Charivari du charbon

Les Mille-Cave, comme le suggérait leur nom, regorgeaient d'une multitude de salles.
De toutes tailles et de tout aspect, il en existait autant que de possibilités d'utilisations ; il se murmurait même que nul serviteurs n'étaient capable d'en dénombrer l'exacte nombres.
Ainsi, quelques pars sous les sables et les roches du désert, s'étendait un boyaux.
Ce boyaux bien que chichement éclairé, n'était connu que de peu.
Dans ce boyaux connu de peu, ce trouvait la porte d'une salle connu d'encore moins.
La porte de cette salle connu d'encore moins, donnait elle sur une pièce.
Cette pièce ce situant derrière la porte, était elle, sobrement ornementé et concentriquement structuré.
Sous ces sobres ornements et au centre même de ce cercle parfaitement édifier, ce regroupait une mandorle de nains encapuchonnés et fortement concentrés.
Au pied de ce groupe admirablement froqué, ce dessinait un assemblage hautement complexe semblant point pour point à une formule runé.
Au noyau de cette ésotérique suite sur le sol tracé, gisait, un tas de cendre.

« Encore raté, Marazaban. »
« En effet, Maître. »
« Quel est le décompte ? »
« Douze il me semble, Maître. »
« Il te semble ? »
« Oui Maître ? »
« Par les Neufs Marzaban, il te faut être plus précis, que t'ai je donc appris ?!»
« Que de la précision de nos calculs dépendent de la justesse de nos comptes et que c'est de cette justesse que découle notre richesse, pas de précision, pas de justesse, pas de justesse, pas de richesses. Veuillez m'excuser Maître. Nous en sommes à douze. »
« Hum...Mieux, mais il te reste encore beaucoup à apprendre, beaucoup. Tâche d'être plus concentré. »
« Oui Maître. »
« Va me chercher du charbon maintenant. »

Et l’intéressé, de son pas de velours, s’exécuta dans toute sa stoïcitée.
Ils étaient aux nombres de quatre à agir en ces lieux en ce jour. Trois des plus fidèles partisans des Mille-Caves et le Maître des lieux s'afférant dans l'atmosphère ouaté de la légendaire Rufrhunaz. Aussi appelé Caverune, l'endroit était le lieu d'application des recherches de Salfaryl, dans ce lieu, aucunes limites si ce n'est celle de la connaissance et du savoir.

Le Sang-d'Argent était accompagné de son fidèle émissaire l'Ambreroc, les trois autres barbes du groupe étaient des runistes coutumier. Ces derniers ne pipaient pas grand mots mais étaient d'une redoutable efficacité quand il s'agissait de seconder Salfaryl dans sa tâche.

Enfin, pour parfaire le tableau, dans un coin de la salle, patientait l'ombre de Salfaryl.

Dans une cachot d'acier entreposé dans un recoin de la pièce, gisait un être au cuir grisâtre et au regard torve. Recroquevillé sur lui même, manifestement blessé, coutures et cicatrices parcourant ses bras et son dos tel un croquis d'enfant, ne pipant point mot.
Incarnation de la laideur, son visage mangé de ridules et pustules dévoilait une rangée de crocs semblant vouloir s'échapper d'une bouche trop petite ; ses longues oreilles tombaient elles jusqu'à ses épaules et il ne possédait qu'une seule touffe de cheveux, grasse et filante.
On aurait put le croire endormit, voir mort, tant il respirait lentement. Peut être tentait t'il la d'amadouer ses geôlier, de les feinter, de les leurrer afin de tromper son sort ?
Sans grande efficacité.
Les battoirs du demi-nain s’abattirent sur lui avec la force d'une montagne et l'implacabilité d'une avalanche de rocaille. Pour la première fois, s'échappèrent de son glissoir à morve, toutes une série de couinements tous plus aigus les uns que les autres.
Malgré son clair manque d’intellect, le cul-vert le savait, il rencontrerait son destin entres les murs de la caverune des Mille-Caves.

Des ses poings griffus il tenta de lacérer le bras qui le retenait, intensifiant le rythme de ses cris désespérés.

