Quand l'temps passe, la bière s'évente | Grayle

2e jour de la 2e ennéade de Favrius de l'an 17
Thaar

Au hasard des ruelles, il s'étaient croisés. Au sein de la grande Thaar, ce n'était pas banal... Mais, bien que le temps ait passé, leur corps s'étaient rappelés bien des souvenirs. Ne résistant pas au tiraillement, humain et demi-drow étaient allés trouver quelque couche, contre quelques piécettes, où se rappeler du bon vieux temps. A vrai dire, la sang-mêlé ne l'avait pas pensé ainsi, au départ. Et puis, tous deux avaient ahané, l'homme s'était acharné, vaillamment, trouvant bientôt son plaisir... Avant que celui-ci ne soit un peu gâché par l'ennui apparent chez sa partenaire.

"Je... Attend. Laisse-moi m'reprendre, et on continue..."

P'tète bien. Montre-donc, mon vieux... Lui laissant cet espoir, en mettant de côté le gris de ses cheveux, l'affaissement de sa peau, la mollesse de ses assauts... Et y dise qu'les hommes s'bonifient. A croire qu'son savoir-faire a été sacrifié sur l'autel... Non, même ainsi, la Grise finit par se relever, délaissant ainsi cet amant de longue date. Celui-ci la regarda faire, non sans un reflet triste dans ses mires. Du moins étaient-elles demeurées comme autrefois, d'un beau vert digne d'un jardin des Princes Marchands.

"J'crois bien qu'ça vaut mieux, Merv'. souffla la Grise, passant la tête à travers l'ample ouverture de sa chemise. T'as une gueuse... Pis vot' premier non ?
- ... Le troisième, maintenant.
- Oh. Un haussement d'épaule et le tissu retrouva sa place, bien fait à l'usage.
- L'premier sait marcher. Il cause ! S'tu savais...
- Ouai. Non. L'bonjour à ta femme, du coup.
- Tu sais qu'elle n'aimait pas que l'on...
- Oui. L'adieu alors. Ca d'vrait la mettre en joie."

Une bise au gentil queutard, et la demi-drow s'en fut. J'me prendrais bien une bière.

____________________

Une taverne sans gloire de Thaar

La bière fut on ne peut plus douce à son palet amer. La première, de même que la seconde, la quatrième... Sans trop réfléchir, sans s'épancher, la Grise joua de la pinte un temps, dans un bouiboui de sa connaissance, un soir de peu d'affluence. Chantant de plus en plus faux, sans guère enthousiasmer les rares buveurs présents, la demi-drow avait fini par se taire. Puis, décidant qu'elle prendrait bien l'air, elle paya et s'en fut, la pinte toujours à la main, tout juste remplie. Affalée contre un mur, puis oscillant de ci, de là, elle avait fini par tomber - presque littéralement - sur des entassements de caisses dans une ruelle, avec des échelles derrière.

Sans trop y réfléchir, elle s'était retrouvée sur le toit, bière à la main, avançant prudemment, se repérant à l'oreille pour ne pas passer à travers le sol de peu de choses. C'bien mieux quand j'tais p'tiote... L'air ivre, l'étant on ne peut plus, la demi-sang n'en parvint pas moins au bord, et s'assit prestement, avant qu'un inopiné vertige ne se mêle d'achever son existence plus tôt que nécessaire. Et donc, qu'est-ce qu'foutent les couillons à c't'heure... ? Sans être assez haute pour profiter d'une vue portant loin - et puis, même avec les quelques torches, elle ne voyait jamais mieux qu'une simple humaine - elle s'amusa à suivre les quelques badauds qui vaquaient à leurs affaires. La taverne, sous elle, manquait cruellement d'activité à son goût, pour pareille heure. Qu'est-ce qu'j'peux y faire... ?

L'idée vint toute seule, ou plutôt revint, parmi toutes celles prenant la poussière dans sa mémoire. Avec un sourire chafouin, la Grise se pencha... Puis se ravisa, ravalant sa salive. Non, ça s'fait pas. Par contre... A la tienne Merv' ! Le geste fut vague, et la rasade dorée se répandit en contre-bas. Un juron, une figure qui se lève... Et la demi-drow de se marrer, sans s'inquiéter d'être vue ou recherchée. A la tienne, santé et tout l'merdier à toi... Ta gueuse... Pis tes mômes... ! Non sans un petit rire, elle se mit à chantonner bas, se penchant de nouveau :

"Ah mon amant,
Mon amant le demi..."

Si le refrain s'offrit à elle en un instant, le reste des paroles en revanche, se firent fuyantes. Loin d'être facilement perturbée, la Grise répéta tranquillement les quelques mots, observant la ruelle en contre-bas, et les gars qui y vaquaient. Pinte à la main, prête à trouver une nouvelle victime au divin breuvage.

