Partie d'échecs | Sur la ligne des Tours [Libre]

Dernière note de ta mélodie, dernier souffle de ton âme et tu retombais lourdement sur ton oreiller de fortune. Le sommeil à ta porte. La nuit d’Arcamenel fut la première depuis plus d’une ennéade et quatre jours où tu dormis à poings fermés.

Le lendemain le silence serait toujours là. Le vide serait toujours là. Le manque serait toujours là. Mais tu avais retrouvé la force de sourire. Tes écorchures pansées, tes chairs meurtries jetées aux vers, tu pouvais t’accrocher à cette part incomplète de toi-même comme on s’accroche à un souvenir heureux. C’est parce que tu es elfe que le silence te pèse. C’est parce que La Mère vous a fait peuple sous ses grâces que ses grâces peuvent te manquer. Et si tu en supportais l’absence, tu ne pourrais que mieux les apprécier au jour de ton retour en Anaëh.

Tu n’es plus celui que tu étais autrefois. Aujourd’hui, tu es trop proche Kÿria pour t’arracher à elle.

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Tariho de la troisième ennéade de Karfias
Onzième année du Onzième Cycle

Aujourd’hui, sans pour autant que ton sourire soit franc, ton visage est détendu. Les coins de tes lèvres s’ourlent légèrement. Tu marches d’un pas plus énergique, allant jusqu’à fredonner à l’occasion. Aujourd’hui vous posiez enfin le pied à votre première escale. La fameuse Cité de Naélis.

  Naélis et ses artisans à l’ouvrage marqué par le croisement des races et des ethnies.
     Naélis et son culte d’Arcamenel sous son premier nom.
        Naélis et les eaux s’ouvrant à sa porte jusqu’à perte de vue
          Naélis et la magie qui y vibre sous l’œuvre de sorciers mystérieux.
             Naélis, malgré tout une Cité d’hommes.

Ici et là, les espèces sonnantes et trébuchantes s’échangent, les uns grognent tandis que les autres flattent une panse replète. En digne chimère, Naélis en peu de temps t’aura donné d’observer :
- des hommes de lettres certainement aussi obnubilés par les rayons de la Bibliothèque qu’ils pour certains quittaient, pour d’autres rejoignaient, que le sont les érudits des Cités de ton Royaume
- des miliciens aux regards aussi aléatoires que l’était le sang coulant en leurs veines, et aussi disparates que l’étaient sûrement leurs âges
- des prêtres et des chanteurs, préparant leur office avec plus ou moins de ferveur
- des combattants aux parures plus extravagantes qu’elles n’étaient pratiques, avançant le regard bas malgré la puissance de leurs corps, car ici autan qu’à Thaar, ces hommes et ces femmes du spectacle n’étaient que de esclaves côtoyant de trop près la mort.
- des combattants sans déguisements, luttant parfois contre leur propre vie

Parce que Naélis est une ville de mortels, et que là où vivent les mortels est toujours l’empressement, tu constates avec une discrète tristesse comme des Souffles y succombent. Il est des endroits à Naélis où les bandits de se cachent pas, et là où ils se cachent ils observent, parfois seulement discrets à leurs propres yeux.
Parce que malgré ton intimidante stature, et malgré celle du golem qui te suit, tu es à leurs yeux un nouveau visage. Une potentielle nouvelle victime. Un sourire à redessiner à la dague.

- Il faut que je laisse un mot à l’Aurore. Ensuite, on cherche un bateau vers Thaar. tu cherches le regard de l’Eldéenne, l’absence d’agression de ta part presque choquante À moins que je ne fasse fausse route ?

Halandarin. Tu espérais qu’elle n’ait pas encore oublié Halandarin.

Enfin une bonne nouvelle ! Et non. encore raté.

En quelques mots à la Porte de la Cité dont le passage fut passé sous silence, Krish appris qu'Hendrick ne faisait plus parti de la garde car "sa condition est la même que la tienne, noiraude ". Le destin avait un drôle de sens de l'humour. Elle aurait bien rampé jusqu'à la bicoque de l'humain mais s'il n'était même plus capable de se dresser sur ses deux jambes et qu'il avait été assez abattu pour quitter la garde avec le talent qu'il avait à l'arc, il ne méritait pas son intérêt.

