Seule au bord de l'eau | Libre

Au plus fort de l'été - 1ere ennéade de Karfias
17e année du XIe Cycle
Dans les recoins les plus anciens des forêts antiques d'Ardamir

Dans l’atmosphère tiède et humide maintenues par les colossales frondaisons d’Ardamir, j’inspire, les yeux clos. Sous moi, la pierre inégale et partiellement recouverte de mousse caresse mes jambes nues. Seul le court caleçon de tissus fin qui me ceint les hanches recouvre ma peau d’un brun sombre. Les marques noires ésotériques qui grimpe de mon pied droit à ma hanche ne sont plus douloureuses depuis plusieurs ennéades. Seul persiste cette impression de sensibilité accrue. La même impression qui ne quitte ni ma main, ni ma joue droit dont les tatouages sont pourtant encore clair semés.

J’expire doucement, profondément, et mon dos détendu tient avec facilité la posture. J’ai passé tant de temps à écouter et à me rappeler, ainsi assise en tailleurs, que mon corps sait très exactement comment éviter les tensions. Mon imposante crinière bouclée coule dans mon dos et se mêle aux nombreux colliers qui alourdissent mon cou et coulent sur ma poitrine dénudée. Les perles de bois gravées et peintes pèsent sur ma peau avec la même douceur que l’anneau qui pèse à ma main gauche.

A plusieurs pas de moi, suspendu à une branche basse, mon sari aux couleurs vive pend près de ma besace et de mon couteau. Ils ne comptent plus. Aucune crainte ne m’assaille. J’ai mille et un gardien de bois murmurant à l’approche du moindre danger.

Aujourd’hui encore, j’écoute.

Le clapotis de l’eau qui s’écoule au rythme paisible de la rivière devant moi. Le vent dans les branches des frères de bois qui m’entourent. Les grimpeurs qui m’épient depuis leurs cimes culminant à plus d’une dizaine de mètres de haut. Les grattements des proies sous les futaies. Les murmures des prédateurs. Les glougloutements des poissons qui se précipitent pour retrouver la chaleur douillette d’une zone en aval où il y aura moins de courant et plus de vase. Chaque bruissement de la forêt qui m’entoure… Et les milles et une voix qui me soutiennent et m’apaisent depuis toujours.

« Si seulement vous pouviez m’envoyez un signe… »

Je murmure pour moi ces mots qui me pèsent sur le cœur… Et ce n’est qu’en les entendant que je me rends compte à quel point ils sonnent comme autant de reproches. Mais notre Sœur sait. Ses murmures ne se font pas moins doux ou sa présence moins familière. Elle est là. Et elle sera toujours là. Un sourire me vient en captant les sifflements ébahis d’une arbrisseau tardif dont la première feuille date du jour même. Mêlée à la symphonie, ma magie localise et identifie chacun de mes frères de sèves. Les veines de cet être multiple courent autour de moi pour former une dentelle toujours changeante. Les doigts posés sur la mousse, je la suit jusqu’à la terre, l’herbe, les rhizomes, les racines, les tiges, les troncs, les banches, jusqu’à sentir la sève s’écouler inlassablement dans les feuilles au-dessus de ma tête et des algues dans l’eau.

Depuis que nous avions quitter Alëandir, j’ai besoin de rester loin. Loin de Faelwën. Loin de mes responsabilités de Première. Loin de Tuo et de son attention croissante. Loin d’Alcariël et de sa silencieuse bonté. Mais surtout, j’ai besoin de rester loin de Lorna, de son regard, de ses mots et de ses attentes. Je ne sais pas pour combien de temps elle me laissera cette liberté, mais pour l’instant elle comprend et c’est tout ce qui compte à mes yeux.

« Ô Fanëroma, Maurquimellë, Hwestalindë, prêtez-moi votre Bienveillance et votre Sagesse. »

Tout est un cycle… La pousse qui jaillis du sol et l'arbre qui s'effondre, foudroyé. La portée de renardeaux qui s'épanouira sous sa mort végétale, les insectes qui se gaveront de sa mort, les restes tombant et absorbée par la terre, nourrissant un nouveau plan, une nouvelle Vie, une nouvelle voix se joignant aux pies bavardes. Les arbres qui protègent tout le monde indistinctement sous leur branches, gardant l'athmosphère idéale pour la vie foisonnante et riche de la Forêt D'Anaëh. Tout est une question d'équilibre.

Leomenis se promène, patte de velours entre ces milles vies naissantes, sa corne pointue raclant le sol tandis que, de sa truffe humide, il hume le sol, à la recherche d'une piste. Un peuplier lui parle alors… Relayant la demande d'un arbrisseau tardif dont la dernière feuille vient de poindre le jour même. Il n'est pas loin et il semble avoir besoin d'un coup de pouce pour quelque chose de mystérieux. L'oreille du félin s'agite , se tourne tandis que l'animal relève la tête, majestueux, avant d'infléchir sa route vers l'appel. Il ne lui faut quand même que peu de temps… Autour de Leomenis, les pies bavardes s'excites et s'agitent, comme si elle faisaient une superbe surprise. Dans un léger retroussement de babines sur ses crocs effilés, on pourrait jurer qu'il sourit.

Devant Ungwë, sortant des frondaisons, un superbe animal. Rarement Leomenis se montre t'il. Seulement quand les pies bavardes le lui demande t'il. De belle stature, le poil de bronze se teintant d'or sous le soleil, les yeux couleurs de la même mousse que l'elfe caresse, il s,avance, calmement jusqu'au point d'eau. La jeune elfe peut voir sa corne cassée tandis qu'il s'ébroue majestueusement pour repousser quelques moustiques avant d'abaisser sa grosse tête vers l'eau vive qu'il commence à laper d'un air digne, manifestement inconscient de la présence de l'elfe… Elle peut admirer le pelage brillant, la musculature de la bête. Sa grosse patte solide. Un animal en parfaite santé.

Inconsciente? Vraiment? L'arbrisseau tardif bruisse de contentement lors de l'arrivée du fauve… manifestement, il l'attendait.

L'oreille du félin s'agite au même moment où les pies bavardes de l'Anaëh recommencent à parler de concert. Sa queue bat l'air mollement, détendue. Relevant soudainement le museau, les prunelles couleurs de mousses se posent dans les yeux bleus de la Noss…

Un frôlement dans les futaies. Un animal. Un gros. Mes yeux aux iris rendues d’un vert chlorophylle par l’afflux magique s’ouvrent sans crainte… et se figent. Mon cœur ratte un battement avant que ma raison ne tente de le calmer en lui rappelant que si Anaëh ne s’est pas agité c’est que la bête n’est pas activement en chasse. De l’autre côté du cour d’eau, un énorme félin se dégage de la jungle en quelques mouvements souples. Imposant. Énorme. Non décidément. Même en voyant qu’il n’a pas d’intension particulièrement hostile, je ne parviens pas à me calmer. Il est énorme. Et en tant que bête fauve, il peut changer d’attitude à tout instant.

Pendant qu’il boit, ses énormes pattes paraissant encore plus disproportionnées sur les graviers de la rive, je glisse sur la hanche pour me remettre doucement sur pied, accroupie. Les perles de bois de mes colliers cliquettent sobrement et roulent sur ma menue poitrine. Basse sur mes appuis, prête à bondir à tous moment, je recule le plus silencieusement possible, tout en continuer à regarder la rive juste à côté de l’animal afin de ne pas l’énerver en le regardant directement. Je coule vers la branche où sont suspendues mes affaires, aussi fluidement que l’eau de cette rivière.

Par prudence, je garde contact avec la végétation alentour par la magie et en tendant l’oreille à la Symphonie. Sans articuler un son, je prie les êtres dans lesquels je couler la vie de bien vouloir m’accorder leur protection. Je n’aime pas ça, mais si la bête attaque, je devrait peut-être obliger l’un d’eux à se mouvoir contre sa nature.

Ah, une jeune elfe… combien de temps n'en a t'il pas vu? Plusieurs années sûrement. La crinière de l'animal se plaque sur son crâne tandis qu'il se remet en mouvement, léchant de sa grande langue le reste de l'eau qui lui coule sur la gueule. Le plan d'eau les sépare, mais ce n'est pas un problème.

La bête a un léger grondement qui se veut apaisant, les oreilles droites, curieuse de la jeune
Un bruissement parvient aux oreilles de Leomenis qui se dressent attentivement. Il pourrait bondir et traverser l'eau à la nage, mais il pressent que sa rencontre prendrait peur. Plutôt, il s'étire voluptueusement, dévoilant ses griffes et ses crocs. Avant de reprendre sa position d'observation de l'elfe.
Ses sœurs, les pies bavardes, bruissent de concert, rassurantes, apaisantes et moqueuse aussi… Parce que, parfois, Lareless oublie sous quelle forme elle est. L'arbrisseau tardif se fait plus expansif. Dans un mouvement de babines, l'animal dévoile ses crocs dans ce qui pourrait s'apparenter dans un sourire.

