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 Traffic de betterave

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Aymilie
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MessageSujet: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeJeu 27 Sep 2018 - 10:31


La plus belle aventurière que le monde ait connu avait ce jour-là, comme chaque jour depuis deux semaines, le nez plongé dans le livre de compte de Gerald le débonnaire, illustre marchand Thaari qui avait ses entrées dans le Sol'Dorn et qui, depuis peu, tournait ses regards vers des opportunités plus à l'ouest. La jeune fille examinait les lignes de compte d'un œil expert surprenant pour son jeune âge ; c'est ce contraste qui avait impressionné le marchand lorsqu'elle était venue chercher du travail, sortie de nulle part et arrogante comme une duchesse péninsulaire.

A ses mots mâtinés d'un accent épouvantable et ses manières pleines de morgues, Gérald avait pensé qu'elle était Oesgardienne et qu'il perdait son temps avec une imbécile. Il avait toutefois laissé la rouquine déballer son discours aussi longtemps qu'il trouvait agréable de la regarder. De cette beauté brouillonne et nullement mise en valeur, il se lassa vite. Pourtant, et bien qu'il ne comprit qu'un mot sur deux, ce qu'elle esquissait était prometteur. Une demi-heure plus tard il la prenait à l'essai. Une semaine après, il l'engageait et lui ouvrait doucement le fonctionnement de certaines affaires, la gardant prudemment à distance des plus lucratives.

L'ambiance Thaari ne déplaisait pas à la rouquine aux yeux verts, dont le henné s'estompait et les racines trahissaient désormais le chatain foncé. Elle se coiffait à présent d'un austère chignon enroulé autour d'une baguette. Gerald avait eu la courtoisie de lui prêter quelques vieilles affaires de sa fille pour quelle se fonde dans la masse ; elle se doutait que cette générosité était motivée par l'état de ses vêtements de voyage qui faisaient honte au prestigieux marchand par leur allure barbare, et elle en était vexée comme un pou tout en simulant l'inverse.

Les tissus de ses nouvelles tenues, adaptés au climat, et les couleurs criardes lui convenaient tout à fait, mais il en allait tout autrement des coupes. Elle s'était même permise de recoudre des bouts d'étoffe pour faire disparaître les décolletés d'une effroyable profondeur des femmes Thaari. Personne n'avait trouvé cela de bon goût, mais on la laissait faire ses excentricités de péninsulaire revêche.

Prescott Noble Griffon (aucun lien de parenté), était quant à lui bien perplexe de la présence de cette petite. Le chef d'équipe des dockers du marchand débonnaire venait de passer sa matinée à débarquer un vaisseau scylléen qui ne contenait que des sortes de gros oignons rouges, une variété qu'il n'avait jamais vu. Le navire était reparti avec des épices et des mets raffinés d'une valeur conséquente et sur laquelle, à son goût, son marchand d'employeur n'avait pas pris suffisamment de marge. Un nouveau marché, peut-être, mais bien peu juteux à son goût. A ce sujet, une fois la tâche accomplie et devant la curiosité de chacun, il avait pris sur lui de goûter un de ces oignons : le seul mot qui lui venait en y repensant était "dégueulasse".

La nouvelle, il l'appelait Amélie. Elle s'était présentée à lui sous ce nom, mais Gerald l'appelait juste Mélie, et la vieille Bertha, la seule comptable jusqu'à la semaine dernière, l'appelait "Mimi la roulure" ; son agacement devant les manières arrivistes de la petite n'étaient peut-être pas tout à faire étranger à ce surnom. Prescott s'approcha donc d'Amélie, ou quelque soit son vrai nom, et lui fit part du travail terminé en lui apportant l'échantillon qu'elle avait demandé. Elle hocha la tête avec satisfaction, posant sur lui un regard lui donnant l'impression d'être juste un rouage quelconque parmi ses plans. C'était désagréable, aussi lui parla-t-il de ces légumes au goût dégueulasse, agitant une preuve empreintes de traces de dents à l'appui.

« 'Est d'la Bett'rave, 'a's'prépare » lui répondit-elle avec évidence sans même décrocher les yeux de son livre. Prescott ne trouva pas quoi répliquer à une telle assurance, il repartit de son pas lourd expliquer à ses hommes que cette étrangeté était de la bête Trave Asprépard.