Elle joua donc simplement de ses charmes et de ses connaissances pour leur obtenir le passage malgré le dégoût et la suspicion manifeste des gardes de la Portes. Comme à ses précédentes visites, il ne se cachaient pas pour montrer leur haine des drows. Si ses semblables se comptaient sur les doigts d'une main dans toute la cité, c'était un maximum. Heureusement que les noms des nobles marchands auquels elle avait racheté les installations minières dans une vie précédente lui restaient dans un coin de la tête.

Dans la rue, les humains anciennement oppressés par les drows et les péninsulaires d'origines l'observaient avec une haine à laquelle elle n'opposait qu'un sourire provoquant et quelques hochements de têtes. Elle avait pris soin de s'installer sur le côté, repliant légèrement ses jambes comme si elle utilisait le golem en tant que porteur et non en tant que chariot à malade. Elle n'avait rien de plus a faire que de laisser son visage, sa nature et ses cicatrices parler pour elle. D'ici peu, les réseaux les moins recommandables seraient au courant de sa présence et pour peu qu'elle lâche les bons noms au bon moment, les yeux et les oreilles du Chacal se pencheraient assez sur son cas pour rapporter sa présence à leur chef. Elle savait bien que laisser vivre cet hérétique imbécile lui serait utile.

Quelques cracha ponctuèrent leur avancé, mais personne n'osa s'en prendre directement à leur étrange convoie. Un gargouillis s'éleva de son estomac alors qu'ils remontaient l'avenue principale sans qu'elle en semble affecté. Elle avait passé des siècles sans manger, un peu plus un peu moins...

Par contre, elle leva un sourcil quand l'elfe lui adressa directement la parole.

- L'Aurore ? Bien, laisse moi dans une auberge, paie moi une chambre et fait aller-retour si tu veux. A dans deux jours. " répondit-elle, goguenarde. " Tu sais bien sûr que l'Aurore est à la frontière entre Naélis et les Sept-Monts et non dans la capitale de ce petit royaume. "

Quelle lumière...

- Et bien sûr tu as de quoi payer notre passage en bateau ? "

Ainsi en pleine rue, elle laissait libre cours à sa condescendance et à une moquerie qui n'avait rien de tendre.

- Pour que d’ici mon retour tu aies disparu avec mes chances de retrouver Halandarin ? tu fais miroir de son sourcil levé Je ne suis pas à ce point débile.

Quitte à rallonger le voyage, tu as besoin de repères. L’Oliya, la frontière d’Aduram, la Cité de Naélis, les côtes de l’Olienne, tout n’était que compensation pour un sens de l’orientation troublé par l’absence des Chants. Mais deux jours… l’eau est trop près pour que tu aies besoin de deux jours de voyage. Avec un peu d’efforts, quelques heures suffiraient, mais même quelques heures à laisser la Thaarie livrée à elle-même dans une Cité Vaanie… c’était beaucoup trop. Elle était trop à l’aise ici.

- Je sais où est l’Aurore, mais contrairement à ceux qui ont fait leur vie en Ithri’Vaan, sans la Symphonie pour me repérer, j’ai besoin d’amers.

Tu soupires, et t’approches du golem. C’est vrai, tu ne possèdes rien d’autre que ce que tu portes sur toi. Ta seule véritable monnaie d’échange ici est dans les essences ramassées en chemin, destinées à renouveler le cataplasme de ton accompagnatrice provisoire. Seulement lorsque l’on est mage…
Ton poing se referme, et forçant la Thaarie à quitter la position plus ou moins confortable qu’elle avait réussi à se trouver, celui du golem l’imite. Tu reprends ta marche nonchalamment, alors que ton front s’éclaire, et que la pression dans sa paume augmente de manière faramineuse. Ta main se rouvre, celle du golem fait de même, et trop petits pour que quiconque à plus de quelques mètres ne distinguent plus que des paillettes, y trônent de menus cristaux. Des gemmes.

