces quelques minutes te parurent infiniment plus longues que les longues heures de marche qui séparaient ce moment de ta rencontre avec la Puysarde. D’ailleurs la Puysarde… le golem la transportait toujours à ta suite, endormie depuis des heures déjà, et empestant autant la poisse que si elle les avait passé à courir sous le soleil.

Tu soupires, une fois de plus.

Les fées d’eau, de feu et de terre postées autour de toi comme tes gardiennes, tu reprenais l’elfe inanimée d’entre les bras du golem. De là, tu t’attelas aussi délicatement que possible à réduire son habit, comme l’était déjà le tien, à son plus simple appareil. Ce n’est que lorsque tu jugeas que tes deux bras suffiraient que tu congédias le plus grand des élémentaires, pour te tourner vers les eaux du fleuve.

Elle était froide, l’Oliya nocturne, mais quoi de mieux que l’eau froide pour nettoyer des blessures infligées par le feu ?

L'adrénaline lui avait permis de tenir. Ce fut aussi elle qui finit par l'emporter dans un cauchemar brumeux dépourvu de rêve, avec l'impuissance pour seule compagnie.

Depuis qu'elle était sortie des ombres rien ne s'était passé comme prévu. Le mage, les gardes, Ardamir, la faim, la soif, l'état d'Elghinn, elle avait réussit à se frayer un chemin malgré tous les obstacles. Elle avait tiré son épingle du jeu. Son fils survivrait. Il était hors de danger pour l'instant. Elle pouvait aussi se consoler en se disant que T'Challa était à ses côté. A eux deux, ils pourraient rejoindre Elda ou brûler l'Anaëh selon leur bon plaisir. Il leur faudrait simplement quelques années de plus...

L'idée qu'elle ne revoit jamais ni l'un ni l'autre ne lui traversa pas l'esprit. Non. Plutôt elle ne se laissa pas aller à penser qu'une telle possibilité pouvait subvenir. Avec ou sans ses jambes, elle s'en sortirait. Elle s'en sortait toujours. Elle ramperait tel un glorieux escargot sur toute la largeur des terres stériles s'il le fallait mais elle accomplirait le but qu'elle s'était fixé après qu'Uriz l'ai menacé de prendre sa vie et de souffler sa Braise du même coup. Kerhel ouvrirait les yeux et ses enfants en paieraient le prix.

Jusque là, elle aurait opté pour une conversion massive, mais plus elle avait rencontré d'elfes durant son voyage, plus la proportion de ceux qui auraient pu être sauvé s'était affinée. Quant à ceux qui auraient été de bons éléments, elle était maintenant lié à eux dans une désagréable dette de sang qui ne demandait qu'à elle pleinement payée. Même si à côté de la Dernière Guerre, son égo n'était rien, par rapport à ces quelques vies, il avait son mot à dire. Aujourd'hui, sa liste s'allongeait d'un nom de plus.

En Elda, la sagesse populaire voulait qu'on reconnaisse la valeur de quelqu'un à celle de ses ennemis. Dans ce cas, celle de la Maîtresse des Forges n'était plus à prouver.

D'ici peut, elle trouverait un mage capable de la remettre d’aplomb. Elghinn l'attendrait à Thaar. Sol'Dorn serait à ses pieds aux premières pluies et les Elda se relèverait avant la fin de l'hiver. Cette seule pensée jugulait sa peur et lui permettait de rester maîtresse de sa colère et de la brûlure atroce dont elle n'avait pas entièrement conscience mais qui bataillait dans sa poitrine pour enflammer son être. Un poids tirait sur son dos mais le vide qui y gisait aurait suffit à la plonger dans une intense panique si elle n'avait pas été convaincue de sa propre volonté de vivre et d'avancer. Ce n'était qu'un moment, un angoissant moment mais un simple moment. Comme les Ombres. Comme la solitude. Comme l'esclavage. Comme les années passées aux mains de son père. Ces mains fortes qui lui retiraient toute possibilité de fuite. Qui...