Une fois seule avec son colis, la jeune fille rangea le livre de compte pour se lancer dans l'étape la moins intéressante mais la plus critique : la cuisine. Elle prit les ustensiles qu'elle avait déjà prévu et commença à faire valdinguer les huiles et vinaigres tout en donnant du couteau. Elle était satisfaite de l'état de conservation du produit malgré la traversée. Il ne lui fallut que quelques minutes pour présenter des lamelles d'un beau rouge tranchant avec la belle assiette incrustée qu'elle avait emprunté au vaisselier du marchand. Il était temps, ce dernier revenait justement.

« Ah, Mélie, j'ai croisé Prescott, il m'a dit que nous avions reçu vos Traves Asprépard, quand pourrais-je goûter cette merveille inconnue de nos contrés ? »

La jeune fille sentit la voix pleine de doute chez son patron, elle maudit intérieurement le chef des dockers ; quant à la mauvaise prononciation des Thaari, elle en avait soupé de corriger tout le temps leurs sonorités improbables et laissait désormais couler. Elle lui tendit donc l'assiette qui fit apparaitre la surprise dans les yeux et surtout les sourcils du marchand.

« C'est assez drôle cette couleur, ça fait joli dans une assiette »

Il goûta, s'attendant à quelque chose de doux et sucré comme toute chose qu'il avait l'habitude de manger, il en fit la grimace. Lorsqu'elle lui avait parlé betterave, il avait pensé à sucre. Elle avait eu beau le détromper en lui parlant de betterave crapaudine originaires d'Opafrouille à la couleur violacée, il n'avait pas compris la moitié et n'en avait pas démordu, il y avait forcément du sucre dans cette histoire. C'était une petite déception.

« Hum c'est heu... particulier. »
Au moins, ce n'était pas aussi mauvais que ce qu'avait dit Prescott.

L'aventurière au henné avait prévu cette réaction, sans doute le goût seul de la betterave n'allait pas faire merveille et justifiait que personne n'en ait tenté jusqu'alors son importation. Mais c'était là le génie : faire passer la betterave pour un produit de luxe, beau dans l'assiette, fin dans la bouche, pas si époustouflant que ça niveau goût au final : c'est à dire le comble du chic. Elle ne s'était pas cachée de ce raisonnement au marchand, qui était d'accord pour dire que tout ce qui est rare est cher, et de betterave on ne trouvait guère ici. Elle s'entendait bien avec lui, il comprenait vite. Vraiment, cette vie à Thaar n'était pas désagréable, plus de mer ni marins, plus de marches sur les routes, plus de dangers. Il n'y avait qu'une chose pénible à son goût ici : les habitants.

Il y avait un mélange de toutes les origines, et c'en était très déroutant. Non pas que la jeune fille soit très intimidée par les accents des humains venus des quatre coins du monde, même si le sien ne rencontrait qu'incompréhension, elle comprenait de son côté assez bien, mais elle était horriblement mal à l'aise devant les créatures aux oreilles pointues qui se trouvaient en très grand nombre selon ses critères.

Elle en avait déjà vu dans les grandes villes de la péninsule et avait pu observer du coin de l’œil les manières suspectes de ces races efféminées. Mais là-bas, il était évident que ces choses juraient avec l'ordre naturel du monde et elles n'étaient que des curiosités ; comme le squelette de Cassandrouille, la laie bucéphale qu'elle avait vu petite, à Mercatel. La nature se permettait parfois ce genre d'excentricité, par expérimentation sans doute et tâtonnement maladroits.

Ici, il y avait cette ambiance malsaine de tolérance envers ces choses, certains mêmes les regardaient comme s'ils étaient tout à faire normal ; et d'autres encore, dont était Gerald malheureusement, semblait les apprécier. C'était assez incroyable et on se sentait étouffer à essayer de comprendre cette idée.

Il était pour l'aventurière tout simplement impensable d'avoir une quelconque considération pour des centenaires aux traits enfantins et aux mentalités retardés. Ils étaient comme de vieux arbres, ils paraissaient majestueux avec l'âge, mais à force de ne pas remuer, ils avaient du lierre entre les oreilles. Et justement, aux côtés de l'estimé patron se trouvait une de ces pimbêches qui, pour filer la métaphore, avait une bonne tronche de saule pleureur.

La jeune fille était exaspérée de voir le marchand Gérald proposer à cette Azza de goûter des « Asprépard ». C'était comme demander une expertise à une fougère.