Tranquillement, le félin se relève avancant souplement sur la terre meuble du rivage, la patte se transforme en pied nu. Le pelage devient une peau de soie, lumineuse, douce. La crinière devient d'un autre genre, coulant dans le dos de la Noss en une cascade soyeuse et chaude du même bronze que la crinière. Le visage couvert par un crâne de Leomenis à une corne brisée, la poitrine simplement sanglée d'une bande de cuir vert et les hanche d'une jupe de cuir. De son côté du rivage, Ungwë ne peut voir le sourire de la druidesse au visage caché par le masque d'os. Par contre, elle peut voir le geste amical de cette dernière.

D'un geste souple, Lareless plonge dans l'eau sans crainte aucune pour rejoindre à la nage le rivage où se trouve l'arbrisseau et Ungwë. Ca prend un petit moment, et quand elle atteint le rivage, elle s'ébroue comme un animal sauvage, projetant des gouttelettes en tout sens. A cette distance, la jeune elfe peut voir les tatouages de sa vis à vis., les breloques d'os et de cuir ornant son cou et ses poignets un peu plus musclés que la majorité des elfes.

Relevant son masque, dévoilant un visage bronzé, aux lèvres fines et aux yeux couleur de mousse fraîche, Lareless sourit doucement à sa rencontre.

Bonjour.

Dit elle simplement.

Seule au bord de l'eau

Libre, par Ungwë.

Le vent caresse tout son corps, la vitesse fait battre son coeur. Les odeurs, les sons, et même le goût de l'air qui imprègne sa gorge : tout es différent, et à la fois familier. Lâcher prise et se laisser porter par le vent, Varnan ne peux oublier cette sensation de liberté, enivrante, qui lui fait même oublier le temps qui passe. Un courant d'air chaud se glisse sous ses ailes et il se sens monter plus haut encore, puis ses muscles se tendent dans cette sensation caractéristique d'une vrille. Ses ailes se déploient à nouveau, et d'un coup tous son corps ralentis. Il profite un long moment du soleil qui le réchauffe, faisant évaporer les quelques gouttes qui se sont accrochées à ses plumes lorsqu'il a traversé les nuages un peu plus tôt. Et puis la faim se fait ressentir, et il redescend. Le druide n'a pas besoin de le voir pour le savoir car c'est tout son être qui le lui fait ressentir : il y a une proie, tout en bas, sur la branche noueuse d'un arbre. Il s'agit certainement d'un petit rongeur, probablement un écureuil, considérant la sensation de ravissement qui lui prend. La proie ne l'a pas encore repérée, elle ne s'attends pas à ce qui va arriver, mais lui est prêt à fondre sur elle.

Varnan ouvre les yeux, le lien est rompu. Lâchant un soupire en partie déçu, l'elfe se contorsionne, dénouant un à un chacun des muscles endoloris de son corps. Cela fait longtemps qu'il n'était pas entré dans l'esprit de Hwesta, et cette fois il y est resté un bon moment. Quelques heures pendant lesquelles son corps n'a pas bougé, maintenu immobile dans une position de méditation. Pourtant cela n'a rien d'exceptionnel car, si ce n'est pas pour partager l'esprit du Silm'aiwë, le rêveur entre régulièrement dans celui d'un autre de ses compagnons. La plupart du temps c'est évidemment Atsa qui l'accueille, mais cejourd'hui le félin est absent, parti seul en chasse comme cela arrive une à deux fois chaque semaine.

Un léger gargouillis se fait entendre, et l'elfe s'en amuse. Lui aussi a faim, lui aussi devrait aller "en chasse". Non sans avoir achever ses exercices d'assouplissement le druide s'étire, puis bondit. La première branche n'était pas haute, et l'elfe n'a aucun mal à prendre plus de hauteur. Il s'arrête un instant, accroupi sur une branche, et de son regard acéré il scrute autour de lui. Ayant repéré sa "proie" le druide se lance alors, sautant avec souplesse et agilité d'une branche à l'autre, jusqu'à attendre son objectif. Le fruit est juteux, sucré, délicieux, mais il ne suffit pas. Passant d'une branche à l'autre de ce pêcher sauvage le druide cueille et dévore les offrandes de cet arbre providentiel. Et lorsqu'il a suffisamment mangé, le druide remercie humblement Kÿria et l'Anaëh de l'avoir nourrit.

Un bruissement se fait entendre, un Hwesta est revenu. Lui aussi a déjà mangé, et le rapace est venu chercher un peu de douceur auprès de son compagnon. Le druide lui caresse d'abord la tête puis sous son aile, comme l'oiseau d'argent l'apprécie tant. Puis varnan se pose contre le tronc et écoute autour de lui. La symphonie est calme et paisible, rien ne requiert son concours dans les alentours. Atsa n'est pas revenu depuis la veille mais cela n'inquiète pas le druide, il n'est pas rare que le félin s'absente pendant deux ou trois jours lorsqu'il part en chasse. Atsa retrouvera son compagnon, il le retrouve toujours.

Hwesta s'est envolé depuis un moment quand le druide se lève de sa branche, pour s'en aller rejoindre une autre. Il passe sur un arbre proche, puis un autre, et se jette dans le vide. L'eau est claire et fraîche, le druide se sent revigoré. La surface de l'eau ne s'est agitée qu'un instant sous son plongeon, et le cerf qui a relevé la tête par surprise recommence déjà à se désaltérer. La rivière s'écoule l'entement tandis que l'elfe remonte à la surface. Le druide salue un banc de poissons qui se sépare pour le contourner avant de se reformer en l'ayant passé. Ils suivent le courant, et Varnan se demande pourquoi il n'en ferait-il pas autant ? Tout au dessus de lui, dans le ciel, Hwesta le surveille. Suivre le courrant, oui, mais nager demande de l'énergie. Et Varnan n'a pas envie de se fatiguer, aussi préfère-t-il profiter du tronc flottant qui lui aussi descend la rivière. S'y hissant, l'elfe s'installe confortablement et ouvre ses sens à la symphonie. Pour l'instant il n'y a pas lieu de s'alarmer, et si quelque chose se passe Hwesta le préviendra.

En voyant la femme se redresser, mon cœur ratte un nouveau battement. Une druidesse… J’inspire. J’expire. Elle plonge pour rejoindre mon côté. C’est pas vrai…

Je la présence de mes Frères, toujours aussi paisible et bienveillante. Palpitant, sûrement ravi de la présence de leur héraut en ces lieux. Je lâche mon emprise sur la magie alentours et mes yeux reprennent une teinte bleu vif, presque turquoise. Mon cœur bat toujours plus vite. Un moment, je me maudis d’avoir demander Leur aide. Puis je me maudis de la rejeter ainsi… Mais la vision de la femme se dressant sur la rive à quelques pas de moi m’inspire une frayeur terrible. Je ne suis pas encore prête. J’ai besoin de réfléchir et d’évaluer ce qui va suivre. Il me faut encore du temps. Juste encore un peu de temps… Elle ne venait tout de même pas pour…

Une douleur aiguillonne mon talon. Ma respiration fit un écart et je quittais par réflexe la créature devant moi pour regarder en bas. Une ronce. Une simple ronce. Avec précaution, je dégage mon pied tatoué et le repose de l’autre côté de la petite plante, une goutte de sans perlant sur ma peau sombre.

La druidesse me salue, m’obligeant à porter à nouveau mon regard sur elle. Ma main se pose sur l’écorce du pili qui portait mes affaires. L’étoffe de soie colorée me caresse l’épaule, je ne peux pas reculer indéfiniment, mais je ne peux empêcher ma voix de trembler au point d’en être suppliante lorsque la femme s’approche par tours et contours.

« Je vous en prie… Ça ne peut pas déjà être maintenant. »

Je vous en prie… Ça ne peut pas déjà être maintenant.
Euhhhh….

Lareless n'est pas certaine de bien comprendre. Des apprentis, elle en a bien eu deux au fil des siècles et ils sont morts lors de la bataille-dont-elle-ne-veut-pas-entendre-parler. Depuis, Kÿria n'a remis personne sur sa route. L'oeil de mousse fraîche fixe attentivement la jeune elfe, amical.

A moins que Peuplier ne m'ait fait une surprise, en fait, je venais m'occuper d'un petit taquin d'arbrisseau tardif qui s'amuse à jouer à cache cache avec moi. C'est leur façon de me garder attentive et alerte. Ce n'est probablement pas moi que tu attendais.

Les oreilles de la druidesse par contre s'agitent au même moment ou un autre murmure traverse la canopée. Levant la tête, elle rit doucement.

Peut-être voudrais tu m'aider à trouver ce coquin? Il ne m'a pas dit ni son essence ni sa taille. Ohhh….

Un Mirage d'Argent s'invite alors à la fête, amenant une expression douce de la druidesse qui se tourne alors vers le plan d'eau tandis qu'elle suit le vol gracieux de l'animal.