Elle ouvrit les yeux en criant, se redressant d'un coup pour fuir le contact de l'eau froide avec la ferveur hystérique d'un chat sauvage. Son front vint heurter violemment la tempe de son porteur. Elle bascula dans l'eau avant de comprendre ce qui était en train de se passer. Le froid lui fouetta le visage. Un poids mort l'alourdissait mais elle creva la surface sans trop de peine à la force des bras, le cœur et l'adrénaline déjà parti crever des plafonds, tentant de se dégager de la moindre étreinte par le plus pur réflexe de survie.

- ASSEZ !

L’Ondine lève les bras au ciel, et des gerbes d’eau comme des murs se soulèvent autour du chat sauvage se battant encore avec le fleuve. Puis la surprise première passée, les courants s’ourlent autour d’elle, pour la maintenir sans efforts à la surface.

- Prends le temps de bien te laver, que tout ça ne s’infecte pas. Ta peau est fine et les essences sont traîtresses aussi près de l’Aduram.

Tu te laisses un peu glisser à l’écart d’elle, plus loin de la rive, pour profiter un peu de là où tes pieds ne touchent plus le sol. Flotter entre deux eaux, tu avais toujours aimé cette sensation.

- Je m’occuperai de te poser un cataplasme en sortant de l’eau.

Mais pour l’instant tu avais faim, et quel meilleur terrain de chasse que ton élément de prédilection ? D’un revers de la main tu changes le sens des courants et repousses Krish vers la berge, avant de plonger à la poursuite d’un repas.
Une poignée de minutes sous l’eau, quelques remontées infructueuses, et finalement, ton Art te nourrissait à nouveau. Tes dents s’enfoncent dans le poisson sans considération pour une quelconque préparation. La chair d’anguille… ça remontait à ta sortie d’Aduram.

- Plutôt crever que te laisser poser les mains sur moi. " cracha-t-elle au dos de l'elfe qui s'écartait. Comme acte de résistance, elle aurait aimé attendre sans bouger qu'il revienne mais il aurait été fichu de la frictionner et elle n'était pas certaine de la réaction de ce psychopathe... D'autant plus qu'après des siècles passée seule sans avoir pu ne serait-ce que regarder un mâle digne de ce nom, même les elfes lui paraissaient potables... Haaa, Uriz avait un drôle de sens de l'hum...

Elle s'arrêta. Figée. Sa main se posa sur sa cuisse nue. Elle réessaya. Rien. Pas la moindre ondulation. Sa mâchoire se serra de nouveau. Toute désinvolture envolée. Sa lèvre éclata sous la pression de ses dents, préférant sentir la douleur que le vide. Comme sur les marches du Temple. Le simple fait de toucher ces tas de chair rendus flasques lui révulsaient l'estomac. Plus elle s'appliquait à frotter sa peau, plus elle se rendait compte de ce que signifiait de plus avoir aucune sensation en dessous de la taille, plus son dos se raidissait, tendu d'une colère sourde. Il n'y avait plus de peur. Plus de surprise. Seulement une détresse intense muée en une rage froide. Il n'y avait plus de jeu, plus d'amusement. Plus la moindre trace de compassion ou d'intérêt.

Un rire lui attira l’oreille. Un rire rocailleux. Profond. Elle senti un frisson glisser le long de son épaule et le vit se propager le long de ses jambes sans en percevoir le picotement. Le rire repris. Un rire grave qui n'avait rien de joyeux. Un son puissant résonnait en elle. Une langue qu'elle ne comprenait pas. Une forte chaleur l'enveloppait sans l'apaiser le moins du monde. Une force étrange courut un instant dans ses veines. Elle se rendit compte que cette... Chose... était là depuis longtemps. Comme tant d'autres fois, elle la repoussa. Elle respirait calmement. Profondément. La rage au cœur, elle voyait clairement les alentours, laissant son esprit vagabonder à travers toutes les possibilités d'évasions possibles. Son travail méticuleux gagna en régularité. D'un coup d’œil elle aperçu de la saponaire sur le bord du fleuve et parvint à l'attraper du bout des doigts pour s'en frotter des pieds à la tête.

