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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 1400 ans Taille : 1m70 Niveau Magique : Maître.
Sujet: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel. Lun 7 Jan 2019 - 20:27
Nom/Prénom : Cëlenengîl Treis'Saevherne, bien que voyageant sous le nom de Dunraël. Âge/Date de naissance : 1400 ans. Sexe : Mâle. Race : Elfe Faction : Cités des Elfes. Particularité : Cëlenengîl est le descendant des Treis'Saevherne, une famille de mages d'Alëandir dont le projet était de concevoir une lignée de mages puissants. Alignement : Chaotique neutre. Métier : Mage & Moine de l'Immatériel. Classe d'arme : Magie Équipement :
Cëlenengîl n'est pas concerné par une multitude de biens, gages de richesse. Pauvre, il va et vient vêtu comme un vagabond. De simples bottines, réparées au gré de quelques branchages et d'un certain nombre de morceaux de cuir. Son pantalon est sombre, grossier et plutôt ample, serré à la taille par une ceinture de cuir scellée d'une boucle en argent, seul bien un tant soit peu précieux de l'Elfe. Il dispose d'un maillot de tissu, accommodé aux manches. Le tissu est beige, mais le temps et l'absence d'entretien l'ont teint de manière à ce qu'un marron foncé ait pris le dessus sur la couleur primaire. Avec quelques bracelets aux poignets, faits de branchages travaillés, Cëlenengîl a l'air d'un étrange spécimen.
Au dessus de tout cela, il revêt un ample manteau gris, dont les hautes coutures sont recouvertes de plumages et de fourrures multiples. Certaines noires, d'autres marrons, l'ensemble est surprenant, mais les vertus chaleureuses du manteau ne sont guère remises en question. Un capuchon couronne le tout, de la même matière et de la même facture que le grand manteau. Celui ci englobe tout le corps de l'Elfe, si bien qu'il n'est souhaité à personne de l'apercevoir la nuit à moins de s'enfuir en courant.
Le bâton de l'Elfe est sa seule arme. Taillé dans un ébénier, il est sombre, un peu grossier et robuste bien que l'on puisse deviner qu'il fut un jour beau et raffiné. Certains pans de l'appui semblent si usé qu'on pourrait y enlever de la sciure en frottant. L'extrémité proche du sol est particulière : Cëlenengîl y a taillé l'intérieur, pour y sceller une lame, assez grande pour être menaçante. Quand à l'autre embout, c'est une petite sculpture, de même facture que le bois du bâton. Elle représente une lune, de la taille d'un doigt commun. Ce même embout est entouré de plusieurs ficelles larges et robustes, auxquelles pendent quelques tous petits coquillages ainsi qu'un médaillon. Ce dernier est fortement terni, mais on devine qu'un jour, une émeraude se trouvait en son centre.
Description physique :
L'Elfe correspond aux stéréotypes de sa race : imberbe, le corps frêle sans être chétif, il dispose de muscles finement taillés sans être imposants. Néanmoins plus endurant que les apparences ne le supposent, Cëlenengîl est rompu à une vie dans la nature, et a su très tôt faire face aux aléas du temps et des reliefs. Son corps est parcouru de multiples petites cicatrices, souvenirs de ses imprudences.
Son visage est sale, forgé dans l'expérience de la nature difficile et instable. Ses traits sont durs, dénués de charme, si bien qu'on pourrait presque croire qu'une barbe va lui pousser. Sans ses oreilles pointues, on aurait du mal à s'imaginer qu'il s'agit d'un véritable Elfe des bois. Ses yeux sont vifs, taillés dans une émeraude, et ses cheveux gris sont tirés en arrière jusqu'à la base de sa nuque.
Ses lèvres sont minces et élargies, fines, laissant entrevoir des dents dont la senteur laisse à désirer malgré leur bon état - relatif. Ses sourcils sont fins pour un homme, et son cou est large. Sa mâchoire est fine, mais sa pomme d'Adam très visible. Ses mains sont rugueuses, ses ongles sales et rongées à certains endroits.
Description mentale :
Cëlenengîl est un mage sage, ayant préféré très tôt la compagnie de la solitude à celle de ses semblables. L'expérience de sa longue vie lui ont conféré une certaine sagesse, qui, sans s'opposer à la dispenser, ne s'aventure jamais là où elle ne saurait être profitable. Ses connaissances et ses expériences l'ont sans cesse poussé à accentuer ses recherches, à s'interroger sur l'essence de la magie et surtout sur les esprits et les âmes. Façonné par un empirisme philosophique, il rejette toutes les normes juridiques ou sociales, ne répondant qu'à sa morale propre, sans pour autant sombrer dans l'anarchisme. Élève de sa propre rigueur, il s'impose un apprentissage sans fin, ne se laissant que rarement distraire.
Répondant, comme vu, à une philosophie particulière, il en est le seul élève et maître, rejetant ipso facto tout excès dans ses réactions. Apolitique, il reconnaît les mérites de l'apprentissage, et a toujours érigé les principes de sa vie autour de l'enseignement par autrui. Sagesse et philosophie sont parties intégrantes de sa personnalité. A la fois fasciné et effrayé par la magie, son éveil l'a mené sur les sentiers de l'inconnu. Par la force des circonstances, son chemin l'a mené vers l'apprentissage de la magie de l'Immatériel, plus précisément vers la manipulation de l'âme.
Il croit en une régulation transcendante des vies mortelles et immortelles, basée sur le parallèle entre le monde des esprits et le monde des vivants, indépendantes de toute entrave divine ou terrestre. Il réfute l'idéal du Bien et du Mal, persuadé que cela reste les interprétations des mortels sur des événements qu'ils provoquent. Cëlenengîl ne croit ni à la chance, ni au hasard. Il divise les événements du monde entre ceux sur lesquels les Vivants peuvent influer, et ceux sur lesquels ils ne peuvent être qu'observateurs. Ceux qui ne dépendent pas de la volonté des Vivants est entre les mains de ce qu'il appelle le destin, ce qui est pour lui la régulation des choses et du monde par l'Au-Delà. Respectueux de l'immatériel, il le voit comme un monde prêt à être découvert et exploré, prompt à la colère lorsqu'on le méprise, ou ceux qui y errent.
Sa longue vie et des événements particuliers l'y aidant, Cëlenengîl semble las, épuisé de la vie. N'aimant guère faire part de ses émotions, on le qualifie allègrement de taciturne. Les épreuves qui ont ponctué sa vie, la magie aidant, l'ont drainé de toute sentimentalité apparente. Seuls ses yeux et la lueur qui y gît permet de se douter que Cëlenengîl est un Elfe extrêmement déterminé, prêt à tout pour parvenir à ses fins. Son visage sévère et ferme ne laisse transpirer ni gentillesse apparente, ni méchanceté. Mais à nouveau, ses yeux révèlent malgré eux une certaine tristesse dont il est impossible, sans connaître l'Elfe, d'en deviner la raison. Lorsqu'il est questionné à ce sujet, on témoigne une grande susceptibilité sur le sujet de la part de Cëlenengîl.
Capacités magiques :
Cëlenengîl a su exploiter son potentiel magique avec les esprits. Si le domaine de prédilection est donc l'immatériel, il est spécialisé dans la magie de l'âme. Là où il se livre à ses rituels, il peut les ressentir et revivre leurs souvenirs, bien qu'ils soient subjectifs. Au fil de ses nombreuses expériences, certaines ont éveillé en lui un intérêt et une affinité particulière, nourrissant ainsi une soif insatiable de sentiments et de souvenirs propres aux lieux, monuments, villes et personnes qu'il rencontre. S'auto-qualifiant de maître dans la matière, de par son expérience et son habileté dans son domaine, la fréquentation des esprits l'a considérablement affaibli, incrustant sur son visage des rictus de vieillesse et d'usure.
Ses contacts avec l'immatériel l'ont mené sur des sentiers multiples : guidé vers des secrets, des enseignements, des histoires oubliées, il en a forgé son expérience. Désireux de poursuivre sa quête de savoir, il a lié à sa pratique magique certains de ses biens, à commencer par son bâton. Ce dernier est la source de son pouvoir : il ne saurait s'en défaire sans être grandement atteint dans sa capacité à communiquer avec l'immatériel, bien que cela n'empêche pas l'immatériel de lui être sensible. Comme une passerelle entre les mondes, son bâton lui permet donc d'exercer son pouvoir, mais pas de lui être insensible. Qualifié de « nécromancien des âmes et de l'esprit » par ses ennemis, sa magie de l'âme lui permet de se défendre en s'en prenant directement à l'âme d'un tiers, même si son réceptacle, son corps, est toujours en vie.
Cet arsenal offensif se décline sous des attaques directes sur l'âme de son ennemi. Il peut ainsi dissocier temporairement l'âme et le corps de sa cible, en arrachant la première du second. L'enveloppe physique ne subit, à ce point, aucun dommage physique. Lorsque Cëlenengîl extrait l'âme d'un corps vivant, plusieurs possibilités s'offrent à lui. Il peut tenter de la soumettre et d'en extraire le savoir et l'expérience, en se livrant à la même pratique qu'il exercerait sur un Souffle errant. Il peut la laisser vaguer en dehors de son enveloppe physique, ou il peut tenter de la détruire.
