Halyattaque!

Septième ennéade de verimios de l'an 16.

C’était une opération simple : la majorité de l’armée sortirait des camps pour se répandre dans la seigneurie de feu Swatilda et faire ce que les soldats du Second Ost faisaient de mieux : faire honneur à Zhak’Bar, châtier les impies était la mission qui était alloué à son ost et Kerath comptait bien la mener à bien dans les plus brefs délais. Deux jours après la discussion que le Senger avait eu avec la triumvir et sa fille sous la tente de l’Etat-Major il se trouvait face à sept mille de ses guerriers en ordre de bataille, il avait discuté avec l’Obok Senger du premier ost pour savoir combien de drows il devait laisser derrière afin de ne pas poser de problème pour le siège dans son ensemble, car évidemment Sol’Dorn restait prioritaire, et deux mille soldats avait été considéré comme un nombre acceptable ; une grande partie des troupes du second osts partis se trouvaient remplacés par les troupes du premier et la surveillance de la ville fut augmenté pour être certain de ne pas être pris au dépourvu par une sortie intempestive des assiégés, s’ils avaient une chance de briser le siège c’était bien maintenant. Quelques camps secondaires n’avaient plus qu’une garnison squelettique et dans certaines tranchées qui courraient d’une fortification à l’autre il n’y avait parfois qu’un ou deux soldats qui patrouillaient et les machinistes se trouvaient bien seul aux côtés de leurs engins de siège toujours silencieux et visiblement condamnés à l’inaction.

Les soldats n’attendaient que deux choses, ils étaient levés depuis deux heures et demi et heureusement que chacun connaissait sa place sinon ça n’aurait sûrement pas suffit pour que la cérémonie précédent chaque bataille ou opération de grande ampleur ne commence. Ils attendaient le lever du soleil et la venue de Krish Al'Serat car cette fois était spéciale : ce n’était pas le grand-prêtre d’Uriz rattaché à l’ost qui allait mener la cérémonie mais la haut-prêtresse du Père des Batailles. Lorsque cette dernière commença sa litanie Kerath mit un genou en terre, posant son arme à sa droite avant d’être imité par le reste de son armée ; les félins à pointe se couchèrent, posant la tête sur leurs pattes, regardant leurs maîtres ou les autres soldats qui répondaient à la triumvir, ou les prêtres placés un peu partout pour ceux qui étaient trop loin pour entendre distinctement ce qu’elle disait. Pour l’occasion les treize qui avaient suivi le Senger dans l’assaut du fort de la despote se formaient une ligne derrière lui.

Lorsque les serviteurs d’Uriz eurent terminé leur litanie les soldats ne bougèrent pas, c’était au tour des prêtres de Teiweon de passer dans les rangs, accompagné d’esclaves portant des chaînes. C’était généralement la partie la plus longue et plus il y avait de troupes concentré en un point plus c’était long, en effet les prêtres devaient passer aux côtés de chaque soldats pour leur accrocher leur arme au bras et réciter une prière courte dans laquelle le drow jurait de ne retirer cette chaîne qu’une fois la victoire assurée. Heureusement que Murrpau avait l’habitude de ce rituel car il n’était pas vraiment d’un naturel patient, en effet attendre pendant il ne savait trop combien de temps couché à côté de son maître qui gardait la tête basse jusqu’à ce qu’enfin le grand-prêtre de Teiweon attache la dernière chaîne reliant Elrie au poignet droit de Kerath ; il répéta une variation du serment qu’il avait prêté tant et plus de fois au cours de sa vie à voix haute et intelligible pour que tous l’entendent, sa main gauche posée sur le corbin de Krish, l’autre posée sur son marteau de guerre posé à ses côtés. Il reconnut qu’il acceptait formellement son rôle dans l’opération à venir ; il promit de mener ses drows jusqu’à la victoire et la gloire sous l’œil du Père peu importe la férocité ou l’ingéniosité de l’ennemi ; il jura finalement qu’il détruirait les fidèles de feu Swatilda et qu’il honorerait le Puy, le triumvirat et Uriz.

Il releva la tête, attendant l’autorisation de la triumvir pour se lever et lorsqu’il la reçut, ainsi que son approbation et par extension celle du Père des Batailles, il se releva enfin puis il fut immité par le reste des sept mille soldats qui se relevèrent comme une seule entité, félins compris. Sans un mot les prêtres prirent leur place dans les bataillons auxquels ils avaient été assignés la veille, rejoignant parfois des mages du C’nros tandis que les chevaucheurs montèrent sur leurs félins puis la majorité du Second Ost se mit en marche. Vers midi l’armée s’arrêta une heure pour manger et se reposer mais surtout pour préparer la division des sept-mille soldats pour se répandre dans la seigneurie et la dévaster. Enfin presque, avant de repartir Kerath donna des instructions très claires à ses streea qui devaient non seulement les suivre mais en plus de ça les faire descendre le long de la chaîne de commandement et si le général avait insisté sur ce point c’était parce qu’il ne tolérerait pas d’écart, même s’il n’en tolérait pas d’ordinaire cette fois les punitions seraient particulièrement sévères.  Sous la tente de commandement du Senger ses quatre streeas regardaient tous la carte placée au centre de la table, l’un avait une main posée sur le pommeau de son épée, l’autre les deux sur ses hanches, un troisième les avaient posées sur la table et un quatrième se rongeait les ongles ; le félin du streea du premier régiment montait la garde devant la tente avec Murrpau, indiquant au passage à tous que les officiers supérieurs étaient en session et que seuls les urgences devaient les déranger.

« Cette fois vous oubliez notre bonne vieille habitude de ne pas prendre de prisonnier, tous ceux que vous pouvez capturer seront asservit. Sauf pour les survivants du Quatrième Ost évidemment. »
« Vous êtes sûr ? » Demanda l’officier qui arrêta de se ronger les ongles pour poser la question. « Je ne veux pas remettre un ordre en question mais la dernière fois que v… nous avons pris des prisonniers ça ne s’est pas exactement bien passé. »
« J’ai été clair, non ? » Répondit-il d’une voix plus cassante que nécessaire, ne voilant à peine une menace pourtant évidente alors qu’il formait ses poings avant de les poser sur la table, se penchant ainsi un peu en avant, envahissant l’espace personnel des soldats autour de lui.

Après ce désastre avec l’Ombre il se doutait que quelqu’un allait tenter de s’attaquer à son autorité mais il ne pensait pas que ce serait durant cette opération-là. S’il était venu pour lui-même commander sur le terrain c’était parce qu’il aimait mener par l’exemple mais surtout pour rappeler à tous les ambitieux de son ost qui commandait et si ça devait passer par quelques exécutions ce n’était pas un problème. Après un salut impeccable les officiers sortirent pour aller faire passer les instructions à leurs subordonnés.

Une demi-heure plus tard l’armée se divisa finalement, chaque partie ayant un voir plusieurs objectifs à remplir avant de revenir à un endroit établi à l’avance par lequel Kerath devait passer pour préparer une base d’opération après quoi le Senger laisserait une garnison squelettique audit camp et irait rejoindre ses soldats pour se venger. Après avoir rasé un village il rentra avec une colonne d’esclaves derrière lui, il y en avait moins que prévu mais en même temps les humains avaient eu la mauvaise idée de résister. De retour sous sa tente Kerath se fit aider de ses esclaves personnels pour retirer son armure pendant qu’il écoutait des rapports avec un sourire aux lèvres : les milices des villages anciennement sous contrôle de la despote n’opposèrent pas grande résistance et puis surtout tous les groupes étaient dans les temps, l’un d’eux avait même de l’avance, plus d’un jour d’avance.