Ah ? Un qui gueule pas ? La pinte fit demi-tour, avant de verser une nouvelle rasade dorée. Le 'glouglou' qu'entendirent les oreilles de biais de la demi-sang lui indiqua qu'il ne lui restait plus grand chose, de son divin liquide. Ca s'finit toujours si vite... Ça s'évapore, ça s'évapore... ! Non sans un gloussement, la Grise regarda sa camarade de beuverie bien asséchée, puis baissa les yeux vers le vieux trempé. De là-haut, elle ne voyait guère qu'un tignasse grise et une figure pâle. Quoique... La voix, pas encore usée par les décennies, au timbre encore frais, annonçait un jeunot. En s'frottant les yeux, lui sembla qu'la figure ressemblait pas encore à un pruneau tout fripé. Ou c'est un sang-mêlé et j'me plante complet, ha !

"Et alors ? S'marra la Grise. J'te connais pas, mon gars, pourtant... ! Pourtant... ! J't'ai fait goûter ma bièèèère. Généreuse que j'suis, t'crois pas ?"

Emportée par l'emphase amusée, la demi-drow se pencha plus avant, afin de distinguer son interlocuteur... Puis pouffa derechef en sentant une tôle usée bouger sous son poids. Pas la bonne idée, hola non ! Pas la bonne... ! Tel un balancier, elle revint en arrière, et profita de l'élan pour se jeter la pinte à la gueule et engloutir en un rien de temps ce qu'il restait de caresse liquide, s'en foutant un peu sur le bord des lèvres. Et 'la qu'c'est fini... Va falloir qu'j'redescende !... Ou... Pas ? Avec un sourire, la Grise lorgna vers le bas.

Un geste du bras, une envolée gracieuse, une arabesque de toute beauté... Et la choppe rebondit sur le chemin de terre, à quelques mètres du gaillard, faisant sursauter une vieille qui passait là.

"Mais qu'est-ce c'est qu'ces manières...! ronchonna la marâtre.
- S'tu veux t'rincer l'gosier, va donc m'remplir la pinte... fit la demi-drow amusée, l'ignorant. Des éclats scintillants suivirent le même chemin, éclatants au milieu de la poussière. ... Et t'en prendre une. Y a d'la place pour deux bières en haut !"

Elle pouvait ne pas connaître le gaillard et l'oublier le lendemain, la demi-drow n'en avait que faire. L'alcool, s'rend tout l'monde ami, même si c'est pour pas longtemps... ! Sauf les cons. Mais on peut jamais rien faire pour les cons. Sont cons.

Mais que le gaillard se tourne vers la pinte et les pièces, et ces dernières auraient disparu... Alors que la vieille s'éloignait à petits pas pressés, non sans jeter un regard nerveux par dessus son épaule.

Et la Grise se marra à cette vue.

M'inquiétez, m'inquiétez d'quoi ? Aucune réponse, alors que le gus disparaissait dans la taverne. Une pinte, deux pintes, trois pintes... La demi-drow penchait de-ci, de-là, partie dans ses pensées, regardant en haut, en bas... Et voilà qu'on l'interpelle. Ah ? L'est r'venu ? Un sourire un brin brouillon aux lèvres, la Grise se pencha encore, sans tomber toujours, afin de vérifier. Mais oui, c'était bien l'couillon ! 'Vec deux pintes ! Payées d'sa poche alors !

"Mais c'est qu't'es rec'vnu ! s’enthousiasma la demi-drow, applaudissant le gaillard. 'Vec les pintes en prime, rohla !"

Quand on a soif, c'qu'on f'rait pas ! Et la vieille bique qui s'était barrée avec ses piécettes. Paye-toi d'quoi vivre grand-mère... Mais qu'est-ce qu'j'en sais qu'c'est une grand-mère ? Oh pis m'en fout, la bière qu'attend pas ! Un geste du bras, dans la bonne direction.

"Là... Derrière des caisses y a... Une échelle. Un hoquet, qu'elle réprima. Mais s'tu voles, c'bien aussi... Non ?"

Une mine faussement déçue, et elle se leva, pour attendre les pintes en haut des barreaux.

"Ha la bonne pinte, ha la bonne pinte...

Qui t'réchauffe le nez
Pis t'réchauffe les pieds
Et v'la qu't'as cuvé
Pour mieux r'commencer

Ha la bonne pinte qu'est jamais terminée...!"

Qu'elle marmonnait, chantonnant à moitié tout en traversant le toit d'un pas vacillant. Là voilà, finalement, encore debout, se penchant au dessus de la-dite échelle. Elle entendait le gars, qu'était là, sans trop le voir - pas les yeux d'son noir sang, eh non, c'bien dommage -, et fronça les sourcils.

"Mais tu vas pas t'en sortir 'vec les mains prises !" qu'elle réalisa, fort justement.