 


Dernière édition par Aymilie le Ven 28 Sep 2018 - 7:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeJeu 27 Sep 2018 - 21:55

En règle générale, Azza n’avait rien contre les éphémères, d’autant que la grande majorité connaissait leur place et savait y rester. Elle avait, sans que ce fut véritablement surprenant, plus de mal à encadrer les rares spécimens qui n’étaient même pas capables de réprimer une grimace de dégoût chaque fois qu’ils posaient leur regard débile sur elle. Amélie avait beau faire preuve d’un minimun de discrétion, ses rictus polis n’en agaçaient pas moins la prêtresse. Elle avait plusieurs fois abordé la question avec Gerald, qui s’était contenté de répéter qu’il « l’aimait bien » et qu’il la « trouvait rigolote ». La doeben avait bien essayé d’insister, jusqu’à tomber dans le caprice pur et simple quelques jours plus tôt et de réclamer son renvoi manu militari. Il s’était contenté de lui rire au nez. « Quand ce vieux croulant de Tebryn arrêtera de me regarder comme si je puais la pisse, peut-être que j’y songerais, » avait-il ironiquement promis tout en retournant vaquer à ses occupations.

Leur échange un peu vif avait rappelé à Azza qu’elle n’était, malgré ces deux années, qu’une invité dans la demeure du Débonnaire et elle avait donc boudé toute la journée du lendemain, car c’était bien là sa seule représaille. Gerald devait l’avoir compris, parce qu’il se montrait depuis plus affable encore qu’à son habitude. Il lui demandait son avis pour tout et n’importe quoi — surtout des détails, en vérité, mais elle faisait mine de ne pas le remarquer. Elle ne s’étonna donc pas de le voir débouler dans sa chambre peu avant midi — elle flânait encore paresseusement dans son lit à ce moment-là — en la pressant de le suivre. Elle protesta pour la forme, mais il ne voulut rien entendre et elle se retrouva bien vite à le suivre, avec rien de plus sur les épaules que son fin linge de nuit.

« Je n’ai pas faim, Gerald, avait-elle protesté quand il lui avait expliqué son histoire légumière. Je n’ai aucune envie de goûter tes…

Traves Asprépard, compléta-t-il quand il comprit qu’elle buttait sur le mot. Il n’est pas question d’en manger une bol entier. Simplement, je veux savoir si le goût convient à ton palais.

Pourquoi ? insista-t-elle en haussant légèrement un sourcil.

Eh bien, pour savoir si je peux en importer à Sol’Dorn, pardi, expliqua patiemment le marchand.

Mais… » commença-t-elle avant de renoncer. Ce que tu dis n’a aucun sens, se contenta-t-elle de maugréer en son for intérieur. Ce n’était pas la première fois qu’elle surprenait le négociant à la considérer comme son mètre-étalon, dès lors qu’il s’agissait de vendre quelque chose aux daedhels. Comme si elle était représentative des siens ! En même temps, elle passait son temps à confondre les éphémères, alors c’était sans doute de bonne guerre. Ils finirent leur court périple en silence et Azza le laissa s’engouffrer en premier dans sa cuisine. Plutôt que de s’intéresser à l’interlocutrice de son hôte, elle préféra s’appuyer lourdement contre le mur et fermer les yeux pour juguler son mal de crâne. C’était que la drôlesse s’était couché tard la veille — ou plutôt au petit matin — et que cette escapade imprévue la mettait déjà à rude épreuve. Il fallut que le Débonnaire lui mit l’assiette à moitié entamée sous le nez pour la ramener à la réalité.

« Eh bien ? Goûte ! » lui intima-t-il en agitant encore le plat.

La prêtresse soupira, leva les yeux au ciel et tendit les mains en signe de capitulation. « Un bouchée et je retourne me coucher, d’accord ? » Et Gerald de pouffer gentiment en lui refourguant son assiette et une fourchette. Circonspecte, la doeben joua quelques secondes avec sa nourriture un peu particulière, avant de renifler l’étrange légume avec méfiance. Finalement, elle en prit une bouchée, mastiqua avec application et rendit son verdict. « Bof. » Alors seulement elle remarqua la rouquine qui l’observait par dessus l’épaule de Gerald. Elle pencha légèrement la tête avec un sourire narquois. « Oh, Mimi, c’est toi. » Si la Péninsulaire se plaignait de l’accent de Noble Griffon, elle devait a-do-rer celui, plus particulier encore, d’une native de Sol’Dorn élevée par des puysards. « Je ne t’avais pas vu. »