Une fois libéré de sa plate rouge Kerath s’octroya quelques heures de sommeil, après avoir nettoyé son marteau qu’il avait replacé sur son piédestal. Il fut réveillé par le retour deux groupes de combat qui s’étaient croisé sur le chemin, le streea se dirigea directement vers son supérieur pour faire son rapport. Un salut parfaitement exécuté plus tard, l’officier commença.

« Les villageois se sont rendus en nous voyant arriver, se rendant compte qu’à trente contre cinq-cents ils n’avaient aucune chance. Le village a été laissé intact, plus ou moins, et les humains ont été asservit comme vous l’avez ordonné. »
« Des nouvelles du sixième groupe ? »
« Justement, j’y viens. Après avoir atteint leur village plus rapidement que prévu ils sont tombés en pleine évacuation mené par des troupes d’un despote voisin. » Un sourire amusé passa sur les lèvres de l’officier alors qu’il fit une pause pour continuer son récit. « La mission de notre ost étant de châtier les impies ils ont directement attaqué et face le nombre leur a permis de l’emporter sans difficulté mais à cause de la marche forcée ils n’ont pas pu avoir tous les anciens du Quatrième ; alors ils ont lancé une chasse, une chasse qui les a menés jusqu’à un fort et ils ont commencé un siège et ils voudraient savoir s’ils doivent poursuivre et si oui ils ne cracheraient pas sur des renforts. » Kerath regarda la carte sur la table et après quelques rapides calculs il hocha la tête.
« Envoies leur un messager, dis leur que les renforts arrivent mais prennent pas de risque : si des troupes ennemies arrivent ils ont l’ordre de lever le siège et de se replier. »

Le streea hocha la tête avant de partir au pas de course quant à Kerath il regarda le soleil commencer à se coucher ce qui n’était pas bon, il aurait aimé partir tout de suite mais marcher de nuit n’était pas vraiment conseillé alors marcher de nuit dans un territoire qu’il ne connaissait pas était une chose qu’il préférait éviter.

Après une bonne nuit de sommeil il prit la tête de huit-cents soldats avec tous les élémentalistes qu’il pu trouver, mages du C’nros et prêtres de Zhak’Bar, pour terminer le siège le plus vite possible. Le lendemain Kerath trouva un fort assez imposant construit sur un tertre qui surplombait un petit court d’eau qui forcerait d’éventuels attaquants à le traverser pour lancer l’assaut par le nord et c’était pourquoi les soldats du Second Ost n’étaient que peu nombreux de ce côté du fort. C’était à cet instant que le général regrettait de ne pas avoir pris quelques armes de siège mais bon il avait des élémentalistes, ça ferait bien l’affaire.

L'ennui... L'ennui est un fléau. En s'avançant au devant de ses chers collègues afin de mener les servants du Prime Dragon se rendeant à Sol'Dorn, la Grande Prêtresse Raedryss Vile'yrn avait espéré un peu d'action, après le chaos ayant succédé à la disparition du Triumvir' et Haut-Prêtre de Zhak'Bar, Urgoll'Ven. Gérer les rivalités, l'organisation, l'apport en esclaves, en créatures, les rituels... Rien que de l'habituel, mais avec un sentiment d'instabilité plus persistant, faute de tête pour diriger ces fauves. Personne n'avait réussi à se démarquer encore... Personne n'osait encore revendiquer le titre. C'est que le souvenir du dernier sombre à s'être arrogé la place d'Urgoll'Ven, 'disparu' pendant l'une de ses chasses, était encore dans les esprits. Le Gobelin était revenu des années plus tard, et avait récupéré sa place non sans une ordalie... Agréablement menée, dirons certain. Enfin, Raedryss avait pris le parti-pris - risqué, quoique tentant - de sortir la tête de cette boue saumâtre et de retourner au sein du 2nd Ost... Pour découvrir le 'Drôle de Siège'. Qu'en penser, alors que c'était le Feu d'Uriz lui-même qui avait organisé pareille... Chose ? Les opportunités d'honorer les dieux ne se firent pas aussi nombreuses qu'espérées. Et puis...

L'affaire de l'Obok Senger du 2nd Ost et de l'Ombre. De quoi rire jaune. Cela avait cependant le bon côté d'amener un peu d'activité au sein de l'Ost stationnant près de la ville assiégée. Laissant en charge du siège son second, la Grande Prêtresse se joignit à l'Obok Senger afin d'aller châtier les servants de feu la despote. Enfin, elle eut le loisir d'organiser les différents groupes, puis de demeurer en retrait pour surveiller les retours. Et justement, il y avait ce dernier village qui leur avait réservé des surprises... Un petit fort, qu'il nous faut brûler... Les autres prêtres sur les talons, la Grande-Prêtresse sortit de son retrait pour participer à l'anéantissement de cette dernière poche de résistance. Impatiente sans rien en montrer, Raedryss fut aux premières loges afin de découvrir leur cible. Tandis que les renforts rejoignaient les assiégeants, la servante de Zhak'Bar en fit de même, afin de reccueillir le témoignage de ses subalternes, dont les chiens ours portaient les marques des affrontements face aux anciens du 4e qui s'étaient réfugiés dans le fort. Cela fait, elle prit un temps pour sonder les environs à son tour, puis revint auprès de l'Obok Senger afin de lui faire par des nouvelles.

Ainsi, il fut confronté une nouvelle fois à la vision de cette drow, musculeuse et haute, aux traits durs agrémentés d'un sourire pulpeux, qu'accompagnaient de légères tares : ses yeux étranges, où un turquoise intense était cerné de rouge, au même titre qu'une chevelure rousse encadrait son visage, sa croissance ne l'ayant pas fait blanchir comme cela le devrait chez tout jeune drow. Raedryss ne cherchait nullement à les cacher ou les changer. Elle ne s'en offusquait pas, acceptait tout défi pour la mettre à l'épreuve et faisait montre d'une rigueur et d'une dévotion sans faille pour son culte, qu'elle servait depuis bien des siècles, au Temple comme au sein du 2nd Ost. Au sein de ce dernier, elle avait eu l'occassion de passer maîtresse dans l'art de coordonner des groupes d'élémentalistes à la puissance des plus appréciables.

"Obok Senger Kerath'Elghinn. salua-t-elle, son timbre puissant étant étonnamment suave au vue de sa figure, tandis qu'elle faisait le salut militaire. Mes confrères et consoeurs ont examiné les lieux : faire une percée dans les murailles ne nous sera pas un problème. Cependant, nous seront à découvert le temps d'incanter, et l'ennemi dispose semble-il d'au moins un mysticiste. Tout assaut frontal de notre part risque d'être retourné contre nous. La nouvelle n'était pas plaisante, mais impossible à néglicer. Et puis... Sans ce mage, la victoire aurait sans doute eu un goût de facilité. Il nous serait possible de submerger cet insecte en organisant plusieurs attaques simultanées, au risque que la puissance de certains groupes soient détournée."

Et le Feu du Prime Dragon consumera les impies... La perspective était alléchante, mais la Grande-Prêtresse se concentrait davantage sur les plans de l'Obok, afin de coordonner leurs efforts.

Un hochement de tête de Kerath accueillit la grande-prêtress, il la remercia du regard, son arrivée mit fin à un débat stérile sur quel bataillon aurait l’honneur de mener l’assaut et ainsi avoir le plus de chance de se distinguer sous l’œil d’Uriz ; la discussion était stérile car il avait déjà un bataillon en tête. La prêtresse était donc la bienvenue car elle lui évitait de crier pour qu’ils la ferment tous ce qui était toujours appréciable. Les bras croisés, les griffes de ses gantelets laissant des marques dans la peinture rouge de son armure, il écoutait attentivement le rapport de la prêtresse.

