L'étrange Urizade de monsieur Sagar

L’un des avantages, le seul en réalité, du nouveau poste de Kerath, du moins pour lui, c’était qu’il avait autorité sur tout laïc combattant au nom d’Elda. Ce qui voulait dire qu’il pouvait aller piocher dans les autres osts au besoin. Non pas qu’il en ait particulièrement besoin mais étant le nouveau général en chef des armées du Puy, combattre avec les guerriers appartenant à d’autres osts que le second pourrait être une bonne idée. Une bonne idée, assurément, sauf que ce n’était pas ce à quoi il avait pensé en choisissant des soldats qui attendaient une affectation, il avait ordonné aux trois kyorls les plus proche de le suivre et ces derniers s’étaient exécutés, dont deux en se demandant ce qu’ils avaient bien pu faire pour s’attirer l’ire de leur supérieur ; ces deux-là, pour leur défense, faisaient partie du premier ost et n’avaient donc pas l’habitude de voir le visage patibulaire couvert de cicatrice de Kerath leur aboyer sèchement un ordre. Ce dernier monta donc en selle et pendant que les trois sergents rassemblaient leurs soldats pour partir dans le chaos de la place aux lions. Qui n’étaient pas si chaotique que ça vu que la machine de guerre eldéenne, une belle bête bien huilée, n’avait aucun mal à transmettre informations et ordres donnés en fonction desdites informations et tant qu’aucun de ces ordres ne se perdaient ou qu’aucune unité n’accusaient de retard, à quoi bon tenter d’harmoniser tout ça ?

Forçant un félin à pointe à presser le pas, ajoutant une pincée de désordre à l’ambiance générale, Kerath se dirigea vers la partie de la place qui fut accordée aux clergés de Leetha et Kiran et, une fois arrivé tout près de l’hôpital de campagne, il bifurqua entre les tentes qui exudaient une odeur de sang presque tangible, pour trouver le clergé de la Gardienne. Après une rapide prière en l’honneur de cette dernière il demanda le concours de la prêtrise pour son entreprise et on lui accorda un trio de prêtre pour l’accompagner.

C’est donc une trentaine de soldats et trois prêtres de Teiweon que les eldéens bloqués vers le cimetière virent arriver en renforts. Ainsi que leur Karliik Glenn sur son félin à pointe ce qui, il fallait l’admettre, faisait chaud au cœur, ce qui était très souvent l’effet que produisait la vue d’une telle créature lorsqu’elle arrivait de son côté. La rue menant au cimetière était large et, devant les grilles de celles-ci, avaient été assemblées de barricades hétéroclites composées de meubles récupérés aux alentours, de charrettes et de bouts de masures branlantes qui devaient être les habitations d’esclaves servant dans les maisons toutes proches qui étaient suffisamment riches pour ne pas dépareiller dans les Profondeurs du Puy. De l’autre côté du cimetière se dressait un temple de Teiweon qui semblait déserté mais Kerath ne s’y attarda pas, les prêtres qui l’accompagnait non plus d’ailleurs, ils se dirigèrent sans attendre vers les troupes qu’ils étaient venu aider, à couvert derrière la seule barricade qu’ils avaient réussi à tenir. Un tir d’arbalète partit, passa tout droit au-dessus des autres barricades pour achever sa course dans le cimetière en question et se ficha dans le crâne d’une silhouette qui s’effondra.

« Garde tes carreaux ! » Siffla un soldat aux côtés du tireur avant que la silhouette se releva pour continuer son périple. Le soldat siffleur se dirigea ensuite au pas de course en direction de son supérieur qui venait d’arriver et après un bref salut fit son rapport. « Ils sont dans le cimetière depuis une bonne demi-heure, une centaine de vivants, aucune idée pour le nombre de morts. Leur équipement n’est pas mauvais, y’a un peu de récup’ mais ils savent s’en servir. On s’est divisé pour couvrir toutes les entrées et ils passent leur temps à déterrer des trucs mais vu qu’on est là ils sont obligés de mettre beaucoup de gardes donc ils vont pas bien vite. Pour ce qui est de leur nécromant, aucune idée d’où il est, on en a vu qu’un pour le moment mais ils sont p’tètre plus, quand il fait pas bouger des cadavres il compte et inspecte les corps que les combattants lui amènent devant la grande crypte et avec il faut deux tas : y’en a un qui est emmené dans la crypte et l’autre il les relève pour les faire se balader. »

« Pourquoi est-ce qu’il fait ça? » Demanda Kerath en se tournant vers les prêtres qui l’accompagnaient.
« Il doit y avoir un spirite dans la crypte qui prépare des goules. Ou une engeance si on a pas de chance. »

Le grand-prêtre de Teiweon, regardant de ses petits yeux perçants le cimetière et ce qui se passait à l’intérieur, du moins ce qu’il pouvait y voir, s’avança, suivit de ses subordonnés.

