[RetroRP] La fleur cueillie | Modeste, Akila et Elros

Karfias
An 15:XI

Une maison dans un quartier calme de Thaar


L’été touchait à son terme et les journées redevenaient plus clémentes après les fortes chaleurs qui régnaient toujours en cette saison en Ithri’Vaan. L’après-midi touchait à son terme et le jour avait largement décliné pourtant Modeste ne décrochait pas de son ouvrage. Elle se trouvait alors chez Malik, un ami de longue date de sa mère, prêtre d’Arcam comme elle. Si Akila lui enseignait la danse et la musique, la jeune femme s’était toujours montrée très attirée par les arts plastiques qui étaient plus le domaine de l’homme d’une quarantaine d’années à la peau basanée et aux longs cheveux frisés. Malik avait vu Modeste arriver dans le foyer de son amie alors qu’elle était âgée de sept ans et l’avait vue grandir depuis. Il s’était fait une joie de devenir son professeur afin de lui enseigner tout ce qu’il savait sur la peinture, le dessin, la poterie…

Ce jour-là, elle travaillait sur la confection d’un vase et peinait à lui donner la forme qu’elle voulait. Une forme un peu particulière avec une double échancrure. Malik la regardait faire depuis un moment avant de décider de s’approcher pour lui demander ce qu’elle cherchait à faire exactement. Elle lui expliqua ce qu’elle avait en tête et il prit l’initiative de lui montrer comment procéder. Posté derrière elle, il passa les bras de chaque côté d’elle pour venir travailler la pièce à sa place tout en lui détaillant chacun de ses gestes. Finalement, il prit les mains de la jeune femme pour venir les placer sur la terre glaise et faire les mouvements avec elle.
Quelques minutes plus tard, alors qu’ils se lavaient les mains, Modeste ne pouvait s’empêcher de regarder Malik sans parvenir à faire ralentir son coeur et apaiser le feu né dans son ventre. Elle avait une idée en tête depuis quelques temps mais avait hésité longuement à la mettre en oeuvre… Mais ce soir-là, elle se sentait prête à se lancer. Peut-être à cause de la posture qu’il avait prise avec elle ou du son de sa voix à son oreille qui avait provoqué chez elle plus d’un frisson.

Le prêtre sembla remarquer qu’elle n’était pas tout à fait comme d’habitude et il vint poser une main dans le bas de son dos pour attirer son attention.

-Tout va bien ?

Modeste planta son regard dans le sien. Elle allait lui répondre oui mais y renonça et… l’embrassa. Malik accueillit son baiser bien malgré lui puis s’écarta doucement.

-Maud, qu’est-ce que tu fais ?
-Je crois que ça se voit, non ?
-Ce n’est pas une bonne idée… Ta mère est une de mes amies.
-Je ne te demande pas de t’engager dans une relation avec moi… Je veux que tu m’inities.

Le prêtre la regarda, interloqué par sa demande. Non pas qu’il ne l’ait jamais fait mais il ne s’attendait pas à cela de sa part à elle. Il ne l’avait même jamais envisagé. Elle était encore une enfant à ses yeux et voilà qu’elle lui demandait de faire d’elle une femme.

-Et Cirtirus ?
-J’ai rompu. Finit-elle par lui répondre. Il n’était pas avec moi pour les bonnes raisons… Et c’est bien là le problème. Certains hommes s’amusent avec le cœur des femmes avec une seule idée en tête. Ce n’est pas la première fois que je manque de me faire avoir mais n’est-ce pas une question de temps ?
-Mais est-ce une raison suffisante pour offrir ta première fois à un homme que tu n’aimes pas de façon romantique ?
-Au moins, en toi je peux avoir confiance. Et si un homme doit me berner un jour, je préfère qu’il ne m’ait pas volé le bien le plus précieux qu’une femme puisse avoir. Je veux le donner à quelqu’un qui saura en prendre toute la mesure et faire en sorte que ce moment soit l’un des plus mémorables de mon existence.

