On s'amuse comme on peut et surtout avec rien quand on est deux.

Xy'thloryth devait l’admettre : il avait eu ses doutes quant à la réussite de son plan mais ça s’était passé comme sur des bagrons alors ça voulait dire que les dieux aussi en avaient marre de la gamine et quoi de plus normale ? A son bureau il remplit ou un deux formulaires et se rendit vite compte que ce n’était pas le métier le plus amusant du monde et qu’il le refilerait sans doute à Tash’var même s’il n’avait pas posé de nouvelles questions. Ça lui apprendra à être plus jeune. En attendant il ne pouvait penser qu’à une chose : ce qu’il allait faire à Shyn’tae. En effet lorsque l’on a un nouveau jouet on veut absolument s’en servir sous les plus brefs délais et ce pendant un moment. Il savait également qu’en jouant avec pendant un moment il finirait par s’en lasser plus rapidement mais comme il n’avait pas non plus tout le temps du monde devant lui c’était loin d’être un problème, ça promettait donc d’être court mais intense, exactement comme il aimait. Alors il demanda, du moins ordonna avec les formes, qu’on lui donne une monture et sortit au galop du camp sud pour aller rejoindre Shyn’tae. Celle-ci se trouvait dans une hutte à quelques kilomètres de l’endroit où elle avait été enlevée, c’était l’une des rares bâtisses qui avaient échappé à l’avancée des osts principalement parce qu’elle ne se trouvait pas sur leur chemin et qu’il n’y avait strictement rien à piller dedans. Ça tombait donc très bien et il devait admettre que Top’kek avait fait un bon boulot.

En arrivant devant le bâtiment il ne remarqua pas le mage qui était sensé surveiller l’endroit et grommela quelque chose de peu flatteur sur la compétence de ses subordonnés. Une fois arrivé suffisamment proche pour être entendu Top’kek sortit en trombe, prêt à lancer un sort, avant de se rendre compte que c’était son patron qui était venu rendre visite. Il se gratta l’arrière de la tête d’un air gêné mais ne dit rien. C’était là un mage taciturne qui ne parlait que rarement, même lorsqu’il avait quelque chose à dire ; de l’avis de Xy'thloryth il n’avait de toute façon que rarement quoi que ce soit à dire et de toute façon ce qu’il avait à dire ne valait pas le coup d’être entendu alors ça réglait le problème. C’était probablement pour ça que Top’kek était le conspirateur favoris de Xy'thloryth : il la fermait, faisait plus ou moins son boulot comme on le lui demandait et puis surtout il la fermait, ce qui était vraiment appréciable.

« Espèce de débile, faut être dehors ! Sinon comment veux-tu voir arriver les gens ? » Dit-il en descendant de cheval.

D’un geste rageur il lui donna les rênes puis il se dirigea vers la porte encore entrouverte en donnant un coup d’épaule à Top’kek. Ce dernier se contenta d’hocher la tête et d’amener l’animal derrière la hutte, juste à côté du puits. Pendant ce temps le mage vétéran put voir qu’effectivement le coin choisit par son subordonné n’était pas mal, en plus d’être isolé il comportait tout le confort nécessaire à leur prisonnière. C’est-à-dire aucun. Elle était attachée tel un saucisson des pieds à la tête et au vu du travail somme toute admirable du geôlier, ce dernier semblait apprécier son boulot. Xy'thloryth allait sortir pour lui demander où est-ce qu’il avait appris à faire ça mais après quelques secondes de réflexion il en arriva à la conclusion qu’il ne préférait pas savoir.

La prisonnière était donc allongé au milieu de la petite pièce de quelques mètres carrés sur de la pierre froide aux angles saillants qui n’étaient pas vraiment des plus agréables mais bon, quand on a pas le choix on fait avec. Dans un coin se trouvait un seau avec de l’eau sans doute sortie du puit dehors. A tout cette débauche de moyen il fallait ajouter une petite chaise qui avait peut-être appartenu à l’ancien propriétaire ou bien que le gardien actuel avait ramené pour éviter de rester debout ou de s’asseoir sur le sol mais de toute façon ça, Xy'thloryth s’en fouettait royalement. A la place il fit quelques pas dans la pièce en poussant un sifflement admiratif.