Ne voit t'on pas spectacle plus ravissant!

Momentanément distraite, Lareless regarde le ballet aérien. Rien ne presse…. Tout va bien… Il y a toujours le temps pour regarder les merveilles qu'Anaëh abrite. Le Don de Kÿria dans toute sa splendeur éternelle… La druidesse prend alors une grande, une profonde inspiration d'aise, remplissant ses poumons de l'odeur de l'humus et des fleurs, de l'eau et des feuilles. Un moment de paix et d'Equilibre, d'harmonie comme elle les chéris tant

La druidesse dément mon premier pressentiment, mais la peur viscérale que je ressens ne retombe pas pour autant. Elle n'est pas là pour elle... Pour la première fois depuis une éternité, je doute des choix de l'Anaëh. Pourquoi me confronter à cette femme après ce que Lorna m'a dit, ce qu'elle m'a demandé. Après ce qui s'était passé dans cette Cité. Ce secret si lourd sur mes épaules...

Elle inspecte. Elle regarde. Lorsqu'elle me demande de l'aide, j'indique de la main le seul arbre qui correspond à cette description à ma connaissance : le minuscule chêne qui ressemble encore à une simple tige surmonté d'une feuille vert tendre. Ses ainés veillent sur lui. Ils chuchotent et communiquent pour lui laisser la place souterraine dont il aura bientôt besoin. Mais mes yeux, eux, ne quittent toujours pas cette femme.

Mais déjà, elle m'a oublié. Tant mieux. Je veux seulement partir d'ici. Vite.

Le doux bruit du tissus contre le bois siffle dans l'air lorsque je tire avec précaution sur mon sari pour commencer à l'ajuster. Mes mouvements sont précis, habituels, contrôlés. Je m'y accroche. J'entends la druidesse respirer et profiter du spectacle d'un oiseau qui passe à proximité. Mon regard se pose sur mes sandales et je réprime un haut le cœur. Elles seront bien trop longues à attacher correctement... Je m'y attèle malgré tout, en silence, tête baissée.

Pitié... Pourquoi me demander de faire face à une rencontre pareille ?

Pourquoi maintenant ?!

Les oreilles de l'elfe flotteur remuent lorsque l'oiseau pousse un léger cri. Le druide y reconnaît une alerte, mais pas de celles qui annoncent un danger. Son ami lui prévient simplement d'une ou de plusieurs présences singulières à proximité, et le druide n'a qu'à ouvrir ses sens à la Symphonie pour le confirmer. Des présences, des vies, des souffles, l'anedhel en ressent un grand nombre autour de lui : de cette multitude de petites vies qui s'agitent au fond d'une fourmilière à cette vie sauvage qui rôde dans les bois, et de cette vie assoupie à cette autre apeurée. Ils les ressent toutes, celles qui lui sont proches, sans toutefois être capable de les identifier précisément. Qui pourrait ? Elles sont si nombreuses, si uniques. Il n'y a qu'à force de concentration et de méditation que son esprit y parviendrait, mais l'esprit du druide, actuellement, est au repos.

Le rapace argenté décrit quelque cercles au-dessus des deux elfes discutant au bord de l'eau avant de disparaître derrière la cime des arbres. Puis il descend vers le cours d'eau et se pose sur le tronc flottant, celui-là même qui transporte le druide somnolant. Un petit piaillement, quelques légers coups de becs, et l'elfe réagit. A tâtons, pour ne pas ouvrir les yeux, la main de l'elfe retrouve le volatile et lui caresse les plumes de la tête. L'oiseau sautille et se rapproche du visage de l'endormi, lui tapote la joue, puis lui mordille l'oreille.
"Oui, oui." Marmonne l'elfe, en soupirant, avant d'entrouvrir les yeux. "Qu'est-ce qu'il y a ? Je ne ressens aucun danger."
L'oiseau sautille, lui picote la main, s'élève, se repose, et recommence.
"D'accord, d'accord."
Devant l'insistance de son compagnon à plume le druide ouvre complètement les yeux, s'étire, et tombe à l'eau.

Le réveil est plus brutal que prévu, mais l'eau est fraîche. L'elfe remonte prestement à la surface, respire avidement, et se rattrape à la branche. Puis, s'accrochant pour pouvoir remonter, le druide observe le silm'aiwë reprendre son envol. Et alors qu'il s'est à nouveau hissé sur son ingénieux moyen de transport, Varnan rouvre ses sens à la Symphonie. Il ne ressens toujours aucun danger, et pourtant quelque chose l'attire. Les deux vies singulières ? Cette fois le druide concentre son esprit sur elles. Elles sont deux souffles, deux êtres proches de ce qu'il est : deux anedhels. Elles se rapprochent, ou peut-être que c'est lui qui se rapproche. L'un des souffles semble trouble, alors que l'autre...

Le tronc butte contre un rocher et se tourne, le passager glisse et tombe de nouveau à l'eau. Subitement sorti de sa méditation le druide avale une gorgée inattendue de l'eau claire, remonte à la surface, et se raccroche de nouveau au tronc. Et cette fois il devient inutile de communier avec la symphonie, car il est assez proche pour voir de ses yeux les deux elfes qui discutent. Sans même se demandé qui elles sont ni pourquoi il a été guidé vers elles, Varnan lâche son radeau provisoire et nage jusqu'à la rive.

L'elfe au teint bronzé s'extirpe de la rivière d'un air tout à fait naturel, observant tour à tour l'une et l'autre des nouvelles rencontres de ses yeux orangés. Ne portant en tout et pour tout qu'un pagne comme seul vêtement, tout juste assez grand pour cacher ses attributs masculins, l'anedhel se présente ainsi sans arme et sans menace. Il s'approche avec nonchalance pour ne s'arrêter qu'à quelques mètres des deux Anedhelles dont l'une, au souffle plus jeune que lui, semble peu en confiance.
"Par les ëalas d'Anaëh, c'est un bonheur de vous rencontrer, filles de Kÿria. Entendez-vous le calme de la symphonie ? C'est un beau jour pour rencontrer..." L'elfe marque une pause, pris d'un léger doute. "Des sœurs."

Les oreilles de Lareless s'agitent encore tandis que les bruissement des arbres se font entendre. Alors se tourne t'elle vers Ungwë d'un geste souple, félin, et regarde sans mot dire la jeune elfe finir de lacer ses sandales. Le sourire s'est quelque peu dissipé mais il en reste néammoins une trace fugace tandis qu'elle écoute ses sœurs végétales lui raconter par le menu ce qu'il en est.

Il semble qu'il n'y avait pas que petit Chêne qui lui réservait une surprise aujourd'hui. Si c'est inattendu!!! Et elle est honteuse un peu. Parfois à être toujours à l'écoute des arbres, elle en oublie que les êtres vivants ont aussi des émotions. L'inconfort de la jeune elfe est palpable. A t'elle gaffé de quelconque façon?

Les oreilles de Lareless se couchent de tristesse… Elle ne voit pas des gens souvent, il serait déplorable qu'elle s'enfuie si vite!

Je suis grossière, je ne me suis pas présentée ma sœur. Je ne suis pas celle choisie par Kÿria pour toi, mais je ne suis pas ici sans raison et ca fait longtemps que je n'ai pas croisé d'elfes… Je m'appelle Lareless. Peut-être pourrions nous...?

Elle s'en va lui proposer de marcher un peu quand un bruit d'éclaboussure fait se retourner les femmes. Un beau druide sort de l'eau qui scintille en milles diamants sur sa peau bronzée mise en valeur par le pagne de cuir. L'oeil de mousse reconnait un frère. Le sourire qu'elle arbore illuminerait le ciel nocturne d'un soleil flamboyant. Le bruissement du petit chêne se fait faussement vexé. Une bonne blague sous entendant aussi de ne pas l'oublier avant de reprendre la route.

C'est un beau temps pour voyager et rencontrer en effet mon Frère. Je me dirigeais vers l'Appel mais Peuplier m'a fait bifurquer pour une raison que je dirais fallacieuse… J'aimerais te présenter...

La druidesse se tourne vers Ungwë qu'elle invite d'un regard doux à se présenter. Peut-être que c'est son confrère qui lui est destiné?

Deux... Voilà qu'ils étaient deux.

Mon cœur bat si vite qu'il pourrait devancer celui d'un colibri. Lorna avait été claire. La voix qu'elle avait choisi d'embrasser et sur laquelle l'Anaëh l'avait poussée n'était pas du goût de tous les druides. Je sentais confusément que la peur que m'inspirait cette rencontre n'était pas logique. Ma Sœur ne l'aurait jamais permise si je n'étais pas prête, mais cela ne simplifiait par les choses...

Les sandales aux pieds, mon sari de soie peinte de mille couleurs reste mal ajusté. J'ai une conscience étrangement aiguë de son contact couvrant approximativement ma poitrine en laissant apparaitre un triangle de peau brune au niveau de mon ventre, de mon flanc tatoué et coulant de mon épaule en laissant mon dos nu sous une chape de cheveux bouclés. La besace contenant mon couteau est toujours suspendue à la branche basse.