Dernière édition par Azza le Mar 2 Oct 2018 - 6:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeMar 2 Oct 2018 - 0:54


La plus belle aventurière que le monde ait connu prenait sur elle alors que la créature prenait son temps. Quelle ineptie que demander l'avis d'une chose pareille et quelle tristesse qu'on puisse se fier à son jugement. Evidemment, comme la noiraude faisait partie du marché visé pour l'exportation, cela devait avoir un sens de se soucier un minimum de ce qu'appréciaient les gens de là-bas, mais ce que la raison approuvait, son cœur ne pouvait s'y résigner.

Et cette langueur, cette langueur épouvantable qui n'en finissait pas, chaque geste, chaque pas, tout était ralenti, tout était lent, tout chez elle enfin était ennuyeux. A quoi bon vivre si longtemps pour ne rien faire de ses journées ?

Les protestations silencieuses de l'aventurière ne s'arrêtaient pas à cela, il y avait aussi la tenue : était-ce une heure pour se pavaner dans cet accoutrement, plus vulgaire qu'une missédienne au bal ? Ces choses n'avaient décidément aucun sens de la bienséance ou la moindre parcelle de vertu pour s'afficher de la sorte.

Mais on touchait à l'horreur lorsqu'elles se mettaient à émettre des sons. La voix était fluette et frêle, éthérée, les sons s'enchainaient avec une intonation si barbare, si étrangères, qu'on peinait à reconnaître des paroles audibles et plus encore des mots.  La jeune femme aux yeux verts étaient écœurée que de tels sonorités puisse lui être destinée. Elle avait l'impression que les paroles glissaient depuis un autre monde ; sa conviction qu'Azza était une servante du dieu des croque-morts du panthéon des monstres n'était pas pour la rassurer. Elle retourna derrière l'épaule de Gerald pour bougonner un « Bonjour, bonjour » gêné et maladroit, tout en prétextant arranger ses épluchures de betterave.

Gérald quant à lui faisait bien volontiers bouclier entre l'invitée lambineuse et l'employée grincheuse. Il avait ce talent d'adoucir par sa seule présence les rapports de chacun. En commerçant habile, il s'ingéniait à tirer le meilleur de chacun ; cela impliquait présentement que ces deux là l'aident avec ses betteraves.

« Hum, peut-être que ce n'est pas présenté à ton goût, ou qu'il faut rehausser avec quelques épices pour ton palais ». Gérald écartait gentiment la péninsulaire et souleva tour à tour les huiles et épices qu'elle avait ramené. « Ça peut-être ? », proposa-t-il sans conviction plusieurs fois. Mais il n'y avait pas suffisamment d'herbe et de condiments, il se dirigea bien vite vers la cuisine, certain d'être suivi de sa pensionnaire, et mettant mal à l'aise son employé qui, ne pouvant se permettre de dépasser la noiraude, se lamentait intérieurement de son manque d'empressement chronique.

Arrivé dans sa cuisine, Gérald s'agita bien vite au mépris de sa cuisinière, remuant placard et tiroirs pour trouver tous les ingrédients possibles. Il fallait qu'il trouve de quoi rendre ses Traves Asprépard irrésistibles. S'il était meilleur à manger les plats qu'à les préparer, Gérald restait concentré lorsqu'il s'agissait de ses affaires et il déployait un zèle remarquable pour percer les secrets culinaires qui sauraient ravir tous les palais du Sol'dorn. Il avait un nouveau produit, et comptait en tirer une rentabilité maximale.

Au pire, si rien ne marchait, il envisageait de couper les Asprépard avec du laudanum et peut-être même un aphrodisiaque peu connu des drows pour rendre le produit plus désirable.