Sans réfléchir plus loin que "V'la la bonne idée pour donner un coup d'main !", la Grise s'assit sur la plus haute barre, y passa bien ses jambes avant de se laisser tomber en arrière - Ouiiiiiiii -. Ainsi, elle se retrouva la tête à l'envers, les bras tendus, les mains à portée du gars - elle l'espérait - dans une ruelle où elle voyait pas plus loin qu'son pif. Le sang lui remontait dans la trogne et un courant d'air lui chatouilla la nuque - les cheveux qui s'barrent - et le bedon - c'est qu'ample comme elle était, sa chemise ne manqua pas de remonter largement -.

"Salut. qu'elle fit en souriant à la figure qu'elle voyait à peine, avant d'ajouter, en gloussant à moitié. Paaaasse-donc une pinte ! J'la r'monte, pis c'est à toi !... Oh bigre, l'sang qui m're'monte dans la caboche, haha...!"

V'la qu'c'est lui qui m'aide ! Se marrent à moitié, léchant les restes de bière sur sa trogne, la demi-sang retrouva le bon sens commun, soit la tête à l'endroit, une pinte à la main. Victoire ! Se débrouillant ensuite par elle-même, la Grise parvint à se remettre debout. Deux pas un peu de travers pour laisser la place au gars de se pointer à son tour, et elle l'accueillit avec un grand sourire.

"T'en fais donc pô pour la descente ! fit-elle d'une voix un peu pataude. Y a p't'être d'la paille dans les caisses en bas. P'tète qu'on s'endormira et qu'on s'réveillera tout frais. P't'être, p't'être. La demi-sang gloussa, nullement dérangée par le manque de crédibilité de ses propos. Elle cogna tout bonnement sa pinte contre celle du gus. Santé !"

Et la demi-drow ne se priva pas d'une bonne rasade. C'est qu'j'commencais à avoir soif ! Puis, abaissant le bras, elle fit volt-face pour retrouver le confort du bord de toit, son pas un brin bancal s'y retrouvant néanmoins sur le toit légèrement pentu. Se calant le derrière, les jambes dans le vide, elle invita le gus à l'y rejoindre.

"Viens donc, euh, machin ? Elle tourna la tête avec une moue amusée. C'tait quoi ton nom déjà ? Ou... Tête de Bière ça t'va ?"

Et sans prévenir, elle éclata de rire, se penchant en avant sans prêter attention au vide, avant de revenir en arrière, le breuvage clapotant doucement dans sa pinte. P'tain d'nom, Tête d'Bière ! Crénon d'nom, pardi !

"Alors dis-moi... se reprit-elle finalement, continuant de faire risette tout en faisant causette. Où qu't'allais comme ça, avant t'prendre l'bon breuvage sur la trogne ? T'faire piquer la pièce par la vieille, quand même... Elle les a pas loupées, ça non ! Ah, attend ! Sans prévenir, la demi-drow lui envoya une tape joviale dans le dos. J'demande et j'dis pas. On m'nomme... Mleshka ! Ou la Grise, selon où on m'croise. Tu d'vin'ras pourquoi l'surnom. La nuit, tous les chats sont gris, mais les quelques lumières alentours et la proximité ne laissait guère de doutes quant à la couleur de son derme. Et toi alors... T'es bien humain, hein ? Avec le même sans-gêne, la Grise lui fourailla dans la tignasse, lui tirant une oreille, avant de la relâcher sitôt la pointe examinée. Ah mais on dirait bien ! T'as l'cheveux plus gris qu'd'la cendre dis-donc ! Ou t'as un peu d'sang mélangé quelque part ?"

Une fois lancée, il semblait que la demi-drow n'avait pas prévu d'arrêter de déblatérer, tant que le gaillard ne l'ouvrirait pas fermement pour répondre. Ses mires aussi noires que le charbon allaient de ci, de là, l'inspectant puis regardant ailleurs, en contre-bas, le ciel sinon. Et sa choppe se balançait tranquillement au bout de son bras, attendant que lui re-vienne l'envie, jamais très loin, d'y tremper encore les lèvres.

Et la Grise d'éclater de rire, à ne rien comprendre de ce que Grayle, l'paysan d'Péninsule ! baratinait. Mais c'est que ça lui disait quelque chose ce phrasé, aussi incompréhensible soit-il. Son éclat s'arrêta, remplacé par une expression d'intense concentration, alors que les mires noirs se vrillaient sur la gueule du jeunot - J'avais raiiiiison, c't'un humain ! -. Le temps de faire deux et deux - ce qui prit un peu de temps dans son état, mais en imaginant des pintes elle calculait bizarrement plus facilement - et la Grise eut l'illumination :

