[L'échappée belle] Appel à embauche | Lorèdana & Brohan

Fin de la 8ème ennéade de Verimios
An 16:XI

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Vous savez manier une arme ?
Vous n'avez pas peur de voyager et même de partir à l'étranger ?

Nous avons besoin de vous pour partir à la poursuite d'un criminel en fuite :

Rainier de Sombrelac



Forte récompense à la clef !

Si vous vous sentez les épaules, rendez-vous à la caserne de Seram.
Demandez le Lieutenant Alaric Ventbois ou le Chevalier Clothaire Grüner.


Départ le Oglicos de la neuvième ennéade
Verimios de l'an 16:XI

La rouquine avait payé quelques écus de plus pour qu’on lui prépare un bain, rien ne savait la revigorer aussi bien qu’une immersion délassante, que se fût dans une baignoire ou dans un lac d’ailleurs. Elle s’était frictionnée vigoureusement avec le morceau de savon et s’était allongée aussi confortablement que possible pour se détendre quelques instants, en attendant que l’eau accomplisse son ouvrage. Elle se leva enfin et s’enroula dans les linges propres et frais que les tenanciers avaient mis à sa disposition, elle s’épongea rapidement. Elle revêtit sa chemise et ses grègues, puis chaussa ses bottes. Elle s’enferma ensuite dans son armure de cuir et rangea sa précieuse boussole dans sa camisole, sur son cœur, là où était sa place. Elle fit un rapide inventaire de son sac constatant que rien ne manquait puis elle descendit dans la pièce à vivre.

Malgré l’heure matinale, les ivrognes commençaient à se pocharder et les marchands faisaient une halte. Elle fit un signe de tête amical au tenancier en dérobant une pomme dans un bol posé sur le comptoir, y déposant par la même occasion un écu. Frottant le fruit contre sa manche, elle s’approcha du tableau d’affichage où se trouvaient habituellement une multitudes d’annonces placardées de manière plus ou moins anarchique. L’une d’elles avait retenue son attention, concernant un certain Rainier de Sombrelac, elle la détacha du mur et la consulta de plus près. « Plutôt coquet ce fugitif, pas vraiment la tête à jouer de l’opinel » pensa t-elle en croquant dans la pomme. La fiche n’offrait que peu de détails sur les méfaits de ce dernier, un criminel en fuite, cela avait le don d’intriguer Lorèdana. Les dernières indications lui firent écarquiller les yeux, elle s’empressa de sortir sa carte de son sac à dos et le précieux document ne fit que confirmer ce qu’elle savait déjà, elle avait tout intérêt à se dépêcher si elle voulait arriver à temps à Seram et conserver toutes ses chances de participer à la traque.

Elle plia soigneusement l’annonce et la rangea dans son sac, boucla le fourreau de Feuille et accrocha l’étui contenant sa dague autour de sa cuisse sous les regards médusés de la clientèle. Prenant tout juste le temps de saluer l’assemblée elle sortit de la taverne et, plantant la pomme entre ses dents elle saisit sa boussole et consulta à nouveau la carte, elle allait devoir traverser la forêt du sud, ça lui ferait gagner un temps considérable et les arbres la protégeraient pas mal des assauts du soleil, ce qui n’était pas négligeable et rendrait le voyage bien plus agréable. Lorèdana rangea ses effets et continua à boulotter son fruit chemin faisant, elle ne pouvait pas se permettre de perdre la moindre minute à lambiner. Forçant le pas, elle ne tarda pas à atteindre la sortie du village et aperçut au loin l’orée des bois qui la séparaient de Seram.