« Vous ne serez pas à découvert, en tout cas pas physiquement. Si les défenseurs veulent tirer ils vont devoir s’exposer à un déluge d’acier. » Un sourire carnassier passa sur ses lèvres. « Nous avons tous vu ce qu’un tir d’arbalète lourde peut faire à quelqu’un. » Les soldats présents sous la tente hochèrent la tête ou sourire comme leur supérieur. « Mais si vous voulez j’ordonnerai la construction de quelques mantelets supplémentaire au cas où un ennemi aussi chanceux que suicidaire ne garde pas la tête baissée comme les autres traîtres. »

Il regarda par-dessus l’épaule de Raedryss, d’ici il ne voyait qu’un bout de muraille mais ce n’était pas bien grave, il se doutait que le mysticiste ne se tenait pas sur les remparts à moins d’y être appelé, il était bien trop précieux pour ça. Le soleil commençait de toute façon à se coucher, l’assaut ne serait pas pour ce soir, même si l’effet de surprise serait une bonne chose à avoir tenter d’organiser autant de gens dans le noir serait un vrai cauchemar, en supposant qu’il y arrive. Cependant il comptait bien profiter de cette soirée pour organiser quelque chose, qu’ils puissent attaquer le lendemain dès l’aube.

« Comme tu le soulignes très bien : il est seul et ne peut pas être à plusieurs endroits à la fois. Au mieux il pourra empêcher une ou deux brèches et les soldats n’auront qu’à aller aux autres, autant en profiter. Cependant il pourrait poser un gros problème pour mon groupe. Je compte prendre les élémentalistes les plus puissants pour traverser rapidement le cours d’eau, ce qui t’inclue. Le mysticiste sera forcé de choisir entre plusieurs brèches pour l’assaut principal ou empêcher l’attaque plus ou moins surprise par le nord. »

Si le mage rebelle allait empêcher la traversée du cours d’eau il n’y avait qu’à espérer qu’il le fasse avant que quiconque ait tenter de le passer auquel cas Kerath finirait sans doute noyé. Mais ce n’était pas vraiment un pari risqué, qui choisirait d’arrêter une centaine, ou deux, d’ennemis alors que le resste de l’armée ennemie attaquait de l’autre côté ?

« Est-ce que tu as des questions ? Ou des suggéstions ? »

Le mysticiste sentirait-il le piège ? Parviendrait-il à tenir bon face au déluge, à retourner la puissance des prêtres de Zhak'Bar contre eux-même ?... Les assaillants le sauraient bien assez tôt, et Raedryss contemplait celui qui les guiderait sur ce chemin accidenté avec une tranquillité suave. L'Obok Senger était aussi doux et subtil que le métal de son armure à la teinte sanglante. La Grande Prêtresse accepta la proposition d'un hochement de tête.

"Les mantelets seront bienvenus pour nous prévenir des archers. Quant au mysticiste... Il y aura des pertes liées à ses manigances, sans aucun doute, même en le submergeant rapidement. Il le payera à la hauteur s'il ne finit pas broyer avant que je ne lui mette la main dessus. dit la drow, sans le moindre doute ni fanfaronnade dans la voix. Et puis, pour les pertes... Il y en avait toujours, avec les servants du Prime Dragon. Cela faisait partie de leur charme destructeur. Elle tourna légèrement la tête vers les prêtres l'accompagnant. Nassyss, tu viendras avec nous. Ta maîtrise de la glace sera bienvenue. Prends Shyagur et Dvora pour te soutenir. L'intéressé acquieça, son regard rubis étincelant brièvement de satisfaction. Je me ferais une joie de vous accompagner, Obok Senger Kerath'Elghinn... Si cette 'surprise' nous offre encore plus de temps, le spectacle en vaudra la chandelle. Délaissant un instant son ton joueur, elle reprit plus pragmatiquement. Cela mis à part... Nulle autre suggestion. La plaine découverte ne nous permets pas de nous placer à leur insu, alors... Nos manoeuvres seront livrées à leur regard... Telle l'ombre de Teiweon s'avançant vers eux..."

Non sans l'ombre d'un sourire pour nuancer subtilement son faciès dur, la Grande Prêtresse prit congé de l'Obok Senger pour aller préparer ses propres troupes, non sans lui donner 'rendez-vous' pour la 'grande oeuvre' du lendemain. Faisant volte face, la haute silhouette vêtue d'une armure de cuir légère quitta la tente, les autres prêtres à sa suite. Il lui fallait vérifier que les crocs du Dragon étaient suffisamment aiguisés... Et que ses multiples têtes se cordonneraient pour détruire leur adversaire, et non pas s'entre-déchirer. L'odeur du sang avait cela de bien qu'il leur avait fait oublier leur rivalité intrinsèque pour se concentrer sur cette aubaine d'adversité... Un temps seulement. Dans la nuit obscure, des chants religieux retentirent bientôt, portés par des voix puissantes, plusieurs fois centenaires, sachant se faire entendre dans le silence de l'attente comme le rugissement de la guerre, promettant la destruction à l'ennemi, ce dernier se trouvant trop loin pour les faire taire d'une flèche. Plus discrètement, les perturbateurs furent bastonnés et rappelés ainsi à l'ordre.

Au petit matin, la Grande Prêtresse fut l'une des premières levées, se préparant avec ferveur et rigueur, avant d'aller veiller au bon réveil des suivants de Zhak'Bar et de leurs rituels matinaux. Leurs Flammes pulsaient d'anticipation, à l'idée de brûler avec intensité le ridicule fort qui attendait-là, sous leurs yeux... Quelles têtes auraient disparu, d'ici la fin du combat ? La Grande Prêtresse graverait leur nom dans la chair de leur ennemi. Les traîtres du 4e... Non sans un frisson, elle se présenta à l'Obok Senger, elle, ses suivants judicieusement choisi pour leurs affinités avec la glace comme la roche, et leurs montures.

"L'heure est venue..." salua Raedryss, avec un salut militaire.

Il y avait fort à parier que le mysticiste en question serait mort avant qu’ils ne puissent s’approcher de lui mais avec un peu de chance peut-être qu’il survivrait assez longtemps. Si c’était le cas Kerath faisait entièrement confiance à la prêtresse pour s’occuper du mage, si elle avait du mal le général serait sûrement là de toute façon donc il ne poserait pas de problème. Du moins pas lorsqu’ils seraient rentrés dans le fort.

« Et c’est bien l’objectif. Notre présence de l’autre côté va les forcer à dégarnir les murs pour nous bloquer le passage. Notre assaut sera sûrement plus dangereux que le principal et c’est pour ça que j’ai besoin des meilleurs élémentalistes. Ou du moins de ceux qui incantent le plus vite. »

Une fois Raedryss sortit Kerath se tourna vers ses officiers pour finaliser les derniers détails de l’assaut du lendemain qui s’annonçait sanglant. Il y allait sûrement avoir assez de mort pour satisfaire Zhak’Bar et peut-être Uriz, avec un peu de chance, peu importe le camp des morts en question. Le positionnement de chaque bataillon fut choisi et même si certains n’étaient pas content, ce qui était certain, Kerath n’écoutait pas les mécontents et puis ils avaient toujours la possibilité de changer leur position dans l’assaut à venir en le vainquant en duel. Il embrassa la tente d’un regard et aucun ne sembla particulièrement belliqueux alors il déclara ce conseil de guerre terminée et sortit de la tente, laissant les soldats appliquer ses plans ; depuis le temps il n’avait plus besoin de rappeler ce qui arriverait aux supérieurs d’un drow qui ne se trouverait pas à sa place juste avant une attaque.

