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 L'épopée de Bellérophon

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Ascanio Vossula
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MessageSujet: L'épopée de Bellérophon   L'épopée de Bellérophon I_icon_minitimeMer 9 Oct 2019 - 23:12


En la 17ème année du 11ème cycle,
3ème ennéade de Favrius (1er mois d'automne),
La première nuit...


Juché sur un destrier blanc, cramponné au cavalier qui guidait la bête à vive allure, Bellérophon gardait les yeux rivés au ciel. La nuit, éclairée par un croissant de lune pâle, était bleue ; un bleu lumineux, coloré, qu'il contemplait d'un air hagard, un sourire béat aux lèvres. C'était une vision qu'il avait cru ne jamais revoir, lui qu'on avait condamné si longtemps à la plus noire des obscurités. Le firmament constellé d'étoiles, des centaines, des milliers, lui semblait briller si fort qu'il en avait mal aux yeux. La lumière du jour lui demeurait insupportable, mais la nuit, il ne pouvait s'empêcher de la regarder - et de s'émerveiller.

De toute façon, le jour, mieux valait rester caché, affirmait Protadius. La nuit, c'était plus sûr. Protadius et ses amis maintenaient les gêneurs à distance, et personne ne remarquait Bellérophon : sa capuche était rabattue sur son visage blafard, et il était si maigre que la forte carrure de Protadius suffisait à éclipser sa silhouette. Les premiers temps, Bellérophon redoutait de les voir surgir dans leur sillage ; il se retournait sans cesse, guettant les étendues de sable dans la pénombre, les menaces tapies au fond des dunes endormies. Ses craintes s'amenuisaient désormais de nuit en nuit ; s'il avait dû leur arriver quelque chose, cela se serait déjà produit. A présent, il se focalisait davantage sur les douleurs que les longues chevauchées nocturnes suscitaient dans ses reins - et dans d'autres parties du corps moins avouables. Il pouvait endurer cette souffrance ; elle oeuvrait à lui rendre le sentiment d'être en vie, elle revivifiait à sa manière son corps engourdi par des années de prostration.

Ils ne parlaient guère. D'abord parce que Protadius n'était pas un grand bavard ; sa mine renfrognée laissait entendre qu'il était le genre d'homme à préférer l'action aux palabres, et son comportement l'avait prouvé par la suite. Or, les quelques bribes de paroles dont l'avait gratifiées le gaillard suffisaient amplement à Bellérophon, qui certes avait recouvré la vue, mais restait contraint au silence. De tout ce qu'il avait perdu, l'usage de la parole était bien ce qui lui manquait le moins ; c'était l'instrument des menteurs et des hypocrites, de tous ces hommes qu'il avait bien trop cotoyés pour son propre bien au cours de sa première vie.

Non, bavarder ne lui manquait pas ; bavarder permettait de tuer le temps, mais pour Bellérophon, le temps filait à toute allure ; depuis qu'on l'avait tiré de son antre, c'était comme si le monde s'était subitement remis en marche après des siècles d'immobilité. La nuit, comme les précédentes, défila comme si elle suivait le rythme des sabots du cheval sur les routes du temps. Et quand les premières lueurs de l'aube annoncèrent le retour imminent du jour, Protadius ralentit peu à peu l'allure.

« On va s'arrêter bientôt », dit-il de sa voix rocailleuse et placide. « La forêt est pas loin ; on s'y reposera un peu, et avec le couvert des arbres, on devrait pouvoir continuer la journée. » Protadius se gratta le pif, glissa un de ses gros doigts noueux dans une narine pour en extirper quelque chose de visqueux. « En suivant les sentiers qui longent la bordure, on atteindra sans trop de mal les plaines de l'est. »

Les plaines de l'est... jadis, Bellérophon avait détesté ces contrées sauvages, avec ses peuplades de nomades qu'il méprisait presque autant que les drows, même s'ils s'étaient parfois révélés bien utiles. Il n'était pas convaincu qu'il soit bien opportun de se rendre là-bas ; il y avait forcément bien mieux à faire au nord, où il devait bien lui rester quelques amis. Mais Protadius avait l'air de savoir ce qu'il faisait ; d'ailleurs, Protadius devina probablement à son expression ce qui tracassait Bellérophon, car il ajouta :

« Faut pas se presser. Mieux vaut confier le travail de seconde main aux hommes de seconde zone. Vous bilez pas ; votre heure viendra bien assez tôt. »
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Ascanio Vossula
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MessageSujet: Re: L'épopée de Bellérophon   L'épopée de Bellérophon I_icon_minitimeVen 29 Nov 2019 - 11:49


En la 17ème année du 11ème cycle,
3ème ennéade de Favrius (1er mois d'automne),
La huitième nuit...