Alors qu’elle traversait les champs qui bordaient le village, elle entendait le bouillonnement des insectes estivaux qui s’éveillaient aux doux rayons du soleil, elle jeta son trognon de pomme au loin et entreprit sérieusement de rejoindre la forêt avant que l’astre du jour soit au zénith. Un petit ruisseau marquait l’entrée de la sylve et elle en profita pour boire et remplir son outre d’eau fraîche avant de commencer à sinuer entre les arbres, jetant un rapide coup d’œil à sa boussole afin de vérifier qu’elle se trouvait bien dans la bonne direction. La fraîcheur et l’ombre que procurait les feuillus était délicieuse, le soleil était impitoyable en cette période de l’année. Glanant de ça de là, quelques produits de la nature, baies, plantes et champignons, elle avançait d’un pas assuré, la forêt était un peu comme une seconde maison pour l’aventurière. Seul les bruits de la nature et des pas de Dana venait perturber le calme qui régnait ici. Elle entendait quelques craquement de bois de ci de là mais ne s’en formalisait pas, les animaux foisonnaient et les forêts en étaient remplies ces temps-ci.

Après une bonne heure de marche, les bois commençaient à s’éclaircir, elle observa les environs, il ne lui restait plus qu’a traverser le chemin usuel et elle aura rejoint le village côtier avant que le jour ne décline. Elle jeta un dernier coup d’œil dans la forêt avant de se remettre en route en plein soleil. Ce n’était que dans ce genre de moment qu’elle se maudissait de ne jamais penser à s’offrir un châle afin de se couvrir la tête en été, pour elle qui passait son temps à l’extérieur, c’était pourtant quasiment indispensable. Elle avait encore un bon petit bout de chemin à parcourir avant d’atteindre Seram et mille questions la tiraillaient déjà surtout en ce qui concernait le fugitif. Qu’avait-il pu commettre d’aussi horrible pour devoir fuir et surtout pour être poursuivit, les nobles étaient bénéficiaires de nombreux passes-droits et étaient par conséquent très peu « suivis ». L’individu en question devait avoir fait une bourde magistrale pour en être réduit à l’évasion. Dana se dit qu’elle avait plutôt intérêt à rester sur ses gardes et à bien surveiller ses arrières avec ce genre de personne. Mais avant même de penser à ce qu’elle ferait une fois la personne retrouvée, elle devait s’entretenir avec les commanditaires de la mission, ce qui constituait en soi un premier défi.

En pénétrant au sein de la caserne, Lorèdana sentit sur elle les regards lubriques et les airs goguenards dont elle avait l’habitude, elle avait appris à ne pas s’y fier. Elle snobait résolument ces abrutis qui passaient leur temps à toiser les femmes comme elle. Une femme portant les armes prêtait à rire, mais si un seul lui faisait la demande d’une joute, elle serait ravie de lui faire une démonstration de son art et de lui faire ravaler au passage, tout sourire moqueur. Elle avait déjà corrigé des hommes par le passé, il se trouvait que les plus railleurs étaient aussi les plus incapables ce qui rendait, en général, la leçon profitable.

Elle sortit l’affiche arborant le visage de Sire de Sombrelac et patienta au milieu de la carrée, quelqu’un finirait bien assez tôt par venir à sa rencontre, ne serait-ce que pour lui demander de déguerpir.

-On ne prend pas les femmes.

La voix venait de la droite de l’aventurière. Là, un petit groupe se tenait autour d’une table sur laquelle était posée ce qui ressemblait à une carte. Quelques hommes étaient assis sur un banc ou un tabouret. D’autres étaient debout. L’un deux avait le pied posé sur un tabouret, les avants-bras posés sur son genou. Il était vêtu d’un uniforme militaire typique des sous-officiers de la région et une épée pendait à sa ceinture. Aux regards tournés vers lui, il était aisé de comprendre que c’était lui qui avait parlé, même s’il avait déjà détourné son attention de la jeune femme.

-Ne sois pas aussi rabat-joie, Ventbois !

Derrière lui, un homme se mit en mouvement. Les cheveux attachés en demi-chignon et le bas de la tête coupé à ras, il portait une cotte de maille en dessous d’un tabard de chevalier. Il frappa amicalement le dos du militaire qui fut secoué par ses accolades mais celui-ci ne sembla pas vraiment se préoccuper de lui. Il lui adressa néanmoins un regard las et sceptique quant à son intervention. Le noble s’approcha en direction de la nouvelle venue dont l’apparition avait tant attiré l’attention que personne n’avait encore remarqué les quatre hommes encapuchonnés qui venaient de passer la porte de l’enceinte de la caserne.

