17:XI Quatrième ennéade de Karfias
« Tu as vraiment pris ta décision, tu ne veux pas y réfléchir plus ? »
Pied à l'étrier, je posais mon derrière sur mon bélier, Uzulkar, avant de tourner la tête, et de répondre d'une voix sombre.
« Non, je pars. »
Je savais que Sakùr s'inquiétait simplement pour moi. Je ne m'inquiétais pas pour lui. Il était temps de partir. Je n'avais pas envie de suivre Grimdal. Il avait décidé de reprendre la route, vers des villages nains à aider, en échange d'or. Les mercenaires ne supportaient plus l'inactivité. Ils avaient failli se cogner, un soir, et Grimdal en avait assez de modérer leur ardeur. J'avais décidé de ne pas les suivre. Si Tromglod n'était pas là pour assurer ma sécurité, j'ai beaucoup trop peur de vadrouiller n'importe où. La vie de mercenaire n'était pas pour moi, je me sentais mieux dans un atelier, dans une ville, très loin de la guerre et des combats.
Grimdal vint me saluer, avec une tape sur l'épaule.
« Tu retournes à Lante ? Parle de nos exploits à de hauts dignitaires de la ville, peut être que tu aura la vie facile ! »
Je hochais la tête, pensant à ses paroles. Il est possible que la situation soit différente, en rentrant. Une nouvelle renommée, une nouvelle vie peut être. Il serait sage de ne pas le cacher. Qui sait en combien de temps les rumeurs se propagent, sur le Zagazorn ?
En tout cas, ce n'était pas le moment de s'attarder. La troupe de mercenaires commençait à se masser autour de moi, et je commençais à être mal à l'aise. Je fis un geste de la main, suivi d'un grognement, puis j'ordonnais à mon bélier d'avancer. Lourdement chargé, le trajet sera pénible, mais je penserai à le ménager de mon poids très souvent. Agitant la tête, la bête s'exécuta, éloignant les nains sur son chemin, tandis que des messages d'adieux parvenaient à mes oreilles. Je n'étais pas très doué avec les adieux, aussi je demandais à Uzulkar d'accélérer son allure afin d'atteindre assez vite la grande porte du Fort.
Je fis un signe au nain en hauteur, qui faisait le guet, afin qu'il m'ouvre la porte vers l'extérieur. L'ouverture lente et mécanique de la porte me donna du temps pour réfléchir. Je savais quel chemin prendre, j'avais une carte, une boussole. Je pouvais facilement éviter les dangers, et m'enfuir à dos de bélier. Pourtant, lorsque je vis les flancs nus des montagnes alentours, je n'étais pas tellement rassuré. Mon ami au poil gris fit le choix à ma place. Il avait souffert de l'inactivité, et cette vision de la nature lui donna, pour ainsi dire, des ailes. Il fit un petit saut de cabri avant de se précipiter vers une petite vallée verdoyante, gouttant avec délice l'herbe fraîche. Ma seule action avait été de m'accrocher comme je le pouvais aux guides, en espérant que le bélier reprenne ses esprits. Néanmoins, je savais qu'il serait un bon partenaire de voyage, j'avais confiance en lui.
Finalement, cette étape de ma vie m'aura apporté quelque chose, de poilu, à corne, mais à qui je faisais confiance.