Il se retira dans sa tente pour y déposer son armure et inspecter sa nouvelle épée bâtarde qu’il emploierait demain, ça serait le baptême du feu de cette nouvelle arme qu’il réservait aux traîtres, aux impies et autres personnages peu recommandables du genre. Il avait hésité à la garder dans son fourreau pour que le premier sang qu’il verse avec soit celui de Dante, après tout les dagues qu’il avait pris à l’humain se trouvaient désormais dans la lame de l’épée, mais finalement à quoi bon, l’occasion de s’en servir se présentait alors autant l’utiliser. Il l’aiguisa tendrement une dernière fois avant de la rengainer. Il se leva ensuite pour aller prier le Père avec le bruit des exercices de manœuvres en fond et les éclats de voix qui rythmaient lesdits exercices, il n’était pas seul, des prêtres d’Uriz et des soldats s’étaient joints à lui durant les deux heures qu’il était resté à genoux, ses prières muettes seulement lisibles sur ses lèvres.

Ses dévotions dûment observées il s’en alla se joindre aux entraînements, surtout ceux des recrues. Les quelques affranchis qui n’avaient pas encore terminés leur noviciat changèrent d’adversaire, le général remplaçant leur mentor le temps d’un combat. Ce qui l’amusait toujours durant les entraînements avec ses soldats c’était le poids des armes et boucliers en bois. D’ordinaire lestés pour être plus lourds que les vrais, elles étaient finalement aussi lourdes que les armes réelles du Senger.

Le lendemain Kerath ne se leva pas spécialement tôt, il fut réveillé par du mouvement en dehors de sa tente et comme avant chaque bataille il avait très bien dormi, c’est donc d’excellente humeur qu’il s’habilla rapidement pour aller partager un petit-déjeuner avec ses soldats ; il accueillit le lever de soleil en mâchant une tranche de cerf séchée alors que le camp commençait à réellement s’animer, à cette heure il était déjà sorti de sa torpeur mais l’assaut allait commencer dans une heure à peine alors tout le monde s’activait pour être prêt à temps. Surtout les officiers qui encourageaient leurs troupes avec des ordres, des insultes et parfois des coups à se mettre en formation. Un affranchi avec qui Kerath avait combattu la veille eut droit à un coup de pied dans la tête pour qu’il se lève et plus vite que ça comme avait aboyé le sergent. Ce dernier voyant que le Senger discutait avec le soldat qu’il venait de malmener salua son supérieur mais Kerth se contenta de se lever pour aller se préparer lui aussi, il ne pouvait pas se permettre d’avoir du retard.

Quarante minutes plus tard il était prêt, son armure enfilée, son épée bâtarde dans le dos, un pavois à la main gauche et son casque sous le bras droit il avançait suivit des troupes qu’il allait personnellement mener aujourd’hui et de Murrpau, qui trottait tranquillement à ses côtés, jusqu’au point de rendez-vous convenu la veille. Au salut de la grand-prêtresse Kerath répondit par un sourire carnassier.

« En effet Raedryss. Bientôt il n’en restera qu’une ruine. » Du menton il désigna la forteresse qui attendait confortablement sur son tertre, il était possible de voir les défenseurs s’activer, ils avaient dû préparer quelque chose, après tout les assiégeants n’avaient pas cachés leurs préparatifs ni leur envie d’en découdre. « C’est une journée parfait pour prendre d’assaut un fort. » Son sourire se fit légèrement amusé alors qu’il disparaissait sous le heaume de la même couleur que l’armure. Il tourna légèrement le casque pour être certain qu’il s’emboitait bien avec le reste de l’armure en question et surtout avec le gorgerin. « L’assaut va bientôt commencer de l’autre côté, tout le monde est prêt ? »

De l’autre côté de la forteresse l’assaut avait commencé, du moins les tirs avaient commencés alors que du haut des remparts Kerath pouvait voir les ennemis charger leurs armes. Il posa son bouclier au sol pour dégainer son épée et la planter dans le sol afin d’y attacher la chaîne qui pendait à son bras directement au pommeau de son arme avant de se baisser à nouveau, faisant s’entrechoquer la chaîne et les plaques de son armure, pour ramasser son pavois. Raffermissant sa prise sur ce qui lui éviterait une mort douloureuse, du moins il l’espérait, le général se tourna vers la grande-prêtresse.

« Où est le mysticiste? »

En réalité il s’était davantage tourné vers l’endroit où elle était auparavant, son heaume ne lui permettant de voir que via deux fentes il n’allait pas s’amuser à la chercher. C’était le désavantage de ce casque mais Kerath avait vite appris en voyant les mésaventures des autres qu’il fallait mieux ne pas voir grand-chose, ou du moins difficilement, plutôt que de mourir. Parfois il le retirait quelques instants, le temps de se faire une image du champ de bataille, parce que c’est toujours mieux de donner de donner des ordres lorsque l’on sait où on envoie ses soldats. Il devait aussi parler bien plus fort que d’habitude pour être compris et ça s’était transformé en habitude ce qui faisait que même lorsqu’il n’avait pas son heaume sur la tête il criait presque.

Guère perturbée par la gueulante de l'Obok Senger au casque si rouge, la daedhel ne répondit pas dans l'instant, tendant ses sens... Mais, faute d'être elle-même mysticiste, elle ne pouvait que percevoir les flux, non pas les individus imprégnés de magie. De plus, la distance jouait en sa défaveur. Ainsi, sa réponse se fit attendre, tandis que les archers des deux camps échangeaient salves sur salves, les uns n'ayant qu'à se baisser, les autres protégeant leurs camarades à pied chargeant les murs. Des murs qui s'effondraient bien assez tôt. Pour l'heure...

"Il se fait discret..." fit Raedryss avec une pointe d'agacement.

Bientôt, cependant, son épiderme se hérissa sous le cuir, au même titre que ses semblables élémentalistes. Là-bas, la magie avait été attirée par leur confrère et, avec un brusque éclat, une boule de feu s'éleva, fonçant vers remparts où s'agitaient l'ennemi. Des cris retentirent quand les êtres s'enflammèrent... Ainsi que chez les attaquant. Un cratère signalait là où se trouvait plus tôt un mantelet... Et les mages à l'abri derrière-lui. Les suivants seront plus prudents. Songea Raedryss, sans se départir de son sourire. Il paiera. Les autres petits groupes d'élémentalistes accompagnant l'assaut seraient sans doute plus vigilant quant à leur usage de la magie. D'autres pertes seraient sans aucun doute à déplorer... Mais à présent qu'il savait le mysticiste là, et bien réveillé, ils n'avaient qu'à le faire tourner en bourrique, le temps que le groupe de l'Obok Senger opère une percée sur le flanc non protégé. A condition qu'il n'y en ait pas d'autres. Sinon... Les archers auraient de quoi faire.

"Il est tourné vers l'assaut, là-bas. fit-elle simplement. Nous vous suivons, Obok Senger."

Sa poigne était de fer sur les rênes du Morgal, que la présence du félin à pointes rendait un tantinet nerveux. Inacceptable. D'une torsion, d'une pression, la Grande-Prêtresse le rappelait à l'ordre et, quand l'ordre fut donné, les élémentalistes s'ébrouèrent à la suite des soldats, contournant le fort. De l'autre côté, le combat faisait rage, entre les attaquants au sol, les défenseurs en hauteur, et les mages sur le qui-vive, n'attendant qu'une occasion pour passer outre l'enquiquinante protection du mysticiste, mage ô combien précieux qui, pour cette bataille, leur faisait cruellement défaut. Le commandement de la chair à canon revenait à l'Obok Senger. La Grande Prêtresse, elle, se préoccupait de la disposition des archers et, plus que tout, de l'activité de ses mages. Lesquels étaient contrés, lesquels parvenaient à toucher le fort... Le mage isolé s'épuiserait bien assez tôt, non sans avoir provoqué des dégâts. Insuffisants. Pour avoir moquer le 2e Ost, pour avoir blasphémer par leur lâcheté, les traîtres du 4e ost paieraient.