Les deux étrangers sont calme. Ils s'émerveillent même devant la quiétude du lieu et du moment. Je ne peux que les comprendre malgré l'envie de fuite qui me bat aux tempes. C'est pour cette beauté, pour la sérénité qui se dégage de la faune et de la flore autour de ce bras de rivière que je l'ai choisie pour mes méditations. Au moins ne me prennent-ils pas pour une enfant... enfin je l'espère.

Je me redresse, raide, et braque mes grands yeux redevenus turquoise sur l'homme sortit de l'a rivière. Sœur... Il semble douter. Il semble se poser des questions. Qu'a-t-il senti ? Qu'a-t-il deviné ? Il sait... ? Ma poitrine se soulève par à coup malgré moi. J'ai des fourmis dans les jambes à force de résister à mon envie de fuir comme une biche aux aboies.

La voix de Lareless m'oblige à quitter l'étranger des yeux. Étrangement, malgré sa douceur, la regarder me donne des frissons. Il se dégage d'elle une sorte de puissance féline, comme si c'était encore le léoménis de tout à l'heure que j'avais encore devant moi. L'homme me semble plus... moins... Différent. Remuant. Rusé peut-être, mais pas carnassier. Je n'avais jamais ressentis quelque chose de semblable devant qui que ce soit. Je déglutis.

- Ungwë... Je me nomme Ungwë... " et avec toute la volonté du monde je réussis à m'incliner respectueusement face à ces deux représentant de la Sylve sans parvenir toute fois à les lâcher totalement des yeux. " C'est un honneur. "

Lareless, une ornedhelle au physique élancé, à la peau cuivrée, à la chevelure couleur d'écorce et aux yeux d'un vert de mousse. Les insaisissables chantent au Pan'Mera que la sylvaine aux airs félins est elle aussi une consoeur choisie par l'Anaëh, une druidesse à l'expérience plus longue que lui-même. Une aînée ? Plutôt une grande soeur, que les ëala ont désirait lui faire rencontrer. Le rôle de cette druidesse sera-t-il de guider le jeune éveillé, ou au contraire de le mettre à l'épreuve ? Cela n'a pas grande importance pour le messager, qui aura la réponse bien assez tôt.

Puis Ungwë, jeune ornedhelle à la peau sombre, à la crinière noire de jais et aux yeux bleus vifs. Jeune le petite ne l'est peut-être pas autant que son apparence ne le laisse paraître, pour autant ses traits enfantins et son tatouage incomplet sont les signes d'une maturité encore en devenir. Que dire d'autre de ce tatouage partiel, si ce n'est que le messager en reconnaît le style et les premières caractéristiques. Si son instinct dit vrai, et cela est toujours le cas, l'apeurée est une enfant des Iarnin'Dath, ce clan dont la terrible histoire est évidemment connue des Pan'Mera. Secrets, mémoire et avertissements, une histoire comme celles que le clan des conteurs ne peut pas ignorer. Cette rencontre est à coup sûr un signe envoyé par les esprits, et le druide n'a plus qu'à en trouver le sens.

L'anedhel à la peau hâlée observe tour à tour l'une est l'autre des deux ornedhelles, se secoue à la manière d'un animal sortant de l'eau puis passe sa main dans sa courte chevelure pour la sécher. Détournant son regard de ses vis les oreilles de l'elfe font de petits soubresauts alors qu'il écoute attentivement les alentours.
"Tu peux te détendre, Ungwë, la sylve ne n'annonce aucun danger." Conclue le mâle, un sourire franc aux lèvres avant de reporter son attention sur son environnement proche.
"Alors tu te dirigeais vers l'appel jusqu'à ce que petit chêne ne te détourne de ton chemin ? Demande le jovial anedhel, s'adressant à la druidesse sans vraiment la regarder.
D'un pas léger le druide passe au coté de Ungwë.
"Et hop !"
Dans un même mouvement l'elfe saute sur la branche sur laquelle était étendue le sari coloré un instant plus tôt, se lance et se hisse avec une rare agilité sur une branche plus épaisse située au-dessus des deux femmes. L'énergumène se pose alors avec nonchalance sur la branche, le dos appuyé contre le tronc et une jambe pendant dans le vide.
"Je prenais juste un bain pour me rafraîchir. Et toi Ungy, qu'est-ce qui t'amène ici ? Ta noss est-elle de passage à proximité ?"

Les clans, citadins ou Noss… L'origine change t'elle quoi que ce soit à l'individu? L'âge n'est qu'un chiffre… Les expériences diffèrent. Le rire de Lareless s'élève dans l'air pur.

Bien sûr qu'il n'y a aucun danger. Nos sœurs le lui auraient dit…

La druidesse se remet en mouvement de son pas souple. S'approche de Petit Chêne et se penche vers lui, caressant son unique feuille… Lareless le sent vibrer sous sa main. Etendant ses perceptions, elle voit les racines. Il manque de place en fait. Les arbres ont déjà fait de la place, il ne lui manque qu'un coup de pouce pour renforcir ses racines. Ca ne rattrapera pas son retard, mais au moins ca va lui permettre de pousser convenablement.

Alors mon cher… Je ne peux te faire pousser comme tu le souhaite, mais je peux te renforcir..… Oh… VRAIMENT?... Dis moi ce qui ne va pas… Lui murmure t'elle.

Pendant que son comparse distraie la jeune, elle se focalise plutôt sur le végétal qui lui relaie la demande de la jeune Ungwë avec ses impressions… Les pies bavardes se mettent alors de la partie, y allant de leur commentaires.

"Je prenais juste un bain pour me rafraîchir. Et toi Ungy, qu'est-ce qui t'amène ici ? Ta noss est-elle de passage à proximité ?"

Less relève le nez de son arbre, la végétaliste continuant de caresser l'écorce pour aider le petit tardif.

Ma question étant plutôt, maintenant que ta prière a été exaucée… Que souhaite tu nous demander?

Les prunelles du visage tatoué de la druidesse luisent de curiosité

Oh non, l'Anaëh n'annonce pas un danger. Elle se montre même encourageante, présente, apaisante. Mais elle ne me touche pas autant que d'ordinaire.

Lorsque l'homme passe près de moi, je recule... pile dans la ronce piquante qui m'a stoppé un peu plus tôt. Déséquilibrée, je me retrouve étendue sur la hanche avant même qu'il ne se soit hissé sur la branche, occupée à rattraper mon sari avant qu'il ne dévoile entièrement ma poitrine... Non pas que cela pose le moindre problème aux deux hôtes des frondaisons.

Renonçant à me relever de suite pour ne pas risquer de déchirer le pan de soie dans les ronces, je me redresse précautionneusement en position assise. Une fois le dos appuyé contre le tronc, mes doigts s'agitent pour retirer chaque épine, chaque brindille, chaque détail pouvant abimer mon bien en cas de mouvement brusque. J'ai étrangement conscience de l'étrange homme installé deux étages plus haut, mais le fait de m'occuper les mains me permet de respirer un peu. L'attention de la Leomenis n'est plus non plus sur moi. Je respire un peu mieux... Et l'esprit absorbé dans une tache répétitive, c'est presque par réflexe que je réponds à ce timbre simple et cette façon familière de parler.

- Oui. Nous revenons d'Alëandir. Nous allons vers la frontière sud. "

... Je relève soudain la tête, me rendant compte de ce que je viens de dire... Et de ce qu'il vient de demander.

- Vous connaissez les nôtres ? "

La femme ne le laisse pas répondre, le coupant pour se faire à nouveau plus inquiétante... Car elle m'a entendue. Depuis combien de temps était-elle tapis dans les fourrés ? Après tout, Ils ne m'ont prévenus ni du danger que présentait le prédateur, ni de l'arrivé des druides. Ils me l'ont volontairement passé sous silence pour que je reste et que je les rencontre. Notre Soeur semblait me pousser toute entière vers eux. Pourquoi ? Est-ce un désaveux ? Lorna m'a mis en garde sur eux, pas sur l'Anaëh elle-même...

Mon cœur accélérait de nouveau dans le silence qui s'étire. Une autre leçon me revient en tête. Une leçon ancienne dont les sens n'aurait pu m'apparaitre si clairement. " Chaque druide est ce que l'Anaëh veut qu'il soit. Ne les suit pas aveuglément sous simple prétexte qu'ils sont Druide. Certains regardent. D'autres font. Certains sauvent. D'autres achèvent. Ils sont faillibles. Ils ne sont chacun qu'une facette de son infinie sagesse. Nous en avons choisie une que bien peu acceptent. " Les deux êtres présents sont si différents l'un de l'autre qu'il est difficile de penser qu'ils peuvent tout deux être la Voix de notre Soeur... Et c'est rassurant en un sens.