- Ne t’inquiète pas pour la monnaie d’échange.

Qu’elle s’inquiète plutôt de son estomac. À force d’entendre le sien grogner, le tien cesserait bientôt de réfréner ses protestations. Désavantage de la ville, ni proies ni fruits à cueillir librement. Désavantage d’une forte stature, les muscles sont des organes voraces.
Elle ne s’y retrouverait pas seule, mais vous vous trouveriez bien obligés de faire arrêt à une taverne avant de reprendre la route vers la Guilde de Mages. Tu soupires, pestes et soulève les sourcils dans une seule gymnastique du visage alors que vous approchez d’un établissement. Si tu n’avais pas à cacher ton antipathie à son égard tant qu’elle était transportée par le golem, il te fallait retenir ton sourire à peine retrouvé de mourir lorsque tu offrais à l’élémentaire son congé. Un établissement de restauration n’était pas place à de telles démonstrations de magie.
C’est dans tes bras à toi qu’elle devrait passer la porte, sous les yeux écarquillés d’un public au nez baignant dans les vapeurs d’alcool. Et c’est force de ta délicatesse qu’elle devrait s’asseoir.

- Mange à ta faim.

Une fois le serveur prêt à prendre votre commande, tu ne te gênerais pas pour demander de quoi faire de même.

Et elle ne se fit pas prier. Commandant tout ce que l'elfe la laisserait prendre, le serveur du entasser jambon, tripes, lard, poularde, tourte à la viande... Tout ce qui avait vécu et qui était mort pour sustenter des papilles faisait le plaisir de la drow. Elle se bafra comme si elle n'avait pas mangé depuis des mois... Ce qui était plus proche de la vérité que d'aucun auraient pu le croire.

- Isten qu'est-ce que c'est bon. " anona-t-elle en se pammant après avoir avaler un morceau de porc à peine cuit. Elle avait le visage couvert de jus de viande, son unique tunique n'évitant le bain que par l'attention qu'elle y portait, sachant qu'elle n'aurait pas l'occasion de se changer. Elle se moquait des regards moqueurs ou révulsés qui l'entouraient. Cette haine passive, était une sorte d'eau fraiche et pur dont tout drow méritant savait s'abreuver. " Aubergiste ! Du vin ! " rugit-elle la bouche encore à demie pleine, ponctuant chaque nouvelle bouchée de grognement de contentement et de soulagement. " D'ailleurs. C'est quoi ton nom déjà ? "

Jet de chance:

Du coin de l'oeil, elle tentait de vérifier si certains visages lui étaient familiers, mais pire que ça, aucun ne semblait suffisament louche ou suffisament bien mis pour que ce qu'elle dise soit rapporter aux bonnes personnes. L'elfe avait choisi une auberge passante... Exactement celles qui racollaient les marchands et les tourristes pour leur faire payer le prix fort. Il n'avait décidément aucune dignité... Mai au moins c'était bon.

L’entrain avec lequel la Sombre dévorait tout ce qui lui passait à portée avait presque quelque chose d’une juvénile innocence… lorsque l’on oubliait que le jus lui suintant des bajoues était autant de sauce que de sang. D’entre l’elfe quasi sauvage et celle qui a vécu entre la haute société Eldéenne et la bourgeoisie Thaarie on aurait imaginé que ce soit le premier soit le moins distingué ; pourtant si la quantité de nourriture à votre table était la première chose à attirer les yeux, c’est la manière qu’avait ton invitée de se bâffrer qui les retenait.

Si la situation avait été autre, tu t’en serais certainement amusé, seulement quand même estropiée elle représentait pour toi un danger de mort, tu ne pouvais que te contenter d’engloutir viandes, champignons et légumes de saison en silence. Tu ne partages pas l’envie de te faire remarquer, mais une part de toi comprend sa réaction. Toi aussi les plats cuisinés t’avaient manqué.
Il ne manquait que l’alcool de frelon que tu appréciais tant, et dont tu ne pourrais que penser la saveur. Peu de chances que tu trouves ici un breuvage déjà bien rare chez les elfes l’ayant pensé.

- Lœthwil.