"Tu m'baragouines du noirelfe ! Mais d'puis quand qu'les paysans d'Péninsule causent le drow ? Vous ont envahi finalement et on l'sait même pas par ici ? la demi-drow gloussa à cette idée. Et du coup... Tu m'baratines... Pour voir si... Haaaaaa... Soudain, la demi-sang passa sa main libre sur les épaules de Grayle, l'attirant pour murmurer d'une voix se voulant exagérément mystérieuse. J'te dis un secret, hein ? C'est - tu vas jamais l'deviner, ça non, hoho ! - qu'mon paternel, bah c'est un drow, tu vois. Elle jeta un coup d'oeil de droite et de gauche, comme si une oreille indiscrète pouvait se trouver là. J'sais pas qui, j'sais pas où, mais c't'un noirelfe, tu vois. C'pour ça le... La pinte fit des aller-retour devant la gueule et le torse de la demi-drow, comme pour la désigner. Tout ça quoi. Mais, tu sais... J'vois pas dans l'noir, j'pô les yeux rouges ni la peau noire, pis... J'sais pas causer drow. Elle relâcha l'humain pour mieux se pencher et sourire. Et j'suis pas un agent drow caché non plus, ho ça non, hoho ! Du coup t'peux causer longtemps, je pigerai rieeeen de rien. Mais de rien de rien de r- Et ses bras de s'agiter pour accentuer le mot... Jusqu'à ce qu'un clapotis plus fort annonce le vol précoce de l'alcool en dehors de la pinte. Oups !"

Comme si la choppe allait lui sauter du bras, la Grise se détourna tout à fait de l'humain pour ramener sa chère et tendre dans son giron, se marrant et murmurant des douceurs tout à la fois, d'un manière un peu incohérente. Piiiisque le liquide veut s'barrer, bah j'vais l'boaaare, voilà ! Aussitôt pensé, aussitôt fait, et la demi-drow porta la pinte à sa bouche en avalant de grandes gorgées qui lui laissèrent le museau mousseux. Rebaissant la tête avec un soupir d'aise, la Grise sourit un instant dans le vide.

"Ah, j'sais pas où il est c'connard, j'sais pas c'qui fait, j'sais pas c'qu'il penserait... P'tète qu'il est juste crevé d'puis l'temps. Elle fit un vague geste de la tête vers l'humain. T'imagiiiines ? R'montez sa trace... Pis tomber juste sur des os. Quedal, que pouic, pas plus d'père qu'hier, juste des os pis rien, et r'tour au bercaille et ça change rien. Ah quoi ça sert qu'j'me fasse chier ? La gueule soudain boudeuse, elle agita de nouveau sa pinte, heureusement moins encline à répandre son maigre contenu à présent. Les pères, ça sert à rieeeeen ! Ca vient, ça tire, ça s'barre, c'est tout, pis j'ai fait sans et j'm'en sors trèèèès bien, ouai, très très bien... Très bien..."

La prononciation se faisait plus pataude, les paupières de la Grise s'abaissèrent quelque peu, de même que ses bras, alors qu'elle affichait la même expression qu'une fillette déçue, la lèvre du bas bien en avant.

Sans trop comprendre, la demi-drow se retrouva bras-dessus bras-dessous avec Tête de B- non, Grayle ! Car elle ne s'était pas laissée faire sans répondre de même, passant à son tour le bras sur celle de l'humain. Oula, qu'est-ce qu'il est sérieuuuux ! Du moins, les pintes claquèrent, et l'alcool lui coula encore dans le gosier.

"Ah ! B'sang, c'que c'est bon ! S'esclaffa-t-elle, se refusant à ce sérieux bien trop ennuyeux, avant de glousser. J'ai d'quoi faire avec ma mère, oh oui, merci bien !"

Et elle se mit à leur faire pencher de droite et de gauche, se secouant comme pour rejeter la nappe pesante de regrets qui s'était posée sur eux, avec autant de naturel qu'un éternuement virant un grain de poussière. Une telle énergie ne pouvait se déployer en silence, ainsi, la demi-drow se mit bientôt à chanter fort, sans la moindre considération pour les habitants du quartier, par cette heure tardive.

"L'alcool est bon, l'alcool est doux !
Qu't'envole la tête, et l'coup d'grisou
T'enflamme donc pas, c'jamais qu'la vie
'Vec ses soucis, et ses verres de gris !"

D'autres couplets se pressèrent encore sur ses lèvres, quand bien même sa prononciation n'était pas la plus fameuse qui soit, buttant parfois, articulant tout juste d'autre. Sa pinte côtoyait les étoiles au bout de son bras, et la tête de la demi-drow était ivre de chansons et d'alcool, qui embarquaient dans une farandole maladroite la moindre pensée, d'un autre acabit, qui tentait de s'y imposer. Bientôt, le corps suivit d'ailleurs, et la Grise se retrouva debout avec l'humain, agitant ses gambettes avec entrain. Les dieux seuls savaient où elle trouvait encore la capacité de ne pas s'emmêler les jambes. Peut-être dans le fait de s'appuyer, s'accrocher à son partenaire de beuverie.

Leurs pas claquaient gaiement sur le toit, et il y eut quelques clients en bas pour sortir, cherchant des yeux les zouaves faisant pareil tintamarre. Des fenêtres s'ouvraient en claquant, grinçant, des gueules agacées fouillant des yeux les hauteurs obscures, bien que la Grise eut juré que certaines y mêlaient leur voix.

"L'alcool est bon, l'alcool est doux !
Y a pas d'poilade sans tonneau qui roule
Et moi qui bois, et moi qu'suis saoul
J'm'en vais chanter comme l'alcool est doux !"