Malik soupira légèrement en affaissant ses épaules. Il étudia le regard assuré de la jeune femme alors qu’il commençait à se laisser convaincre. Il était vrai qu’elle avait bien grandi. Elle avait seize ans désormais et nombre de personnes n’était plus vierge à son âge. Cela ne devrait donc pas être un frein pour lui… Akila ne lui en voudrait sûrement pas, quant à Elros, cela lui serait difficile à accepter quelque soit le premier partenaire de sa fille.
Modeste le sentait se faire peu à peu à cette idée. Il ne manquait plus qu’un petit coup de pouce pour obtenir ce qu’elle voulait… Alors, sa voix se fit presque murmure tandis qu’elle se rapprochait de nouveau de lui.

-J’ai eu plusieurs petits amis. J’ai eu envie d’eux mais j’avais trop peur pour passer à l’acte… J’ai envie de toi, Malik… Et je n’ai pas peur.

Elle s’était arrêtée à une vingtaine de centimètres de lui, lui laissant le choix, sans l’oppresser, d’accepter sa requête ou de la rejeter. Le prêtre soutint son regard quelques instants puis se pencha pour venir cueillir ses lèvres. Il posa ses mains sur ses joues pour prendre son visage doucement mais non sans une certaine ferveur et elle lui intima de continuer en prenant ses poignets. Son ventre s’enflamma et elle vint se coller à lui tandis que leurs baisers se faisaient rapidement plus fiévreux…

Le matin était levé depuis longtemps lorsque Modeste quitta enfin la maison de Malik. Elle se sentait différente et à la fois sereine. Il avait été parfait à tous points de vue… Il s’était montré doux et attentionné et n’avait fait preuve d’aucune timidité et d’aucune réticence à l’idée d’aller jusqu’au bout. Elle avait eu mal mais si peu… Au petit jour, une fois que son intimité s’était remise de la veille, elle lui avait demandé de recommencer une dernière fois et les sensations avaient été encore différentes. Elle avait pris tellement de plaisir… Cette nuit resterait certainement gravée à tout jamais dans sa mémoire, tel qu’elle l’avait voulu.

Modeste rentra en marchant d’un pas lent, l’esprit totalement ailleurs. Elle avait encore devant les yeux la vision de cette nuit, sur sa peau la sensation des caresses de Malik, dans ses cheveux l’odeur de son amant et dans son ventre la plaisante impression que son plaisir l’habitait encore un peu. Elle flânait plus qu’elle n’avançait vraiment et, lorsqu’elle arriva, elle passa la porte sans même songer un seul instant à ce qui l’attendait derrière.
La réaction d’Elros l’arrêta soudain et la ramena subitement sur terre. Elle n’avait que rarement entendu sa voix de manière aussi naturelle… aussi masculine.

-Euh… Oui. Oui, je vais bien. Avait-elle répondu l’adolescente une fois sa stupéfaction passée.

Alors que l’elfe se dirigeait vers la sortie sans plus rien ajouter, Modeste posa sur Akila un regard plein d’incompréhension. Les mots de l’arcaménite l’éclairèrent bien vite et elle réalisa la frayeur qui avait dû habiter ses deux mères durant toute la nuit. Elle avait déjà découché dehors mais elle avait prévenu avant. Là, elle n’en avait pas vraiment eu l’occasion… Mais son envie n’avait pas été préméditée et plus rien n’avait compté ensuite. Tandis qu’elle passait près d’elle, elle retint Elros en lui attrapant les deux mains.

-Il faisait nuit quand on n’a fini, j’ai dormi chez Malik. Je suis désolée… Je vais bien. Répéta-t-elle avec sincérité avant de la libérer de son emprise.

Elle regarda l’elfe sortir enfin pour aller se libérer de ses émotions puis se tourna vers Akila. Elle s’approcha d’elle et déposa un baiser sur sa joue pour s’excuser.

-Je vais me laver et me changer.