On reconnaissaient à leur petit rire aigre les Mazrouks, ces nomades qui peuplaient les contrées orientales des Sept Monts. Leur cruauté, aussi, faisait leur triste renommée. Les ducs avaient toujours traité ce peuple avec mépris, sans jamais rechigner à s'en servir ; c'est qu'ils faisaient de bons mercenaires.

Depuis la chute de Kodratos d'Hanning et le déclin de l'autorité locale, les employeurs s'étaient fait rares ; si bien que les clans subsistaient par leurs propres moyens, n'hésitant pas, à l'occasion, à razzier les cibles les plus isolées. Bons cavaliers dressant de robustes chevaux, ils maniaient comme un art leurs attaques éclair, disparaissant aussi rapidement qu'ils étaient apparus.

Un village brûlait, cette nuit.

Les cavaliers montés avaient surgi comme à leur habitude, torches à la main ; ils les avaient jeté sur les masures et, tandis que les villageois apeurés, à peine sortis du sommeil, quittaient leurs demeures en feu, les barbares les traquaient de leurs épées à lame courbe. Ils n'étaient pas très nombreux en vérité, mais dans le chaos de l'instant, face à leurs victimes impuissantes, ils paraissaient des milliers. Pendant de longues, de très longues minutes, tout ne fut que cris et larmes, souffrance et mort.

Lorsque la soif de sang des pillards fut étanchée, la lumière des flammes révélait avec une acuité obscène un terrible spectacle de désolation. La gorge assaillie par la piquante odeur de bois brûlé, quelques survivants furent rassemblés au milieu du village ; apeurés, ils gardaient les yeux rivés au sol, n'osant ni regarder les cadavres éparpillés de leurs proches, ni les terribles Mazrouks.

D'ordinaire, ils tuaient tout et repartaient avec leur butin. Mais pas cette fois.

Cette fois, deux hommes chevauchant ensemble un grand destrier blanc émergèrent des ténèbres environnantes. L'un était un grand homme puissamment bâti, et c'était lui qui guidait la monture; l'autre était amaigri, le visage émacié, le regard vide ; tout en lui respirait la perdition.

« Peuple septamontain, clamait le puissant homme, tu as péché contre ton seigneur ; il est temps désormais d'expier tes fautes. »

Il arrêta son cheval devant le groupe de captifs, qu'il toisa de toute sa hauteur. Ceux-là demeuraient silencieux. Le grand gaillard mit pied à terre, laissant le malingre seul en selle.

« Tu as oublié ton seigneur, Sept-Monts, tu as oublié ton duc. Tu l'as laissé croupir dans les geôles des infâmes Mercantis qui ont souillé sa terre ! Cette nuit, il s'en revient clamer sa vengeance. Vous le suivrez - ou vous serez tous consumés par l'épée de la justice. Vos proches ont mérité leur souffrance, mais à vous, cette nuit, Kodratos d'Hanning vous accordera le droit de vivre. Agenouillez-vous devant lui. Agenouillez-vous devant votre duc ! »

Un silence s'ensuivit. Ce n'était pas que les captifs se sentent le courage de s'opposer à leur bourreau ; c'était un état de sidération qui les rendait aussi incapables de bouger que de parler. Le grand homme tira du fourreau une longue et menaçante épée. Alors l'un des captifs s'inclina devant l'homme maigre qui les observait du haut du cheval. Peu à peu, les autres l'imitèrent ; le geste était sans conviction, mais c'était là tout ce que ceux d'en face attendaient. Leur obéissance arracha un rictus satisfait au grand gaillard, mais l'homme faiblard qui se tenait là, celui qu'on leur présentait comme leur duc légitime, celui-là demeurait silencieux et apathique.

A l'issue de cette scène étrange, les barbares repartirent comme ils étaient venus, sans rien emporter, laissant les survivants muets de désolation et de stupeur.
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