« On t’as trouvé un endroit vachement bien dis donc. Il ne manque qu’une ou deux vermines pour que tu te sentes à ta place. » S’approchant de sa captive, le mage décida que c’était quand même vachement plus sympa si elle pouvait répondre alors il lui retira son bâillon, de toute façon il allait devoir le faire plus tard donc autant commencer maintenant, mais il préféra qu’elle garde la vue obscurcit, c’était plus sympa. « La vue te plait ? L’Oliyenne est magnifique ! Mais nous parlons, nous parlons et converser doit te donner soif, ne t’inquiète pas, j’ai tout prévu ! » Il lui attrapa les cheveux pour la tirer sur le sol de pierre jusque dans le coin où se trouvait le récipient d’eau, il la lâcha ensuite brusquement pour s’accroupir à ses côtés. « Mais om ai-je la tête ? Bien sûr qu’avec tes bras tu ne peux pas te débrouiller seule. Toutes mes excuses, je vais t’aider, je ne laisserai personne dire de moi que je suis un mauvais hôte. » Il passa sa main au-dessus de l’eau pour former une petite boule de la taille d’un poing.

« Dit aaaaaaaaaaah… » de sa main valide il lui força à ouvrir la bouche et transforma la boule qui lévitait au-dessus de sa main en un mince filet qu’il dirigea vers les poumons, esquivant habilement la luette. Après pas loin une trentaine de secondes avec des poumons pleins d’eau qu’il s’amusait à faire bouger mais surtout à garder dans lesdits poumons, Xy'thloryth arrêta son sort et laissa Shyn’tae mettre fin à cette délicieuse expérience de noyade toute seule comme une grande. Après avoir toussé pendant il ne savait trop combien de temps pour recracher le liquide invasif il se dit qu’il avait oublié quelque chose.

« Ah oui, c’est vrai, je suis sensé te poser des questions. Bon je ne voulais pas trop à la base mais pourquoi ne pas mêler l’utile à l’agréable ? Alors commençons simple si tu veux bien : pourquoi L’Renor t’as choisi comme Phord’ur ? »

S'il y a quelque chose de particulièrement agréable avec les cauchemars, c'est qu'on finit toujours par s'en réveiller. Malheureusement il arrive exceptionnellement que ce soit pour se retrouver dans un autre. Points bonus s'il est encore pire que le précédent.

Le dallage était si froid sur sa peau nues, ses arêtes saillantes enfoncées appuyaient douloureusement sur ses cotes. Une douleur sourde résonnait encore à l'arrière de son crâne... Elle enveloppait ses membres, plus encore son bras droit et son torse, où elle irradiait sans répit. Où? Quand? Des questions s'agrégeaient lentement à la surface de sa conscience.

La douleur la tira du néant.
La daedhelle gémit.
Elle écopa d'un coup de botte dans le ventre qui acheva de la réveiller, son cri étouffé par la boule de tissu qu'on avait introduit dans sa bouche. Par reflexe, elle se recroquevilla sur elle même. Les cordes rêches qui s'entrelaçaient au travers de sa peau d'ébène la griffèrent en se tendant un peu plus. Elle put à peine bouger avant de devoir renoncer. Et, lorsqu'elle ouvrit les yeux, seule la plus profonde des obscurités s'offrit toute entière à son regard, tel un petit éclat de néant.

Dans les ténèbres, la drow se débattait avec ses souvenirs fragmentaires en s'attendait à recevoir à tout instant un nouveau coup de pied. Elle écoutait, seul le silence et l'occasionnel sifflement du vent lui répondit. Peu à peu, Shyn'tae réalisa.

C'est plus drôle lorsqu'on ne risque rien, n'est-ce pas?  Elle était nue, prisonnière, privée de ses sens… les hypothèses se succédèrent dans son esprit. Elle nourrissaient lentement, pensées après pensées, l'angoisse nichée au creux de son ventre.