Tu réponds à la question du tac au tac, entre deux bouchées, avant de reprendre le cours de ton repas, sans rien rajouter. Ce que tu ne dis pas, ton visage le laisse entendre. Pour les Naélisiens, ton nom n’avait aucune signification. À Thaar non plus il ne voulait rien dire. Ce n’est qu’en Anaëh qu’il portait du poids, et s’il était lourd, il était jeune. Et vous vous adressiez à peine la parole… alors pourquoi ? Pourquoi te demander ton nom, et pourquoi maintenant ?

Interloqué, mais pas assez pour que ton appétit soit coupé, en attendant qu’elle développe ce à quoi elle voulait en venir, tu commandais quelques livres supplémentaires de nourriture…

Du sable… du sable… de la poussière… oui… Tu avais rien qu’à vos pieds largement de quoi payer votre consommation.

Elle ne revendiqua et n'expliqua ni sa question, ni les projets qu'elle concevait peu à peu. Maintenant, elle avait l'information nécessaire à ses prochaines décorations et manigances. C'était tout ce qu'elle voulait. Pour le reste, elle retomba dans on mutisme et se baffrait comme la dernière des gueuse, son esprit trottant de toute côté. La Vengeance, son environnement, l'Elfe, et bien sûr Elghinn. Elle aurait pensé être plus inquiète à son propos mais non. Elle l'avait suffisamment bien éduqué pour qu'il s'en sorte. S'il arrivait à destination, ce serait la plus belle des récompenses pour eux deux... Mais cela ne l'empêchait pas de se sentir étrangement seule.

Elle engouffra une pièce de jambon fumé supplémentaire. Une autre de lard. Jusqu'à ce que la peau de son vendre ne puisse plus tolérer de telles tortures. Alors elle se cala dans le fond de son siège avec satisfaction, ravala son envie de sexe, d'alcool et de fumée pour s'efforcer de profiter de la sensation de satiété extrême qui lui remontait jusqu'à la glotte. Dieux... Cela faisait des siècles...

Du plat à ta bouche, le mouvement est régulier. Les ellipses difformes se veulent un métronome. Une légère lueur traverse front dos et bras droit, et sable, poussières et argiles se rassemblent en secret. Ton chemin vers la satiété tu l’atteins sans mot dire, le silence seulement brisé par gémissement de plaisir.
C’est le tavernier maintenant qui se frottait les mains à l’idée de ce que vous lui rapporteriez. À vous deux vous aviez consommé pour le poids d’une belle bête, et vous n’aviez pas non plus fait le choix des viandes les moins raffinées. Entre le tenancier et les habitués des regards lourds de sens furent échangés. Si vous étiez des piques assiettes, vous ne seriez pas les premiers, mais pour peu que les gardiens de l’endroit se soient chargés de vous… les tissus elfiques valaient une fortune sur le marché.

Tu te lèves, soulèves Krish d’un bras dans un geste devenu presque trop habituel, et sous les souffles courts de l’assistance tu te diriges vers le comptoir. Les petites dents du tenancier brillent d’un sourire témoignant de ce que son établissement lui rapportait, tandis que ta main gauche lui laisse un paiement que le commun des mortels aurait raison de trouver fort gras.

Papillon de quartz sculpté à l’écaille près. Sables de l’Olienne.
Minuscules fleurs de diamant. Poussière de sédiments.

- Merci.

Jet de dés : chance:

Un objet précieux est un objet précieux, quelle qu’en soit la méthode d’obtention. Le tavernier, trop occupé à imaginer compter ses potentiels sous n’aurait rien à y redire. Les gens plus observateurs, et moins recommandables, eux, trouveraient certainement plus d’intérêt dans un être capable de créer des richesses à partir de rien.
Peu après que vous ayez quitté les lieux, plusieurs se levèrent. Plusieurs vous suivirent avec toute la discrétion dont étaient capables des hommes de main pour certains au bord de l’ivresse. Seulement quel menace pouvaient représenter les ivrognes sortant d’une taverne passante pour un mage ne connaissant pas les ficelles de la Cité ? Les voir était une chose, comprendre qu’ils fonctionnaient avec la moindre logique en était une autre. Quant à comprendre que cette logique menait à toi…

Jet de dés : percpetion:

La construction du golem, la prise en charge de Krish, tout était devenu une triste routine. La route, tu l’avais reprise de façon trop nonchalante. Tu aurais dû te douter que ton otage n’était pas la plus grande menace que tu rencontrerais.