M'efforçant de prendre une inspiration en regardant la Leomenis, je prends sur moi pour oser cracher ce qui me reste en travers de la gorge alors que le respect m'intimerait de répondre sans poser de question d'après les anciens.

- Vous m'écoutiez depuis combien de temps... quand j'invoquais les Ëalas ? "

Une arboriste, voilà comment Varnan définirait la druidesse qui s'intéresse pour un moment à une drôle de petite pousse d'arbre malheureuse. Drôle d'idée, se dit le nonchalant, que de vouloir l'aider alors que l'Anaëh s'occupe déjà très bien elle-même de ses pousses. Et en même temps, si la druidesse a reçu pour mission d'entretenir les arbres en devenir, le druide rêveur ne va pas l'en empêcher. Mais si l'excentricité de la druidesse à l'odeur de sève est intriguant, la curieusement tourmentée noss paraît au malicieux encore plus intéressante.

"La frontière sud ?" Répète le druide aux yeux orangés, avant de lâcher un petit rire moqueur. "Les frontières, c'est pour les taled'."
Et voilà que la dénommée Lareless leur coupe la parole, toute impolie qu'elle se montre de venir perturber leur début de conversation. Le messager aurait pu s'en indigner s'il en avait cure, mais n'ayant pas débuté une histoire cela ne lui importe pas. Bien au contraire en réalité, car l'intrigante question que pose l'arboriste éveille chez le druide curiosité et malice.

La noss à la beau brune n'est assurément pas rassurée, si bien que même sans être druide Varnan aurait pu le remarquer. Est-ce donc la druidesse au demi-crâne qui rend la jeune elfe aussi tendue ? Il semblerait, du point de vue de l'observateur nonchalant. Il semble aussi que les deux ornedhelles ne se connaissent pas. La crainte de la jeune noss, du moins les raisons qui la motivent, reste donc un mystère pour le druide curieux.

Toutefois cette anxiété que reflète la noss frisée n'est pas amusante, et plutôt que de laisser son aînée l'alimenter le jovial préfère l'apaiser. Du moins le tentera-t-il.
"Qui ? Pourquoi ? Quand ?" Prononce le perché, avec le ton naïf d'un enfant.
Une agile galipette plus tard le pitre se retrouve tout juste devant la jeune ornedhelle. Si près d'elle, la différence de taille entre les deux elfes paraît encore plus flagrante.
"Ton esprit semble agité, Ungy." Dit alors le druide rêveur, d'une voix à la fois douce et chaleureuse. "Détends-toi, écoute la symphonie."

Et tout en murmurant calmement ces mots, le druide approche lentement son visage de celui de la jeune elfe. Ainsi penché sur la jeune elfe, le messager plonge son regard dans ses yeux d'eau, qui dit-on sont le miroir du souffle. La main gauche du druide vient effleurer sa propre oreille avant de se placer entre leurs fronts. Et alors qu'un flux intangible de magie se rassemble autour de sa main, le druide hâlé pose deux doigts au centre du front de la noss. De part ce geste lent et calculé le spiritualiste tente d'insuffler confiance et apaisement à la ornedhelle tourmenté, ce qui ironiquement ne peut fonctionner - a ce niveau - que si la cible est réceptive.
"Je le sens... Il y a... Du trouble, en surface au dessous..."
Et ce que ressent le druide en laissant son esprit effleurer celui de la ornedhelle soutient en lui ces mêmes questions qu'il s'est posé en sortant de l'eau : Cette rencontre est elle pour lui, pour l'une d'elle ou à la fois pour guider plusieurs d'entre eux ? Quoi qu'il en soit le druide finit par reculer après un instant, que le jeune esprit soit apaisé ou non.
"Tu invoquais les ëalas pour une raison, Ungy, et peut-être pourrons-nous t'aider. Conte-moi ton histoire, je t'écoute."

Lareless ne répond pas, caressant le petit tardif sans s'arrêter. Les prunelles de mousse se posent dans celles de sa vis à vis avec curiosité. Avant que la druidesse ne s'arrête tout à fait de bouger, les oreilles dressées, attentive à la colère d'Ungwë. Varnan prend alors les choses en main, détournant l'attention de la jeune elfe d'elle. Ce qui lui permet, avec souplesse, de monter sur une branche basse sur laquelle elle s'allonge tranquillement sur le ventre, de tout son long, avant de laisser pendre un bras dans le vide.

De ses yeux verts, elle s'interroge. Mais quel trouble habite Ungwë ainsi pour qu'elle soit aussi imprévisible que le vent? Elle semble soulagée et décue à la fois. La druidesse semble l'irriter. Aussi se retire t'elle et laisse t'elle son confrère mener son étrange interrogatoire, silencieuse et attentive.

Je n'ai aucune réponse à aucune de mes questions, mais au moins je suis de nouveau sur pieds lorsque l'homme atterrit devant moi. Agile. Je manque de bondir en arrière, mais cette fois mon corps à compris la leçon et je m'arrête avant de sauter à pieds joins dans les ronces.

Qu'est-ce qu'il me veut ?

Je frisonne, troublée par la proximité dénudée d'un total inconnu. Plus... D'un druide. Un être mystique auquel on doit le respect. Malgré toute l'angoisse que cette rencontre m'inspire, l'idée de toucher un tel être, même par mégarde, m'inquiète. Je ne devrais pas.... Je le sais. Mais mes perceptions s'emmêlent entre le réel d'un corps à quelques centimètres du mien et le concept d'un nom encré dans ma mémoire. C'est plus fort que moi. Je tente de détourner les yeux pour voir ou est la femme-leomenis, mais son corps est un mur que mon regard ne passe pas. Il se penche. Il murmure. Il a toujours ces façons simples et familières. Cette désinvolture qui n'est plus amusée mais reste légère. Cette façon sereine et chaleureuse de me mettre en confiance.

Lorsqu'il parle de la Symphonie en désignant son oreille, je ne peux m'empêcher d'y tendre mon attention. Elle est calme, toujours. Curieuse. Il y a bien une grosse bête à proximité et des mouvements suspects sous la mousse, mais rien ne représente un danger pour pour nous... pour eux... Ces grands yeux ambrés qui se vrillent dans les miens me semblent étranges sans que j'arrive à m'expliquer pourquoi. Il me fixe, intensément. Il me scrute avec une sorte de curiosité intrusive. Je déglutis. Son visage sature ma vue tandis que mon oreille vibre comme celle d'un chat, attentive. Rétive. Le menton levé pour garder cet étrange contact malgré notre différence de taille, ma respiration se fait plus sonore, mais je parviens à la contrôler.

Il a les traits anguleux. Le visage expressif. Une boucle d'os à l'oreille... Et une cicatrice. Tout près de son œil. Comme un coup de griffe. Étrange. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu d'autre cicatrices sur lui. Surprise et prise par l'idée que la blessure avait du être douloureuse, ma main se lève à demi avant que je ne la ramène le long de mon flanc, le cœur battant. Il faut que je me calme...

A bien écouter, je ne sais pas si j'ai déjà entendue l'Anaëh si sereine et volubile à la fois. Elle se réjouit. Elle... C'est quelque chose d'étrange. Quelque chose comme de l'espoir mêlé à de l'attente. La nature bruissait presque autant qu'autour de l'Estel, mais dans le chant écrasant du Cœur pour les rendre moins impressionnants. C'est une sensation parfaitement familière qui me rattrape et me pousse à braquer le peu d'attention que j'en avais détaché, sur l'homme juste là. Dans ses iris orangées, je perçois une concentration et une paix intérieur. Une volonté sereine. Une volonté d'aider.

- Qu'est-ce que vous faites ?

Je souffle tout bas, regardant sa main passer entre nos visages, cachant l'un de ses yeux à ma vue. Les veinules de magie pulsent dans sa chair et se gorgent d'une force qui n'est pas celle que je manie. Elle n'est pas posée sur moi mais sa proximité me démange. Mais je ne bouge pas. Je ne pense qu'à ce calme que me murmure la Symphonie. La présence étrange des deux Hérauts. La prière que j'ai lancé, à bout de patience... et cette pair d'yeux couleur de sève qui me fixent, avide de savoir sans nier mon importance.

Lorsque la magie s'insinue, je m'entête par réflexe. La sensation est étrange... Nouvelle. Légère. Il insiste sans en être pesant, comme des coups sur le pilier d'une tente pour s'annoncer avant de poser la main sur la toile. Mais la toile, il ne la soulève pas. Une impression chaleureuse. Apaisante. Ma respiration sa calme peu à peu. Une présence. Proche. Mes épaules se relâchent douloureusement.

Et il recule pour reprendre de la même voix familière...