Le silence régna plus longtemps dans la petite hutte. Finalement, la jeune noirelfe testa ses liens de sa main droite engourdie. la corde s'enfonça un peu plus dans ses chairs engourdies, la voix de la raison lui murmura au fond de sa conscience que c'était inutile. Mieux valait ca qu'attendre… Son coude n'était pas encore soigné, et mouvoir son poignet suffit à y faire naitre un élancement qui se propagea vite à tout son membre. On avait lié ses bras l'un à l'autre dans son dos.

Un nouveau coup de botte lui arracha un miaulement, puis, peut être lassé de devoir lui rappeler de se tenir tranquille, son gardien l'appuya sur son dos et l'y laissa.

Shyn'tae ne voulait pas mourir... Elle ne voulait pas tout de suite que sa flamme rejoigne les P'leiks. C'est plus ou moins inevitable. Le temps s'écoula sans qu'elle ne bouge, son corps douloureux et engourdi.

Que pouvait-elle faire?
Elle ne voyait aucune issue. Ils allaient la tuer. Il y avait forcément quelque chose.
Elle ne pouvait même pas se battre. Il fallait attendre, ce n'était que le début.
Elle avait peur. Elle devait garder son calme.


Combien de temps s'était-il écoulé? Shyn'tae aurait été incapable de le dire. Elle avait la gorge sèche… A un moment, elle s'était abimée dans la contemplation des motifs… La magie vivait toujours, quoiqu'il advienne, insensible et omniprésente. La drow n'avait pas pour pratique de les admirer sans les relier à ses autres sens. Était-ce la brise? Les mouvements de son Geôlier?

Combien de temps s'était-il écoulé avant qu'elle entende le cheval les rejoindre? Le gardien se leva précipitamment. Le bruit de ses pas sur le sol, l'empreinte de sa marche sur les motifs. La porte craqua lorsqu'il la poussa. Cet endroit était usé, nota-t-elle. Une bâtisse abandonnée? Des éclats de voix à l'extérieur. La drow frissonna, ses hypothèses les plus probables se vérifiaient.

Xy'thloryth avait-t-il décidé de devenir Phord'ur, ou servait-il un autre?

De nouveaux bruits de pas, les craquements de la porte, on la claque. Puis le silence, quelques frémissements au seins des motifs magiques. Il l'observait certainement. Shyn'tae resta immobile. Puis a voix du Maitre elementaliste s'éleva, joyeuse, lui confirmant que tout devait se dérouler selon les plans du conspirateur. Krish était absente, L'Renor ne serait pas là avant encore une énnéade, combien d'Eldéens à Sol'dorn apprécieraient-ils de la voir disparaitre? La nausée monta en elle. Elle avait tout gâché.C'était bien la peine que Na'ri fasse tous ces efforts! Le cynisme avait parlé, mais il n'avait pas tort.

Le mâle monologuait en se moquant d'elle, mais c'était quelque chose dont elle avait l'habitude. Puis, il se pencha sur elle pour lui tourner la tête sans ménagement, et retirer le bâillon que le talentueux Top’kek avait improvisé à l'aide d'un morceau de sa jupe. Un petit filet de salive avait coulé contre sa joue, ne lui donnant pas l'air des plus glorieux. Pour tout dire, si l'ex-Phord'ur avait jamais eu de la superbe, il n'en restait objectivement pas grand chose.

- Me.... Cela aurait peut-être du être une réponse sarcastique, mais Xy'tholoryth l'avait interrompue en saisissant sa longue tresse pour la trainer au travers de la pièce. Finalement, les choix de coiffure de la demoiselle avaient une utilité. Lorsqu'elle s'immobilisa, elle dut reprendre son souffle, son cuir chevelu brulant, et sa peau un peu plus griffée.

