Se découvrir une vocation grâce à Kerath, conseiller d'orientation.

7e jour de la 1ere ennéade de Favrius ~ Automne
17e année du XIe Cycle
Camp Sud du siège eldéen
Après la réunion d'Etat-Major, tard dans la nuit du sept au huit.

Après la réunion d’Etat-Major et les préparatifs pour l’assaut du lendemain ordonnés, le nouveau Karliik Glenn ne partit pas tout de suite se coucher. Il avait encore une dernière chose à faire au camp sud, une chose qui lui tenait particulièrement à cœur. Evidemment il n’était pas question de retourner au camp nord pour retrouver sa tente, il dormirait dans la première qu’il trouverait, dans la première où un lit de camp était libre, mais pour le moment il devait rejoindre la zone de quarantaine. A cette heure on ne pouvait plus tardive Kel’zo et Yshahin dormaient et Sagar ne se permit pas de les réveiller, à l’entrée de la tente dans laquelle il s’était faufilé avec une discrétion qui ne lui ressemblait pas du tout, le colosse les regarda dormir avec une tendresse qui lui ressemblait encore moins. Quelques minutes plus tard il se retourna mais avant de sortir il se retourna en entendant quelque chose, c’était un des enfants, sans doute un rêve agité, du moins il espérait que Teiweon n’y était pour rien. Il s’avança vers eux et se plaça entre les deux lits-autels pour s’asseoir, adossé contre la table de nuit sur laquelle se trouvait une idole de Kiran puis il les observa en tentant de se détendre ; il arrêta de lutter contre la fatigue de plus en plus pressante, laissant ses paupières de plomb se refermer sans plus tenter de les retenir lorsque Kel'Zo se redressa en sursaut sous les draps fins que lui avait attribué le clergé.

Le garçonnet enlaça ses jambes des deux mains, remontant coller son dos au mur qui lui servait de tête de lit. La tête blottie contre ses propres genoux, il retenait ses sanglots sans pouvoir cacher les tressautements de son dos courbé. De ses bras, il se serrait le crâne et se bouchait les oreilles, tendu à l'extrême, tandis qu'Yshahin n'avait pousser qu'un vague grondement interrogatif sans réellement sortir de sa torpeur. Le général en chef des armées puysardes posa sa grosse main sur l'épaule de l'enfant, et son dos, en s'assayant à ses côtés sur le lit, déclenchant un cri aiguë chez le petit. La première chose qu'on lui avait appris c'était de toujours être sur ses gardes, même lorsqu'il dormait, ainsi le mouvement juste à côté de lui, malgré la tentative de le contrôler, lui avait fait brusquement rouvrir les yeux. Sans attendre de réaction de Kel'zo, Sagar le prit dans ses bras pour le serrer contre lui.

« C’est fini… tout va bien. » Chuchotait-il en le couvant du regard.

Le gamin pelotonner contre le géant en armure s'accrocha très vite à lui, luottant des mots à peine audibles au milieu de sa diction enfantine troublée. Un hoquet éclata dans l'atmosphère silencieuse, réveillant cette fois-ci la grande fille qui dormait de l'autre côté.

Ni une ni deux, Yshahin s'était redressée dans son lit et son bras avait fusé vers la forme qui contraignait Kel'Zo. Ses doigts serraient un objet long comme un index qui sintilla d'un reflet métallique durant une fraction de seconde.


« Voyons si tu seras la première à réussir. » Il se mit de profil, tenant toujours Kel’zo d’un bras, il dégagea l’autre pour arrêter Yshahin lorsque cette dernière se trouverait à portée. De surprise, la jeune fille s'arrêta net, abaissant la petite cuillère qu'elle avait chipé lors du goûté pour la torde de façon à en faire un poinçon sommaire. Après quelques instants de silences surpris, elle chuchota.
" Monsieur Sagar ?"