Cependant, chacun de ces choix est difficile et fastidieux : l'âme étant la somme de l'intelligence et de la volonté, le combat pour s'emparer de l'âme de son ennemi est un âpre duel pouvant coûter énormément aux deux concernés. Si l'âme souffre d'être séparée de son corps originel, elle n'en est pas moins un élément pouvant opposer une grande résistance, même à un maître mage. Cëlenengîl peut extraire le savoir et l'expérience d'une âme séparée de son corps comme il s'y prendrait pour un Souffle errant. Cependant, à l'inverse des Souffles errants qui ne sont pas nécessairement hostiles, une âme s'opposant au rituel de Cëlenengîl pourrait lui faire perdre non seulement beaucoup de temps, mais également beaucoup d'énergie. Enfin, détruire l'âme serait une action coûtant énormément d'énergie, et de temps à l'Elfe.
Même si Cëlenengîl pourrait potentiellement s'affairer à asservir une âme qu'il aurait séparé de son corps, cela lui coûterait tant d'énergie et de temps qu'il y laisserait la vie à coup sûr. Il lui serait cependant possible, au même titre qu'une âme errante, de la conserver dans un réceptacle adéquat. Toutefois, il est plus aisé de le faire pour une âme potentiellement affaiblie par son errance, par rapport à une âme récemment séparée de son enveloppe physique, animée par des sentiments évidemment hostiles envers Cëlenengîl. Finalement, la solution la plus viable pour Cëlenengîl en cas d'affrontement serait de laisser l'âme de son ennemi errer dans l'Entre-Deux, la condamnant à l'exil et à l'incapacité de retrouver son enveloppe physique sans l'intervention d'un autre maître de la manipulation de l'âme.
Le temps fit son oeuvre, et sa très longue existence suppose que ses contacts avec l'immatériel sont aussi longs qu'ils furent contraignants pour l'Elfe. Quant à ses rituels et ses incantations, ils reposent sur son contact direct avec son bâton. Ses formules sont prononcées en ancien Elfique, celui parlé avant les déformations habituelles des langues. Cet elfique est celui qui était parlé par les anciens prêtres du sanctuaire d'Holimion, plusieurs milliers d'années auparavant. Bien que le dialecte magique formulé par Cëlenengîl ne soit pas fidèle aux véritables formules antiques, ses formulations sont toutefois incompréhensibles car elles demeuraient exclusives aux prêtres du sanctuaire. L'incantation, le ton et les paroles sont apprises par cœur.
Ses formules et incantations lui ont été apprises lors de son apprentissage. Le dialecte employé remonte à des cycles précédant la naissance de Cëlenengîl. Les formules étaient, à l'origine, des prières formulées par le culte de Tari concentré à Holimion. A l'instar de n'importe quelle langue, le temps a pratiqué sur ces prières des déformations de la manière de parler, de la syntaxe et de la grammaire. Cependant, le dialecte religieux du clergé local demeura immunisé à l'action du temps. Ainsi, certains mots ou passages entiers peuvent éveiller l'intérêt des linguistes et historiens, reconnaissant dans les formules de Cëlenengil des tournures anciennes, pouvant même deviner la signification de certaines paroles. Cependant, le cœur et l'essence de ces formules demeuraient une exclusivité du clergé de Tari en Anaëh, laissant libre cour aux suppositions que les fondateurs du Monastère étaient des clercs renégats.
Parmi les autres capacités de Cëlenengîl, ce dernier peut, à grand coût d'énergie et passant par une grande concentration, extraire sa propre âme de son corps. Cette pratique lui permet de vivre l'expérience d'errance que les Souffles, sur lesquels il exerce sa magie, vivent. Tant que son propre Souffle vogue en dehors de son enveloppe physique, il ne dispose d'aucune notion de temps, et risque à chaque instant de se perdre et d'errer à jamais. Sous cet état, il est en lutte contre lui-même : son âme recherche son réceptacle à chaque instant, et c'est un véritable duel de volontés opposées qui se joue. L'exercice de ses sens, durant cette période, est limité, et l'expérience en question lui apporte des savoirs désordonnés et parfois confus, fruits d'une expérience qu'aucune âme n'est sensée faire. Chacun de ses « voyages » doit être minutieusement préparé, incluant une visualisation. Ainsi, son âme est dirigée par la volonté qu'il a émise lors de sa préparation.
Histoire :
Cëlenengîl Treis'Saevherne est né dans la seconde moitié du IXème cycle, il y a mille quatre-cents ans. Les Treis'Saevherne sont une ancienne famille d'Alëandir, dont la première mention dans les archives remonte à Aënye Treis'Saevherne, au Vème cycle. Ce dernier était un mage puissant de la capitale, studieux et érudit, dont on disait que le seul intérêt résidait à concevoir une source intarissable et infinie de magie. Bien qu'étant la cible de nombreuses malversations à son sujet, Aënye était loin d'être un être vilain, se révélant être d'excellente compagnie et amateur de bon vin.
Il envisagea alors de concevoir une lignée de mages plus puissants les uns que les autres, régulant les unions de ses descendants en tant que patriarche, dans l'idée de concevoir, à terme, l'Enfant Prodigue. Aënye prit Vaërn Hlaith comme épouse. Les deux Elfes éduquèrent leurs enfants afin d'en faire des mages puissants, n'arrangeant les épousailles de ces derniers qu'en fonction d'un seul et unique critère : la puissance magique du promis ou de la promise. Durant presque quatre cycles, la famille des TReis'Saevherne se livra à ces épousailles arrangées. Onze générations après le début de la machination d'Aënye, naquit sa descendante Heila Treis'Saevherne au milieu du VIIIème cycle. Aux alentours de ses quatre siècles, elle prit comme époux Sël'vyk In'Aërn. Tous, selon la volonté d'Aënye depuis longtemps décédé, perpétrée par ses descendants, étaient d'exceptionnels praticiens des arcanes.
Un siècle plus tard, au début du IXème cycle, naquit le premier fils de l'union de Heila et Sël'vyk : Caranthir Treis'Saevherne, l'Enfant Prodige. Chéri par ses parents, et encore plus par ses grands-parents, l'héritier des prédictions de son aïeuil s'avéra détenir un potentiel immense pour la magie. Pourtant, six siècles après sa naissance, un nouvel enfant naquit, non attendu : Cëlenengîl Treis'Saevherne. C'était en l'an 600, à peu près, du IXème cycle. De six siècles l'aîné de la fratrie, Caranthir avait déjà reçu les soins, l'attention et l'enseignement dignes de ce qu'il était aux yeux de la famille : l'Enfant Prodige, fier héritier d'unions arrangées et de préparations méticuleuses, se voyait recevoir une vaste formation de la part de ses parents.
La naissance de Cëlenengîl n'était, au mieux, qu'un heureux événement supplémentaire. Au pire, une distraction pour son frère aîné. Deux siècles avant sa naissance, son frère aîné avait déjà quitté la demeure familiale. Les raisons qui le poussèrent à agir ainsi demeurèrent obscures pour Cëlenengîl pendant bien des années. Le sujet, bien que sensible pour les Treis'Saevherne, ne semblait point pour autant couver une rancune ou une animosité entre les membres de la famille. Cëlenengîl grandit à Alëandir durant les deux premiers siècles de sa vie. Il manifesta, lui aussi, très tôt des prédispositions pour les arcanes, mais aucun membre de sa famille ne daignait lui enseigner les secrets de la magie, tous laissaient leurs espoirs reposer sur le seul fils qui compterait jamais: Caranthir.
***
L'un des événements les plus marquants de sa vie, de ceux qui y provoquent un tournant, survint peu après que Cëlenengîl ait célébré ses deux siècles d'existence. L'Elfe avait décidé d'entamer un voyage vers Daranovar, à l'ouest de l'Anaëh, afin de visiter les autres cités de la nation où il était né. Avec la bénédiction de ses parents, il s'était mit en route, et avait entamé le long chemin séparant la capitale des Elfes de sa voisine de l'ouest. Après une longue journée de marche, cherchant un abri temporaire pour s'y reposer pour la nuit, son regard s'était posé sur la profondeur de l'Anaëh, entre les racines entrelacées et les ruisseaux bruyants. Ce qu'il attribua plus tard à une aide de la part de l'Au-Delà se traduit par une envie aussi soudaine qu'irrésistible d'aller se perdre quelque peu dans la forêt.