- J'aimerai tout vous raconter. Mais j'ai peur de votre réaction... " Je cille mais ne baisse pas les yeux. Ses doigts sont encore imprimés dans mon front. J'aurais put prendre mes jambes à mon cou avant qu'il ne se posent sur moi mais je ne l'ai pas fait. Il ne me veut pas de mal, j'en suis certaine à présent. Pour l'instant du moins... " On m'a mis en garde contre le mal que des Druides pourraient nous faire... "

Libérée d'une part de mon angoisse, ma voix est plus posée, mon maintient à la fois plus souple et plus droit, mon regard plus mature. Je ne veux pas les mettre en danger. Je ne veux pas mettre non plus Lorna en danger. Mais j'ai besoin de réponses. Le fait de passer pour une présomptueuse est bien peu de chose finalement.

- Si ce que je vous dis ne vous plait pas, promettez moi de ne vous en prendre à nul autre qui moi... Je vous en prie.

De la méfiance, encore. Bien qu'elle paraisse plus calme qu'un peu plus tôt la jeune ornedhelle se montre toujours craintive, et l'on ne peut pas lui en vouloir. Après tout elle est encore trop jeune pour interpréter les nombreuses nuances de la Symphonie, et Varnan sait bien qu'il n'est pas donné à tout anedhel d'être aussi doué que lui pour entendre les voix e l'Anaeh avec autant de clarté. Quoi qu'il en soit la petite noss s'ouvre peu à peu, et le druide n'a pas beaucoup à réfléchir pour répondre à la question posée. C'est alors un rire franc qui accueille la demande de l'elfe à la peau brune, et un sourire amusé s'installe sur le visage du hâlé tandis qu'il fait à nouveau face à la jeune tourmentée.
"Nous, druides, ne sommes que les messagers de ce majestueux domaine qu'est Anaëh, et des ses sublimes gardiens. La symphonie est sereine, et si les ëalas m'ont fait mener ici, moi le gardien des secrets, il y a peu de chance que ce soit pour faire du mal à une noss dont l'histoire est si passionnante."

Le druide accompagne ses mots d'un malicieux clin d'oeil avant de sautiller jusqu'au bord de l'eau. Là il s'accroupit pour y tremper la main, provoquant de petites vaguelettes à la surface.
"La rivière coule paisiblement, l'eau est calme, elle abreuve les animaux. Mais en d'autres endroits cette même rivière peut devenir un torrent grondant, secouant sauvagement tout ce qui s'y trouve, et y plonger devient un risque mortel."
Le druide aux yeux orangés se lève en lançant un bref regard à sa consoeur qui désormais se prélasse sur une branche basse. Puis il se tourne à nouveau vers la jeune à la chevelure broussailleuse en reprenant son discours.
"Il est naturel de craindre le torrent, comme il est naturel de désirer nager dans l'eau calme du lac. Je souhaite seulement entendre ton histoire, Ungy, je n'ai d'intention mauvaise ni pour toi ni pour eux.
A nouveau le druide porte son regard taquin vers la druidesse aux allures félines.
"Et toi Lessy ? Si tu veux la croquer, je te demanderais tout de même d'attendre qu'elle ait fini son histoire."

Languissante sur sa branche, les yeux mi-clos, Lareless regarde, observe et réfléchit. Varnan, le proclamé gardien des secrets, amène un sourire sur le visage bronzé de la druidesse… Si jeune… Il en a encore à cirer de ces titres? Fugacement, elle se demande quel titres que les elfes lui donnerait. Sauveuse des arbres? Danse-avec-les frênes? Saule rieur?

Peu importe les titres, les mots restent que ce qu'ils sont… Des mots. C'est utile pour communiquer, mais tellement dépourvu de sens parfois. Elle s'intéresse plus à la gestuellle. Exhubérante, distrayante chez son confrère, hésitante, pleine de doute chez la jeune elfe.

"Et toi Lessy ? Si tu veux la croquer, je te demanderais tout de même d'attendre qu'elle ait fini son histoire."

La joue négligemment appuyée sur son avant bras, son autre bras pendant librement, dessinant paresseusement dans l'air, la druidesse les regarde de ces yeux mi-clos. On pourrait croire qu'elle est sur le point de s'assoupir, mais pourtant. Rabattu sur le sommet de son crâne, son masque tranche étrangement avec sa peau soyeuse et lumineuse parcourue de tatouage.

Je ne suis pas mandatée pour manger les elfes… De plus, Leomenis s'est repu ce matin.

Les yeux de mousse s'ouvrent lentement. La voix calme de la Noss s'élève dans l'air tandis qu'elle regarde Ungwë et Varnan.

Comme en toute chose, il y a un Equilibre à atteindre et milles voies pour y arriver…. Même si ma sagesse n'égale pas celles de mes sœurs. Parle sans crainte, aucun mal ne te sera fait…

Curieuse? Oui elle l'est beaucoup, patiente… Le temps est relatif, et elle se lève et vit avec le soleil et les lunes… Qu,est ce qu'une seconde, une minute, une heure pour l'Anaëh? Ne rien brusquer, écouter les paroles sans juger… Parce que les mots restent des mots.

Au moins, j'ai leur parole. Étrangement, ça ne me rassasie pas et je me déteste de remettre en cause ainsi les gardiens de la sylves... Et je déteste Lorna ne m'avoir mis ce doute au cœur... Et je m’aperçois maintenant qu'en guise de doute et d'hésitation, c'est également une colère sourde qui me ronge de l'intérieur. Je soupire, mais un sourire reconnaissant finit de fleurir sur mes traits. Reconnaissant envers l'Aînée. Reconnaissant envers les Ëalas. Reconnaissant envers eux... Et un peu amusée par les facéties de cet homme étrange qui demandait à écouter mon histoire.

- Merci. " Je souffle à l'intention de la druidesse perchée avec un signe de tête respectueux. Elle est toujours inquiétante, mais je dois me rendre à l'évidence : je n'ai aucune bonne raison de continuer à retenir mes mots. Ni le soit disant statut des Druides, ni les dangers alentours, ni mon instinct. Aucune autre raison que les paroles de Lorna...

La confiance ce donne et se perd. Elle ne se prête pas. L'Anaëh sait à quel point elle est troublée, elle pardonnera ce manque de foi. Et comme elle l'a toujours été, elle est auprès d'elle à cet instant précis. Et quoi qu'en dise Lorna, elle, elle ne me demande jamais rien en condition de son amour.

- D'accord... Je te crois... Enfin je veux dire, je vous crois... Je ne voulais pas me montrer impolie. "

Après quelques balbutiements, je secoue la tête, agacée par ma propre tension. Alors en quelques pas, je le rejoins au bord de l'eau. Perchée sur le rocher mousseux que j'avais quitté quelques instants plus tôt, je suis de nouveau d'une taille ridicule à côté de lui. J'ai l'habitude. Après m'être retrouvée à côté de cet immense Chef-Guérisseur des cités, cela ne me gênait plus tant que ça. Je sourit plutôt à cet étranger familier, cherchant par où commencer dans la patience joueuse de ses iris ambrées. Nulle crainte cette fois, mais de la gêne... Je déglutit. Encore une fois, la façon de procédé m'apparaissait évidente, mais j'aurais préféré que ce soit tout sauf ça...

Car il faut commencer par un début qui flotte dans l'air à chaque fois que je regarde Faelwën dans les yeux. Un début que personne ne me reproche mais qui fait tout de même parti de ces fragments de Mémoire que les Anciens préfèreraient ne pas avoir à transmettre.