Pour balayer les terres d'une despote trépassée, l'Obok Senger avait employé les grands moyens... Si, en un sens, cela avait parut ridicule à la Raedryss, au vu du manque de résistance, l'idée lui paraissait à présent agréable. Un peu de résistance était bienvenu, mais les traîtres devaient périr, et sans trop tarder : leur place dans les P'leiks avaient suffisamment attendu.

Voyant que sa réponse tardait à venir, et que Kerath n’avait pas vraiment envie de brusquer une grande-prêtresse, il attrapa les rênes de Murrpau de la main gauche, il mit un pied à l’étrier et via une impulsion se hissa sur la selle dans un cliquettement de chaîne. Il fut rapidement imité par les autres soldats qui avaient répondu par l’affirmative à sa question. Il prit les rênes avec sa main gauche, entourant lesdites rênes autour de sa main pour les empêcher de bouger, il dirigerait sa monture avec les genoux. Le général raffermit sa prise sur son arme et fit un moulinet avec pour chauffer son articulation, il en aurait bien vite besoin. Enfin la réponse de Raedryss, avec le vacarme du champ de bataille il n’entendit pas vraiment la pointe d’agacement, Kerath aurait craché sur la lâcheté du mysticiste s’il n’avait pas son heaume, incapable donc de passer sa colère ainsi il tentait de la garder sous contrôle, c’eut été bien dommage qu’il y cède alors qu’ils n’étaient pas encore partis. Murrpau gratta le sol de sa patte, impatient de partir maintenant que son maître était monté en selle mais malheureusement pour lui il fallait attendre un peu, mais pas trop longtemps vu que la grande-prêtresse répondit enfin à la question de Kerath.

L’attaque principale commencerait bien assez tôt, du moins elle commencerait lorsqu’une brèche serait faite dans les murs du fort faite, le Senger avait laissé des instructions on ne peut plus claire et l’assaut devrait être lancé sans qu’il n’ait besoin de donner lui-même l’ordre ; alors il se concentra sur sa partie.

« Les chevaucheurs vont passer devant avec moi pour attirer le feu ennemi, assurez-vous que l’eau soit gelée quand on y arrivera et tout va bien se passer. »

Son sourire carnassier était revenu sous son casque alors qu’il prenait la tête du groupe. Il restait hors de porté des tirs ennemis le temps d’arriver à un endroit plus ou moins guéable. Enfin pour trouver un tel endroit il fallait chercher longtemps et remonter le cours d’eau pendant un long moment ce qui était, évidemment, hors de question. Les premiers tirs se firent sentir peu de temps après qu’ils soient à portée des arbalètes ennemies et Kerath remercia une fois encore la feuille de métal qui couvrait son pavois en accusant le coup alors qu’un carreau percuta le bouclier de plein fouet. Un autre projectile vint se briser contre les pointes de Murrpau et un autre se contenta de ricocher vers l’arrière, produisant des étincelles en frappant les plaques de l’animal, le Senger ne se retourna pas pour voir si ça avait touché un prêtre car ils arrivaient rapidement vers le cours d’eau et il serait bien vite temps de mettre pied à terre ; sous le feu ennemi ça s’annonçait amusant, heureusement que la majorité des tirs étaient dirigé de l’autre côté du fort sinon c’eut été bien plus compliqué. Kerath lâcha progressivement les rênes au fur et à mesure qu’il arrivait devant le cours d’eau jusqu’à ce qu’il fasse arrêter Murrpau et qu’il lâche finalement les rênes en question pour descendre d’un bond, un bond fort peu athlétique mais bon en armure c’est plus difficile qu’il n’y paraît. Imité par ses soldats, le groupe de guerrier forma un demi-cercle de bouclier autour des prêtres, s’espaçant de quelques centimètres pour laisser les mages voir ce qu’ils allaient geler.

Pendant le rituel Kerath était passé plusieurs fois à deux doigts de briser la formation, obéissant à la sauvagerie qui ne prenait même plus le soin de se cacher. Il faut dire que se faire tirer dessus sans pouvoir réagir était une chose particulièrement frustrante et s’il n’y avait pas eu l’eau entre lui et ses ennemis le général aurait sûrement cédé à l’appel d’un sang qui ne demandait qu’à être versé. Lorsque l'eau fut gelée il ne restait qu'à faire s'effondrer les murs pour qu'enfin le général et ses soldats puissent charger et tuer ce qui serait assez malchanceux pour avoir survécut.

Se rapprocher était fort apprécié par les soldats, moins par les prêtres, qui voyaient les chances de se prendre une flèche - ce qui n'aide pas la concentration pour incanter, moins qu'un mysticiste cela-dit - augmenter. Ainsi, les prêtres essuyèrent leur content, la Grand Prêtresse elle-même brisant avec un grognement agacé la hampe de celle venue se ficher dans son flanc. Parvenus aux cours d'eau, elle n'en organisa pas moins ses suivants, joignant sa voix profonde à leurs incantations. Les flèches rebondissaient sur les boucliers, quand elles ne trouvaient pas le moyen de se frayer un chemin dans une interstice, et l'armure et la chair d'un guerrier. Brusquement, la vague arcanique se répandit avec puissance, gelant une large surface du cours d'eau, dont le courant vint s'échouer sur le bloc de glace... Comme se faufiler en dessous.

"Au centre, passez, vite !" clama Raedyss, sans s'émouvoir de la douleur pulsant à son flanc.

Prestement, cavaliers comme montures s'engagèrent sur le pont de glace, hérissé par la magie brute des prêtres de Zhak'Bar. De l'autre côté, pareille stratagème fut mis en place, les guerriers couvrant les prêtres, dont les corps frémissaient d'attirer tant d'énergie, ressentant l'appel de la folie destructrice propre à leur ordre. Oui... Non sans un éclat de plaisir dans ses mires atypiques, la Grande Prêtresse acheva l'incantation.

Le rempart, plusieurs mètres devant eux, explosa.

Comme si un géant était venu éternuer dessus, les pierres un instant plus tôt collées les une aux autres volèrent dans les airs dans un bruit d'avalanche, assourdissant. La poussière se répandant tout aussi vite dans toutes les directions, alors que des silhouettes obscures tombaient, quand elles n'étaient pas elles aussi projetées. Un corps s'écrasa devant les boucliers levés. Raedryss, en sueur, eut l'esquive d'un sourire satisfait devant la plaie béante qui s'ouvrait désormais dans les murs du fort. Celui-ci s'élargit à la vue de l'attention qu'il avait gagné par cet éclat. La discrétion n'est pas de notre ressort. Derrière elle, des prêtres reprenaient déjà leurs incantations... S'étant pris un rocher, un guerrier avait fini par terre. Une flèche profita de la brèche pour emporter la jugulaire d'un prêtre. A s'approcher si près... Où est le mysticiste ? Elle ne le vit pas, au contraire des ennemis qui se pressèrent pour les accueillir, et leur tirer dessus.

"Protection ! glapit la Grande Prêtresse aussitôt. Obok, donnez-nous du temps !"

Elle le savait impatient - comme tous ses hommes sans doute - mais, faute de voir le mage ennemi se montrer, il leur était encore possible de répandre le feu de Zhak'Bar sur leurs ennemis, à présent vulnérables. S'ils ne nous percent pas de flèches et d'épées avant. Cela n'était pas le plus divertissant pour l'Obok Senger, Raedryss en avait conscience mais, si la guerre est affaire de plaisir, elle n'en requière pas moins un certain doigté.