« Dit aaaaaaaaaaah… »

Son hôte ouvrit sa bouche, elle sentait la magie, peinait à comprendre les motifs… Et l'eau glissa sur sa langue, glissante comme de l'huile. Elle comprit quelques instants plus tard, son corps pris de convulsion alors qu'il tentait sans succès d'expulser l'eau qui emplissait ses poumons. Elle se noyait dans un verre d'eau… Il ne pouvait pas la tuer comme ca. Une mort digne d'elle, pensa-t-elle. Les cordes griffèrent ses chairs alors qu'elle se débattait de toutes ses forces, toussant sans aucun effet sous l'effet du sortilège. Son cœur battait de toutes ses forces pour tirer de son sang ce qu'il pouvait encore donner. Le manque d'oxygène brouillait ses pensées, elle paniqua…

...puis brusquement, sa toux expulsa l'eau, encore et encore. Un peu d'air parvint à trouver le chemin de ses poumons, elle toussa encore, en sueur. Un peu de sang macula les cordes. Elle s'en fichait, car elle parvenait à respirer à nouveau. Elle toussa à nouveau, expulsant toujours plus d'eau sur le dallage, sur sa gorge, étourdie...

« Ah oui, c’est vrai, je suis sensé te poser des questions. Bon je ne voulais pas trop à la base mais pourquoi ne pas mêler l’utile à l’agréable ? Alors commençons simple si tu veux bien : pourquoi L’Renor t’as choisi comme Phord’ur ? »

… Il… voulait poser des questions? La magicienne, encore étourdie par l'experience qu'elle venait de vivre, n'était pas certaine de comprendre. Mais tant qu'il en posait, il ne la tuerait pas… Elle pouvait essayer de faire durer. C'était sa seule chance. Collaborer, mais sans rien révéler. En tout cas, c'était là une question à laquelle elle aurait pu essayer de répondre autour d'un verre.

Elle ouvrit la bouche, et tenta de parler, avant d'être prise d'une nouvelle quinte de toux qui l'arrêta au premier mot. Puis elle reprit, lentement, le souffle court.

- Je ne sais pas… exactement... Maitre Xy'thloryth."C'est un Maitre, il faut respecter ses supérieurs. D'où était venu cette impulsion? C'était un enfoiré, et il allait certainement la tuer. Pourquoi s'était-elle sentie obligée… Elle ne pouvait pas s'attarder sur une question si futile, et continua. "Parce que je suis la mieux qualifiée d'entre nous pour m'occuper de la paperasse pendant un siège? Parce que je suis son animal de compagnie préférée? " Était-ce du sarcasme ou de la révolte dans les mots que la belle prisonnière venait de prononcer?

Se frottant le menton, Xy'thloryth réfléchissait à ce qu’elle venait de dire, qu’elle soit la plus qualifiée pour quoi que ce soit lui paraissait peu crédible alors il opta pour la seconde option proposée, c’était de toute façon sa préférée. Il se releva avec un sourire satisfait sur les lèvres, la voir cracher ses poumons avait été amusant mais il était un drow de goût raffiné et ne comptait pas se laisser aller à quelque chose d’aussi barbare que de la torture ; après tout il était civilisé et puis surtout il ne voulait pas empiéter sur le territoire de la prêtrise de Kiel car c’était un clergé qu’il respectait beaucoup et qu’il appréciait à se juste valeur alors c’eut été de mauvais goût de les singer.

« Mais je ne suis pas venu ici pour simplement m’assurer que tu ne te déshydrates pas, en effet je suis ici pour t’annoncer que tu vas déménager. Qui plus est je t’ai trouvé un endroit bien meilleur que celui-ci, tu verra. » Il lui attrapa un bras pour la forcer à la remettre sur ses deux jambes. « Aller viens on nous attend et c’est malpoli de faire attendre les autres. » Il la tira en avant, la forçant à sauter pour avancer à cause de ses liens jusqu’à ce qu’il soit arrivé à la porte qu’il poussa, puis il fit de même avec sa prisonnière. Toutefois ce fut plus brutal dans le but de la faire tomber ce qui le fit méchamment ricaner, un rire qu’il avait préparé depuis longtemps et dont il était très fier. « Attention à la marche Shyn ! Quelle maladroite tu fais… » ce fut Top’kek, après avoir gloussé, qu’il l’aida cette fois à se relever avant de la porter comme un sac à patate et de la soulever pour la placer à l’arrière du cheval de Xy'thloryth.