- Je suis Ungwë, fille de Gaileth des Iarin'Dath. La seule chose que je sais de mon père c'est qu'il était d'un autre clan et que ma mère a abandonné sa propre fille et l'homme qui partageait sa vie depuis des siècles par amour pour lui. Mon premier acte en ce monde fut de prendre la vie de ma mère. Le simple fait que j'existe à conduit le père de ma sœur vers l'Oubli. " Je prends une longue inspiration et quitte les yeux de mon interlocuteur pour glisser vers la druidesse avant de m'asseoir en tailleur sur la mousse. J'aimerai pouvoir affirmer que je ne fuis pas son regard mais je mes propres émotions sont confuses. D'un doigt je ride la surface qui s'écoule sans discontinuer devant moi, dessinant ce qui me passait par la tête. " J'ai été élevée par le clan. Les Anciens étaient à la fois mes parents et mes professeurs. Tous les enfants mes frères et sœurs. J'ai une famille d'une centaine de Mémoires remontant à l'époque du Linoïn. " Tant de souvenir heureux agrandissent mon sourire. " Personne ne m'a jamais tenu rigueur des circonstances de ma naissance. Sauf Faelwën, ma sœur de sang. Elle n'ai jamais rien dit, mais chacun de ses regard est une nouvelle preuve qu'elle n'a jamais pu me pardonner. Lorsque je suis devenue l'une des apprentis de la Chamane de notre clan, elle était déjà Chasseuse depuis bien longtemps. Lorsque je suis devenue Première, elle prenait des apprentis. Et Quand elle est devenue Chef de notre clan l'année dernière, l'obsession de tous nous protégé lui a fait commettre l'irréparable... A cause de mon entêtement à respecter mon devoir au lieu de me demander ce qui était le mieux. " Je me redresse, regardant couler l'eau entre mes doigts. " Un elfe de pierre cherchait notre campement. Je l'ai repérer et l'Aînée l'a détourné de nous. J'ai joué à l'envoyer sur de mauvaises pistes pour l'éloigner et nous sommes arrivé dans une clairière où étaient postés plusieurs de nos chasseurs face à un groupe de guerriers de pierre. La tension était importante lorsque l'homme que je poussais à partir à fait irruption. Il a obéit à nos ordres mais j'ai sentit qu'il s’apprêtait à utiliser la magie et je me suis montrée pour lui demander de ne rien tenter d'imprudent, prévenir Faelwën et éviter un combat... Je pensais vraiment que cela éviterait un drame... Mais elle l'a pris comme un danger supplémentaire et même après avoir laissé aller sa magie sans nous faire le moindre mal, alors qu'il repartait vers les siens, elle l'a frappé dans le dos, le privant de ses jambes... Il est là, sur le sol. Ses amis accourent pour le soutenir et ils ne peuvent rien faire. Ils sont terrifiés et en colère. Et moi... " Je déglutis et ferme un instant les yeux pour me défaire des trop nombreux détails qui m'assaillent. Chaque odeur. Chaque bruit. Chaque couleur. Comme si j'y étais encore... " J'ai essayé de l'aider. Mais Faelwën m'a assommée pour me ramener de force à notre camp. " Je porte la main à mon sternum en un réflexe passé. La douleur avait été vive. J'avais du mal à respirer. Mais maintenant je vais bien. Je me penche pour amener un peu d'eau à mes lèvres avant de tourner à nouveau la tête vers le gardien. " Jusque là, j'avais différer les derniers rites. Je voulais profiter de l'insouciance que me permettait l'enfance. Même si j'avais dépassé l'âge habituel depuis de dizaines d'années, je n'étais pas une adulte aux yeux de mon clan, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés. Elle ne comprenait pas que ce qu'elle avait fait était monstrueux. Alors je me suis opposée à Faelwën devant le Conseil, allant contre nos propres lois. J'ai quitté le camp contre leur avis pour tenter de parler avec les citadins avant que la guerre n'éclate. Je n'ai pas pu empêcher la capture de Faelwën, mais j'étais là pendant le procès devant les Noss d'Alëandir rassemblées. Les Citadins avaient accepter de s'en remettre à leur arbitrage pour éviter que l'évènement ne dégénère, mais selon nos coutumes en faisant intervenir une tierce personne au lieu de poser les conditions justes de réparations, ils avaient encore plus envenimer les choses. Au finale, l'homme que ma sœur a blessé nous a laissé partir, libre. Je ne sais pas s'il a pleinement récupérer aujourd'hui, mais nos Anciens ont condamné Faëlwen à voyager dans chaque Noss d'Alëandir et jusque dans la Cité pour apprendre à connaitre ceux qu'elle avait jugé sans savoir, et nous rapporter s'ils étaient digne de notre respect. Depuis, elle ne m'a plus jamais adressé la parole et sa position de chef est remise en cause. " Raconter tout ça pouvait paraitre alambiqué, ou même stupide, mais sans avoir de vue globale, comment comprendre ou je me trouve aujourd'hui ? " Lorna, mon Maître, et les Anciens ont été très impressionnés par mon comportement durant cette affaire. Même si je leur ait désobéit à plusieurs reprises, ils m'ont dit que la bienveillance, le courage et la conscience des traditions dont j'avais fait preuve étaient digne d'une Chamane... J'ai accepté d'entamer le rite des marques, et deux jours plus tard, lors de la pleine lune, mon Maître m'a emmenée loin du clan pour me raconter certains secrets de notre clan. Je pensais que ce seraient des Mémoires, mais ce qu'elle m'a dit... "

Mon expression vacille. Nous y sommes... Tout ça pour quelques mois de doute. Les premiers véritables pas d'une vie entière... Et paradoxalement, c'est en me raccrochant aux iris orangées de l'inconnu que je parvient à ne pas céder à mon envie de me taire. C'est en le scrutant jusqu'au fond de l'être que je laisse tomber quelques mots lourds de sens.

- Mon Maître est un druide. Elle a choisi de délaisser l'Anaëh pour l'Aduram. " Je guette une réaction, mais si je m'arrête maintenant, je ne trouverais plus la force de continuer, alors je continue, le trouble se mêlant à une colère qui me surprend moi-même. " Depuis mon plus jeune âge, elle me forme et me prépare à prendre sa suite, mais pas tant en tant que Chamane, qu'en tant que Druide. Elle me l'avait toujours caché et d'un coup, elle m'annonçait que je devrais non seulement ma vie au clan, mais à l'Anaëh, et que pourtant l'Anaëh est un mirage qu'il faudra que j'ignore pour remplir la tâche qui doit être la mienne. Elle a eu tout le temps du monde et elle a attendu que le clan soit instable et affaibli à cause des perturbations de notre chef pour me révéler tout ça. " J'inspire, me remémorant ses mots et son visage. M'efforçant à éclaircir mon récit. " Notre clan protège son héritage et nous n'avons jamais considéré que le Linoïn était perdu. Nous conservons les Mémoires de nos ancêtres jusqu'au jour ou nous pourrons rentrer chez nous pour les rendre à l'Anaëh grâce au don qu'elle nous avait fait dans les Primes Temps : le Gouffre des souvenirs. Ainsi, Elle nous offrait une éternité de repos parmi la Symphonie, dans l'amour de tous ceux qui nous avait précédés, et Elle se nourrissait de nos expériences.

Lorna m'a révéler que le chamane de notre clan avait toujours été un druide et que chaque génération doit se plier à un rite... Particulier. C'est un sacrifice pour le bien du clan. Ils se... détachent volontairement de la Symphonie pour entendre les chants de Meliën... Et se tournent vers ce qu'il reste du Linoïn dans l'espoir de pouvoir agir au moment de sa renaissance. Une renaissance qui a lieu aujourd'hui... Alors elle m'a dit que c'était à moi de choisir.

Si j'accepte cet héritage, nous retournerons au Linoïn et nous ferons tout notre possible pour le pousser à n'oublier ni les drames, ni les sacrifices qui ont été fait durant ces derniers Cycle. Et si je décide de me tourner plutôt vers l'avenir et que j'embrasse l'Anaëh comme notre vrai foyer, nous laisseront le changement suivre son cour... Mais si je fais ça, je condamne les miens, ma famille, à perdre ce qu'ils sont. Je les condamne à continuer leur errance et le Gouffre restera sans doute à jamais hors de notre portée... Après des dizaines de générations passées à garder la mémoire des choses anciennes et à protéger nos ancêtres, c'est à moi et à moi seule que revient une décision qui impactera un avenir si lointain que j'ai du mal à me rendre compte de son ampleur... Je ne veux pas de cette responsabilité... Et je ne veux pas être druide... Mais je sais que je n'ai pas le choix. Alors il faut que je choisisse. "

ça y est... C'est dit... Tout est dit... A voix haute... C'est étrange. Comme une digue qui lâche et un flot qui se répand pour trouver une place plus calme, plus confortable dans un lieu moins restreint. Je m'en de penser ça... Mais c'est la vérité. L'Anaëh est tout pour moi. Ma famille est tout pour moi. Et dans le regard d'ambre, je cherche fébrilement un signe, une réponse... Ou simplement la certitude que je ne le répugne pas.

Se sentir en confiance, assez pour se le libérer d'un poids qui nous pèse. Voilà un sentiment qu'il est moins aisé à ressentir qu'on ne pourrait bien le croire, surtout vis à vis de parfaits inconnus. La symphonie à pourtant cela de bon de pouvoir apaiser ceux qui en ont besoin, et après les druides les ornedhels en sont souvent les plus réceptifs. Ungwë en fait certainement partie, indique au druide son instinct, mais la jeune dhelle a simplement besoin d'y ouvrir son esprit et ses sens. Peut-être y est-elle enfin parvenue, malgré les craintes qui la brident, car le petite elfe s'ouvre finalement à ses auditeurs druidiques.

Le druide malicieux voulait une histoire, et c'est une intéressante histoire qu'il obtient. Une histoire doutes, un histoire de secrets, une histoire de traditions. Bref, une histoire comme les aime celui qui fut né Pan'Mera. Ce qui lui plaît moins, en revanche, est que cette histoire n'est pas terminée. Le conte en est à l'élément perturbateur, et la protagoniste se retrouve face à un dilemme. Plusieurs chemins s'offrent devant l'aspirante druidesse, plusieurs déroulements possible à l'histoire. Il s'agit là de l'un des points culminants d'un récit, du moment que parmi tous Varnan préfère : celui du choix. A ce moment tout est possible, à ce moment le héros commence réellement à devenir auteur de sa chronique. Pour le meilleur, ou pour le pire.