« Ferme ton clapet petit être. » lui ordonna Jhaartok sans ménagement.
« Py-t ! P-yty ! Pyt-yé ! » baragouina t'il dans un commun point maîtrisé.
« Ce sera bientôt finit. »
« Nu ! Nu ! No ! Non ! »
« Cesse de geindre j'ai dit. »
« No ! No ! Non ! Nooon ! »
« Vas-tu...»

« Jhaartok ! »

La voix grinçante de Salfaryl s'éleva dans l'air enfumé, brisant la complainte du gobelin qui tentait de suciter la pitié.

« Fait le taire, ses suppliques me brise les esgourdes ! Nous n'avons pas besoin qu'il soit conscient, juste qu'il respire, cela sera amplement suffisant. »
« Il risque  de saigner maître. »
« Qu'importe ! Faite vite ! »
« Oui Maître. »

Salfaryl s'affaira alors à converser avec ses deux homologues runistes concernant la suite précise de leur programme. Ensembles ils se perdirent dans des palabres qui ne seraient être comprise que de ceux ayant appris le savoir de l'Art.

Jhaartok lui, baissa du regard en direction du cul-vert qui s'affairait maintenant tel une furie. L'enflure l'avait déjà fait pisser vermeille au niveau du poignet et levait maintenant un regard plaintif en sa direction.

« Py-té ! Py-tié ! Pyityié ! Py... » répéta t'il machinalement avant de recevoir un coup de paluche droit dans le renifloir. Ce dernier craque sous l'impact faisant jaillir comme prédit, une longue traînée rougeâtre sur les pavés.
Le demi-nain souleva le petit corps, cherchant un signe de son souffle ; un mince filet aux relents âcres lui caressant les joues qu'il détecta avec grand mal.
« Je t’avais dit de cesser de geindre. » grogna t'il.
Satisfait, le porteur de tête se rendit en direction de son maître et de ses acolytes, le sentiment du devoir accomplit.

Ainsi débuta le charivari du charbon.

Le verdâtre être fut placé au centre de la pièce, entouré par le cercle parfait des runiques cabalistes prêt à faire oeuvre de leur art. L'unique et seul Art comme Salfaryl se plaisait à le qualifier. Car à ses yeux, il n'en existait aucun autre ; ce dernier coulait dans ses veines depuis sa plus tendre enfance, dans sa longue vie il avait officiait dans de nombreux domaines, parcourut de nombreux sentiers et effectué de nombreuses tâches, hors il n'existait aucuns savoirs qui ne lui agitait plus la caboche que celui des runes.
C'était la son boudoir, son refuge, sa caverne intérieur, le seul et unique endroit qui lui était réellement privé. Car l'étude des voix occultes était un chemin aussi solitaire que personnel. Le savoir runique avait de particulier qu'il était propre à chaque clan, chaque Maître et que chaque apprentis n'en tirait qu'une seule ligne pré-construite qu'il se devait d'acquérir et surtout, d'approfondir.

Salfaryl avait dépassé en tout point le savoir de son ancien Maître, Beorim Barbe-Blanche.
L'Ancien avait été un phare pour lui, une lumière dans la nuit qu'il avait suivit comme une phalène avide de chaleur. Son enseignement sévère et rigoriste a l'excès lui avait inculqué les bases des arcanes élémentaires. Ce domaine avait la réputation de n'être ni subtil, ni discret et encore moins raffiné. On lui attribuait les ravages et la destruction, la brutalité et la rudesse, un parallèle flagrant lié aux puissances qui étaient en jeux.
Mais cette comparaison était facile, simpliste à l'extrême et réservé aux esprits les plus bernable, d'on bien sûr, le Sombre ne faisait point partit.

Le Maître des Caves considérait avoir transcendé son art.
Il lui avait apporté toute la subtilité possible, une touche d'on il était certain, ne pouvait se targuer que bien peu de runiste dans ce monde.