« Je t’ai dit que j’allais revenir. Aller viens. » Il lui tendit la main pour l’inviter à les rejoindre, ce qu'elle fit après une courte hésitation. Sagar serra Kel’zo un peu plus contre lui avant de se tourner vers ce dernier. « Qu’est-ce que c’était que ce mauvais rêve ? »
- Ils... Ils ont mangé tout le monde... " luote le plus jeune, les yeux résolument fermés et baisser de manière à ne surtout rien croiser du regard. Ses mains remontaient d'instinct vers ses oreilles.
« Kel’zo regarde moi. » Il se remit à chuchoter mais mis à part le serrer contre lui, Sagar ne fit rien qui contraigne l’enfant à quoi que ce soit, il fallut qu'il s'y reprenne à deux fois et qu'Yshahin commence discrètement à passer une main dans le dos du garçonnet pour qu'il répète tout bas.
- Zont mangé tout les gens... Et... Et... Et ils étaient tout noirs et froids... et leurs grandes oreilles elles étaient trop grandes.
« Kel’zo regarde moi. » Demanda-t-il à nouveau avec patience une fois que ce dernier eut fini de parler.
- T'inquiète pas. Tu as le droit de le regarder. Personne va te punir. " chuchotta la jeune fille pour l'encourager. Mais le gamin ne répondit que par une négation de la tête contre l'épaule du grand drow.
« Kel’zo, s'il-te-plaît, regarde moi. »

Centimètre par centimètre, le gamin releva la tête. Ses grands yeux terrifiés se dardèrent sur ceux du grand drow à plusieurs reprises avant de véritablement s'y fixer. Sagar hocha la tête, la fierté s'inscrivant sans mal sur son visage.

« Merci. » Il passa sa main libre dans les cheveux de l'enfant. « C'est fini. Tu n'es plus dans la ville. Ysha va te protéger pendant que je serais dans Sol'Dorn pour tuer tous les monstres. D'ailleurs je n'ai pas eu l'occasion de te le proposer: est-ce que tu veux que je cherche quelqu'un ou quelque chose dans la ville une fois que je serais à l'intérieur? » Kel'zo prit quelques secondes puis secoua de nouveau la tête négativement, un peu moins inquiet mais un peu plus abattu. Puis il passa ses bras autour de l'épais cou de Sagar et logea contre lui sa petite tête.

« Ça va aller. » Répéta-t-il avant de se tourner vers Ysha. « Vous avez bien mangé? » Il se doutait que la réponse risquait d'être non, quoi que, il n'en était pas si sûr pour Kel'zo, mais la nourriture militaire n'était jamais des plus excellentes alors, au vu de ce que la petite fille lui avait dit de sa famille, elle devait être habituée à tout autre chose. Pourtant les deux enfants hochèrent la tête. Parfois, la qualité de la nourriture n'était pas le principal centre d'attention il fallait croire. « Vous avez besoin de quelque chose? »
Le plus jeune resta là ou il était, serré contre l'adulte, là ou Yshahin s'éloigna un peu, s’asseyant sur le rebord de son lit en s'attrapant le bras, un peu honteuse.
- Tu veux bien... Rester encore un peu ? " Elle n'eut pour toute réponse qu'un hochement de tête avant que Sagar ne passa sa main sous les genoux de Kel'zo pour le soulever alors qu'il se dirigeait là où il s'était mis plus tôt où. Il déposa l'enfant sur ses genoux une fois qu'il s'était assit sur le sol, afin d'être plus proche d'Yshahin.

« Je peux même dormir ici. » Il baissa ensuite la tête pour regarder le garçon. « Je te laisse retourner sur ton lit quand tu le souhaites et si tu refais un cauchemar n'hésites pas à me réveiller. »
- Tu peux même venir dans le mien si tu veux. " ajoute la jeune fille avant que Sagar ne relève la tête pour lui parler directement. « Mais et toi, Teiweon t'en envoies aussi? »
- Non... Enfin pas ce soir. Les prêtres m'ont donné des choses pour dormir.
« Tu veux en parler? »

Doucement, elle se glissa sous ses draps, restant sur le flanc pour faire face au militaire. Kel'zo lui lança un regard mais ne fit pas mine de bouger.