 
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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeMar 2 Oct 2018 - 21:24

D’Azza, on avait souvent dit qu’elle était pareille à un livre ouvert. Hashar en particulier excellait dans l’art de voler ses secrets dès après qu’ils s’aventuraient dans l’ombre de ses prunelles. Et s’il n’y avait eu que ses yeux, encore ! Tout son corps hurlait ce qu’elle voulait désespérement garder par-devers elle. Elle plissait le front ou fronçait les sourcils ou grimaçait des rictus. Elle soufflait un peu trop fort ou ricanait trop vite ou gesticulait trop ostensiblement. Elle piétinait ou se balançait ou se ratatinait. C’était comme si ses vérités trouvaient toujours leur chemin pour lui échapper. Elle avait vraiment commencé à goûter à sa nouvelle vie loin de Sol’Dorn quand elle avait finalement compris qu’à Thaar, il ne lui était plus si utile de mentir. Elle tenait sa langue quand elle s’aventurait dans les quartiers doebens, mais c’était à peu près tout.

C’était là le principal avantage de mener une vie vaine et sans la moinde ambition immédiate, sous la protection d’un éphémère bienveillant ; pour ce confort incommensurable, Azza était prête à faire quelques concessions. Si la jeune Amélie était l’une d’entre elles, que les Dieux lui en soient témoins, elle l’endurerait. Je pourrais être dans le Temple, songea-t-elle quand Gerald lui prit son assiette des mains. Je pourrais souffrir la haine de Mère… et le mépris de X’nedra. La jeune prêtresse n’avait pas repensé à sa « rivale » depuis presque un an. Le souvenir de son sourire vipérin l’encouragea un peu plus à considérer l’aventurière non pas comme une nuisance, mais plutôt comme un chiot un peu agaçant. Ne pouvait-elle pas, avec un peu de dressage, en faire un animal de compagnie tout à fait acceptable ? Agréable, même ?

La voix lointaine de son hôte la tira de ses rêveries et elle le chercha un instant du regard, avant de se rendre compte qu’il était tout simplement en train de la planter là, sans autre forme de procès. Elle poussa un soupir agacé, avant de darder un regard mi-figue mi-raisin à la Péninsulaire. « Quel chieur, » souffla-t-elle dans sa langue natale — dont elle doutait que la rouquine comprenait le traitre mot — avant d’enfin lui emboiter le pas. La cuisinière-comptable la suivit sans mot dire, ce qui fit étrangement écho à ses réflexions avortées. Il y avait définitivement quelque chose à creuser. Rester à défenir quoi exactement ; et surtout, comment. Peut-être pouvait-elle l’adoucir en lui prêtant Hashar ? Le bougre était certes eunuque, mais avait ses moyens de contenter une femme malgré tout. Il avait, de plus, le bon goût d’être aussi mortel qu’Amélie, ce qui pour la drôle semblait important.

Gerald, de son côté, ignorait tout des manigances de sa daedhelle préférée. Il continuait à farfouiller ça et là, sans vraiment savoir ce qu’il espérait dénicher. Au bout de plusieurs douzaines de secondes, Azza finit par voler à son secour : « Ne crois-tu pas qu’il serait judicieux de laisser Amélie faire ? » C’était la première fois qu’elle l’appelait par le son prénom de choix. Elle n’avait pas pu s’empêcher de forcer un peu trop le trait. Le Débonnaire cessa ce qu’il était en train de faire, soudainement soupçonneux. « Je n’avais promis qu’une bouchée, lui rappela la prêtresse, et il est hors de question que je goûte quoi que ce soit qui soit préparé de ta main. »

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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeJeu 4 Oct 2018 - 14:22


Gerald tourna ses yeux vers la jeune femme, elle fut tentée de regarder ailleurs, comme si de rien n'était. Avoir traversé l'océan, voyagé à travers le monde, vécu l'aventure ; tout ça pour finalement servir de nourrice à une noiraude, quelle consternation.

La mignonne s'avança pourtant vers le milieu de la cuisine avec le regard d'un condamné vers son échafaud. Elle prit l'assiette de betterave avec lenteur en réfléchissant à toutes les manières d'esquiver la servitude envers une elfe. Alors que Gérald lui sortait trois nouvelles assiettes propres, elle se répétait qu'elle le faisait pour lui. Mais son malaise était palpable.

« Je vais aller chercher quelques produits dans la réserve, s'empressa un Débonnaire toujours zélé, je suis certain que nous allons trouver de quoi ravir les palais noirelfiques ! »

Et il disparut par une porte, laissant la pauvre jeune fille seule avec la chose en tenue légère qui la regardait. Aussitôt, elle sentit grandir en elle un mal-être qui n'était pas sans lui rappeler ses pires confrontations de ces derniers mois. Elle avait l'impression d'être toujours au bord de ce puits, près de Diantra, d'où sortaient ces horribles rugissements et d'où l'on entendait les griffes du monstre s'user en voulant escalader les parois humides. Elle se rappelait de ces sensations horribles alors qu'ils lapidaient inlassablement la bête, monstruosité animée par la sorcellerie des morts, craignant qu'elle ne puisse remonter pour des dévorer.