A cet instant, Cëlenengîl ignorait s'il s'agissait d'une curiosité particulièrement malvenue à cette heure avancée de la journée, ou d'un souhait d'explorer autre chose qu'un sentier battu pour la première fois de sa vie. Il se glissa entre les branches des arbres et les souches déracinées, marchant durant plus d'une heure, en levant les yeux vers les cimes lointaines des bois, s'amusant à sauter de pierre en pierre jusqu'à parvenir à l'immense racine d'un arbre bien plus grand encore. Le bois trahissait l'âge de l'arbre auquel il appartenait, et sa largeur barrait le passage à quiconque désirait s'enfoncer plus profondément entre les cimes. Pourtant, les mains du jeune Elfe s'agrippèrent fermement, hissant le corps frêle de Cëlenengîl petit à petit en amont. Parvenu au sommet de l'épaisse racine, ce qu'il vit s'imprima dans sa mémoire à jamais.
Dernière édition par Cëlenengîl le Mer 9 Jan 2019 - 19:41, édité 1 fois
Cëlenengîl
Elfe
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Sujet: Re: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel. Lun 7 Jan 2019 - 20:28
L'épaisse racine sur laquelle Cëlenengîl se reposait était la barrière naturelle d'une vaste clairière sauvage, florissant sous la bienveillante couverture et protection d'un arbre d'une hauteur inimaginable, aux nombreux fleurons laissant tomber sur l'herbe leurs fleurs d'un rose pâle. Les branches, si nombreuses et si feuillues, ne laissaient guère filtrer les rayons de la lune, si bien que la seule lumière de la clairière n'était que la grâce des bourgeons lumineux et des lucioles. La clairière semblait comme creusée par le temps, le centre étant en contre-bas d'une arène naturelle recouverte de mousse, d'herbe mi-haute, et de feuillage. Et, sur les gradins naturels d'herbe éclatante, une cinquantaine d'Elfes se tenaient là, discutant entre eux, partageant leurs repas en petits groupes distincts.
C'est avec son sac en bandoulière que Cëlenengîl se laissa glisser sur l'herbe, la curiosité de l'inconnu prenant le dessus sur la peur du mystère. Hésitants, ses pas se posaient sur l'herbe en tremblant, menaçant de le faire chanceler. Il s'attendait à se faire rejeter, éjecter de ce lieu à grands renforts d'invectives et coups de pieds bien placés. La réalité est qu'il fut accueilli par des sourires de ceux qui dînaient ensembles. Un regard, un sourire, un salut de tête, c'était tout ce qu'il leur fallait avant de revenir à leurs conversations. Savaient-ils que Cëlenengîl était un intrus, un inconnu ? Peut-être. Il continuait son chemin entre les différents petits groupes, jusqu'à ce qu'une main, qui le fit sursauter, se pose sur son épaule. Se retournant vivement, le souffle presque coupé par la peur, il faisait face à un Elfe d'une taille bien plus élevée que la normale. Cëlenengîl était petit, guère plus grand qu'un mètre soixante-dix. Son semblable, qui lui faisait face, le dépassait de cinquante centimètres.
***
Les deux Elfes avaient prit place dans un coin isolé de la clairière, où il y avait à peine assez de lumière pour discerner leurs visages respectifs. La similarité de leurs traits, en ce temps là, avait de quoi surprendre : seul un aveugle nierait leurs liens de parentés. Cëlenengîl avait eu l'occasion de voir plusieurs tableaux de son frère aîné dans la demeure familiale des Treis'Saevherne à Alëandir. La ressemblance était frappante. Quant à Caranthir, il n'était pas sans savoir qu'il avait un frère cadet. Cela dit, il n'avait, jusque-là, jamais cherché à prendre contact. Là où le plus jeune des deux était vêtu comme un petit nobliau, de vêtements propres, le plus âgé des deux frères était vêtu comme un vagabond, d'une robe surplombée d'un épais manteau noir. L'oppressant silence qui s'était installé entre les deux frères fut rompu en premier par Cëlenengîl.
« Tu n'es jamais venu me voir. » « En effet. » « Je voudrais savoir pourquoi. » « Cela changerait-il quelque chose ? » « Oui. »
Caranthir inspira longuement, avant d'expirer. Ses yeux clignèrent, lentement. Son regard dériva sur l'herbe, avant de répondre à son jeune frère.
« Tu sais ce que je suis pour la famille. Notre famille. » « Le fils aîné ? Mère et Père ne sont guère bavards à ton sujet. » « Je suis une expérience, Cëlenengîl. Le premier de notre nom, Aënye Treis'Saevherne, de son vivant, désirait donner la vie à une source intarissable de magie. Un puits sans fin. Sa quête l'a aveuglé, lui voilant l'impossibilité de son accomplissement. A la place il a voulu fonder une lignée de mages. Il a réuni les plus talentueux de ses connaissances, les poussant à l'union. Je suis le descendant d'une expérience. » « Et qu'est-ce que cela fait de moi ? Un échec ? » « Non. Simplement celui qui vient après. L'attention et l'éducation de Père et Mère ne sont guère des éléments souhaitables. Je suis parti pour te protéger d'eux. » « Quelle noblesse. »
Caranthir tiqua. Oh oui, il s'agissait bien de son frère.
« Tu ne devrais pas être ici. C'est dangereux. Les tensions entre les Elfes des Cités et les Elfes des Bois sont en train de s'aggraver. Le roi Findarato ne semble guère apte à gérer la situation. » « Mère et Père ne m'ont point retenu de prendre la route. » « Tu avais l'intention de me trouver ? » « Non. J'allais à Daranovar. Je me suis égaré et j'ai trouvé cet endroit. » « Tu ne t'es pas égaré, Cëlenengîl. »
***
Les deux Elfes marchaient côte à côte dans la forêt. Leurs bottes de marche s'agrippaient aux rochers tandis qu'ils enjambaient les petits ruisseaux. Cëlenengîl avait délaissé ses habits de la ville. Il s'était revêtu d'une ample tunique grise et d'un capuchon du même ton. Le tissu, neuf, recouvrait un chemisier beige caché sous l'épaisse couche du manteau. Des hautes bottes en cuir ficelées, remontant jusqu'aux genoux, venaient conclure l'attirail du mage en devenir. Un nouveau silence régnait entre les deux frères. Pourtant, chacun remuait ses pensées.
Qu'est-ce qu'un siècle d'apprentissage ? Puis un second ? Peu, dans la vie d'un éternel. Cëlenengîl s'efforçait de mettre de l'ordre dans ses pensées. Le Monastère, cet ordre mystérieux et ésotérique, se voulant les gardiens et les portiers d'un monde évoluant indépendamment du leur. Ces êtres se réservaient le droit d'appeler ceux qui sommeillaient dans l'Au-Delà, coincés dans un monde s'étendant entre celui des Vivants et des Morts. On lui avait révélé qu'il était possible de contacter ce qui sommeillait en dehors de l'éternité, ce qui était mort mais qui dérivait, au lieu de naviguer sur les flots éternels du monde de la Mort. L'âme pouvait être contactée, manipulée. Même chez les vivants.
Caranthir avait tout révélé à son jeune frère : l'Enfant Prodige avait quitté sa demeure, ne pouvant plus supporter d'être le réceptacle des attentes familiales, l'héritier des machinations de ses aïeux. A quelle fin avait-il été conçu, cela il l'avait toujours ignoré, et la vérité était ce que cela lui importait peu désormais. Comme il le pensait, Cëlenengîl disposait d'une prédisposition majeure à la magie. Le sang qui coulait dans ses veines et le souffle favorable du destin avaient dotés le plus jeune frère d'un considérable potentiel aux arcanes. Celui-ci n'égalait point celui de l'aîné de la fratrie, mais il était suffisamment conséquent pour que son mépris puisse être une grave erreur.
Comme le voulait la tradition de l'apprentissage de chaque moine, Cëlenengîl s'était engagé auprès d'un premier maître, avec l'accord de ce dernier, pour un siècle. Durant cette période, Caranthir enseigna son jeune frère avec tout l'amour non seulement d'un maître à son apprenti, mais également d'un frère à un autre. Le plus jeune de la fratrie fut formé aux bases théoriques de la magie, aux règles élémentaires de la magie de l'Immatériel. Caranthir lui enseigna le savoir commun et élitiste de cette branche des arcanes, avant de s'engager sur ses propres théories et découvertes, exhortant son apprenti à explorer les sentiers non dévoilés de la magie. Le savoir que Caranthir enseigna à son jeune frère n'était que théorique. L'archimage qu'était Caranthir déteignit sur son jeune frère, qui déjà manifestait un intérêt particulier pour la même branche de la magie de l'Immatériel : la manipulation de l'âme. « Il y a plus à découvrir que nous n'en découvrirons jamais. » Tels étaient les mots de Caranthir.