Elle savait que la discussion ne serait sans doute pas terminée mais elle voulait repousser encore pour un temps la conversation qui allait venir… Elle voulait profiter de ces derniers instants où sa nuit passée avec Malik était encore si vivante. Une fois dans sa chambre, elle sentit sa peau et ses cheveux où se mêlaient véritablement son parfum à celui de son amant. Elle retira sa robe et ne put s’empêcher de s’arrêter devant son miroir. Elle se regarda et se trouva tellement changée… Elle ne voyait plus une enfant, mais une femme. Elle passa ses mains sur ce corps qui lui semblait si nouveau et le découvrit sous un nouveau jour. Elle refit le parcours emprunté par le prêtre quelques heures plus tôt, passant sur ses bras, sa nuque, sa taille, son ventre, ses hanches, ses seins, ses cuisses et entre ses jambes. Cela n’avait rien à voir avec ce qu’il lui avait fait, les sensations n’étaient pas les mêmes avec ses propres mains mais elle ferma les yeux en s’imaginant que c’était un homme qui lui faisait tout cela et elle soupira d’aise. Maintenant, tout cela ne lui faisait plus du tout peur car tout ceci était synonyme de plaisir…
Finalement, elle versa de l’eau dans une bassine et commença sa toilette. Tout en se lavant, elle eut l’impression de se débarrasser non seulement de l’odeur de Malik mais aussi du contact de ses caresses. Elle n’en avait pas envie, elle aurait voulu repousser cela de quelques heures encore mais elle ne voulait pas risquer que l’une de ses mères se rendent compte trop vite qu’elle n’avait pas dormi seule...

Modeste avait entendu les pas dans le couloir et ne fut pas surprise d’entendre frapper à sa porte. Elle soupira silencieusement : ainsi donc, elle n’attendrait pas plus longtemps avant que l’on ne vienne lui parler. Elle ignorait à quoi elle devait s’attendre, maintenant que la peur était passée. Elle réalisait bien évidemment que ce n’était qu’une marque d’affection à son égard et aurait sans doute bien plus mal pris si on ne lui avait rien demandé… Elle venait de la rue et était orpheline. Elle avait beau être en fin d’adolescence, elle savait mieux que personne la chance qu’elle avait d’avoir ce toit au-dessus de la tête et deux femmes pour veiller sur elle.
D’un mot, elle autorisa sa visiteuse à entrer car elle savait qui se tenait derrière la porte. Elros devait encore être en train d’essayer de retrouver son calme dans un coin de la maison ou à l’extérieur… L’adolescente laissa Akila venir à elle et lui prendre l’éponge pour reprendre le flambeau de sa toilette. Elles avaient toujours été très proches et il n’y avait aucune pudeur entre elles. Les choses étaient différentes avec l’anedhel, bien sûr…
Alors qu’elle restait immobile, la voix de la prêtresse se fit de nouveau entendre. La première phrase sonna comme un ordre.

-Je suis désolée. Ce n’était pas prémédité…

La seconde réplique d’Akila était bien plus énigmatique, telle l’expression du Dieu qu’elle invoquait. Même si elle ne pratiquait pas, Modeste connaissait bien la cartomancie. Tout comme elle connaissait le côté versatile et mystérieux d’Arcam qui répondait souvent aux questions qu’on lui posait de manière détournée. Peut-être sa mère savait-elle… Ou peut-être pas. Il était difficile de savoir. Cependant, elle comprenait qu’Akila se doutait de quelque chose et qu’elle lui tendait une perche pour lui en parler. La refuser aurait été un acte bien injuste envers elle. D’autant qu’elle ne souhaitait pas lui cacher cette expérience nouvelle qu’elle venait de vivre. Elle était sans doute la mieux placée pour la partager pleinement.

-J’avais l’intention de t’en parler, maman. Mais pas comme ça, en arrivant. Et puis je voulais… me poser un peu, prendre le temps de toucher terre à nouveau.