Lorsqu'elle eut fini, elle ne tenta même pas d'échapper au courants. Pour la première fois depuis des temps immémoriaux, elle regarda son image sur la surface troublée. Ses cheveux blancs tombaient en cascade alourdis par l'eau. Son corps était sec bien qu'encore doté des courbes plus que généreuses d'une jeune mère. Sa peau était couturée de cicatrice. Son bras gauche légèrement tordu était plus mal en point que son côté tailladé ou que l'emprunte de la flèche au dessus de son sein gauche. Elle ne se souvenait plus du sentiment étrange que lui procurait la vue d'un corps lisse. Cela faisait longtemps que le sien ne l'était plus.

Sa toilette devait être finie depuis longtemps lorsque tu te décidas enfin à t’arracher à tes jeux aquatiques pour la tirer de l’eau à son tour. Quelques vertèbres nettoyées de leurs chairs laissées à leur route vers la vase couvrant le fond du fleuve, et finalement tu entamais un crawl en direction de la berge et de l’estropiée qui y reposait. Etais-ce une réaction physiologique face au froid auquel le corps des Drows était bien plus sensible que le vôtre. Etais-ce la fatigue, la lassitude, ou l’ennui ? Tu n’en sais trop rien, mais l’Eldéenne t’apparaissait soudainement plongée dans un imperturbable calme.
De peur de l’en sortir autant que par désir égoïste de tranquillité, c’est avant de la tirer hors de l’eau que tu partis à la recherche des argiles, et des quelques feuilles et fruits dont le broyat garnirait ses pansements. C’est aussi avant de la tirer hors de l’eau que tu pris le temps d’arracher de longs lambeaux de tissu au maintenant inutile déguisement de prêtresse qui la dissimulait pour y appliquer le broyat.

- Attention…

Ta respiration était lente, tes gestes extrêmement mesurés, ton oreille attentive aux flux, mais à aucun moment elle ne se débattit. À aucun moment elle ne se saisit de l’occasion, quitte à ne pas infliger de blessure mortelle, d’ajouter un bleu à ceux qu’elle t’avait déjà laissé au visage et aux flancs. Au contraire, elle se saisit, avec résignation à défaut de gratitude, de l’aide que tu lui apportais, se laissant bander le bras gauche de l’épaule jusqu’à la paume, et le torse du sternum à la ceinture. Jamais tes mains ne s’étaient aventurées sous sa ceinture. Pas alors qu’elle était consciente du moins. La frustration de la mobilité perdue ne demandait qu’à ressurgir, et éclater à nouveau. Mais maintenant… Un de tes bras passa sous ses genoux, l’autre se glissa sous ses aisselles.

- Accroche-toi.

Tes orteils encore légèrement humides se recroquevillent sur l'écorce chaque fois que la plante de tes pieds la retrouve à nouveau. Voguer vers la canopée est un jeu aussi dangereux qu'habituel pour toi, et
son relatif calme semble faire confiance à cela. Peut-être jusqu'au moment où tu la déposais dans son lit de feuilles nourrissait-elle l'espoir de s'endormir pour constater au matin que tout cela n'était qu'un mauvais rêve, une construction de son imagination trop fertile alors que sa vie devenait routinière à l'excès. Combien de fois, lorsque tu étais au plus bas, n'as-tu pas souhaité te réveiller dans tes quartiers à Alëandir, paré à reprendre les aller-retours entre la Bibliothèque, les laboratoires, les terrains d'entraînement et les bureaux de ton père.

- À partir de demain c'est toi qui guide.

Sur ces quelques mots tu gagnas une branche proche, d'où tu attendis que ses yeux se ferment durablement, avant d'à ton tour partir chercher le sommeil dans ton nid improvisé. Pour toi la nuit fut courte, peu reposante, ton sommeil trop léger. Pour elle, malheureusement, c'est sur ses vêtements, grossièrement nettoyés, récemment posés juste à côté d'elle, et sur ton dos, quelques mètres plus loin, alors qu'assis dans ton nid, et toujours nu, tu dévorais ta première prise de la journée, que ses yeux s'ouvrirent.