Le problème de Top’kek c’est que lorsqu’il avait une idée il avait du mal à se retenir, surtout lorsqu’elle n’était pas très bonne, ainsi il claqua les fesses de Shyn’tae et l’animal, sentant l’impact, parti au galop. L’instigateur du complot ne put que pousser un long soupir exaspéré, ne sachant pas vraiment comment réagir autrement car, en réalité, ça l’avait aussi tenté et il valait mieux que ce soit les autres qui fassent les conneries qui tournent mais, c’était mieux pour sa crédibilité de chef. La prisonnière put donc profiter d’un galop mais pendant peu de temps car elle tomba de sa monture improvisée et la monture en question fini par s’arrêter, peu de temps après ils furent rejoints par Xy'thloryth qui avait prit le cheval de son subordonné. Shyn’tae fut remise sur l’animal fugueur et ils attendirent sagement que Top’kek les rejoigne à pied pour finalement partir. Ils arrivèrent finalement vers une petite maison de fermier en bois où les attendaient Ke’lshan et Firal qui haussèrent un sourcil en les voyant finalement arriver mais elles ne posèrent pas de question quant au motif de leur retard.

« Nous allons pouvoir commencer. » Annonça fièrement Xy'thloryth en descendant de cheval.

Il attrapa Shyn’tae sans ménagement et entra, la première pièce n’avait pas été touchée mais ce n’était pas celle qui l’intéressait alors il l’amena dans la seconde. C’était un plan qu’il avait pris plaisir à mettre au point et maintenant qu’il pouvait enfin le mettre à exécution il n’allait pas se priver d’y assister, même si c’était le début car il allait devoir rentrer au camp sud sous peu. Il lâcha donc sa prisonnière sur le sol mais cette dernière ne s’écrasa pas sur un sol de pierre coupant ou sur un plancher grinçant. A la place elle s’enfonça dans un épais tapis.

Il mit un genoux à terre, défit le nœud qui maintenant le bandeau et avec sa plus belle intonation théâtrale déclara : « et Uriz a dit : que la lumière soit et la lumière… » il tira sur le bandeau qui tomba de lui-même, rendant la vue à Shyn’tae. « Fut. » La pièce était entièrement recouverte, du sol au plafond en passant par les murs, de tapis blancs. « Bon, je vais devoir te laisser mais je reviendrais sous peu, j’espère que tu vas te plaire ici. » Il fit un pas vers la porte avant de se rappeler d’une chose. « Ma bonté me perdra. » Il s’agenouilla à nouveau vers elle pour desserrer les liens, du moins il essaya pendant un temps car Top’kek avait bien fait son travail et ce n’était pas forcément simple de comprendre par quel bout il fallait commencer. Ensuite il sortit, fermant la porte derrière lui. Une fois dehors il fit signe aux trois mages de rentrer, les bruits de leurs pas se faisant absorber par l’épais tapis qui se trouvait également sur le sol de la première pièce. Alors ils commencèrent à incanter, aidant Top’kek, mage de l’esprit de son état, à ralentir la perception du temps de Shyn’tae, Firal quant à elle s’assurait de couper les liens que la prisonnière avait avec sa magie. Un sourire sadique apparut aux lèvres de Xy'thloryth car maintenant il n’y avait plus qu’à attendre que l’ancienne Phord’ur sombre dans la folie comme une grande.

La douleur. C'était quelque chose qu'elle comprenait. Elle n'avait jamais aimé la douleur en tant que telle, mais elle pouvait apprécier le relief qu'elle donnait au répit. Le Maitre avait attrapé son bras droit pour la mettre debout. Avait-il fait exprès? La traction sur son coude et sur ses cotes en voie de guérison avait été douloureuse, mais elle pouvait très largement supporter cela. Tout au plus avait-elle serré les dents. Bizarrement, elle avait espéré avec un peu trop de détachement que cela ne compromettrait pas trop sa guérison. Drôle de pensée, compte tenu des circonstances.

Apparemment ils ne souhaitaient pas la tuer tout de suite.

Le bandeau sur les yeux, elle n'avait que son sens de l'équilibre et ses sens magiques pour la guider. Cela aurait été une experience intéressante dans d'autres circonstances  et si elle n'était pas attachée des pieds jusqu'au cou. Sans surprise, elle tomba, parvenant tout au plus à pivoter suffisamment dans sa chute pour que son épaule gauche encaisse le coup plutôt que son nez.