Venus simplement récupérer les biens d'une défunte voisine, les sombres du IVe se retrouvaient à présent piégés, face à un scénario peu fameux pour ces traîtres s'étant dérobés à l'oeuvre des Dieux sombres. La Grande Prêtresse concevait aisément leur frénésie : il en fallait, de la hargne, pour s'en prendre aux Justes, se sachant soi-même impur et immonde. Trêve de billevesées, veuillez mourir. Les premiers guerriers arrvèrent au contact, et l'Obok Senger eut l'occasion de donner des coups au côté de ses hommes. Encore... La Grande Prêtresse sentait la magie s'accumuler, folle et magnifique. Bien que son incantation n'en montra rien, claire et ferme, une part de la daehdhel frémissait de jouissance. Oui... Lames s'entrechoquant, grondements de rage comme de douleur, sifflements agaçants des flèches... Cela disparut. Une nouvelle fois, les prêtres de Zhak'Bar firent usage de leur magie. La brèche où se jetaient leurs ennemis fut nimbée de lumière.

Celle du froid des P'leiks.

Figés dans leur élans, certains tombèrent pour mieux se briser en d'énormes morceaux rouges; la pierre comme le métal scintillait de froid; l'air s'était fait aride à en faire tousser leurs poumons. Dans la brèche, de nombreux sombres n'étaient plus que des corps froids, interrompus par un froid mortel. Comme imprévu, la glace qui s'était formée de manière impromptue délogea des pierres, faisant tomber un archer. Il en demeurait là-haut sur les remparts... Mais nombreux de ceux qui s'étaient précipités pour couper le chemin aux assaillants étaient ainsi passés de vie à trépas, laissant les plus avancés seuls face à l'Obok Senger et ses hommes. L'un des prêtres de Raedryss s'effondra, la sueur se figeant de froid sur les tempes des autres. Les traîtres ont eu un aperçu de ce qui les attend.

"Débarrassons-nous des archers." dit Raedryss.

Bénéficiant d'un répit dans les renforts ennemi, l'Obok Senger et ses hommes pouvaient sans trop de peine achever les survivants puis avancer, tandis que les prêtres s'employèrent à projeter comme transpercer en tous sens les archers à l'aide de la pierre sur laquelle il se tenait. Une flèche se ficha dans le biceps de Raedryss. Connard. Perdant le fil d'un début d'incantation, elle grinça des dents alors que la magie lui vrillait le corps.

Tout ne s’était pas exactement bien passé mais en tout cas il n’y avait pas vraiment à se plaindre, le Senger manqua de glissa sur la glace et ne tomba pas grâce au réflexe de planter sa lame dans la glace et de s’en servir comme d’un point d’encrage. Malheureusement un autre n’eut pas ce réflexe, ou n’eut pas le temps, le carreau toucha un soldat mais son armure dévia le projectile mais le choc le fit tomber et il glissa sur la glace, n’arrivant pas à se relever, jusqu’à l’eau liquide dans laquelle il tomba ; l’armure qui lui avait sauvé la vie s’assurait qu’il se noie en l’emportant vers le fond et peu de temps après il n’y avait plus de bulles qui remontaient à la surface. La même formation défensive fut adoptée de l’autre côté du pont, cette fois elle fut plus serrée, déjà parce que les mages pouvaient regarder les remparts simplement par-dessus les épaules de leurs protecteurs, mais surtout parce que les pertes l’obligeaient.

Lorsque le rempart explosa un sourire carnassier vint parer les lèvres de Kerath tandis que Murrpau poussa un rugissement qui n’était pas difficile d’interpréter comme de la joie. Du moins c’était ainsi que son maître aimait l’interpréter. En effet la situation n’avait rien d’amusant pour le Senger, c’était au contraire fort frustrant et même si l’on peut trouver du plaisir dans la frustration tout est dans le dosage or, là, Kerath avait du mal à s’amuser. Il regarda les traîtres descendre les gravats de leur forteresse et sa frustration augmenta un peu plus. Leur attaque n’était pas organisée, ils n’étaient pas en formation, c’était une attaque née d’un certain désespoir et une contre charge aurait été dévastatrice, ils auraient pu les balayer. La partie sauvage de Kerath tournait en rond dans sa cage de discipline, attendant désespérément qu’on la libère. Malheureusement pour elle, si son hôte avait une envie impérieuse d’aller tuer les anciens du Quatrième Ost, la vie des prêtres derrière lui était infiniment plus précieuses et puis la grande prêtresse lui avait donné un ordre et malgré la différence de rang il ne comptait pas désobéir à quelqu’un ayant dédié sa vie aux dieux ; surtout pas à quelqu’un servant Zhak’Bar.

Lorsque les ennemis arrivèrent enfin au contact le général dut déployer des trésors de volonté pour contenir la Bête qui se jetait contre les barreaux de sa cage. Il la contenterait bien assez tôt mais en attendant le but n’était pas de tuer, pas encore, mais de simplement garder leur formation ; il donnait plus des coups de boucliers pour faire reculer ses adversaires que des coups d’épée pour les blesser. Il repoussa un traître qui tomba à la renverse et Kerath avança d’un pas pour lui écraser la trachée d’un coup de son pavois dans la gorge, le trou qu’il avait laissé fut vide une seconde à peine, le temps que Murrpau ne prenne la place de son maître puis ce dernier revint à reculons, assénant un coup défensif de son épée pour dissuader quiconque de profiter de sa sortie.

Après le spectacle offert par la prêtrise du Maître des Cataclysmes, les soldats du Second Ost se devaient de faire aussi bien si ce n’est mieux. Il ne restera qu’un tas de pierre de cette forteresse. Il regarda ladite forteresse une dernière fois avant de lâcher son bouclier et de prendre son épée bâtarde à deux mains, laissant libre cours à sa sauvagerie les derniers guerriers du Quatrième Ost coupés de leurs renforts, ne firent pas long feu.

« Uriz orn ol! » Cria-t-il alors qu’il montait la pente raide qui menait au fort.

La pente en question était courte, c’était surtout pour être particulièrement désagréable pour quiconque essaierait de passer par le cours d’eau et puis ça empêchait d’utiliser des tours de siège et pour ce qui est des échelles c’était on ne peut plus compliqué et demandait bien plus de préparation pour les mettre en place que sur un fort classique. C’était donc presque de l’escalade qu’il fallait faire pour arriver jusqu’aux gravats laissé par le rempart éclaté, Kerath se mit donc à grimper sur les blocs de pierre en faisant très attention en montant pour ne pas tomber et se briser la nuque, ça serait dommage. Heureusement que les prêtres occupaient suffisamment les arbalétriers parce que les soldats étaient dans une situation déjà assez périlleuse comme ça, ils n’avaient pas besoin de se faire tirer dessus en prime. D’ailleurs le Senger pouvait retracer le parcours de son félin à pointe en tendant les oreilles afin de repérer les statues de glace renversées et comme il s’y attendait c’était Murrpau qui arriva le premier en haut, de toute façon il ne fallait pas être devin pour le deviner.

Une fois arrivé, assez laborieusement il faut bien l’admettre, dans le fort en lui-même, il put voir que de l’autre côté l’assaut n’avait pas chômé non plus et que le combat avait commencé dans la cour intérieure mais avant de rejoindre la mêlée principale il dût aider son félin à pointe à se débarrasser des quelques retardataires qui n’eurent pas la chance de terminer figer dans la glace. Il se retourna pour voir les premiers de ses drows arriver et il tira sur les rênes de la Bête afin de reprendre un peu le contrôle afin de leur ordonner d’aller tuer les derniers arbalétriers sur les remparts. Après ça Kerath lâcha les rênes et la Bête et courut jusqu’à la mêlée en rugissant de plus belle. Il tua une poignée de traîtres avant que certains ne se rendent compte que derrière eux venaient de surgir un grand guerrier en armure rouge et qui, visiblement, n’était pas dans leur camp.