Sur les conseils de son maître, Cëlenengîl se choisit un catalyseur afin de manier son arcane. Déjà un maître en la matière, Caranthir se passait de bâton. A la place, il portait d'étranges gants : chacun de ses doigts se voyait orné d'une bague, et d'imposants bracelets étaient glissés à ses poignets. Cinq chaînes, de la plus fine conception, s'élançait de chaque bague jusqu'au bracelet ouvragé. Les bagues, quant à elles, étaient chacune surplombées de petits saphirs. Ces pierres étaient les catalyseurs de Caranthir, qui pouvaient ainsi user de magie à l'aide de ses « gantelets » dont il ne se séparait jamais. Cëlenengîl, quant à lui, se tailla un bâton dans un ébénier massif, l'ouvrageant grossièrement en ponçant et polissant son extrémité, où il y fit installer une émeraude. « Chaque sorcier dispose de sa propre signature, d'une aura respective. Il s'agit de son identité. De sa signature. »
Aux côtés de son frère, son premier maître, Cëlenengîl ne se livra à aucune pratique de la magie. Durant un siècle, chaque jour était composé d'apprentissages théoriques, de cours allant des écrits des grands mages et de leurs théories aux encouragements de l'auto-apprentissage que prônait Caranthir. Ce dernier lui enseigna également les rouages du Monastère. Ce dernier était un ordre fondé trois cycles auparavant. Le nom du fondateur s'était perdu avec le temps, car aucune archive écrite ne figurait dans une bibliothèque mentionnant l'Ordre. Le premier cercle avait opté pour l'anonymat le plus complet, n'établissant de critères de recrutement ni sur l'expertise magique, ni sur une quelconque origine sociale. Intégrer l'ordre ne nécessitait que deux choses, mais elles n'étaient guère aisées et données à tous : il fallait être un mage porté sur la manipulation des âmes, et être introduit à la confrérie par un membre. Ce procédé se déroulait lors des Synodes du Monastère, qui se tenait à chaque décennie : on y présentait les nouveaux membres, et les nouveaux apprentis se voyaient octroyé la possibilité de choisir leur premier maître une fois que les fondements lui étaient expliqués, et que son propre choix était arrêté.
Du fait de la lourdeur de l'apprentissage - un premier siècle en compagnie d'un maître, un autre en compagnie d'un second - très peu de mages aptes étaient invités à rejoindre le Monastère. Les rares candidats étaient généralement jeunes, ayant tout à gagner de la compagnie de maîtres reconnus dans leur spécialité. La possibilité de se retirer du Monastère leur était donnée au terme du premier siècle d'apprentissage de leur plein gré. Les apprentis pouvaient alors retourner à leur vie d'antan, non sans avoir prêté serment de ne point révéler l'existence du monastère. Les moines ne disposaient d'aucun moyen de pression, et ils se livraient donc à l'évidence : s'ils étaient exposés, ils ne pourraient défendre publiquement leurs positions ou actions. Tout en se livrant à cette évidence, certains promettaient de faire preuve d'imagination quant aux tourments réservés à ceux qui trahiraient l'ordre.
La doctrine de l'ordre reposait sur la reconnaissance de deux mondes évoluant côte à côte, et que chacun nécessitait d'être protégé de l'autre ; que la barrière qui se dressait entre l'Au-Delà et le Monde des Vivants se devait d'être maintenue ; et que l'Au-Delà constituait un monde qu'il convenait d'explorer avec respect, et de faire part aux Vivants des enseignements que le passé et les Morts avaient à offrir. L'ordre avait pleinement conscience, que d'un œil extérieur, ses membres semblaient se livrer à une véritable exploitation de l'Entre-Deux. Néanmoins, les moines ne mirent en avant ni leurs intérêts personnels, ni d'éventuels intérêts politiques, économiques ou sociaux comme objectifs de la pratique de leur art. Cette dernière ne servant que la recherche du savoir, acquis dans une optique de partage avec autrui, les moines de l'Immatériel n'ont jamais eu la sensation d'asservir l'Entre-Deux ou de l'exploiter, mais au contraire de lui faire honneur en transmettant un savoir parfois oublié.
Caranthir avait insisté, auprès de son frère et apprenti, sur le caractère secret du Monastère. L'ordre, sa doctrine, ainsi que ses agissements, étaient une insulte claire à l'enseignement et à la doctrine du clergé de Tari. Les moines de l'Immatériel se voilaient de mystère et d'anonymat avant tout pour se protéger des répercussions que pourraient engendrer une confrontation avec le culte de la déesse de la Mort. Le secret de l'existence du Monastère permettait également à leurs membres d'échapper à tout contrôle politique, sphères de pouvoir dont ils avaient jurés de se tenir à l'écart. Ainsi, les membres de l'Ordre pouvaient pleinement évoluer dans leurs vies respectives, sans craindre les mauvais sorts s'abattant sur eux et leurs familles en cas d'opposition politique.
***
Le premier siècle d'apprentissage de Cëlenengîl prit fin aux alentours de l'an 900 du IXème cycle. Rompu aux enseignements théoriques de son frère aîné, l'Elfe devait à présent trouver un second maître afin de se voir initié à la pratique de l'art. Cette période de l'apprentissage de Cëlenengîl fut marqué par l'éclatement des troubles en Anaëh entre les Elfes des Bois et les Elfes des Cités. Le protecteur d'Alëandir, Findarato, s'avérait incapable de se relever du décès de sa compagne, si bien qu'un homonyme de Caranthir fut désigné comme régent. Avant que leurs chemins ne se séparent, Cëlenengîl questionna son frère à propos de son homonyme au palais. « Caranthir ? Oui, je l'ai rencontré. Un Elfe d'une grande qualité, et un sorcier au pouvoir presque indécent. Nourrir l'espoir de caresser ne serait-ce que la moitié de son talent serait déjà une preuve conséquente d'arrogance. »
Les deux frères se quittèrent peu après. Cëlenengîl apprit peu après que Caranthir, son frère, était retourné à Alëandir afin de servir en tant qu'intendant au palais. Il reconnut là la ruse de son frère, qui était parvenu à trouver un poste au palais, où il se tenait informé de tout, sans souffrir de la lumière des projecteurs. Cëlenengîl, quant à lui, s'affaira à trouver un autre moine maître de son art. A l'occasion du Synode de l'Immatériel, aussi appelé Ban Dàerienn, se déroulant tous les dix ans, il entama la deuxième période son apprentissage auprès d'une Elfe nommée Enÿa. Durant le dernier siècle du IXème cycle, Enÿa forma Cëlenengîl à la pratique de la magie.
Fort de l'un des meilleurs apprentissages théoriques qui aurait pu être, Cëlenengîl s'avéra rapidement être un praticien très doué de son art. Maîtresse impitoyable et particulièrement exigeante pour une sorcière et une Elfe, Enÿa ne forma pas son élève pour être un mage classique : il devait être le meilleur. Cëlenengîl s'interrogea plusieurs fois sur la rigueur qui lui était imposée : elle était naturelle, mais il avait conscience qu'Enÿa et Caranthir se connaissaient. Son frère aurait-il exigé d'Enÿa qu'elle le traite avec autant de dureté ? L'aîné des deux frères voulait-il que son cadet le dépasse ? Cëlenengîl n'eut jamais de réponse à cette question. A chaque fois qu'il mentionnait le sujet à son maître, elle le reprenait, en affirmant qu'elle n'avait nul besoin de Caranthir pour avoir le désir de faire de Cëlenengîl un mage puissant, apte à guider le monde des Vivants en s'aidant de l'Au-Delà.
L'apprentissage pratique de Cëlenengîl auprès d'Enÿa fut parsemé de nouvelles venant de la capitale. La régence de Caranthir, un mage que Cëlenengîl s'était vu présenté comme un Être à la puissance indécente, avait ouvert la voie à un apaisement des tensions qui avaient éclatées. Bien que sachant son frère au palais, Cëlenengîl s'était bien gardé de contacter son frère, et ce principalement parce qu'il n'en avait pas le droit. De son côté, Caranthir n'avait guère prit l'initiative de contacter son petit frère non plus. Plus l'apprentissage du jeune frère continuait et s'intensifiait, plus la situation générale en Anaëh se désamorçait, rendant les vagabondages des mages plus sûrs dans une forêt déjà bien assez dangereuse par elle-même.
Sous le patronage d'Enÿa, Cëlenengîl fit les premiers pas afin de devenir un praticien habile et respecté des siens. Véritable maître dans la manipulation des âmes, la branche que Cëlenengîl avait choisi, Enÿa lui enseigna les divers rituels de contact et de contrainte des âmes dérivant entre le Monde des Morts et le Monde des Vivants, comment tirer le plus de savoir, comment développer la plus grande des sensibilités à l'égard des mondes qu'il s'engageait à protéger. Elle lui enseigna également comment agir sur les âmes des Vivants, si le besoin de se protéger se faisait un jour sentir. Enÿa lui enseigna comment dissocer sa propre âme de son corps.
Lorsque le second siècle d'apprentissage de Cëlenengîl s'acheva, la tradition fut observée dans les moindres détails. Son frère quitta le confort du palais où il officiait en tant qu'intendant, et retrouva son jeune frère ainsi qu'Enÿa. Comme le voulait la tradition du Monastère, ils se retrouvèrent à un lieu du choix de l'apprenti, particulièrement fort dans sa vie, un lieu de son passé. Ainsi, ils se rendirent ensemble dans la clairière du Ban Dàerienn, où Cëlenengîl avait rencontré pour la première fois son frère aîné. Là, il prononça le serment des moines, répétant les mêmes mots qui avaient été choisis par le fondateur du Monastère plusieurs cycles auparavant.