« Attention à la marche Shyn ! Quelle maladroite tu fais… »

Ce genre de blague ne faisait rire que les imbéciles. Si elle l'avait eu comme élève à l'étude noir, il aurait fini cul par dessus tête dans un escalier. Malheureusement, on avait remarquablement peu d'escaliers au camp sud. L'objectif était qu'elle se rende bien compte à quel point elle était impuissante. Il n'était pas necessaire de le lui rappeler.

Un bras la saisit à nouveau. De surprise, un gémissement lui échappa, et l'instant d'après, on la trainait pour la lancer sur le dos d'un cheval, éclairant ainsi sa cage thoracique d'une souffrance renouvelée. Sur le ventre au travers de la monture, elle se contenta d'attendre. Elle avait déjà testé ses liens. Nulle échappatoire pour l'instant de ce coté là… Le responsable était un expert du macramé.

Ce qui expliquait qu'en plus de bien restreindre efficacement ses mouvements, ses liens la mettait particulièrement bien en valeur. Top'kek était un artiste. Il trouvait d'ailleurs un peu dommage de devoir éliminer l'oeuvre à un moment ou un autre. En attendant, une jolie petite paire de fesses bien rondes  et élégamment enchâssées dans du chanvre se présentait à ses yeux.

Il n'avait pu résister, et y donna une claque. Le cheval, ce couillon, partit au galop.

Shyn'tae n'était pas certaine de ce qui se produisit ensuite. Peut-être ses sens magiques auraient-ils pu lui permettre de savoir pour combien de temps elle était parvenue à rester sur la monture, ou même par quel miracle elle était parvenue à s'y accrocher. Mais elle ne s'en souvenait pas.

Elle était au sol, face contre terre, son corps tout entier rayonnant de douleur. La daedhelle avait bien du mal à reprendre ses esprits et la nausée menaçait de lui faire rendre son dernier repas. Le soleil frappait sa peau contusionnée et raclée par endroit, ses liens n'avaient eux pas bougé d'un pouce. L'envie de pleurer la prit brièvement. La magicienne serra les dents  et entreprit d'essayer de se libérer en subissant l'épreuve de l'effort.

Lorsque Xy'thloryth arriva sur place, elle était toujours à essayer de se défaire de l'oeuvre de Top'kek, qui avait décidemment bien fait son boulot. Le spectateur la trouva mignonne à se tortiller ainsi. C'était un signe qui ne trompait pas: L'Eldeenne était bien plus talentueuse dans ce rôle là que dans celui qu'elle avait occupé précédemment. Il l'admira faire un petit moment avant de l'arrimer convenablement  sur la monture pour partir en bon ordre.

***

Cela ne servait à rien de resister. Il valait mieux garder ses forces, attendre le bon moment. Y-aurait-il de bons moments? On la transportait à dos de cheval, puis à dos d'homme. Finalement, sensation de chute, elle se prépara à l'impact. Il ne vint pas, à la place, ce fut un tapis soyeux qui la réceptionna doucement. La drow ne comprit pas. Son ravisseur semblait particulièrement heureux de l'avoir amenée ici. Cela cachait forcément quelque chose de pire que ce qu'elle pouvait imaginer. Et cela lui fit peur.

« et Uriz a dit : que la lumière soit et la lumière… Fut »

Lorsque le bandeau glissa de ses yeux, Shyn'tae dut les fermer. Tout ce blanc, aveuglant…

« Bon, je vais devoir te laisser mais je reviendrais sous peu, j’espère que tu vas te plaire ici...Ma bonté me perdra. »

Ses yeux avaient mis de longues secondes à prendre la mesure de son environnement… Une blancheur apparemment infinie… non il s'agissait de tapis, comme celui sur lequel elle était posée. Des luminaires comme ceux utilisaient au Puy diffusaient une lueur blafarde et uniforme. De son point de vue, le résultat était uniformément morne à en devenir aveuglant.

- Que… La magicienne s'était préparée à tout, mais pas à ca. Il ne comptait pas la tuer. Pas tout de suite en tout cas? Elle avait donc une chance de s'en sortir, elle s'y accrocha.