Aujourd'hui, il tentait d'accomplir un rituel périlieux. Mais il n'était point seul.  Se trouvant secondé par son propre apprenti le dénommé Marzaban Ambreroc,  d'autres éminents confrères lui venait en aide.
A sa droite se trouvait le célèbre Magnar Mortier-de-Cobalt. S'il n'était pas le plus brillant des pratiquants runique, il avait pour lui la stabilité de ses bases et c'était plié aux savoirs du Sombre, de plus il s'agissait d'un éleveur bien particulier : il était le seul et unique membre ayant accepté de s'affranchir du Zagazorn pour venir élever les Mange-Pierre des Mille-Cave. Pour cela, Salfaryl lui portait haute estime et le rémunérait à l'excès.
A sa gauche, se tenait Oda Udasdottir, une naine qui ne portait pas la beauté sur ses traits mais qui connaissait son sujet. Elle avait par le passé aussi suivit les enseignements de Beorim, on pouvait ainsi dire qu'ensemble, il parlait la même langue magique, ce qui n'était bien sur point négligeable.
Ensembles, ils s'agitèrent tous sur les ordres de Salfaryl.

Chacun mettant en place une suite de symbole qu'ils avaient par le passé, cherché à harmonisé.
Leur syntaxes se devaient d'être parfaite, sans quoi le processus serait forcément voué à l’échec, voir pis encore. Tandis qu'il traçait sa suite à l'aide d'une tige à pointe de charbon, Salfaryl devait admettre qu'il s'en sentait plus que revigoré. Même si l’entièreté de sa carcasse grinçait, il se sentait la braise-vie franche, tel un jeune poilu prêt à partir à la conquête du monde.
L'opération prit plusieurs minutes ou les nains présents se perdirent dans une concentration lointaine et puissante, car tous connaissaient les répercussions d'une moindre erreur.
Quand ils furent prêt, ils relevèrent du chef.

« Bien...Il est temps.» balbutia le Sang-d'Argent que l'âge avait rattrapé en un instant.

Chacun signa alors l'air d'une posture qui lui était propre, un moyen de concentration liée à la partie suivante de leur rituel : la transmission d'énergie dans l'écriture runique. Cette dernière serait la partie la plus fatiguant mais aussi la dernière, car elle clôturerait la scène.
Leurs voix s'élevèrent alors à l'unisson, récitant d’instinct les symboles tracés au sol.



L'acte puisa directement dans l'énergie du sombre, il pouvait la sentir le quitter et s'inscrire dans une harmonie parfaite entre les lignes charbonneuses qui parcouraient le sol de la Caverune. Il devait être prudent, car une trop grosse dépense le mènerait de suite à la tombe, hors c'était exactement le contraire qu'il cherchait aujourd'hui.

Quand le sort fut consumé, l'effet ne se fit pas prier.

Au centre de la rune complexe dessinait sur le sol, le corps du gobelin allongeait dans le sable se vit lentement mangeait par ce dernier. Les grains se placèrent sous son cuir et commencèrent à transformer petit à petit les membres de se dernier en pierre. L'être verdâtre se réveilla en sursaut, surement réveillé par une certaine douleur, hors il ne semblait pas souffrir plus que cela, son regard abritait plutôt de la surprise.

Mais cela ne dura pas, car bientôt la panique l'envahit.
Puis il se mit à hurler. Un hurlement puissant, un hurlement déchirant.
Se tenant sa main pierreuse de sa main de chaire, il hurlait toujours, tentant de la mordre afin de se l'arracher. Ses dents se brisèrent tandis que le sable continué à se répandre sur son corps.
Prit d'étranges soubresauts, de convulsions tétaniques, il se figea dans un dernier hurlement déchirant.
Son corps entièrement transformé en pierre commença alors à se fissuré, se déliter puis enfin, tomba en cendre, venant s'ajouter au tas s'y trouvant déjà.

Sur le visage de Salfaryl, se dessina néanmoins un sourire édenté.

« Nous y étions presque. Combien de temps à t'il tenu Marzaban ? »
« Presque une cinq minutes de plus que notre dernière tentative Maître. »
« Parfait, nous sommes sur la bonne voix.»
« Oui Maître. »
« Faisons venir le treizième, il me reste encore un peu de force. »