-Et tu comptes en faire quoi ? T’en servir d’appât ?

Le chevalier ricana devant la plaisanterie et le scepticisme du Lieutenant mais ignora totalement sa remarque.

-Veuillez excuser mon camarade. Dit-il à l’aventurière avec un sourire charmant. Puis il fit les présentation, inclinant noblement le buste avant de désigner le militaire de la main. Chevalier Clothaire Grüner et voici le Lieutenant Ventbois. Nous sommes responsables de cette expédition en Estrevent. Je suis sûr que vous comprenez sa défiance, il est rare de voir une femme porter les armes mais vous m’avez l’air plutôt habile. Peut-être accepterez-vous de nous faire une petite démonstration de vos talents ? Je saurais plus aisément le convaincre de vous joindre à notre équipe.

Ventbois écoutait d’une oreille et, à son expression, il était aisé de comprendre qu’il n’était pas emballé par l’idée. Il releva les yeux vers l’un des hommes assis en face de lui et le fixa jusqu’à ce que leurs regards se croisent. Puis, d’un signe de tête, il lui commanda d’aller au centre de la cour, là où se tenait la jeune femme et le chevalier. Il se leva donc, saisissant son épée qui se trouvait debout contre la table. Il la tira du fourreau qu’il laissa tomber par terre avant de s’avancer vers son adversaire désigné. Grüner, quant à lui, s’écarta après avoir adressé un sourire confiant à l’aventurière.
L’homme qui se présentait devant Lorèdana était visiblement un soldat. Ses cheveux noirs commençaient à grisonner au niveau de ses tempes et quelques rides marquaient le coin de ses yeux telles de belles pattes d’oie. Il avait connu quelques guerres et, s’il avait été d’un sang plus noble, il aurait sans doute reçu un grade. Le sous-officier ne l’avait pas choisi au hasard. C’était un excellent épéiste et il espérait bien voir la jeune femme défaite proprement.

Le chevalier rejoignit le petit groupe et croisa les bras pour observer le duel amical qui s’annonçait, un sourire chaleureux aux lèvres. Alors que les deux combattants se mettaient en place, un soldat vint se pencher à l’oreille du Lieutenant, toujours appuyé sur son genou. Dès qu’il eut fini de lui transmettre son message, le sous-officier se tourna à moitié en direction de l’entrée et aperçut enfin les quatre silhouettes qui se tenaient devant la porte à laquelle il tournait le dos. Levant un doigt en l’air, il leur demanda d’attendre une minute. Une chose à la fois…

La remarque du dit Ventbois lui arracha un sourire, voilà qui lui permit de décerner sans aucune hésitation la palme du plus prévisible des hommes de l’assemblée. Elle laissa se dernier déverser son amertume sans y porter la moindre attention, préférant prêter oreille à son acolyte, bien moins incisif. Saluant le Chevalier, puis à contre cœur, le Lieutenant qui de toute évidence ne semblait lui témoigner aucuns regards ni salut en retour, elle s’avança :

« J’accepte avec plaisir » dit-elle humblement.

Un des soldats qui composait la tablée de Ventbois s’approcha. Son allure générale trahissait ses années d’expérience et son savoir faire, le combattant avait été choisit dans un but bien précis : Lorèdana devait échouer. Mais il était inconcevable qu’elle tombe sans se battre.

Ils se trouvaient face à face et un silence pesant envahi la caserne. Elle présenta ses respects au soldat et c’est avec grâce qu’elle fit glisser Feuille de son fourreau et se mit en garde. Elle reposait en souplesse sur ses jambes mais avait la désagréable impression que cela ne durerais pas. Ils se jaugeaient du regard, analysant l’attitude de l’antagoniste, cherchant la moindre faille dans laquelle s’engouffrer.

Le soldat tenta un premier coup d’estoc que la rouquine évita d’un bond en arrière et auquel elle répondit par une frappe latérale que l’homme réussit à parer. Les réflexes et les déplacements félins de Dana lui donnait un avantage certain, mais le soldat était très expérimenté et réfléchit, elle était ravie, le duel promettait d’être palpitant.