- Non. " Elle laissa trainer son refus quelques instants avant de le réaffirmer. " Non. Quand tu reviendras de Sol'Dorn. " Sagar hocha lentement la tête.
« Alors, vous avez pensé à ce que vous voudrez faire plus tard? »
- Je sais pas... Si ma maison existe toujours et que Sol'Dorn aussi, j'aimerai rester je crois. Devenir prêtresse de Meingal. Sinon je sais pas. "
« Et toi Kel'zo? »

Le gamin se figea entre ses bras. Ses yeux remontèrent une fois de plus vers le visage du militaire avec une incrédulité sans borne. Ce n'était plus de la surprise, de la peur ou de l'incertitude. Il semblait réellement contempler toute la profondeur d'un abyme d'aberration.

« Tu n'y a pas réfléchis? »

Les grands yeux clignent à plusieurs reprise. La fatigue n'y est sans doute pas pour rien, mais les questions du militaire semblaient lui parler autant que de l'elfique ancien. Sagar attendit quelques instants mais lorsqu'il fut certain qu'aucune réponse ne vit il reprit la parole.

« Kel'zo, mes parents étaient esclaves et je suis aujourd'hui à la tête des armées du Puy. Tu n'es pas obligé de rester esclave, je pense pouvoir te rendre ta liberté si tu le désires. »
- ... Pour vrai ? "
« Oui. Alors, qu'est-ce que tu aimes faire? »

Fronçant les sourcils, Kel'zo prit le temps de réfléchir. Une réflexion intense qui tordait son petit nez et tenait sa tête droite malgré le sommeil qui rodait toujours autour de lui. Un long moment, il passa et repassa des souvenirs plaisants dans sa tête alors que Sagar regardait le plafond de la tente, pensif, comme s'il s'agissait du ciel nocturne, éclairé par les étoiles. Jusqu'à ce que sans s'en rendre compte, il soit de nouveau blottit contre le buste de l'adulte.

- Éplucher les champignons. " finit par glisser la petite voix.
« Mais tu ne peux pas en faire un métier à plein temps. Est-ce les champignons qui t'intéressent? Ou bien c'est les éplucher?
- Les éplucher.
- Y'a-t-il autre chose que tu aimes faire?»
- Me cacher sous l'escalier pendant l'heure du bain pour écouter Serrr- Sershaaah... chanter. " articula-t-il autour d'un bâillement sonore.
- C'est qui Sersha ?
- La dame qui fait pousser les fleurs dans le jardin.
« Et tu t'es déjà fait repéré? »
Le gamin secoua négativement la tête. Il resta un instant pensif avant d'enchaîner.
« Et tu aimes bien te cacher? »
Les frêles épaules se haussèrent.
« J'aurais peut-être une idée qui pourrait t'intéresser mais on verra ça plus tard. Et toi Ysha, pourquoi prêtresse de Meingal?»

Le silence lui répondit tout d'abord. La jeune fille l'observait, la couverture remonté jusqu'au menton. Ses cheveux courts dégageaient deux yeux perçant qui s'étaient parés d'une intensité vaseuse peu commune pour un enfant de cet âge.

- ... Pour que les gens deviennent plus jamais fou comme dans la ville... " Elle déglutit. " L'ordre. Les lois. Les serments. C'est ce qui nous évite de devenir pire que des animaux. Je veux plus que ça recommence. "
« Je vois. » Répondit-il en hochant la tête une fois de plus. « Toutefois c'est un objectif atteignable en devenant prêtresse d'Uriz ou en entrant dans l'armée. Les prêtres de Meingal sont garants de la loi, ils ne la font ni ne l'appliquent. Est-ce que c'est ce que tu veux? »
- Comment ça ils l'appliquent pas ? "
« Les prêtres de Meingal sont là pour s’assurer que la loi est appliquée lorsqu’un crime est reconnue mais ce ne sont pas eux qui l’appliquent directement. Ils font en sorte que la sentence soit appliquée mais ils ne passent pas eux-mêmes la corde au cou d’un condamné. Ils accompagnent les soldats qui vont arrêter un coupable pour s’assurer qu’il n’y a pas de méprise. Tout ça pour dire qu’ils sont juges, pas bourreaux. Si tu veux t’assurer personnellement de conserver la fine couche de vernis écaillée qui recouvre la sauvagerie de tes concitoyens au lieu d’en être la garante, prêtresse de Meingal n’est pas forcément la voie la plus adaptée. Prêtresse de Zhak’Bar peut être une possibilité, tu apprendrais, entre autres, à dresser les animaux et, crois-moi, pour passer du dressage d’animal à celui de daedhel il n’y a qu’un pas. »