Se faire remarqué de la façon la plus grossière et visible qui soit : check. Avoir le nom de son bourreau : check. Si les fourchettes n'étaient pas monnaie courrante dans ce genre de lieu, le couteau était nécessaire pour desosser la viande qu'on leur avait laissé... Et dans la monotonie du repas, le récupéré était trop tentant.

Tandis que l'elfe la quittait un moment des yeux en se levant, la lame qu'elle utilisait depuis plusieurs minutes maintenant se rétracta aussi rapidement que possible dans sa manche.

Jet d'agilité:

La lame accrocha légèrement sa peau mais pas assez pour que le sang ne se mette à couler, et glissa jusqu'à son coude sans difficulté, de manière à ce que son geolier ne s'en apperçoive pas lorsqu'il la soulèverait. Comme d'habitude, elle le laissa faire et ressortit en lançant au tavernier un retentissant :

- Chapeau l'ami ! C'était excellent !

Les regards mauvais des pochetrons se firent encore plus haineux. Elle envoya un sourire lumineux au plus aviné d'entre eux juste avant de passer la porte. A l'extérieur, elle reprit place sur le Golem et se laissa entrainée au rythme de sa marche lente, tendant l'oreille pour apprécier l'arrivée des bourrins qui leur collaient au cul.

- 3... 2...
- Hey ! La noiraude et son bâtard !

La diction, le roulement des épaules, la façon que le type avait de les regarder. Tout était parfait. Si parfait, que Krish s'autorisa un sourire.

- Je crois qu'ils te parlent. " souligna-t-elle à l'attention de son tortionnaire.

Quatre gros bras avinés s'approchaient dans la large rue, poings serrés. L'odeur de l'argent d'une bonne raclée semblait les avoir mis en jambe. Le chef de meute, le plus petit des gars avec le nez en choux-fleur et de grands yeux étrangement enfantin, cracha en avançant d'un pas de plus.

- Vous vous pavanez comme des rois. Cafards. Vous auriez jamais du venir dans notre ville, sales monstres.
- Ils ont pas l'air jouasse..." sourit l'eldéenne en employant un argot typiquement thaari.

Vint l’instant où les ignorer était devenu impossible. Ta marche ralentit, ta mâchoire se tend. Ils vous suivaient vraiment les imbéciles. Ces Cités humaines et leurs rats d’égoûts… Saleté de peau-de-suie. Toujours à manigancer des plans foireux. À faire les yeux doux aux ivrognes et à s’empiffrer comme un crapaud de Faélia, elle savait bien de qui elle voulait se faire remarquer.
À défaut de les voir, tu sens la présence des silhouettes dans ton dos. Tu entends d’où viennent les pas et où ricochent les voix. Approximativement, tu fais un compte des forces adverses, espérant que les choses n’aient pas à en arriver là. Ils vous interpellent, roulent des épaules et jouent des biceps, au grand bonheur de la Puysarde, qui s’amusait plus que de raison à leur rendre autant de regards provocateurs qu’elle te douchait de ses sarcasmes.

- J’espère que tu es fière de toi.

Tu lances à l’Eldéenne dans un souffle de voix empreint d’une profonde lassitude. Puis tu continues de ralentir, le pas comme accroché par leur présence. T’arrêter, c’est leur accorder entier pouvoir sur toi, et risquer l’éclatement d’un conflit qui leur paraîtra alors gagné d’avance. Accélérer, c’est devenir une cible en fuite, et les exciter autant eux que la garde. Alors tu préfères garder ton calme, t’imposer comme toujours décidé à tracer ton chemin, sans pour autant entièrement les priver de leur droit d’exister. Et si tu ne les regardes pas, c’est parce que pour autant que tu les saches là, pour autant qu’ils puissent poser une menace, tu ne peux pas te résoudre à leur accorder le bénéfice de se penser assez menaçants pour réellement t’inquiéter. Parce que ce n’est pas le cas.