Elle s’accroupit vivement, évitant un nouvel assaut. Se relevant en pointant sa lame vint frotter dans un son métallique contre celle de son adversaire qui répliqua par une frappe de taille que l’aventurière, retenant son souffle, esquiva de justesse et dont la lame manqua de peu de venir frapper l’épaule du soldat.

Ils s’écartèrent l’un de l’autre, elle commençait à ressentir les efforts du voyage alourdir ses jambes, ralentissant ses mouvements et les rendant bien moins fluides. Elle avait beau être une voyageuse aguerrie et passer sa vie sur les routes, elle n’en était pas moins humaine et avait besoin de repos. La chaleur du jour s’ajoutant à la marche rapide qui l’avait séparée de Seram n’avait pas facilité sa condition.

Le soldat n’était pas dupe et la sentait faiblir. Il enchaîna une série d’attaque que la rouquine réussissait tout juste à parer sans néanmoins pouvoir se ressaisir pour répliquer. Elle n’abandonnerais pas, profitant du gain de confiance qui gagnait son partenaire, elle réussit à toucher son flan. Ses longues jambes commençaient à présent à s’engourdir, elle dû lutter pour renforcer ses appuis et s’ancrer au sol. Elle devait fournir plus d’énergie qu’elle n’en avait et l’homme s’en rendait forcement compte. Elle vit dans son regard que le spectacle allait bientôt prendre fin. Il avait un coup d’avance et était maître de ses mouvements, il était sage et avait ciblé le bas du corps, elle en aurait fait de même à sa place.

Il ne la ménagea pas et elle redoubla encore d’effort, elle sentait inévitablement son corps la lâcher. Elle faisait son maximum pour ne pas s’écrouler, les frappes que l’homme lui assenait aux cuisses et aux mollets étaient impitoyables, elle serrait les dents et continuait à se battre, jusqu’à ce qu’un coup très bien placé la fit ployer et qu’un de ses genoux s’abattit sur le sol, c’était fini.

Toute la caserne observa avec intérêt le duel qui se déroulait sous leurs yeux. Grüner se tenait près de la table, les bras croisés, un sourire confiant aux lèvres. Ventbois, quant à lui, avait daigné relever la tête mais n'appréciait pas autant le spectacle. La demoiselle ne se débrouillait pas si mal avec une lame et parvint même à blesser le vétéran. Cependant, il lui en fallait plus que ça pour le mettre à terre et il continua à se battre plus que vaillamment contre son adversaire qui fatiguait visiblement au niveau des jambes qu'il prit pour cible. Finalement, il eut raison de la jeune femme qui fut forcée de s'incliner, un genou à terre.
Grüner n'attendit pas la réaction de son homologue militaire pour s'avancer, frappant lentement des mains pour applaudir la prestation de l'aventurière. Arrivé bien vite près d'elle, il tendit une main dans sa direction pour lui proposer son aide. Lorsqu'elle fut debout, il la félicita comme il se devait.

-Bien joué ! On voit que vous savez y faire avec une lame, Mademoiselle... ? Dit-il en attendant son patronyme, et ses lèvres de s'étirer en un radieux sourire en le découvrant. Très joli. Soyez la bienvenue parmi nous. Conclut-il en désignant la table pour l'inviter à rejoindre le groupe.

Ventbois pesta en l'entendant accepter sa candidature et ne s'en cacha pas. Le regard qu'il lança à Lorèdana n'avait rien d'accueillant tandis qu'il l'étudiait des pieds à la tête. Puis il tourna son attention vers le soldat qu'il avait envoyé l'affronter.

-Dorst, je t'embarque pas avec une blessure. Va voir un prêtre.
-A vos ordres, Lieutenant.