C'est à peu près l'effet que lui faisait Azza ; et encore, le monstre avait eu le bon goût de ressembler vaguement à un humain. Elle ne voyait dans le physique de cette individue aux yeux d'améthystes que la vilainie la plus abjecte, tant de mécréandises devaient se sentir à l'étroit dans un si petit corps. Elle affectait de préparer une salade avec ce qui trainait là, tout en gardant un œil vigilant sur la croque-mitaine.

Dans un silence qu'elle trouvait pesant (elle n'entendait plus les bruits de cuisine qu'elle faisait, et la cuisinière en retrait semblait ne plus exister pour elle), elle prépara trois assiettes pour faire plusieurs essais. La première serait résolument colorée, les autres, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait mettre dedans.

Que pouvez bien aimer des choses pareilles ?
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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeJeu 4 Oct 2018 - 20:09

Azza se demandait comment elle en était venue à s’agacer autant de la présence de la jeune Amélie, quand il lui était si aisé de s’en amuser. Elle s’était arrêtée au dégoût qu’elle inspirait à la péninsulaire, mais ce qu’elle n’avait pas su voir plus tôt était la peur qui y était intriquement mêlée ; maintenant qu’elle en avait pris conscience, elle ne pouvait plus l’ignorer. Il lui suffisait de s’approcher subrepticement pour que l’éphémère s’écartât de concert. Elle n’avait qu’à lui couler un regard en coin pour que la demoiselle regardât ailleurs.

Que se passerait-il, s’interrogeait-elle désormais, si elle la touchait ?

Elle n’en faisait rien pour l’heure et se contentait plutôt de regarder la cuisinière-aventurière s’affairer dans la cuisine ; qu’il était plaisant de voir la pauvrette chercher tout à la fois à éviter son regard et à ne jamais tout à fait lui tourner le dos. Azza la voyait qui dardait ses prunelles légèrement écarquillées en direction de ses pieds, à intervals réguliers. « Tu n’avais jamais eu l’occasion de cotoyer une daedhelle avant moi, n’est-ce pas ? » l’interpella-t-elle après plusieurs longues minutes de silence. La prêtresse n’avait aucune idée de ce qu’était devenu le Débonnaire — sans doute avait-il été attrapé par quelques affaires urgentes — mais espérait désormais qu’il les oublierait tout à fait. « Père m’a dit que ta race n’avait jamais autant d’imagination que lorsqu’elle nous décrivait. Il m’a juré que vous nous prétiez des cornes et des griffes et des crocs. » Elle pouffa en s’affublant mentalement de ces attributs. « Rêves-tu de moi encornée ? »

Elle n’avait pas bougé — pas encore — et pour l’heure se contentait d’observer, avec l’attention d’une oiseau de proie, chaque réaction que laissait échapper Amélie. Elle comprenait, subitement, ce qui amusait tant Hashar ; car Azza, comme la péninsulaire, était un livre ouvert. En cet instant, par exemple, ses yeux pétillait d’une malice si évidente que c’en était presque insultant.

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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeMer 10 Oct 2018 - 15:23


Elle avouait donc avoir des cornes.

Elles étaient certainement dissimulées dans sa chevelure. La jeune fille en demeurait songeuse, cela faisait donc de cette chose une cousine des bovidés ou des caprins ? A bien y penser, il y avait assurément du bouquetin dans l'attitude des elfes, et particulièrement chez ceux, comme Azza, que les dieux avaient oublié de colorier. Elle se promit de vérifier la présence d'ersatz de sabots à la première occasion.

Les mots d'Azza furent suivis d'un silence. A mesure que le temps passait, l'aventurière sentait le regard malveillant s'aiguiser. Elle entreprit de recouper finement les Traves, très finement, rassurée de garder le couteau dans sa main. Elle ne le lâcha plus.

Pour sa première préparation, elle avait coupé son produit phare avec une plante qu'on appelait maïs et qui était recouvert de petits grains jaunes. Elle avait mis dessus ce qui trainait, en l'occurrence du miel. Comme le miel était solide, elle avait mit le tout à chauffer en attendant.