- Nous sommes seulement de passage. Vous nous aurez bientôt oublié.

Ton bras droit se lève de par-dessous ta cape. Ton bras nu. Paume ouverte. Signe d’immunité plus que de reddition.
Tes yeux se ferment. Tes boucles d’oreilles s’imprègnent d’un léger scintillement. Et la lumière court dans tes chairs. Elle coule le long des lignes de force partant du lobe de ton oreille pour se répandre à travers toute la toile tracée sur ton épiderme. Elles redessinent la musculature d’un bras fort, levé en opposition à leur avancée.

- Ni vous ni moi ne tenons à ce que tout ça aille plus loin.

Seule Krish y trouverait peut-être son compte.

Jet de bêtise avinée:

- Regarde moi quand tu me parle du con !
- Teegan... C'est un mage quand même.
- Et qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?!

Les suivants du petit teigneux se concertèrent du regard, incertains. L'idée de se battre contre un golem et un mage semblait les avoir considérablement échaudés. Seul restait leur chef, chaud comme la braise.

- Ouais. Tu ferrais mieux de ne pas te frotter à plus fort que toi. Mettre du beurre noir sur l'aubergine qui te sert de tarin te rendrait pas plus séduisant. "

Jet de bêtise avinée:

Un glapissement à sa gauche. Le chef de bande allait se jeter sur l'eldéenne lorsque son plus proche comparse éclata de rire, l'immobilisant instantanément. L'homme, un grand blond a l'oeil humide, se tenait les côtes, incapable de s'arrêter. Les autres se mordaient les joues pour ne pas éclater, prenant toutes sortes de teintes du rouge foncé au rose fuchsias. Le premier à rire croisa le regard de son chef de fil... Et se prit un coup de point en plein visage. En l'espace d'une poignée de seconde, tout avait dégénéré et les clampins se mettaient sur la gueule sous les yeux luisants de l'eldéenne qui se cramponnait au haut du golem pour voir par dessus sa structure.

Jet de Chance:

Moins d'une minute plus tard, alors qu'elle et l'elfe s'éloignaient à peine, une troupe de garde arriva quatre à quatre pour séparer et boucler les pochetrons sous le regard moitié choqué, moitié soulagé des passants de ce début de soirée. Les bon-gens remuaient la tête avec dépit.

- Bien le bonsoir Messieurs ! "

Le dernier garde de la file se retourna en sursauta, prêt à donner un coup à l'importun, mais ne vit que la tête d'une drow au visage sillonné de cicatrices, portée par un tas de caillou lui adresser un signe de la main avec un grand sourire.

- Mes amitiés au Chacal ! "

Médusé, le gars la regarda s'éloigner de quelques pas avant d'être rappelé par ses comparses pour accomplir son glorieux devoir. Dans les ombres, les échos de cette étrange rencontre et du duo d'étranger qui l'avait provoqué s'égailleraient bientôt... Très bientôt.

Ce que le temps avait transformé en support redevint une étreinte. Aux premières provocations de la Thaarie, c’est ton golem qui réagit avec le plus de virulence, la resserrant contre lui, comme menaçant de la réduire à l’inconfort des premiers jours. Des mouvements trop discrets pour être perceptibles aux trognes avinées et aux passants interdits réduisaient lentement la marge de manœuvre de celle qui était censée être ton otage… sans pour autant réfréner ses ardeurs.

Elle sait t’être pour l’instant plus utile vivante, et elle en profite allègrement.
Mais ses derniers mots furent les mots de trop.

La Sombre millénaire redevint une enfant. Enlacée par un parent au cœur de pierre.
Non, elle n’aurait pas la tête maintenue comme elle l’eût été au départ. La délicatesse de votre relation serait trop apparente sinon. Cette fois c’est dans une chambre à écho qu’elle se retrouverait prisonnière. Les bras du golem s’élargirent, formant lorsqu’ils se refermaient sur elle comme une nacelle. Et si elle pensait pouvoir passer le visage par-dessus la rambarde… les irrégularités de la surface de pierre se firent plus évidentes, plus imposantes, certaines venant en plus de l’étreinte de l’élémentaire faire obstacle à ses mouvements.
À ce rythme, tu lui taillerais volontiers une encoche sur mesure.