Un homme vint récupérer l'épée du vétéran avant que celui-ci de prenne la direction de la sortie, une main sur le flanc pour réduire le saignement. Ce n'était pas une grosse entaille mais Ventbois ne voulait pas prendre le risque de le mettre sur un bateau pendant plusieurs jours sans possibilité de recevoir de véritables soins Le sous-officier se tourna alors vers le groupe qui était arrivé une minute après la jeune femme et leur fit signe d'approcher. Il profita de leur arrivée pour se détourner de Grüner et de sa nouvelle trouvaille pour se redresser enfin, posant son second pied à terre avant de se retourner vers les quatre chevaliers.

-Messieurs ? Les interpella-t-il alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques pas de lui. Lieutenant Ventbois. A qui ai-je l'honneur ? Face à eux non plus il n'était pas particulièrement chaleureux mais il était poli et simplement professionnel en fait.

Tandis qu'ils se présentaient, le Lieutenant étudiait les quatre hommes avec un œil exercé. Il n'avait pas besoin de plus pour voir que c'était des chevaliers entraînés et expérimentés. La raison pour laquelle ils voulaient pourchasser un salaud ne regardait qu'eux. A première vue, il n'avait pas de raison de leur dire non. Ventbois porta son regard sur l'un des hommes à l'entrée.

-Si d'autres se présentent, vous leur direz qu'on ne recrute plus. On est complet.

En prenant ce groupe-là et la fille, ils avaient déjà dépassé leur quota. Ils avaient droit à une dizaine, il était douze. Ils arriveraient encore à justifier deux personnes supplémentaires mais pas plus. Les invitant d'un signe de tête à venir rejoindre les autres autour de la table, il présenta aux nouveaux leurs effectifs et le trajet qu'ils avaient prévus de suivre pour se rendre sur place. La journée était déjà bien avancée et il n'eut pas le temps d'expliquer davantage ce qui les attendait.

-Le bateau appareille à l'aube donc on s'y retrouve tous ce soir pour être déjà embarqués. Finissez vos préparatifs et rendez-vous tout à l'heure sur l'Espérance.

Ventbois parcourra le groupe d'un dernier regard alors que certains s'éloignaient déjà. Il s'arrêta plus longuement sur la femme avant de se tourner vers Grüner et de lâcher un soupir de mécontentement. Puis il quitta la table à son tour pour rejoindre ses quartiers.

Ce Grüner semblait beaucoup trop enthousiaste pour être honnête, ce surplus d’entrain avait pour effet d’éveiller la méfiance de Dana. Son collègue, Ventbois, bien qu’il ne lui témoignait aucune sympathie, agissait de manière bien plus naturelle au vu des circonstances. Elle ne prêtait guère attention aux regards dédaigneux que ce dernier lui lançait, elle en avait l’habitude il était donc plutôt aisé de l’ignorer. Elle s’intéressa au groupe qui se trouvait au seuil de la caserne et qui était visiblement venu pour les mêmes raisons que celles qui avaient poussé l’aventurière à se présenter ici. Bien évidement, personne ne leur demanderait de faire leurs preuves, leur masculinité leur servait de passe-droit. Poussant un léger soupir sans vraiment s’en rendre-compte, elle étira ses jambes, les maudissant silencieusement.

Ventbois avait donné les directives, c’était un rôle qui lui allait à ravir. Le soleil était encore assez haut dans le ciel au sortir de la caserne. Elle n’était pas coutumière de ses villes portuaires, l’air marin était aussi vivifiant que les navigateurs et autres pêcheurs se plaisaient à le chanter. Alors ils allaient embarquer en mer, ça serait la première fois pour la rouquine, elle espérait être à la hauteur du périple. Flânant dans les halles, observant les étals dans le but de trouver quelques objets qui pourraient lui être utiles pour le voyage. Son regard était attiré par un magnifique sextant mais le poids de sa bourse lui rappela qu’il lui fallait plutôt faire preuve de sagesse, d’autant plus qu’elle ne savait pas très bien où cette aventure allait la mener. Elle préféra se fournir en pain et en fruit, ne lésinant pas sur les agrumes, ainsi que quelques parchemins vierges et une carte maritime.