« Des mondes visibles et invisibles, Je fais serment d'en protéger le Voile, D'en respecter les habitants, de l'un comme de l'autre, De ne jamais chercher à les abuser, De ne jamais chercher à les soumettre, De défendre les secrets du Monde Invisible, Et d'en préserver le Monde Visible. »
Âgé de quatre siècles, Cëlenengîl achevait ainsi son apprentissage, dûment formé par deux maîtres en la matière. Son frère ne s'attarda guère après la cérémonie, le devoir l'appelant au palais où son homonyme poursuivait son oeuvre de régence. Peu après cela, la nouvelle parvint aux oreilles de Cëlenengîl qu'un nouveau roi avait été désigné : Glorfindel. Mais, en marge de cette nouvelle qui l'intéressait guère, il entendit parler des travaux sur l'Académie d'Alëandir, sous l'impulsion de Caranthir le régent. Bien qu'ayant amplement le niveau pour y enseigner, le frère aîné de Cëlenengîl se refusa toujours d'y enseigner. Cela aurait été se révéler, et sous bien des aspects, le Grand Elfe Blanc - car il était souvent désigné ainsi - préférait l'ombre des couloirs du palais d'Alëandir.
***
Pourtant, peu après la cérémonie, alors que les deux frères ne s'étaient pas encore séparés, l'aîné s'adressa à son jeune frère. Caranthir l'informa que leurs parents, Heila Treis'Saevherne et Sël'vyk In'Aërn, n'étaient plus de ce monde. Obtenant de son frère cadet qu'il se rende à la capitale pour la cérémonie funéraire, Caranthir s'en retourna à Alëandir, en compagnie de Cëlenengîl.
Les yeux des deux frères étaient rivés vers la terre. Leurs regards, presque absents, ne délaissaient les corps sans vie de leurs parents, repliés sur eux-mêmes comme le voulait la tradition funéraire des Elfes. Les prêtres de Tari se livrèrent à leurs prières et leurs rituels. La terre se mouva d'une manière presque imperceptible, puis laissa passer à travers elle les deux graines germant par la volonté des prêtres présents. Caranthir avait voulu observer la tradition : avant de quitter la capitale pour la cérémonie du serment de son frère, il avait fait préparé le corps au temple de Tari. Il avait fait part de sa volonté de créer les Lueurs des Défunts, comme le voulait la tradition du Premier Peuple en ces temps difficiles.
Durant la cérémonie, Caranthir s'était voilé les cheveux et portait un masque. Cëlenengîl, quant à lui, n'avait fait que rabattre son capuchon sur son visage. Certains proches amis des défunts vinrent leur offrir leurs soutiens. Ils portèrent ensemble les Lueurs de leurs défunts parents dans le bassin, et demeurèrent devant le bac, luisant d'une lueur vive, tant il contenait des Lueurs.
Dernière édition par Cëlenengîl le Mer 9 Jan 2019 - 19:43, édité 1 fois
Cëlenengîl
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Sujet: Re: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel. Lun 7 Jan 2019 - 20:29
« Pour ceux qui restent, la vie ne devrait jamais céder le pas à la mort. Comment sont-ils partis ? » « Tristesse ? Déception ? Les deux ? Quelle différence cela peut-il faire, désormais. » « Tu leur en veux toujours. » « Je leur en voudrais toujours. » « Je ne ressens point de peine en moi. Ni de colère. Ni de joie. » « Ils ont failli. Notre famille n'en a jamais été une. Ce qu'ils ont fait est digne des mortels, des Humains. C'est indigne. » « Que voudrais-tu m'entendre dire, Caranthir ? Qu'être un accident vaut mieux qu'être le pion de notre ancêtre, de nos parents ? Que l'inattention dont j'ai été l'objet vaut mieux que celle qu'ils t'ont porté ? » « Cela apaiserait-il ta peine ? Ta colère ? » « Cela n'a rien à voir avec moi. » « Voudrais-tu qu'il en ait été autrement, petit frère ? Aurais-tu voulu être l'Enfant Prodige, Cëlenengîl ? N'être que le résultat d'une expérience conçue par une génération passée ? Que je sois le négligé ? » « Cela apaiserait-il ta peine ? Ta colère ? » « Oui. Mais je doute que cela apaiserait les tiennes. » « Rien ne saurait changer cela. »
Les deux frères se quittèrent ce jour-là, sans un mot de plus. La mort de leurs parents avait considérablement marqué Cëlenengîl et son frère aîné. Pourtant, c'était de leur vivant que leurs géniteurs avaient le plus fait de mal à leurs descendants. Agissant à l'opposé des standards d'éducation et d'union de leurs semblables, la famille Treis'Saevherne était une preuve supplémentaire que le Premier Peuple ne pouvait se livrer aux pratiques répandues chez leurs voisins de la Péninsule. Quittant les murs d'Alëandir, Cëlenengîl ne laissa point sa rancune transpirer à travers lui. L'épreuve des funérailles avait profondément marqué le vieil Elfe.
***
Jusqu'aux alentours de l'an quatre-cents du Xème cycle - Cëlenengîl était alors âgé de huit-cents ans -, l'Elfe erra dans l'Anaëh, laissant ses pas le guider vers les sentiers de la Forêt. Fort de l'enseignement théorique de Caranthir, et pratique d'Enÿa, Cëlenengîl passait ses journées entières à théoriser sur la magie. Ses propres réflexions, ses expériences personnelles et sa vie passée l'amenèrent à établir ses propres dogmes. Il méditait longuement sur tout ce qui le passionnait alors : les dieux, la magie, la conjonction des mondes et le parallélisme imparfait qui les régulait.
Sombrant dans l'addiction de la solitude, il se rendit à l'évidence de son raisonnement personnel : la régulation du monde n'était pas due à des normes juridiques, sociales ou politiques, qui n'étaient que des constructions incomplètes et imparfaites destinées à pallier les besoins primaires des Vivants. Il était possible de survivre, non, de vivre, en dehors des règles qui ne s'avéraient, au final, n'être que des palliatifs aux besoins sommaires des Vivants. Le plus grand malaise habitant les Vivants n'était dû, au final, qu'à leur oubli du passé et leur mépris des Morts, répétant les erreurs du passé en nonobstant subtilement d'en tirer des leçons.
Dans son raisonnement, le Bien et le Mal n'étaient que des données construites, un point de vue dont se revêt et dont on affuble celui qui diverge afin de justifier les pires des atrocités. Au final, la seule réalité incontestable du monde était qu'il était en permanente évolution, proche d'un Monde où sommeillent les âmes : le Monde des Morts. Il était cependant ardu de parler de parallélisme parfait : l'existence des mages tel que Cëlenengîl était la preuve que parfois, les deux mondes se chevauchaient, et qu'il était nécessaire que des gardiens veillent à l'intégrité des deux mondes.
Le temps d'errance de Cëlenengîl en Anaëh fut une période où l'Elfe perfectionna son art. Suivant les enseignements de son frère aîné, le mage s'imposait un auto-apprentissage permanent, cherchant sans cesse à perfectionner son art parfois même au détriment de sa propre santé. Cëlenengîl pervertit quelque peu l'héritage de l'enseignement d'Enÿa, adaptant les rituels qui lui avaient été enseignés à sa propre personne, imprégnant ses rituels, formules et autres pratiques arcaniques de sa propre signature. En cette période de perfectionnement de son art, Cëlenengîl fit alors une rencontre toute particulière. Ce fut le deuxième événement le plus marquant de son existence.
***
Cëlenengîl se reposait le long d'une vaste branche d'un arbre millénaire. Il ignorait en réalité où il se trouvait, il n'en avait cure. Perdu dans la forêt, il avait choisit cette branche pour sa largeur, suffisamment épaisse pour accueillir tout son être le temps d'une sieste. Les mains repliées derrière son crâne, il somnolait sous la caresse des rayons du soleil, se glissant péniblement au travers d'une vaste et dense flore. Sa respiration était lente et mesurée, comme cela lui avait été apprit : le contrôle de son rythme cardiaque était important afin de soumettre le corps à l'esprit, point important dans la pratique de son art.
Alors qu'il se livrait à l'exercice d'une courte sieste, il fut alors dérangé par le son distinctif de brindilles écrasées et de feuillages bousculées à la force de la main. Il ouvrit légèrement les yeux, balayant ce qu'il pouvait voir de ses yeux, mais n'aperçut rien. Seulement alors, Cëlenengîl baissa les yeux, apercevant une jeune Elfe, le regardant, avec un petit sourire sur le visage.