Tu ne sais pas qui est ce chacal, mais le nom seul laissait à penser que si tu traînais, il serait bientôt temps d’oublier l’idée d’embarquer à direction de Thaar, à moins de passer contrat avec une quelconque vermine… ou de prendre place de force. Ton avancée reprit son rythme soutenu habituel, peut-être même un peu plus rapide, en direction des quais de la ville.

Jet de dés : percpetion:

Où ? Lequel ? Il devait bien y en avoir au moins un parmi la myriade de vaisseaux marchands qui mouillaient ici. Même s’ils se voulaient partenaires préférentiels des terres humaines de l’Ouest, Naélis ne pouvait pas avoir fait l’impasse sur le partenariat avec Thaar. Juste quelques mots. Tu as juste besoin d’entendre quelques mots. Tes oreilles dansent comme celles d’un chat en chasse, alors que tu cherches l’embarcation qui vous sauvera la mise. Et loués soient les sens perçants légués aux elfes par la Prime Déesse, il ne te fallut pas bien longtemps pour surprendre des marchands d’épices, chargeant une cargaison de denrées autochtones à destination de la Cité du Joyau.

jet de dés : chance:

Jet de dés : chance:

- Excusez-moi messieurs.
- Qu’est-ce qu’y a pour vous ? Les marins surpris par la voix étrangère à leurs conciliabules lèvent les yeux vers toi.
- Ma camarade et moi cherchons à rejoindre Thaar, et je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre que c’est là que vous vous dirigiez.
- Dis-en pas plus camarade. C’est pas contre toi, mais le capitaine est pas là, et l’est pas genre à aimer avoir autre chose que ses hommes et ses marchandises à bord. Ton interlocuteur hausse les épaules Puis c’est vrai que vous sentez pas le sans-le-sou, mais j’crois pas que toute la richesse des Princes Marchands puisse acheter la confiance du Capitaine alors bon…
- Aucune idée d’un autre navire qui y parte bientôt ?
- Oh, y’a bien l’autre rapiat et sa caisse à grains qui prennent l'eau un peu après nous. Pour peu que vous ayez deux pièces, j’doute qu’il trouve pas moyen de vous caser entre deux sacs. Surtout qu’il est habitué à marchander avec les comparses de l’autre madame là.
- Merci bien.
- À vot’ bon cœur !

Du sable, des pierres, une monnaie d’échange… tu avais été plus discret cette fois-ci. Les gemmes, tu les avais rassemblées avant d’entrer dans le repaire de commerçants. L’autre rapiat trouverait paie relativement grasse pour votre présence à bord. Krish trouverait à défaut du golem un fauteuil dans lequel s’asseoir en attendant que le départ soit donné.
Plus de chambre d’écho de pierre cette fois. Seulement une brise froide qui ne soufflait que sur elle.

Plus que quelques heures à tenir avant que la fin n’approche.

Quant à toi, une plume, un encrier et un parchemin « offerts » par le capitaine en main, tu profiterais de ces quelques heures pour rédiger les mots que tu n’aurais pas l’occasion de dire en face des mages de l’Aurore.

Le jour ne tarderait pas à se lever. Sur le ponton, une silhouette encapuchonnée de blanc faisait face à l'océan en écoutant le monologue sans fin d'un humain dont les vêtements luxuaires ne parvenaient pas à cacher la carrure ridiculement maigre. Le vent marin faisait onduler son vêtement, laissant entrevoir un visage à la peau d'un noir d'encre percé de deux yeux d'un rouge sanguin d'une douceur perçante.

- Tu es sûr ? " fini par demander le drow.
- Oui. Les gars ont été relâchés dans la foulée et ils l'ont tous confirmé. Mais aucune trace du petit.
- Rassemble mes petits rats, j'ai une promesse à tenir.