Seule ou à deux, la demi-drow n'y prêtait guère attention, emportée par son feu intérieur et la joie de sautiller d'un pied sur l'autre, au rythme de ce qu'elle parvenait à chanter. Tout naturellement, elle porta à un moment sa chope à sa bouche... Et découvrit avec une grande tristesse que celle-ci était vide. Là, son entrain en prit un coup, et elle dévisagea Grayle avec une surprise tragique.

"Bah, ma pinte est vide ! s'exclama-t-elle.
- Comme ta tête, pouffiasse ! dit quelqu'un, quelque part.
- Qu'est-ce qu'elle diiiiit ? demanda une vieille voix.
- J'veux dormir moi, dormir, par Arcam !" maugréa un autre.

Toute à son désarroi, la Grise tanguant sur ses jambes ne prêtait pas attention aux cris alentours - Cause Thaar, cause, tant qu'tu causes c'est qu'tu viiiis ! - ni à là où ses pas l'avait portée et où, mine de rien, des craquements se firent entendre, à travers le toit de la bâtisse.

A peine le temps d’acquiescer à la proposition du gus que la Grise se rappela pourquoi il était bon d'aller sur ce toit avec prudence : il était fragile, le bougre vieux. Un 'crac' sonore, suivi d'une brusque inspiration qui s'acheva sur un 'Hmmmpf !' de douleur, et en un tour de main, la demi-drow regarda avec stupeur la taverne apparue autour d'elle après un simple clignement de paupière. Hésitant encore à bouger, dans une position inconfortable, quelque peu surprise, la Grise regarda avec ahurissement autour d'elle.

"...Eeeeueuuaaaaaarrrg... gémit-elle dans un éclair de génie dramatique.
- Par la peau du service d'Othar... répondit avec stupeur le tenancier en s'approchant. Mon toit... V'm'avez crevé l'toit..."

Réalisant une horreur, la demi-drow découvrit sa pogne vide, sa choppe lui ayant échappée au moment de l'atterrissage. Jetant des regards attristés de gauche et de droite, elle réalisa la gueule que tirait les consommateurs comme le maître des lieux, et eut soudainement mal à sa bourse. Qu'est-ce qu'ces conneries... Et Tête de Bière de redemander à boire comme si de rien était.

"... L'est pas... Solide ton truc... baragouina la demi-drow en se relevant, ce qui fut loin d'être une partie de plaisir. Pas confort tes tuiles..." compléta-t-elle avec justesse, en retirant une de sous son derrière.

Sans autre forme de procès, le gaillard la saisit par la chemise - qu'elle avait large et entrouverte, ce qui lui faisait une prise plutôt lâche -. Visiblement énervé, pourtant souriant, il la souleva sans peine. Ayant assez dégrisé pour réaliser le problème, sans avoir l'esprit assez vif pour trouver une solution dans la seconde, la Grise sourit bêtement au tenancier.

"Qu'tu piges ma grande... Toi et ton p'tit copain m'l'avait troué, 'lors vous allez m'le payer, vu ?" dit d'un ton dangereusement tranquille le maître des lieux, mettant en avant l'argument percutant que constituait son poing massif.

Alentours, les gus souriaient de la déconvenue des deux poivrots. La Grise, elle, hésitait entre continuer de sourire, en se disant que cela détendrait le gus - étrange espoir, sans doute dû à l'alcool et à son état enclin à la joie même quand la situation n'y était pas propice -, ou... Eclater en sanglot. Solution tout aussi étrange que la première, qui lui semblait pourtant fort intéressante. C'est qu'elle n'avait pas grand chose dans la bourse, la demi-drow... Pouffant sans raison, la Grise tourna la tête vers son compagnon d'beuverie.

"He, Grayle, j'pas d'quoi payer. T'as, toi ?" dit-elle benoîtement.

Oui oui, c'sa faute à lui, moi j'rien fais. Face à la gueule peu sympathique du tenancier bien remonté, la demi-drow tâchait de faire bonne figure, faisant la béni oui-oui. Le premier plan du Grayle lui semblait excellente : qu'il prenne tout pour sa pomme, et qu'elle se tire toute pimpante. Elle l'oublierait pas le Tête de Bière, si gentillet... !

Et puis il fut question d'aider gratuitement, et le 'oui-oui' de la demi-drow devint un 'non-non' alors qu'elle jetait un regard atterré à son compagnon de galère. Mais, maiiiiiis...! Il fut question d'alcool, et le mouvement devint un 'oui...? Non...?' indécis, tandis que l'idée faisait son chemin. N'pas être payé, en étant logé chez maman mais en ayant accès au cher et doux breuvage... ?

Un éclat de rire la ramena au moment présent. C'était le tenancier. Tout naturellement, elle se mit à rire avec lui. Bien sûr, l'idée était brillante ! Que coule l'alcool et saillent les muscles, cela se ferait en bonne entente et... !