Xy'thloryth desserra un peu ses liens, dans son infinie bonté. Et l'instant d'après il apparaissait finalement dans son champs de vision sans lui jeter un regard et sortait. La drow le foudroya néanmoins du regard… Elle allait s'en sortir, et se vengerait.

En réalité, elle n'en était pas du tout certaine. Mais un peu d'auto persuasion ne pouvait pas faire de mal. La porte se ferma sans un bruit, la laissant dans le silence. Aurait-elle du lui envoyer une réplique bien senti? Il fallait être honnête, tout ce qu'elle aurait pu imaginer tombait à plat. Il y avait des moments où la meilleure chose à faire était de se taire.

Shyn'tae tira sur ses muscles endoloris. Sa respiration était douloureuse, mais, par miracle, elle n'avait apparemment rien de cassé. son corps s'enfonçait doucement dans le tapis, lequel amortissait son touché. Ce calme… cette douceur… c'était apaisant? Quel était le piège?

La daedhelle parvint à se hisser à genoux et parcouru du regard l'étendue blanche qui l'entourait, ses pupilles réduites à deux petits points noirs sous l'effet de la lumière crue. C'était apaisant.. mais dérangeant.

Soudain, la magicienne vacilla sur ses cuisses, prise de vertige et d'angoisse. Par reflexe, elle tira sur ses liens pour se rattraper alors que son sens de l'équilibre lui faisait défaut, et elle retomba sur le coté. La pièce tournait… Un instant, elle eut l'impression d'être au plafond, puis… elle ne fut plus très certaine de savoir. Les murs s'approchaient-ils? Elle ferma les yeux. L'angoisse la saisit. Elle les rouvrit aussitôt.

Elle ne sentait plus la magie. Elle était seule. La daedhelle cherchait frénétiquement du regard des détails sur lesquels s'accrocher.

Ses mirettes firent le point sur les crins du tapis, leurs détails… Oui, ca allait mieux… L'angoisse reflua pour ne devenir bientôt plus qu'une boule dans son ventre. Couchée sur le coté, accueillie par le blanc tapis comme une amante par un amant, elle prit le temps…

Combien de temps… des minutes? Des heures? Shyn'tae ne savait plus…. La salle s'était remise à tourner malgré tout. Comptaient-il la laisser mourir de fin et de soif ici? Non, elle mourrait certainement de soif avant. Quelqu'un irait forcément la chercher? Mais qui le voudrait? Cet enfoiré était certainement Phord'ur à l'heure qu'il était. Elle était seule…

Elle commença à tester ses liens, méthodiquement…

Combien de temps? Combien d'heures? Elle ne pouvait pas le dire. Pas si longtemps supposa-t-elle, car elle n'avait pas mangé ni dormi? A moins qu'elle ne s'en souvienne plus? Ce n'était pas clair. On altérait peut-être ses perceptions.

Tu n'es même pas capable de te rendre compte de ca? C'est lamentable. Cette reflexion était venue du fond de son esprit. Shyn'tae la fit taire. Elle devait trouver un moyen de sortir de là. Saucissonnée comme tu es? Tu ne ferais pas tâche, suspendue dans une salle du temple d'Isten. Cela aurait du être excitant, cela l'était peut-être décida-t-elle. Non, ce n'était pas le moment. Dommage, ca t'aurait occupée, L'Renor va les torturer jusqu'à ce qu'ils avouent, c'est pas excitant ca? L'Renor mettrait quelques jours à arriver. La drow supposait supposait qu'ils étaient trop malins pour ne pas avoir pensé à ca. Et peut-être trouverait-elle un autre jouet…

Combien de temps?

Tu vois, ta survie dépend d'être le jouet de la Ditrown Da're… Ca en dit long. Il y en avait d'autres qui pourraient la chercher. Qui? Tout le monde dit qu'on n'a pas besoin de toi. Elle s'était accrochée, c'était vrai. La Ditrown Da're avait demandé, elle devait réussir.

Felicitation, tu as échoué. Mais ce sera bientôt fini, alors ce n'est pas si grave.

- Non… murmura-t-elle.