Murrpau arracha la gorge d’une drow qu’il avait plaqué à terre avant de sauter sur un guerrier qui comptait attaquer son maître dans le dos ; ce dernier ne se retourna pas en voyant son compagnon dans son champ de vision périphérique, après tant d’années à se battre avec, son cerveau enregistrait le déplacement et passait à autre chose. Cependant la montagne de muscle dût reculer, il avait envie de tuer mais pas au point d’y passer et face à plusieurs adversaires il se trouva sur la défensive, il se contentait de parer ou de dévier les coups, Murrpau assurant ses arrières. Jusqu’à ce que les soldats qui l’avaient accompagné à travers le cours d’eau se joignirent à lui.

De l'art de diriger ses hommes alors même que votre corps s'arque sous l'effet de la magie qui vous échappe. Serrant les dents, la Grande Prêtresse sentit plus qu'elle ne vit l'un des siens la tirer en arrière - comme si cela dérangeait beaucoup les tireurs, bien installés en haut des remparts indemnes -. Se concentrant sur les flux qui la malmenaient, il lui fallut un instant pour reprendre ses esprits. Le temps qu'un bout de rempart vole sous l'effet d'un sort... Et qu'un nouveau prêtre se prenne une flèche. Dans le torse cette fois.

"Nassyss, les archers. grinça-t-elle, le goût de sang en bouche de s'être mordue la langue.
- Morte, Grande Prêtresse.
- Shyagur !"

La charge des soldats les ayant laissé les prêtres sans protection, tout en étant une diversion fort utile pour les attaquants, la Grande Prêtresse préféra faire reculer ses hommes, pour mieux incanter à loisir tandis que les archers se désintéressaient d'eux, préoccupés par ce qui se passait dans leur cour... Et par les drows de l'Obok Senger qui montaient les escaliers pour venir les cueillir à leur tour. Faute d'avoir une vue dégagée de cette dernière manœuvre, Raedryss dirigea les sorts de ses prêtres sur les emmerdeurs en haut des remparts.
Bientôt, ceux-ci furent à leur tour couvert de statues autrefois vivantes, à présent figées pour l'éternité dans un froid mortel, ou alors hurlantes de ne l'être qu'à moitié.

Profitant de l'accalmie, les prêtres montèrent à leur tour à l'assaut de la place force, profitant du passage piétiné par les soldats, au milieu des vestiges brisés et sanglants des assiégés. Passé les gravas des murs, ils découvrirent l'Obok Senger et ses hommes fort occupés avec les assiégés, en un corps-à-corps problématique pour les prêtres de Zhak'Bar - tout en étant fort agréable à l'oeil -.

"Allons ouvrir des brèches." sourit Raedryss, tout en séparant ses hommes.

Il y avait des pertes, cela était on ne peut plus normal. Cela-dit, la drow connaissait suffisamment les survivants pour jauger qui serait à même de diriger les petits groupes. Ainsi, ces derniers prirent leurs distances, cherchant des espaces adéquats où incanter, tout en réduisant les chances de se faire déranger. Ils favorisèrent les lieux où leurs ennemis étaient déjà tombés. Bientôt, la cour où s'était engouffrée la bataille résonna des chants des prêtres. Incantant avec vigueur, la Grande Prêtresse sentait les flux se tordre violemment, attiré par toutes ces volontés aiguisées, en des odes à la destruction qui raviraient les assaillants, de l'autre côté du mur.

Puis il y eut une fausse note.

D'un côté de la cour, le petit groupe de prêtres s'y trouvant explosa en langue de feu destructrices, qui serpentèrent et ravagèrent sur plusieurs mètres à la ronde. Le souffle et la chaleur carbonisa les silhouettes les plus proches, et jeta celles qui suivaient au sol, les yeux pleurant et la peau se couvrant d'une fine sueur sous l'effet de la magie brûlante. Livide, Raedryss n'en incantait pas moins, sachant ce qui venait de se passer. Quelqu'un avait perturbé l'incantation des prêtres. La quantité de magie libérée, aux dépends des servants du Prime dragon, avait fait le reste. Il n'y avait pas de temps à perdre.

Avec une clameur vibrante de rage, la Grande Prêtresse et les siens relâchèrent leur magie sur l'un des mur. Avec bruit assourdissant, le coeur de celui-ci explosa de l'intérieur, se répandant en grava à l'extérieur de l'enceinte comme à l'intérieur. Avec un grondement, la partie supérieure s'effondra, emportant plusieurs archers. Levant les yeux vers cette destruction, Raedryss n'en avait pas moins un sourire en coin : venir prêter main forte au coeur de la forteresse signifiait que le mysticiste avait abandonné la surveillance des remparts. Comme pour confirmer cette idée, une boule de feu vola au dessus des murs, pour venir s'écraser dans la cour. Où se trouvaient les assaillants comme les assiégés. Merde. Qui a visé au dessus des murs ?

Sous son casque Kerath avait toujours son sourire carnassier, son sang battait à ses tempes et ses yeux s’agitaient dans tous les sens, suivant tant bien que mal les mouvements adverses à travers les fentes de son heaume. Il s’amusait malgré les coups qu’il n’arrivait pas à parer mais même les impacts rajoutaient au côté euphorisant de la bataille, il aimait y voir la manifestation physique des éclats de rire du Père. Et avec tout ce qu’ils avaient pu faire le général aurait été déçu qu’Uriz ne les regarde pas, ou en tout cas ne jette pas un œil à l’expédition. Alors certes ce n’étaient pas les combats contre des milices humaines qui devait l’intéresser mais son avatar avait mené la cérémonie de départ et elle participait même à l’opération et puis l’assaut sur le fort, bien que lancé avec une supériorité écrasante, méritait bien un petit coup d’œil. Cela dit il ne préférait pas dire ce qui méritait quelque chose à l’adresse des dieux, c’était plus prudent.

Son épée rentra dans le bras d’un traître sans pour autant le couper, c’eut été avec plaisir mais malheureusement sa victime n’était pas la seule à demander son attention alors il ne poursuivit pas sa cible. De toute façon il ne pouvait pas vraiment, cette dernière avait reculé tant bien que mal, pressé par ses camarades le drow avait tout de même réussi à retourner derrière la ligne de ses camarades avant de disparaître dans la foule et Kerath se doutait bien que donner la chasse n’était pas vraiment une bonne idée. Cependant c’était une idée qui risquait d’attirer le regard de Zhak’Bar ou d’Uriz sur lui. D’ordinaire avant de briser la formation dont il était la clé de voûte il vérifiait que ses soldats puissent le suivre mais voilà : parfois il faut prendre une décision en une fraction de seconde et vivre avec les conséquences.

Le général frappa à nouveau, sans viser quelqu’un en particulier, il frappa dans la masse d’ennemis en face de lui. L’arme fut déviée par une spallière et il ne la retint pas, à la place il recula d’une poignée de pas pour se mettre de profil, rentrer la tête et lever son épaule. La percée qu’il avait laissé dans sa ligne était déjà exploitée par un ancien du Quatrième trop entreprenant pour son propre bien. Ce fut le premier à se prendre de plein fouet la masse qu’était la montagne de muscle en armure rouge. Les deux soldats sous les ordres de Kerath qui quelques instants auparavant couvraient ses flancs furent poussés sur les côtés, l’un réussit à rester debout mais l’autre disparut du champ de vision de son supérieur en tombant. Le premier traître fut envoyé contre ses camarades, sans doute mort ou mourant, et le Senger s’enfonça dans la fine ligne ennemie, fragilisée qu’elle était par la fatigue et les pertes qui commençaient à monter. Le général finit par trébucher sur le sol irrégulier rendu glissant par le sang, écrasant au passage sous sa masse le drow à qui il avait presque coupé le bras. Il tenta de se relever mais un coup dans le dos le força à rester au sol puis il entendit quelque chose de gros fendre l’air, il tenta de se mettre sur le côté et cette fois il ne reçut pas de coup et il put voir une source de lumière intense l’aveugler avant que cette dernière ne touche le sol. Après ça tout devint confus, il ne savait pas trop où est-ce qu’il se trouvait, le ciel et le sol changeaient régulièrement de place avant de finalement arrêter lorsqu’il percuta quelque chose.