"T'paye pas ma tête, garçon. T'rembourse pas quelque chose en vidant les placards. coupa abruptement le tenancier. La Grise, elle, continua de se marrer, jusqu'à ce qu'il lui assène : T'marre pas, Mleshka."

La voix décalée de la demi-sang s'étrangla, alors qu'elle remettait le gus. C'est vrai qu'elle le connaissait, et que donc... Se barrer en se faisant oublier n'était pas une option, pour la Tharienne qu'elle était. Et meeeeerde... Même que son nom eut la gentillesse de se rappeler à elle, tel un vieil ami oublié surgissant pour lui demander des comptes. 'loperie de mémoire...

"Dis, Roger... croassa-t-elle. T'sais qu'j'paye...
- Une fois l'an.
- ... quand j'peux. Rectifia-t-elle avec un sourire mielleux - ou juste informe, du fait de sa position surélevée -. Pis l'aut' va m'aider, t'as entendu ? L'a dit qu'la du flouze... Pis une bourse... Bourse qui fut raflée et soupesée par la pogne du tavernier. ... A deux, ça s'fait d'aider... ?
- J'ai mieux. La demi-drow se retrouva nez-à-nez avec Roger, qui eut la prévenance de la faire redescendre. T'l'accompagne récupérer mon fric... Ou j'connais quelqu'un qu'en entendra parler.
- ... Non, nooooon... Geignit la Grise avec un sourire navré. Pas b'soin qu'elle sache...
- J'fais quoi 'vec un trou dans l'toit ? J'fais prend' l'air à mes clients ? Donc v'la c'que tu faire : t'vas chercher l'argent qu'planque ton copain, puis, si d'ici deux jour j'l'ai pas... Le gaillard la remit sur pied, et lui tapota l'épaule, tout sourire à son tour, mais pour des raisons qui la firent grimacer. J'en parl'rai à qui d'droit."

Sans autre forme de procès, les deux furent prestement poussés vers la sortie, quittant l'atmosphère chargée de la bicoque pour la fraîcheur sale du dehors. Manquant perdre l'équilibre, la demi-drow parvint à rester droite, l'humeur grandement calmée par ce revers de fortune. Ses mires noires agrippèrent son copain de la soirée... A qui elle lui passa prestement un bras autour des épaules.

"Rassure-moi... C't'est pas du bluff, ton histoire ?" lui souffla-t-elle d'un ton plus angoissé qu'amusé par la situation.

Le geste la fit craindre qu'il ne se barre en courant, et la demi-sang vécu un petit instant de doute, prête - à peu prêt, si ses guibolles faisaient ce qu'elle leur demandait - à lui sauter dessus. Par les dieux ! Elle n'en eut pas besoin, et l'assurance qu'il payerait lui fit lâcher un rire de soulagement stressé, qui se changea vite en gloussement devant la difficulté de Tête de Bière à se rappeler son nom - qu'elle lui avait donc donné ? Ah oui ? -.

"Oui oui, mes affaires, ma mère, tant qu'tu peux payer et qu'j'me fais pas r'faire les oreilles, c'bon..." dit-elle avec empressement, craignant encore un tantinet qu'il ne décarre.

Et puis elle ne put retenir une grimace - et un grommellement de fond de gorge - quand il évoqua l'idée d'une dette. Dette, dette, comme si elle n'en avait pas assez ! Une de plus, de moins... ? Que j'me barre d'Thaar... Mais quand j'me barre ? Bordel d'ville... Par précaution, elle prit appuie sur un sympathique mur de planches de guingois, à la peinture écaillée. Tant qu'elles tenaient, personne n'avait à se plaindre !

"Une dette, ben v'la donc... ! Elle se passa une main sur la figure avec un grand soupir. Ouai... P'service rendu, service donné, quand tu veux, où qu'tu veux. M'demande pas d'blé, j'suis très souvent à court. Le sérieux du propos lui ramenait douloureusement les pieds sur terre. Un peu d'tout, s'tu veux savoir. 'Ccompagner des caravanes, faire la lavandière comme s'occuper des ch'vaux... Tant qu'ça paye et qu'ça trempe pas dans d'sales affaires, j'en suis. Pis, la paye... Un haussement d'épaule coupable, et un sourire amusé. Ca paye pas des masses c'temps-ci, et j'trouve peu, alors qu'l'alcool est toujours aussi cher, alors... Arh, l'Roger aurait pu n'donner une dernière pinte !"

D'une torsion du corps, la poivrote reprit cet équilibre précaire s'apparentant à une chute constamment repoussée, autrement nommée : la marche. C'est que les pièces n'allaient pas rouler d'elles-même jusqu'à la - nouvelle - bourse du bon Roger.

"Mais toi, plus tôt... Grayle. Un sourire joueur. Il lui semblait qu'elle s'en était rappelé plus vite que lui !... Peut-être. Si t'es pas un Prince Marchand, d'où qu't'as d'quoi r'payer l'toit d'une bicoque ? Ton honnêteté t'as pas encore trop troué la bourse ?"