La jeune fille sourit, soufflant un éclat de rire par le nez. Ses yeux cherchèrent quelque chose d'imprécis dans la tente avant de revenir sur l'adulte.

- Oui, mais ce sont les prêtres qui inspirent les gens. Qui montrent l'exemple. Qui s'occupent des autres. Non ? "
« Oui, c’est le rôle de tous les prêtres. Un rôle prédominant chez les prêtres d’Uriz. Mais c’est aussi le rôle de tous les hauts dignitaires. C’est un de mes devoirs par exemple. »

Yshahin se renfonça dans ses couvertures, pensive. Elle ouvrait une nouvelle fois la bouche lorsque Kel'Zo se mit à remuer pour grimper dans le lit de sa camarade. Comme promis, elle le regarda monter, sans l'aider, mais ne le repoussa pas. Lui faisant un peu de place sous ses couvertures, elle passa un bras autour de lui et le serra contre elle.
Après quelques instants de silence, elle murmura tout bas :
   
- Tu penses que ce qu'on a vu... là-bas... C'était réel ?
« Quoi donc? »
- Les monstres... Cette fois ce fut au tour de Sagar de rester pensif. Il en avait tant entendu parlé qu'il ne s'était même pas posé la question mais maintenant qu'Yshahin le demandait ça ne paraît pas si absurde.
« J’ai pu en discuter avec d’autres personnes, plus intelligentes que moi et je pense que, oui, ils sont réels. C’est peut-être une épreuve envoyé par les dieux. »
La gamine hocha la tête, ne produisant qu'un froissement de tissus dans la pénombre. Savoir si cela devait la soulager ou l'inquiéter encore plus était une autre affaire. Peut-être les deux en même temps. Alors elle resta silencieuse, les yeux ouverts à regarder dans le vague. Elle n'avait pas besoin de se tourner pour savoir que flacon que les prêtres avaient posés près de son lit était déjà vide. Alors elle n'avait pas vraiment envie de se rendormir. Le soldat n'observa pas l'enfant bien longtemps avant de poser sa question:
« A quoi tu penses? »
- A mes sœurs et mes parents.
« Qu'est-ce que faisaient tes parents? »
- Maman est prêtresse de Meingal. " répondit-elle en serrant un peu plus Kel'zo contre elle, le gamin lui rendant mine de rien son étreinte. " Neeshka est lieutenant de la garde du Conseil. Saya est entrée au temple d'Isten il y a vingt-cinq ans, mais elle n'est pas certaine de vouloir être confirmée. Et papa est tailleur mais depuis le début du siège, il est surtout guerrier lui aussi. Il a vécu longtemps au Puy alors il est pas sans défense. "
« Je n'en doute pas, depuis que je suis venu ici je n'ai vu personne qui soit sans défense. Ah et si tu veux je peux probablement te faire rencontrer quelques prêtres de Meingal. Disons qu'à force de faire des ordalies j'ai eu le loisir de voir un certain nombre de prêtres.»
- Tu en as fait beaucoup ? "
« On peut dire ça comme ça. » Répondit Sagar en souriant. « Et jusqu'à présent je n'en ai pas perdu une seule alors certains prêtres m'aiment bien. »

La petite cligna des yeux, étonnée.