Le port était fort fréquenté et accueillait autant de navire de plaisance que de gabares. Elle se promenait sur les quais, ne sachant pas où poser les yeux. L’iode, les odeurs, la vision des voiles claquant au vent, elle n’avait pas tous les jours l’occasion d’assister à ce genre de spectacle. Les reflets orangés du coucher de soleil enflammaient chaque ressacs et déjà se réunissaient parmi la foule de villageois, des visages qui ne lui étaient pas totalement inconnus. Dana suivit le mouvement et ils ne tardèrent pas à embarquer.

Ventbois connaissait déjà une bonne partie des effectifs embarqués. Au sein du groupe, il y avait deux soldats bien connus du Lieutenant, un chasseur de prime et deux mercenaires. Il avait eu trois à quatre jours pour éprouver les civils et ne doutait plus de leurs compétences. La nouvelle savait apparemment se servir d'une lame, même si on venait de la lui coller dans les pattes sans lui demander son avis. Alors si seulement la moitié des derniers arrivés savait vraiment se battre, ça lui convenait tout à fait. Il aurait bien le temps de les tester sur le navire...

Le soir venu, Ventbois et Grüner se trouvaient sur le pont. Ils étaient arrivés avant tout le monde pour parler avec le Capitaine du navire. Il y avait deux ou trois détails à régler... A commencer par savoir où loger l'aventurière, parce qu'ils ne pouvaient pas la mettre dans la cale avec les autres marins, ni lui faire partager une cabine avec quelqu'un. Après tout, il n'y avait que des hommes à bord. Les cinq premiers engagés se présentèrent à peine le jour déclinant et furent orientés vers le recoin de hamac où ils allaient tous dormir. Les quatre derniers furent guidés jusqu'à une cabine qu'ils décidèrent de partager. Quant à Lorèdana...

Grüner était en train de montrer leurs quartiers à certains de leurs hommes lorsqu'elle monta sur le pont. Le Lieutenant tourna vers elle son regard toujours aussi désapprobateur et contrarié durant un instant avant de lui demander de la suivre d'un signe de tête. Il prit un escalier et descendit vers le niveau inférieur. Là se trouvait un espace plutôt restreint pourvu de quelques portes donnant sur des escapes différents. Il montra une porte.

-Là c'est la cabine de Grüner. Là la mienne. Puis, indiquant deux autres qui se trouvaient devant lui. Ici, c'est l'infirmerie et là les quartiers du médecin. Il ouvrit cette dernière porte et resta sur le seuil avant de se retourner vers l'aventurière. Il dormira à côté, il vous laisse sa cabine.

C’est le regards toujours aussi lourd de reproches que le lieutenant lui avait fait signe de le suivre. Elle suivit ce dernier qui était visiblement chargé de lui présenter ses quartiers. Bien sûr, la jeune femme ne s’attendait pas à un quelconque changement d’humeur de la part de Ventbois, l’individu avait plutôt l’air d’être quelqu’un qui campe sur ses décisions et il avait visiblement décidé que Lorèdana était un fardeau.

« Merci lieutenant, je veillerais à remercier le médecin et à m’excuser pour le dérangement à l’occasion » dit-elle en pénétrant timidement dans le réduit.

Ventbois hocha la tête et disparu du chambranle de la porte. Observant la pièce, en faisant le tour, les mains posée sur les hanches, son attention reposait sur des livres qui étaient bien rangés sur une petite table d’appoint où se trouvait également quelques parchemins et des outils donc la rouquine ignorait totalement la nature et l’utilité. Pas de doute possible, elle se trouvait bien dans l’antre d’un homme de science. Elle ne prit pas la peine de tester la couchette, elle passait la majeure partie de sa vie à dormir au milieu de la nature.

Ne se voyant pas rester cloîtrée ici, elle songea à retourner sur le pont pour profiter de l’air marin et si possible, papoter avec le capitaine et lui demander quelques précision sur les cartes maritimes. Elle n’avait jamais eu l’occasion d’en consulter une et il y avait un début à tout et cela l'aiderais surement à repousser le stress qui commençait à faire son apparition. Après tout, c'était son premier voyage en mer.