Sous le regard calme et bienveillant de la jeune Elfe, Cëlenengîl descendit de l'arbre. Elle le regarda faire, les doigts joints au bas de son ventre, patientant calmement au pied du repos de l'Elfe. Elle lui souriait. Cëlenengîl s'inclina, portant sa main droite au poitrail, saluant comme il convenait de le faire en langue elfique.
« Caëd'mil, hlaith. » « Oh. Je ne suis pas une gente dame, G'vaorn. » « Vous en avez l'apparence. Et je ne suis pas un maître. » « Vous en avez l'apparence. »
Cëlenengîl la regarda quelques instants. Puis lui sourit, détournant son regard. Il s'assit face à elle, posant son bâton sur le côté. Elle fit de même, repliant les jambes sur elle-même en tailleur, posant ses mains au centre, sur l'herbe. Ses longs cheveux blonds lui parvenaient au bas du dos.
« Je suis Cëlenengîl. » « Je le sais. Je vous cherchais ! » « ... » « Je suis une moine. J'ai achevé il y a un an mon apprentissage théorique. Sur les conseils de mon premier maître, je vous ai cherché afin d'entamer ma formation pratique. » « Tu es l'ancienne d'élève d'An'Gïvarè, c'est cela ? » « Oui. Maître Enÿa a témoigné de la rapidité avec laquelle vous avez progressé. Les moines murmurent entre eux. Le nom des praticiens de renom finit toujours par revenir dans leurs conversations. » « Et tu me cherches depuis une année entière ? »
L'Elfe hocha la tête en guise de réponse affirmative. Il était difficile d'estimer son âge. Cëlenengîl estima qu'elle devait avoir l'âge que lui avait lorsqu'il avait achevé la première moitié de son apprentissage avec Caranthir, soit dans les trois siècles d'existence. La jeune Elfe semblait immergée d'une vraie gentillesse et d'une rare douceur. Ses traits étaient fins, beaux, et ses yeux luisaient, pétillaient, trahissant une excitation et une curiosité intellectuelle qui ne manqua pas de plaire à Cëlenengîl.
Cëlenengîl avait déjà aperçu la jeune Elfe qui se trouvait face à lui, assise innocemment dans l'herbe haute. Le Monastère n'était point une structure dont les membres pouvaient se vanter d'être nombreux. Ils étaient, tout au plus, cent cinquante membres répartis sur l'intégralité de la forêt d'Anaëh, et tous s'estimaient heureux de ce nombre déjà élevé. Parmi eux, presque la moitié ne se rendait pas au Synode, et pour cause : ils ne prenaient pas d'apprentis, et l'aspect collégial du Monastère ne les intéressait guère. Ils ne s'y rendaient que lorsqu'ils savaient sciemment que les sujets des débats dépassaient le cadre de l'Immatériel. C'était à l'occasion d'un Synode que Cëlenengîl avait aperçu Lömè-Sîlma au côté de son maître, dix ans auparavant.
« Je suis Lömè Sîlma. Alors, G'vaorn ? Vous acceptez ? »
Bien sûr, Cëlenengîl accepta. Le vieil Elfe prit du temps à se rendre à l'évidence. En premier, il se rendit compte comment son regard s'attardait sur des menus détails. C'était parfois la mèche blonde rebelle tombant sous ses mirettes, qu'elle rejetait d'un soupir vif sur sa joue. Il s'agissait, tantôt, du chignon imparfait qu'elle rafistolait sans cesse, ses yeux verts concentrés sur ses sorts et sa pratique. C'était sa manie de se ronger quelque peu les ongles lorsqu'elle échouait, comme si elle était habitée par la peur qu'il la rejette. Mais comment aurait-il pu ?
Si Lömè s'en était rendue compte, elle n'avait rien dit pendant longtemps. Mais seule une femme frappée de cécité et de surdité ne se serait point rendue compte de l'attitude de Cëlenengîl. Parfois, c'était son regard s'attardant sur son apprentie tandis qu'elle remplissait sa gourde, et qui se rétractait soudainement dès qu'elle se relevait. C'était sa tendance au sourire et même à l'hilarité aux plaisanteries de Lömè et à sa témérité, voire son acharnement. En réalité, la jeune Elfe déteignait autant sur Cëlenengîl qu'il lui enseignait la pratique de leur art. L'Elfe déjà bien âgé, façonné par un frère qui avait comblé le vide laissé par une famille présente mais invisible, se voyait complété par une Être dont la responsabilité lui incombait.
Ils se surprenaient étrangement proches lorsqu'ils contemplaient certains paysages, se reposant à l'ombre d'un arbre ou au dos d'une pierre, appréciant les crépuscules d'Anaëh. Ils n'estimaient plus déplacées les plaisanteries entre deux cours, et ne se refusaient plus les dons de souvenirs qu'ils recueillaient dans leurs voyages sans boussole. Un jour, Lömè offrit à Cëlenengîl un large médaillon. Le métal était simple, fait d'un maillage d'argent et de fer. Il contenait, en son centre, une pierre, une émeraude large et incrustée dans la cavité par une main de maître. C'était un présent que la mère de Lömè avait offert à sa fille plusieurs siècles auparavant. Ce soir-là, ils échangèrent leur premier baiser.
***
A l'aube des neufs siècles de vie de Cëlenengîl, le moment tant redouté du maître et de son apprentie arriva : leur temps ensemble touchait à sa fin. Comme le voulait la tradition, la formation de Lömè Sîlma devait s'achever par la réunion des deux maîtres de l'élève sur un lieu du passé de l'apprentie, de son choix, afin de prononcer son serment. Chaque instant était une épreuve pour Cëlenengîl, qui redoutait que son élève et amante prenne une route différente de la sienne.
Il sut qu'il s'était trompé lorsque Lömè, qui devait choisir le lieu où elle devait prêter serment, demanda à Cëlenengîl de le retrouver à l'endroit où ils avaient échangé leur premier baiser. C'était l'instant où la jeune Elfe avait fait don à son maître du pendentif de sa mère, où elle lui avait révélée la réciprocité des sentiments du vieil Elfe. Lors du serment, ils ne se quittèrent du regard. Et lorsque cela fut fait, et qu'ils se retrouvèrent seuls après le départ du premier maître de Lömè, ils sombrèrent l'un dans les bras de l'autre, avec la retenue et la douceur que seuls les amants du Peuple Éternels savent faire preuve.
Âgée alors d'un peu plus de quatre-cents cinquante ans, Cëlenengîl était son aîné du double de son âge. Néanmoins, l'âge est une donnée bien désuet pour un peuple dont la longévité peut s'étendre à plusieurs millénaires. Se traitant désormais d'égal à égal, la relation entre Cëlenengîl et Lömè s'intensifia, se débarrassant de la dimension de maître et d'élève pour se revêtir des vrais atours d'une relation basée sur l'amour, la sincérité, et la multitude d'intérêts communs.
Les deux Elfes passèrent le siècle qui suivit ensemble. Ils assistèrent ensemble à une nouvelle dégradation des relations entre les Elfes des Cités et leurs frères des Bois. Le vent et la Forêt porta à leurs oreilles un chant de peine tandis qu'ils leur révélaient que des morts étaient à déplorer. Ils apprirent également, avec presque un siècle de retard, la mort de leur roi, Glorfindel, et le retour à la régence de Caranthir. C'est alors que Cëlenengîl et Lömè réalisèrent la bulle dans laquelle ils s'étaient enfermés. Et ils comprirent que cela leur convenait parfaitement ; que la peine n'était guère plus forte que l'indifférence lorsque des nouvelles tragiques, ou bienheureuses, leur parvenaient. Que, finalement, seul le bonheur de l'autre leur importait vraiment.
« Parle-moi de ton frère ! »
La question le surprit de beau jour, de plein fouet.
« Caranthir ? Il y a peu à dire à son propos. » « Je sais que ce n'est pas vrai, Cëlenengîl. Et tu le sais aussi. Tu n'as jamais pris la peine de me le présenter officiellement, et tu n'as jamais pensé bon de me parler de lui. De tous les Synodes auxquels nous avons participé ensemble, vous ne vous êtes que peu adressé la parole. » « Il y a une bonne raison à cela. » « Vraiment ? »
Cëlenengîl se reposa la question. Vraiment ? Avait-il une bonne raison de ne point mentionner son frère ? Il répondit, mais à cet instant, il ignorait s'il se répondait à lui-même ou à Lömè.