- Pas une seule ? "
« Non. Mais chaque ordalie m'a laissé quelque chose. » Il passa une main sur l'une des nombreuses cicatrices qui lui balafraient le visage. « Les dieux m'ont accordé la victoire mais pas sans me le faire payer. »
- C'est pas grave, c'est joli les cicatrices. " sourit la fillette en enfonçant le nez un peu plus dans ses couvertures. Maman me laisse pas assister aux ordalies. Elle se dispute souvent avec papa à ce sujet. Elle dit que je verrai des morts bien assez tôt et papa dit que c'est déjà trop tard pour que je ne finisse pas lâche et frigide. " Elle secoua doucement la tête. Elle ne savait même pas ce que le mot frigide pouvait bien vouloir dire, mais son père était particulièrement énervé lorsque ses parents en venaient à cet éternel débat. " Dit... J'ai peut-être pas le droit de demander, mais... tu as des enfants ? "
« Tu peux demander ce que tu veux. Et oui, j'ai des enfants. » Il baissa la tête et regarda ses mains ouvertes posées sur ses jambes. « Ces temps-ci c'est Shyn'tae, ma fille, qui me fait faire du soucis. » Sa voix avait baissée au point de ne devenir qu'un murmure plein de regret. « Je suis Karliik Glenn et pourtant... je ne peux rien faire pour elle. »
- Pourquoi ? Il lui est arrivé quelque chose ?
« Oui. Elle a été enlevée mais elle a réussi à s'échapper et maintenant elle est à Thaar ou dans les environs de Thaar et aucun soldat eldéen n'a le droit d'y mettre les pieds. Et... » il laissa sa tête tomber, son menton touchait sa poitrine. « J'avoue que parfois elle me manque. »
- Elle a quel âge ? " demanda encore la fillette sans se débiner.
« Deux cent quatre-vingt-dix-sept ans. »
- Alors elle s'en sortira. " Yshahin laissa sentencieusement tomber sa phrase avant de changer un peu de position, délogeant le plus jeune qui se mit à bouger également.
« Je pense que vous vous entendriez bien toutes les deux...et toi Kel'zo tu avais des frères et sœurs ? »

Le gamin secoua négativement la tête sans ouvrir la bouche.
« Comment étaient tes parents ? »

L'enfant se raidit un instant, puis s'enfouit la tête sous les couvertures. L'aîné le regarda faire, étonné. Sagar se mordit l'intérieure de la joue en le voyant faire.

« Kel'zo, tu connais le nom de tous les dieux? »
- Natha. " commença le drap aux formes de petit garçon. " Tesso. Uriz. Teiweon. Men...Mengal. " tenta-t-il de se reprendre, sa jeune langue ripant sur le son peu commode. " Leetha. Kiran. Kiel. ... Isten. ... Le Dragon. La Chimère. "
« Zhak'Bar et Valas ne sont pas des dieux importants à ton âge, Isten non plus d'ailleurs, alors ce n'est pas bien grave si tu ne connais pas leur nom. Est-ce qu'on t'a appris des prières? »
- ... Pour Natha et puis pour Kiel. "
« Il faut que tu en apprennes une pour Uriz alors. » Le soldat se releva en poussant un grognement, la table de chevet n'était pas un dossier des plus confortables. « Venez. » Il fit quelques pas pour trouver suffisamment de place où ils pourraient se prier ensemble avant de se mettre à genoux et de sortir de sous sa tunique son amulette en bois représentant un soleil. « C'est important que vous en connaissiez au moins une car demain Uriz aura les yeux rivés sur Sol'Dorn, tu en as une en tête Ysha? »
- Le Kyorl uns'aa ?
« Nous t'écoutons. » Dit-il en tenant fermement son amulette dans une main et en fermant les yeux. Kel'Zo se calla sur la posture de l'adulte de façon très approximative, et Yshahin du déglutir plusieurs fois avant de d'ouvrir la bouche... Pour la refermer. Il lui fallut encore quelques instants avant qu'elle ne parvienne à véritablement se lancer.