Avançant sagement à son côté, la demi-sang souriait avec l'air bienheureux des poivrots de bonne humeur, ravi de faire la discussion avec un copain.

Un luth ? Où qu'j'vais pouvoir lui en trouver une qu'ait toutes ses cordes ? Perdant petit à petit la douce sérénité de l'alcool, la Grise se fit petit à petit à l'idée, d'autant que pousser la chansonnette ne lui était jamais déplaisant. A ses questions sur le 'comment' de l'obtention de son pactole - Qui donc qu'distriburait un pécule à un paysan d'Péninsule ? -, la demi-sang n'obtint guère de réponse, en revenant alors aux origines paysannes de gaillard, et le pourquoi de son attrait pour le luth. Y connaîtrait des chansons et des histoires d'chez lui, des fois ? C'était le cas de bien des gens, suffisait ensuite de leur donner l'occasion d'en faire profiter les copains !
Ainsi, un début de plan en tête, la Grise découvrit là où pieutait Tête de Bière, soit certainement pas la baraque d'un gars confortable niveau pécule. Mais, tant qu'il payait le cher Roger et lui évitait des problèmes...

"T'as ton argent à la banque toi ? fit la demi-sang à la gueule un peu travaillée par cette énième soirée alcoolisée. Elle finit par hausser les épaules, et ajouter non sans un sourire/ M'va pour d'main. T'sais quoi ? J'ai un début d'idée pour ton luth. Allez, à d'main !"

Sur cette déclaration des plus mystérieuses, la demi-drow s'en fut arpenter les boui-boui de sa connaissance, des alentours et d'ailleurs. L'occasion ne manqua pas de se faire payer un, deux, quelques verres par des bons copains, et de poser des questions dans la foulée, son envie de boire ne se tarissant pas, sans toutefois oublier complètement sa petite affaire à régler. Cela fait, elle retrouva tout naturellement, à une heure fort tardive, le chemin du Tourne-Gambette, royaume et bordel de sa génitrice, et y chercha quelque repos dans le lit usé qui lui était dédié.

______________

Le lendemain
Les Soiries

Encore une fois, l'obscurité régnait sur Thaar, et l'activité louche qui lui seyait si bien. S'y sentant comme chez elle, n'ayant pas moult pintes dans les veines cette fois, la demi-drow se résigna à quitter ce doux air vicié pour celui plus doré des Soiries. Souriant effrontément à qui s'interrogeait quant à sa présence, évitant tant qu'elle le pouvait les hommes du Guet, mais ne se gênant pas pour saluer les gaillards armés de sa connaissance ayant trouvé emploi chez les biens dotés, la demi-sang trouva à son rythme le chemin de la banque. Tristement sobre - mais pas pour longtemps, elle ne comptait pas laisser son mal de crâne dans ce triste état -, elle attendit parmi les ombres, aux aguets...

Que Grayle fasse son apparition, et il aurat tôt fait de sentir une main le saluer d'une accolade franche, la Grise arborant son plus beau sourire. Puis ils iraient prendre le pécule, le donner à Roger... Et la demi-sang se chargerait du reste. Si tout se passait bien.

Comme la situation fut cocasse... Le trait d'humour - un peu - bancal fut bien vite oublié : c'est que ce n'était pas tous les jours que la Grise avait l'occasion de lorgner le 'beau monde' d'aussi près ! La demi-drow accompagna tranquillement le paysan dans l'antre de la richesse, regardant ces messieurs-dames tout à leur aise de côtoyer tant de pognon qu'ils veillaient sur celui des autres.

Que de courbettes, que de belles formules, que de manière ! L'argent changea de main un respect rappelant le couronnement d'un roi - du moins tel que l'hybride l'imaginait -, tandis que le paysan imitait les manières de ces gens nés du bon côté. Faisant 'oui-oui' sans l'ouvrir plus que nécessaire, la demi-sang avait suivi l'affaire tout du long. Amusée, agacée, pressée, dans tous les cas elle fut soulagée de ressortir de là, entendant enfin quelque chose pour l'enthousiasmer : Roger allait être payé !

__________________________________

Et ce fut fait ! D'une manière presque étonnante de simplicité - l'humain aurait pu se faire oublier, ou avoir menti, ou -, l'argent fut remis à son nouveau propriétaire, qui en sembla tout de même surpris. Non sans une accolade pour les deux fauteurs de trouble, avec l'assurance de se faire botter le train s'ils recommençaient à faire les idiots sur les toits, Roger le tavernier les renvoya. La Grise avait la garantie qu'il n'irait pas en souffler un mot à une très agaçante personne, et... Et la soirée était tout juste entamée !

"V'la une bonne chose d'faite ! clama-t-elle avec soulagement, tout en passant un bras autour des épaules du péninsulaire. Après ça, j't'en dois toujours une ! Et tu sais quoi ? 'sais où t'trouver d'quoi gratter un luth. Suis-moi donc !"