« Je t'ai déjà parlé de ma famille. De ce que toutes les générations nous précédant prévoyaient pour celles à venir. Leur grand projet, leur machination...a connu un certain succès. Caranthir est ce succès. Mon frère est le mage ayant le potentiel magique le plus grand depuis Aënye, mon ancêtre. A dire vrai, Caranthir est le sorcier le plus puissant qui soit de notre famille. En terme de potentiel, de pratique, il me dépasse largement sous tous les plans. Nous avons beau être de la même branche de sorcellerie, je ne saurais prétendre à atteindre son niveau. Mais il n'est pas seulement puissant dans la pratique. C'est un être intelligent, calme, tempéré, et un excellent politicien. Il oeuvre au sein du palais d'Alëandir depuis le règne de Findarato. Il se plaît en tant que simple intendant...mais il n'en est pas moins un rouage important du palais. » « Tu le présentes comme un être exceptionnel. Pourquoi n'a-t-il pas cherché à obtenir plus que ce qu'il avait ? » « Parce que Caranthir n'aime guère la lumière. La notoriété, la publicité...Cela ne l'intéresse guère. Son petit métier lui plait, là où il sait qu'il fait bien son oeuvre. Caranthir a passé sa jeunesse à supporter les attentes toujours plus croissantes de nos géniteurs. Il en a développé une véritable aversion pour les responsabilités trop grandes. » « Tes parents étaient-ils si...durs ? » « Envers moi, non. Enfin, pas de cette manière. Mais j'imagine aisément nos parents écraser Caranthir de leurs attentes, de leurs désirs, de leurs expectations. C'est difficile à concevoir, mais Caranthir était pour eux l'aboutissement de trois cycles d'union arrangées et d'espoirs venant de chaque parent, espérant que l'enfant qui naîtra sera le bon. L'Enfant Prodige. » « Il ne l'a pas supporté ? » « Il s'y est résolu durant sa jeunesse. Il a subi les apprentissages de mes parents. Et peu après ma naissance, il est parti. Sans doute a-t-il pensé que lui absent, notre père et notre mère se tourneraient vers moi pour m'éduquer. Afin qu'ils puissent, même en faisant semblant, s'intéresser à moi. » « Ce fut le cas ? » « Non. Je fus élevé par mes géniteurs, pourtant je ne les ai jamais surpris à être une mère ou un père. Les peintures à la maison n'étaient que Caranthir. Les sujets de discussion étaient à propos de Caranthir. Même absent, mon frère restait l'Enfant Prodige. Le préféré. Mon frère n'a jamais pardonné à nos parents ce qu'ils avaient fait de lui. Et il ne leur a jamais pardonné ce qu'ils m'ont fait non plus. » « Pourtant, vous voilà en train de vous jalouser. » « Chacun sera toujours jaloux de ce qu'il ne possède pas. Le négligé envie l'attention de celui qui a trop souffert de cette dernière, ne souhaitant que le calme et l'inattention dont le premier a été l'objet durant toute sa vie. Notre jalousie mutuelle entretient un curieux sentiment, mêlant colère et frustration, dont ni lui, ni moi, ne sommes aptes à nous délivrer. Nous n'y arriverons pas, tant que nous ne pardonnerons pas à nos parents. » « Je ne peux que compatir. » « Je me suis souvent demandé comment mon frère pouvait continuer à avancer malgré cela. Peut-être est-ce le sentiment de devoir se prouver à lui-même qu'il est plus que le fruit d'unions arrangées, qu'il est plus que le fruit d'une expérience réussie. Peut-être que sa colère le motive plus que la peine que tout ceci lui inspire. Peut-être estime-t-il qu'il ne doit pas se laisser désarmer par le Destin, pour moi. Caranthir n'a jamais aimé une femme. Il n'a jamais eu de début de vie, pas de jeunesse. Je suppose que ce qui n'a pas connu de véritable aube ne peut avoir de crépuscule. Ce qui a toujours été en morceaux ne saurait se détruire davantage. Caranthir ne confond pas le ciel avec le reflet des étoiles qui se dessine à la surface de l'eau. Il ne sait pas à quoi ressemble le reflet du lac : il a toujours regardé le ciel. »
Leurs journées s'enchaînaient et se ressemblaient. De l'aube jusqu'au crépuscule, ils conversaient, échangeaient théories et points de vue, et se livraient à leur art pour les démontrer ou les contrer. Ils s'enfermaient dans la pratique de leur sorcellerie, reclus au fond de l'Anaëh, laissant leur âme vagabonder à la recherche de Souffles errants. Parfois, dans leurs voyages, ils tombaient sur un sanctuaire abandonné au milieu de la forêt. Profitant de l'abri offert par la pierre recouverte de mousse et de lierre, ils se livraient à des rituels dans ces lieux gorgés d'histoire, déterrant des savoirs enfouis et oubliés.
La paix revint en Anaëh, ce qui permit à Cëlenengîl et Lömè de circuler plus librement sans craindre un camp ou l'autre. Loin des querelles internes de leur peuple, les deux amants poursuivaient leur insatiable quête de savoir sous les cimes vertigineuses de l'Anaëh. Aux alentours de l'an 700 du Xème cycle, la guerre entre les Elfes et leurs sombres cousins éclata.
***
Les amants continuaient leurs errances en Anaëh, poursuivant l'exploration du passé au travers des âmes errantes qu'ils traquaient. Presque un cycle s'était passé depuis la mort des parents de Cëlenengîl, ce dernier n'avait presque pas revu son frère depuis cet événement. Leur dernière vraie conversation devant le bassin aux Lueurs avait révélée, à l'un et à l'autre, la frustration, la colère et la peine qui les habitait, ancrés dans leurs personnalités par leurs expériences personnelles.
Au crépuscule du Xème cycle, juste avant d'entrer dans sa dernière moitié de siècle, Cëlenengîl et Lömè Sîlma se livrèrent ensemble à un rituel. Ils s'étaient installés dans une clairière, proche d'un vieux sanctuaire antique, vaincu par le temps et la végétation qui avait reprit ses droits. Là, ils s'étaient installés, avaient clos leurs esprits à toute interruption extérieure. Leur respiration s'était ralentie, leur rythme cardiaque aurait paru tragiquement bas à qui n'était point initié à cette magie. Leurs yeux s'étaient fermés. Et, progressivement, ils se mirent à entendre des sons qui ne leur était pas donné d'entendre de coutume. Ils se sentirent quitter leurs corps progressivement, ressentant le moindre déplacement de leur esprit en dehors de leurs corps, tandis que leurs lèvres continuaient de remuer, murmurant imperceptiblement les formules. Leur conscience s'élargit, tandis qu'ils erraient désormais à proximité des âmes coincées entre le monde des Vivants et le Royaume des Morts.
Comme ils l'avaient déjà à maintes et maintes reprises, ils entreprirent d'exercer sur les âmes un contrôle et une contrainte afin de déceler en elles tout le savoir qui leur était possible de récupérer. Ils pratiquèrent leur art, se livrant avec douceur et respect à l'extraction des souvenirs subjectifs des Souffles, distillant le savoir qui résidait en elle afin de le ramener avec eux dans le monde des Vivants. Cëlenengîl, pleinement conscient de ce qui l'entourait, était apte à discerner les âmes qui erraient de la sienne et de celle Lömè. Puis, dans un indescriptible instant d'effroi, il ne fut plus apte à discerner les Souffles errants de celle de son amante, ne repérant plus l'infime différence entre celle de son aimée et celles qui les entouraient. Il rompit brutalement le contact avec l'Au-Delà, revenant dans le monde réel, ouvrant brutalement les yeux, posant ses mirettes émeraudes sur le corps allongé et inerte de Lömè, gisant à quelques mètres de lui.
Le vieil Elfe, comme tous les pratiquants de la branche de son art, qu'il s'agissait d'un instant d'inattention pour qu'une âme ne retrouve pas son chemin. Qu'à l'instar de celles qui se perdaient sur leur chemin vers le Royaume des Morts, il était possible pour celle d'un Vivant de s'égarer dans le dédale de l'Entre-Deux, d'être incapable de retrouver son réceptacle, son corps, l'ancre du monde des Vivants. En premier, il la secoua par les épaules, hurlant son nom. En second, il lui ordonnait, l'invectivait, exigeant de Lömè qu'elle se réveillât, que ses yeux s'ouvrent, que sa respiration reprenne. Seul ses hurlements et ses larmes brisaient le silence écrasant de la nuit qui s'était installé.
Puis Cëlenengîl se résigna. Il s'empara de son bâton posé dans l'herbe humide. Rage et désespoir n'avaient rarement aussi fait un aussi beau couple que dans le cœur de l'Elfe à cet instant précis. A l'instar d'une toile de maître, où les couleurs s'enlacent à la perfection, haine, rage, désespoir et peine se relayaient au plus profond de Cëlenengîl. Mais le mage n'avait point dit son dernier mot. Il récita - non, il éructa - les formules qu'il ne connaissait que trop bien, ressentant au plus profond de lui-même la magie se glisser en lui. Il sentit sa puissance fluer et refluer de son bâton à ses mains, de ses yeux à son corps, et enfin s'échapper, à la recherche de la seule et unique âme qui lui importait désormais. Il était difficile de savoir ce qui donnait à l'Elfe l'énergie de puiser dans ses ultimes réserves : était-ce la peur ? La rage ? L'amour ?