" Uriz, jabbuk d'thalack lu'Ilharn Daedhel :;
Uriz, Maître des Guerres et Père des drows,
Kyorl uns'aa 'zil ussta 'liests harl'il'cik wun alust d'ussta buki killian ::
Regarde moi, tandis que mes ennemis s'agenouillent devant ma lame rougie de sang.
Kyorl uns'aa 'zil usstan skrel Dosst kaas wun nind rarr lu'quortek ::
Regarde moi graver Ton nom dans leurs cœur et dans leurs Braises,
Whol Eldaa :: whol thalack :: whol phraktos ::
Pour Elda. Pour la Guerre. Pour les Dieux.
P'wal f'sarn natha glenn wun Dosst Orthae Hosse :;
Car je suis le soldat de Ta Glorieuse Armée
Lu'Usstan orn doera olt venta'kyorl xuil dosst kaas wun jas d'ussta velve ::
Et j'en deviendrai le général en traçant ton nom à la pointe de l'épée.

Il répétait après la fillette avec une ferveur née d'un fanatisme qui connaissait son apogée. Sa voix portait et malgré l'heure plus que tardive il n'était pas question de baisser de plusieurs tons lorsqu'il était question de rendre hommage aux dieux, et plus particulièrement à celui-ci. Au loin il lui sembla entendre d'autres voix se mêler à la leur et c'est avec un sourire satisfait qu'il termina ladite prière. Bien qu'il avait commencé en suivant Yshahin, il avait, au fil des mots, fini par la rattraper pour l'accompagner. Il rouvrit ensuite les yeux pour les poser sur Kel'zo.

« Tu penses que tu t'en souviendra? »

Le gamin ouvrit de grands yeux, pétrifié.

« Elle est simple, répète après moi. »

Phrase à phrase, mot à mot, l'enfant répéta parfaitement chaque mot que prononçait l'adulte, de plus en plus en plus tendu, de plus en plus immobile. Sur les derniers vers, il finit par fermer les paupières et à les serrer le plus fort possible dans un effort de concentration inouï.

« Parfait. »

Il reprit ensuite les premiers mots de chaque phrase et attendit que l'enfant la complète, ce qui n'arriva que pour les deux premiers versets. Alors Sagar recommença, il répéta en entière les phrases que Kel'zo n'arrivait pas à compléter puis il les coupait à nouveau et ce jusqu'à ce que l'enfant puisse compléter la totalité de la prière. Ensuite le soldat recommença mais en prononçant un mot de moins à chaque ver et ce jusqu'à ce que l'enfant ait réussi à réciter l'entièreté de la prière sans se tromper... Ce qui pris un temps non négligeable.

Pendant ce temps, Yshahin s'était assise sur son lit pour les observer, le dos contre le mur. Mais lorsque Sagar tourna une nouvelle fois les yeux vers elle, elle s'était endormit.

« Tu ferais mieux de faire pareil. » Chuchota-t-il à Kel'zo en lui montrant son lit de la tête.

Le gamin acquiesça, fit un pas vers son lit, puis se retourna d'un bloc pour charger le grand drow. Il serra l'épaisse taille de ses petit bras - bien loin de pouvoir en faire le tour - en un calin précipité, avant de décarrer pour sauter sous ses couvertures et s'y enfouir jusqu'aux yeux. Ce qui fit sourire le grand drow en question qui alla, quant à lui, se remettre entre les deux lits mais au lieu de s'adosser contre la table de nuit il s'allongea et ferma les yeux. La nuit allait,être courte mais c'était toujours mieux que rien.

Des siècles d’habitude à se réveiller une heure avant le soleil fit qu’il se réveilla plus ou moins seul, sans le concours du vacarme provoqué par les soldats qui allaient, dans une petite heure, se regrouper au point de rendez-vous désigné la veille, pour le grand assaut sur Sol’Dorn. Alors il se leva difficilement en grognant, il détestait tout particulièrement les courbatures et les douleurs provoquées par une position de sommeil vraiment déconseillée.