C'est avec une flegme mesurée que le druide aux yeux dorés a écouté sa jeune soeur, agrémentant les brefs silences de courtes interjections montrant son intérêt. "Oh !", "Ah ?" ou "Continue." indiquent quand il le faut que l'elfe écoute toujours, alors qu'au même moment son regard se perd sur une coccinelle grignotant une feuille ou un scarabée pointant le bout de sa corne hors de son terrier. Et quand la ornedhelle termine son histoire, le druide au court pagne tourne son attention vers elle en mâchouillant une brindille à la sève sucrée.
"Quelle histoire..." Commente le druide, l'air ravi, avant d'ajouter avec une pointe d'excitation : "Et pourtant, ce n'est que le début."
Et tout en rejoignant le tronc le plus proche d'un pas sautillant, le druide mémorise ce qu'il vient d'entendre. L'histoire des Iarin'Dath et leur lien avec le Linoïn sont connus de nombreuses noss, et il n'est pas rare qu'elle serve d'avertissement. Dans ce contexte particulier le trouble de la jeune ornedhelle est compréhensible. Pour autant Varnan ne sent pas encore l'appel du disciple, et Ungwë semble de toute manière déjà avoir un maître. Par ailleurs, selon lui, l'aspirante druidesse doit elle même trouver la voie qui lui est tracée, le mieux qu'il puisse faire est alors de l'aider à écouter les mélodies qui la guideront.

Curieux de connaître l'avis de leur aînée, le druide facétieux ne reprend cependant pas la parole. Il tourne son regard orangé vers la végétaliste pour l'inviter à s'exprimer la première.
"Il y a mille et une façon de vivre la Symphonie." Dit la druidesse, s'adressant à la jeune apprentie. "Tu trouvera la tienne. Etre druide par obligation n’est pas sain. Etre chef par obligation non plus... Attendez au moins de savoir ce que ta sœur aura retiré de ses voyages. Elle en sera sûrement plus sage. Que veux-tu, Toi?"
De sages paroles qui font sourire le druide paresseux. Et pourtant, au goût du vagabond, elles sont insuffisante.
"Ungy !" S'exclame joyeusement l'anedhel en ne lui laissant pas le loisir de répondre à la question. "J'ignore quels secrets tu as pu entendre, et je n'ai pas reçu toutes les mémoires de ton clan, c'est certain. Pourtant, je suis certain d'une chose : Si tu s reçu l'honneur de recevoir ces privilèges, c'est que I Emel et les ëalas t'en ont trouvé digne. Et cela qu'importe le choix que tu fera, car il sera le leur, il sera le nôtre, il sera celui qui doit être..."

Le druide nonchalant brise un morceau de sa brindille et le recrache. Il observe une seconde le bout restant, hausse les épaules et le jette aussi dans les herbes avant de reprendre.
"L'histoire du Linoïn est à la fois triste et fabuleuse, et elle ne doit pas être oubliée. Elle fait partie de notre mémoire, elle fait partie de sa mémoire. Elle est une part de notre passé, et pour qu'elle ne soit pas notre futur... Ce poids qui repose sur tes épaules, et qui te fais hésiter. Ce choix qui t'es octroyé, au fond de toi, ne l'as-tu pas déjà fait ? on maître était un druide errant, et comme lui je voyage où me guide la symphonie. J'ai moi aussi des histoires, j'ai moi aussi des mémoires. J'ai rencontré un druide qui ne parlait point, sa vie était dévouée à l'entretien d'un magnifique sanctuaire en hommage à nos frères et soeurs qui ont rejoint les Terres d'Emeraude. L'on m'a conté l'histoire d'un druide qui avait engagé sa vie pour mettre fin à une guerre de clan, et que Tari à appelé. L'on m'a transmis les récits de druides et de druidesses qui se sont joint aux taledhels pour repousser les souffles corrompus hors d'Anaëh. Kÿria a de nombreux enfants, et il est autant druides ou druidesses qu'il est d'aspects à la Prime Oeuvre. Chacun de nous est ce qu'il doit être, chacun de nos a sa propre voie, chacun de nous a son rôle à jouer. Comme le bourgeon qui s'ouvre et devient feuille, comme la feuille mangée par la chenille, comme la chenille mangée par l'oiseau, comme l'oiseau mangé par le loup, comme le loup qui retourne à la terre et comme la terre qui nourrit l'arbre. Il y a bien des cycles, le Linoïn était lui aussi une partie de la Prime Oeuvre. Et il fut corrompu, et des cycles durant s'est dissocié d'Anaëh. Aujourrd'hui il est plus calme, pourtant la Dissonance y est toujours présente. Est-ce là un signe que le moment est venu de sa renaissance, ou n'est-ce qu'une prémisse de sa nouvelle histoire ? Les mémoires ne doivent pas être perdues, cela est certain. Les mémoires ont été maintenues jusqu'à ce jour, elles peuvent le demeurer encore."
Un large sourire se dessine sur le visage du druide.
"Quand vient le temps des migrations l'oiseau peut choisir de s'envoler, ou il peut choisir de se trouver un endroit chaud et hiberner. Mais si l'oiseau ne choisi pas, l'oiseau reste sur place et meurt de froid et de faim."
Sa tirade terminée, le druide semble soudain se souvenir d'une chose. Il se met alors à observer le ciel à la recherche d'un oiseau bien pariculier.

- Elle n'en a rien retiré... " Je murmure aux mots de la druidesse féline. Faelwen reste égale à elle-même. Elle a fait son temps. Elle a écouté et retenu et elle travaille d'autant plus dur pour notre clan. Mais elle n'a pas appris. Elle restait figée dans la peur qu'elle a de mal faire. Elle reste figée dans la peur du clan de perdre le peu qu'il a...

Et qu'est-ce que je veux, moi ?

Mon choix sera le leur... Le nôtres ?

Les mots du druide se fraient un chemin dans ma gorge, jusqu'à ma poitrine, et enserrent mon cœur dans un étau encore plus serré et douloureux que celui que je viens de quitter... Je l'écoute. L'histoire du Linoïn ne doit pas être oubliée... Mais je ne veux pas l'oublier ! Je ne veux simplement pas qu'il se résume à cela... Un choix déjà fait ? Comment ? Pourquoi ?

En silence, sans bouger, le cœur battant, je l'écoute jusqu'au bout...

Et l'oiseau que je suis comble en quelques pas rapide la distance qui me sépare de lui pour sauter au cou du druide que je n'osais regarder quelques minutes plus tôt. Ce sont des larmes de soulagement et d'émotion qui débordent d'un coup de mes yeux. Je me serre contre lui, le visage enfouit dans son cou, sans la moindre gêne. Je m'y accroche sans trop savoir pourquoi. Ou non. Je sais exactement pourquoi.

- Merci. " Je susurre. Je murmure. Je répète. Ânonnant deux syllabes du tréfonds de mes sanglots. Pour la première fois, j'ai l'impression qu'on vient d'ouvrir des horizons, de retirer une chape de plomb qui m'empêchait de respirer. Il n'est pas seulement question de ce que je veux faire ou de ce qu'il convient de faire. Je suis. Et ce que je suis est acceptable. Le choix n'est pas binaire. Il ne doit pas l'être. Je ne peux pas concevoir qu'il le soit.

Il a raison... Ils ont raison... Je sais déjà ce que je veux faire... Et ça ne fait pas parti du choix qu'on me laisse...

La druidesse dans son arbre allongée, regarde la jeune Noss sans rien dire. La beauté de la chose et des dilemmes c'est qu'il ne faut pas influencer, seulement ouvrir des portes. Au voyageur de choisir s'il prend le chemin ou non. Elle n'est pas aussi loquace que le druide qui la noie et l'étourdie avec ses mots. Ses oreilles se couchent tranquillement tandis qu'elle le fixe, les yeux mi-clos, avec intensité. Il lui rappelle les pies bavardes, mais en plus strident.

Son maître…

Les yeux couleurs de mousses se ferment, pensant au druide… Leurs rencontres au fil des siècles, ce lien qui les unissait. Non pas charnel, mais un amour et une compréhension similaire de l'Anaëh…. Varnan a raison en un sens. Mais la vérité et la réponse est elle si simple? Serait elle toujours si simple?

Les prunelles de mousse fraîche fixe le duo, en bas. Un sourire attendri s'épanouit sur les lèvres de la druidesse. Non. Ce n'est pas toujours aussi simple. Mais les chemins les plus naturels sont souvent les plus ardus à tenir. Autant pour l'objectif que sur la durée. Devrait elle la mettre en garde? Elle dont la fraîcheur et l'innocence élève son coeur en cette magnifique journée?

Non. Est la décision de la druidesse. Il y aura d'autres moments pour la mise en garde. Pourquoi gâcher un si beau moment. De plus, il prouve à la jeune Noss qu'elle a l'oreille de l'Anaëh. Le sourire de Lareless s'élargit. Elle aime cette elfe et il ferait plaisir de la croiser au fil des siècles pour voir comment elle pousse.

Mais bienvenue…

Répond elle avec simplicité

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