Ces trois sentiments lui permirent, dans un infime instant de soulagement, de retrouver l'âme de son aimée. Mais sa victoire fut de courte durée : son enseignement lui revint en mémoire. Cëlenengîl savait pertinemment qu'il ne pouvait guère ramener l'âme de Lömè-Sîlma à son corps en l'état actuel. Le Souffle était devenu errant. L'inévitable tendance d'une âme séparée d'un corps vivant à vouloir retrouver son hôte n'était plus là. En rattachant maintenant le Souffle de son aimée à son corps, il risquait de l'endommager, de le corrompre, ou pire : d'effacer sa mémoire, de la détruire. Alors il résolut à ce qu'il considéra être la moins pire des solutions. Il entreprit de soumettre l'âme errante.
Se refusant à user de brutalité, Cëlenengîl mit, ce jour-ci, le plus de cœur à l'ouvrage qu'il n'en fit jamais preuve. Combien de temps cela dura ? Des heures ? Des jours ? Cela, il l'ignorait. Le fait est qu'il parvint difficilement à récupérer le Souffle en question, l'insérant dans le seul réceptacle qu'il estima digne d'elle : le pendentif de sa mère, qui pendait désormais au cou de son amant. Cëlenengîl ne garda que peu de souvenirs de ce jour-ci, et ceux-ci demeuraient incertains. Il se rappelait de s'être réveillé, la faim au ventre et un sentiment d'épuisement tiraillant ses muscles. La réalité lui revint brutalement, car le corps de son aimée était toujours inanimé. La nuit où il se réveillât, la seul lumière qui luisait dans la nuit provenait de son médaillon, baignant d'une intense clarté, dont l'éclat avait été dérobé à l'émeraude la plus taillée.
***
Cinquante années ont passées depuis ce jour. Et depuis ce jour, l'unique quête de Cëlenengîl est de trouver un moyen de retrouver l'âme de son amante, perdue dans l'Entre-Deux. L'Elfe abandonna son nom, craignant l'ire, l'opprobre et les conclusions de ses semblables, et délaissa l'Anaëh. Revêtant le nom de Dunraël, et ne répondant que par ce nom en dehors des frontières du royaume du Premier Peuple, le maître de la manipulation des âmes erra dès lors dans le monde, voyageant partout où il lui était permit de se renseigner sur les différents rituels afin de doter sa bien-aimée d'un nouveau réceptacle. Par peur du jugement des siens, il ne leur fit pas ses adieux. Les moines de l'Immatériel apprirent, par Caranthir, ce qu'il était advenu de Lömè Sîlma. En l'absence de Cëlenengîl, les moines soupçonnèrent l'amant et ancien maître de la jeune Elfe d'être responsable de sa disparition. Cependant, ils se gardèrent bien de formuler leurs suspicions devant le Grand Elfe Blanc.
Dunraël, errant à travers les terres, envisagea de se rendre à Nisétis afin d'y visiter les âmes demeurant dans les ruines de l'ancienne capitale impériale. Espérant obtenir là-bas des réponses, il obtint du plus puissant des mages humains, Nakor, son soutien afin de s'y rendre. Cependant, le sort et les aléas retardèrent leur départ, et alors que Dunraël se trouvait au Firmament, une troupe suivant la dénommée Cécilie de Missède se présenta aux portes de la forteresse. Répondant à l'appel de son devoir de moine depuis longtemps négligé, Dunraël y vit également l'opportunité de se rendre à Nisétis, alors que le groupe envisageait de se rendre aux Piliers de la Mort, en plein milieu des Terres Stériles.
Mais la transcendance vénérée par Dunraël le poussa vers un autre chemin, loin de ceux du groupe que lui et Haldren, un Elfe rencontré au Firmament, décidèrent d'emprunter ensemble. Témoins oculaires de l'apparition du karkal abyssal aux Piliers de la Mort, Dunraël et Haldren retournèrent en Anaëh, le premier invitant le second à la tenue du Synode de l'Immatériel afin de révéler aux Moines ce dont ils avaient été témoins. C'était la première fois, depuis un demi-siècle et son départ de l'Anaëh, que Dunraël revenait sous les vertigineuses cimes de la Forêt Ancestrale.
Dernière édition par Cëlenengîl le Mer 9 Jan 2019 - 19:55, édité 1 fois
Le Vaisseau de la Voilée
Ancien
Nombre de messages : 4141 Âge : 34 Date d'inscription : 09/03/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans (né en 972) Taille : Niveau Magique : Avatar
Sujet: Re: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel. Mer 9 Jan 2019 - 19:49
Cette fiche remplace la précédente version, archivée par manque de place dans le premier post. Le membre du staff intéressé peut toujours se rapporter aux discussions qui y ont eu lieu pour référence au besoin, bien entendu.
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Sujet: Re: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel. Mer 9 Jan 2019 - 20:26
Après plus d’une semaine de travail, nous pensons avec Artïon que cette fiche comble très largement les lacunes de l’ancienne. De plus, je tiens à souligner ta bonne volonté à prendre en compte nos remarques et nos retours. Ton personnage s’inscrit maintenant beaucoup mieux dans l’univers de Miradelphia et notamment son BG magique. Que ce soit le staff ou toi, nous n’avons plus d’excuse désormais : Dunraël tel qu’il est décrit dans cette fiche est un personnage satisfaisant. Comme discuté en amont de ce processus, ton personnage obtient de plus le rang magique de Maître, car la fiche le motive clairement.
Je tiens à souligner que ce rang magique t’oblige, dans ton jeu, à respecter scrupuleusement les limites de tes capacités magiques ainsi que nous les avons déterminées ensemble ; il t’oblige aussi au fairplay, comme tout à chacun, car un personnage puissant comme cela n’a aucun intérêt s’il est joué « contre » tes partenaires IRP. Cela ne veut pas dire qu’il ne pourra s’opposer à personne bien évidemment, ou qu’il devra devenir soudainement mauvais pour laisser une chance à ses adversaires. Cela veut dire qu’on attend de toi (comme de tout joueur, en fait) que tu prennes bien garde en jouant ton personnage à ce que tu ne sois pas le seul à apprécier l’expérience.
J’aurai un dernier mot, avant de passer à l’étape que tu attends (de manière compréhensible !) avec impatience : Caranthir. Je le souligne ici (c’est déjà dit dans la fiche) pour référence aux staffeux qui viendront après nous, si jamais ils en ont le besoin : les capacités magiques de Caranthir sont les mêmes que celles de Dunraë, mais peut globalement être considéré comme plus puissant. Tu es bien évidemment libre de jouer des PNJs, comme n’importe qui sur ce forum. Cependant, tu as fait le choix d’inclure dans ton histoire un PNJ plus puissant que ton personnage (qui fait déjà partie, mécaniquement, du haut du panier). Je tenais donc à insister une dernière fois sur l’importance que Caranthir habille tes RPs sans qu’il ne te serve de Deus Ex Machina. Il faudra donc bien prendre soin à ne pas le sortir comme « argument d’autorité » (tu n’en as plus franchement besoin…) si tu te retrouves dans une situation ou ton personnage est mis en cause. Il ne faudra pas non plus qu’il te serve à mener des entreprises IRP que tu ne pourrais pas résoudre seul.
De ce point de vue, je pense que le choix que tu as fait de mettre les deux frères en froid et ne se parlant que peu est une bonne manière de résister à l’écueil de le sortir trop facilement. C’est une bonne chose. Mais prends bien garde donc à ce qu’il n’apparaisse pas dans tous tes RPs !
Cela étant dit, si tu t’en tiens à ce qui est décrit dans cette fiche, tu devrais pouvoir t’amuser avec ton personnage sans encombre. Je t’encourage aussi, pour référence, à venir trouver le staff avant de tenter des choses où tu as le moindre doute quant à la validité. Le staff préférera toujours accompagner des joueurs volontaires pour travailler avec lui que de fliquer des baroudeurs.
Un dernier mot par rapport à ton Monastère : tu peux le jouer dans la mesure de sa description dans cette fiche, mais la prochaine étape maintenant pour toi, c’est la rédaction d’une petite fiche type fiche de guilde pour indiquer à un endroit de manière synthétique (et pas distillé dans une fiche de personnage) son BG. Fait bien attention, à ce moment là, d’indiquer clairement quels sont les éléments nouveaux par rapport à ce que tu as déjà dit dans la fiche ! Qu’on puisse plus facilement faire la mesure de ce qui a pu changer par rapport à ce qu’on a lu.
Mais bref, je m’étends peut-être un peu trop. L’important demeure : félicitations pour cette fiche, le travail que tu y as mis et la validation à la clef !
Code:
[Métier] : Mage de l’âme
[Sexe] : Masculin
[Classe d'arme] : Magie
[Alignement] : Chaotique Neutre
Foire au RP ~ Pour tout ce qui est recherche de compagnons RP. En bref, que du bonheur ! Journal de bord ~ Pour archiver tes liens de RP qui content l'histoire de ton personnage {Vivement conseillé}. Et enfin, si tu as des question, n'hésite surtout pas à demander l'aide d'un parrain, ou à tout simplement poser tes questions dans la partie créée à cet effet.
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Sujet: Re: Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel.
Cëlenengîl, mage & moine de l'Immatériel.
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