Une autre goutte d’un liquide lourd et épais lui tomba sur le visage mais celle-ci le réveilla. Il prit une grande inspiration comme s’il n’avait pas pu respirer depuis deux bonnes minutes puis il ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il était plongé dans le noir complet. Une peur animale emplit le général qui craignait plus que tout d’être enterré vivant, il poussa les deux cadavres qui se trouvaient sur lui et il ne fut jamais aussi heureux de voir de la lumière avant de ne plus la voir car il ferma les yeux, ces derniers avaient besoin de quelques instants pour s’habituer à la lumière. Kerath prit quelques secondes pour contrôler sa respiration haletante avant de tenter de se relever difficilement. Il mit un genoux en terre avant de pousser sur le genoux dressé pour se relever définitivement. Sa vision mit quelques secondes à se focaliser correctement, il tenta d’ignorer les soldats qu’il voyait en double en face de lui, ce qui était bien plus facile à faire avec des oreilles sifflantes, il entendait comme s’il avait la tête sous l’eau. S’étant relevé trop vite il fut prit de vertige et il recula en titubant pour s’adosser au mur qu’il avait percuté plus tôt. Son corps reprenant petit à petit du service il put sentir qu’il était trempé, le sang avait ruisselé des cadavres qui s’étaient amoncelés sur lui et l’hémoglobine ne s’était pas gêné pour partir à l’aventure dans son armure ; il se sentait oppressé, à l’étroit dans ce qui était d’ordinaire une seconde peau d’acier. Il retira d’abord son casque qu’il jeta sans se soucier où il irait, dévoilant son visage couvert de sang en train de lentement coaguler dans le plus grand des calmes et il poussa un hurlement qui ressemblait plus à rugissement de Murrpau qu’à ce que pouvait pousser un drow ; il devait évacuer la frustration de ne pas avoir pu terminer la prise du fort et surtout la peur qu’il avait ressentie en se réveillant.

Un beuglement rassura la Grand Prêtresse quant à la survie de l'Obok Senger. Les prêtres n'auraient pas à se préoccuper du devenir de son félin à pointes. Quand la mort survenait pour les maîtres de ces créatures-la, c'était toujours une question... Épineuse, à considérer, rallongeant aisément la liste des pertes, des deux côtés. Mais elle n'aurait donc pas, pour l'heure à y penser. A l'inverse du devenir de ce fichu mysticiste. Où est-il ? Dans la cour les soldats sonnés se virent attaqués sur les flancs par leurs ennemis respectifs. Cependant, cette accalmie permit à Raedryss de constater l'infériorité numérique de leurs ennemis. A présent que leur avantage défensif était en passe d'être annihiler - les murs s'effondraient au gré des sorts extérieurs, de nouveaux renforts se menant aux attaquants de l'Obok Senger, via les trouées réalisées par les prêtres -, les assiégés se mirent à attaquer avec un désespoir certains. Aussi traîtres soient-ils, ils n'en avaient pas moins reçus une certaine formation en leur temps. Cette émotion, si délicieuse à percevoir chez eux, ne les rendaient pas moins dangereux, d'autant plus prêts à emporter autant que possible de soldats du IIe OSt dans la tombe.

A l'écart, Raedryss et son petit groupe avaient une autre préoccupation. D'une main tendue, la Grande Prêtresse intimait à suivants d'attendre. Ordre ô combien détestable... Mais nécessaire. Les mires atypiques fouillaient les hauteurs : l'insidieux mysticiste n'irait pas se risquer dans la mêlée. Des soldats mourraient à quelques mètres à peine, sans la troubler : les justes recevraient leur récompense, les traîtres rejoindraient les P'leik. Quant à lui... Les yeux de Raedryss s'étrécirent, et sa man intima l'ordre : incanter. D'un geste, elle leur indiqua leur cible. Les prêtres demeurés au dehors poursuivaient leur assaut, et le mage ennemi ne savait visiblement plus où donner de la tête. L'ayant ainsi laissé se détourner encore de la cour, les prêtres firent leur office... Et une section des murs explosa à son tour, une silhouette y brillant d'une magie libérée par l'attaque un bref instant, avant d'être engloutie par les gravas. Un insecte. La Grande Prêtresse se prit à regretter, un bref instant, de ne pas l'avoir pris vivant. Peut-être pourrait-elle s'arranger avec des nécromants... Mais pour l'heure... L'heure était à la curée.

"Que la furie de Zhak'Bar soit nôtre..." susurra-t-elle.

A présent, plus rien ne les gênait plus pour réduire la forteresse à un amas de décombres, si ce n'est les derniers défenseurs... Que les soldats du IIe pouvaient librement massacrer. Du moins les traîtres avaient-ils la dignité de lutter jusqu'au bout, semblait-il.

Kerath, après avoir poussé son cri, se jeta comme il le pouvait sur le premier drow qu’il voyait, incapable de dire s’il s’agissait là d’un de ses soldats ou d’un traître, sa vision était encore bien trop mouvante pour qu’il puisse réussir à voir les détails différenciants les guerriers des deux osts. Encore que vu où il se trouvait il y avait de grandes chances que le soldat de dos sur qui il avait sauté était bel et bien quelqu’un qui méritait sa place dans les P’leiks. Sa victime ne tarda pas à rendre sa Flamme mais ça n’arrêta pas le Senger, il continua à s’acharner dessus, frappant encore et encore, déformant légèrement ses gantelets à force d’impacts ; jusqu’à ce qu’il entende son nom résonner dans la cour, il leva pour voir à qui appartenait la voix qui venait de claquer comme la foudre et il reconnu Raedryss. Devant le ton on ne peut plus autoritaire de la grande prêtresse de Zhak’Bar au langage corporel déterminé la partie animale de Kerath repartit au fond de son esprit, la queue entre les jambes.

Pendant que le Senger avait frappé encore et encore le cadavre les derniers membres du Quatrième Ost avaient été passés au fil de l’épée. Aucun d’eux ne s’étaient rendus, peut-être dans l’espoir vain d’une rédemption ou sûrement parce qu’ils savaient que de toute façon le Second Ost ne fait pas de prisonniers. Il fallait admettre que les derniers s’étaient bien battus, acculés, dos aux murs, ils n’avaient de toute façon pas le choix.

Kerath ne supervise pas lui-même la destruction méthodique de la forteresse, son oreille interne n’étant pas encore remise de l’explosion il marchait en se tenant à moitié sur Murrpau pour sortir et rejoindre le camp à l’extérieur ; il demanderait à être soigné lorsque les blessures plus graves de ses drows seraient traitées. En attendant il s’allongea, lutta contre le vertige passager qui lui donnait envie de vomir puis ferma les yeux. Un prêtre de Kiran s’occupa ensuite de lui, de ses lésions et de ses mains qui avaient morflées à force de frapper, parfois la pierre, souvent des os.

Le lendemain un messager fut envoyé au camp dans la seigneurie de feu Swatilda pour transmettre le message suivant : une fois que la pacification serait terminé il y avait le territoire d’un autre despote dont il fallait s’occuper avant de rentrer à Sol'Dorn.