Elle sentit la forme d'Azza s'agacer légèrement de son peu de conversation. Elle ne voulait pas donner un casus belli à la créature, mais ne pouvait raisonnablement pas lui parler ; c'était comme discourir avec une vache ou une chèvre. Quand bien même le pays tout entier perdait la tête, elle resterait un ilot de sagesse et ne se prêterait pas à ces singeries, tout son être se refusait à entretenir des rapports avec ces mauvaises imitations d'humains. Mais elle sentait la tension monter, ses gestes devenaient confus alors qu'elle se lançait dans la deuxième préparation, le regard de la chose se faisait inquisiteur et elle sentit sa présence se rapprocher comme dans un cauchemar. Tout se brouillait, elle ne voyait plus ce qu'elle faisait et prenait des ingrédients au hasard, son maïs semblait prendre vie et faisait d'étranges détonations. Elle avait chaud, elle se sentait mal.

Mais la chose était toujours plus proche, plus inquiétante. Au nom de tout ce qu'elle croyait, la rouquine ne pouvait se laisse intimider par cette créature de l'ombre. Elle prit une grande respiration avant de se tourner vers elle et lui dire avec l'apparence du sang froid :
« Azza, ma religion m'interdit de vous parler. »

Puis elle lui tendit les deux premières assiettes, comme pour mettre quelque chose entre elles. A sa consternation, les grains de la première préparation s'étaient métamorphosés et le tout ne ressemblait qu'à une agression chromatique de jaune et violet entremêlés dans une anarchie culinaire.

La seconde était une sorte de purée de Trave agrémentée de tous les épices qu'avait pu trouver la jeune femme : elle reconnaissait de la cannelle, des graines de coriandre, des clous de girofle, du sel, du sucre qu'elle avait pris pour du sel, de la farine de sarrasin qui s'était perdue et trois sortes de poivres différentes. Il y en avait bien d'autres que la jeune fille était incapable d'identifier, mais elle se souciait peu d'empoisonner sa convive.

Et il lui restait de quoi préparer un troisième essai avec ce que ramènerait le débonnaire.
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MessageSujet: Re: Traffic de betterave   Traffic de betterave I_icon_minitimeMer 10 Oct 2018 - 21:38

La surprise d’Azza se lut partout ; sur son visage, dans le frémissement de son échine, et bien sûr en creux du léger mouvement de recul de ses épaules. L’espace d’une seconde qui lui donna de s’étirer pendant des heures, elle ne sut que faire, que répondre, que décider. Elle regardait la péninsulaire lui tendre ses maudites assiettes, les bras balants.

Elle songea à la réaction qu’aurait eu Hashar ; il aurait ri, bien sûr, si fort qu’elle l’aurait sans doute roué de coups. Elle se représenta le dépit de Tebryn ; il aurait soupiré, si bruyamment qu’elle aurait couvert ses oreilles de ses poings. Elle entendit le mépris de Ssasha, et ses dents qui grinçaient ; elle aurait fui une seconde fois, plutôt que de goûter l’acidité de son mépris. Ah ! Azza avait cru pouvoir se jouer de Mimie pour tromper son ennui ; s’était imaginée déguisé en féline ; avait affublé l’éphémère de moustaches de souris ; perdait finalement la face.

Le regard un peu vide, elle tendit finalement les mains et reçut en offrande les plats de la rouquine. Elle demeura ainsi, sans savoir quoi faire, tandis que la péninsulaire s’affairait déjà à d’autres affaires. Elle les regarda, cherchant dans le légume violet un augure pour la guider ; ne le trouvant pas, elle fléchit lentement les genoux, posa ses fardeaux à même le sol et entama sa sortie. Au dernier moment, elle s’arrêta, posa la paume de sa main contre l’encadrement de la porte et sourit. « Savais-tu que la mienne m’encourage à te sacrifier ? » lui demanda-t-elle d’une voix traînante, sans même se retourner pour la regarder. Elle laissa glisser ses doigts le long du mur, avant de s’en aller tout à fait. Dans le couloir qui l’amenait à sa chambre, elle croisa la Débonnaire qui, allant pour lui parler, se ravisa juste à temps. Elle le dépassa sans lui accorder un regard. Regagna son lit. Se fourra sous ses draps. Oublia.

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