Tout en l'entraînant avec elle, la Grise les mena tous deux d'un pas guillerets à travers les ruelles de la ville. Après les Soieries, le spectacle en était bien affligeant : les bâtisses en étaient branlantes, les gens avaient bien souvent le regard fuyant ou agressif. Mais pour qui y vivait depuis des éons, l'odeur même était bienvenue. La Grise connaissait bien des gens du coins, s'était faufilée dans bien des recoins... De quoi se sentir chez soi ! Et en connaître les bonnes adresses pour moult bonnes activités.

Bientôt, leur chemin leur fit franchir le seuil d'un nouveau bouiboui. Mais ! Celui-ci avait cela d'intéressant qu'un semblant de scène avait été aménagée. Aujourd'hui, c'était un musicien qui s'offrait à la vue des quelques clients s'enfonçant le pif dans leur pinte. Bien entendu, la Grise tourna Grayle vers le gaillard : c'est qu'il tenait un luth, le bougre !

"Bernard l'Bon Queutard, qu'y s'faisait appelé y a un temps. souffla la demi-drow à son invité, tout en l'entraînant avec bonne humeur vers le gaillard aux vêtements rapiécés et au chapeau à plumes de guingois. Toujours poli, même avec les gus qu'il avait cocufié, t'vois... Maintenant, y s'fait appelé Plume d'Arcam, parce qu'y cause d'plein d'drôles d'histoires, même celles qui d'vaient rester discrètes ! Quand t'es touché par les Dieux, parait... J'lui ai causé d'ton envie d'toucher un luth, et il était curieux d'voir. Prêt ?" sourit la Grise, alors que le concerné leur faisait un clin d'oeil, en les voyant approcher.

Oh, l'aurait une gueuse ? S'amusait la Grise, en arrière sur sa chaise, se retenant du pied à la table, plongeant gaiement la gueule dans le liquide ambré. La bonne odeur lui chatouillait les naseaux, et son gargouillant n'attendait plus que... Ah ! La caresse de braise, le miel liquide... ! Appréciant sa légèreté d'esprit retrouvée, elle prêtait une oreille au jeu du chat et de la souris qui se déroulait à cette même table, en cette chère 'Plume d'Arcam' et le jeune Péninsulaire. Ah, il pouvait pas s'en empêcher çui-la ! A titiller les jeunots ! Ah, une d'mi-sang, rien ça ? C'est qu'j'connais une chanson...

"Un jeu, c'rien qu'un jeu Grayle ! s'marra la Grise dans une exclamation, envoyant un peu de liquide à la ronde, toussotant. T-t-t-brusque donc pas, teuh ! Pour ça, rien qu'd'la curiosité.
- Qui sait ce qui t'as mené vers le luth ? Bien des coeurs amoureux sont portés vers l'instrument pour exprimer leur...
- Toi c'tais pour séduire une gueuse j'crois ?
- Des coeurs amoureux, je disais donc...
- Ah oui, Claryna, l'fille du bucheron ! T'l'as besogner avant d'te prendre une hache, si j'me rappelle bien ?
- De l'histoire ancienne que cela. Le musicien pinça une corde, non sans un sourire en coin de fierté.
- Ouais ouais, très ancienne. sourit en retour la Grise. Mais Grayle, dis-toi qu'ç'la moindre des choses d'faire ami-ami avant d'lui gratter sa d'moiselle." Avec malice, elle vint faire claquer ta choppe contre celle du jeune homme.

Le ménestrel, elle le connaissait d'avant qu'il se soit pris un nom de scène pour se reconvertir, et lui emprunter l'instrument le temps d'une petite présentation n'était pas grand chose. Ils avaient partagé plus d'une pinte, et la demi-sang eut bien été en peine de dire qui le dernier en devait une à l'autre. Les services s'échangeaient donc à l'occasion.

"Allez, chère 'Plume', laisse-le donc s'faire les doigts... ! encouragea la demi-sang, non sans boire une nouvelle rasade. Ah... ! C'manque d'musique tout ça !
- Allons, allons, quelle impatience... Mais, alors qu'il tendait le luth, le maître musicien inclina son chapeau et suspendit son geste. Une petite histoire, en échange ?
- Bah ! Quoi donc ?
- Quelques affaires communes avec ton jeune ami ? Qu'est-ce qui vous a donc... Uni ?
- Pas c'que tu penses... sourit la demi-drow sur un ton suave, avant de sourire de plus belle. Une histoire d'trou dans un toit, l'crois-tu ? Ah, bah tiens ! Grayle ? T'connais l'air de 'L'coucou tombé du nid' ? Dis-moi qu'tu connais, allez !"

C'était là une chansonnette paillarde comme on en entendait tant dans les tavernes. Vaani, ou venant d'ailleurs ? Rien n'était sûr, mais le musicien donnerait sans peine le rythme et les notes si besoin, la demi-sang se tenant prête à pousser la chansonnette, que les voisins soient prêts ou non !