« Vous devriez faire attention Bel'la, ils nous tirent plus dessus parce que c’est dangereux mais nous on se balade pas debout… » le soldat préféra s’arrêter là pour éviter de s’attirer les foudres d’un membre du clergé, surtout si haut placé.

Mais pas Kerath, ce dernier sachant qu’il était suffisamment important pour insister, de plus il savait aussi que si l’un d’eux mourraient c’était sur lui que ça pourrait retomber.

« Il a raison. Recules. »

Dans son armure rouge, le colosse fit un pas en avant pour, au besoin, poursuivre et entraver la route du prêtre. Cependant, avant que ledit prêtre n’ait pu répondre un carreau d’arbalète partit à nouveau, du même soldat, le claquement d’une corde qui se détend d’un coup sec interrompit le haut-prêtre.

« Je… » commença le kyorl, sans doute pour réprimander à nouveau le tireur, mais il fut lui aussi interrompu, par un gargouillis lointain et, contrairement à la dernière fois, la silhouette qui s’était effondré ne se releva pas. L’arbalétrier se hâta de remonter son arbalète pour la recharger et se préparer au cas où un autre vivant se décidait à agir comme s’il n’était pas assiégé. Les assiégés pouvaient en réalité se le permettre car les autres eldéens attendaient que l’assaut soit lancé pour chargeur leurs armes.

« J’ai besoin de toi vivant. Recule. » Réitéra le Karliik Glenn et, peut-être était-ce l’idée de finir lui aussi avec un trait dans la gorge ou bien l’injonction du militaire le plus haut gradé du Puy, mais le concerné se décida finalement à obéir sans discuter, il s’accroupit derrière la barricade, bien vite imité par ses suivants. « Si les cadavres qui vont dans la crypte passeront entre les mains d’un spirite, que fait-il des autres ? » Comme si la question lui était adressé le kyorl haussa les épaules tandis que l’arbalétrier à côté de lui plaçait le prochain carreau sur son arme avec la tendresse d’un amant et enfin le grand-prêtre répondit après une courte réflexion.

« Il se constitue une réserve. »
« Pourquoi faire? »
« Au cas où on attaque. Il doit avoir des petits tas de cadavres à des endroits importants pour être en mesure d’en relever là où ça s’avèrera nécessaire. » Une courte pause plus tard il reprit. « Du moins c’est ce que je ferais à sa place. »
« Où se trouve la crypte? »
« Au centre du cimetière. Enfin pas exactement au centre, elle est un peu à l’ouest. »

Kerath s’accorda quelques instants pour réfléchir, pour fouiller sa mémoire de la veille afin de voir s’il n’était pas possible de trouver une façon de leur faciliter la tâche. Il regarda finalement l’arbalétrier et lui fit signe d’approcher. Ce dernier obéit et après un nouveau salut attendit. Le général se tourna ensuite vers le grand-prêtre.

« Qu’est-ce que tu peux faire contre les morts ? »

Le grand-prêtre en question haussa un sourcil devant le manque de forme employées par le Karliik Glenn mais la différence de rang faisait qu’il n’osait pas dire grand-chose.

« Contre le marionnettiste, rien du tout. Contre le spirite par contre… au mieux je peux prendre le contrôle de ses créations, au pire rien du tout même si je vais sûrement le gêner. Un juste milieu serait de l’empêcher de contrôler les créatures qu’il a créé, si j’y arrive au bon moment, ses goules pourraient se jeter sur les dorniens, dans leur dos, avant de s’attaquer à nous. »

Il hocha la tête avant de rapporter son attention sur l’arbalétrier.

« Comment tu t’appelles ? »

« Bwael B'luthyrr arbalétrier de la huitième escouade du quatrième bataillon du premier régiment du second ost, général. » Il ajouta un nouveau salut pour faire bonne mesure
« D’accord Bwael, deux rues en arrière, normalement, il y a un passage qui te permettra d’aller dans les souterrains et de remonter dans un des manoirs autour du cimetière. Tu vas y aller et tenter d’abattre le nécromant à la surface. On va masquer ton déplacement et se tenir prêt à attaquer, ton tir sera notre signal, tu n’as pas besoin de le tuer, tant que tu le blesses suffisamment pour qu’il ne puisse plus utiliser sa magie c’est bon. »

Kerath donna ensuite des ordres pour répartir les renforts avant d’envoyer l’arbalétrier pour trouver le passage en question, lui ordonnant de se fondre dans la masse des soldats pour éviter d’être repéré car les mouvements de beaucoup de soldats risquaient d’attirer l’attention des dorniens à l’intérieur du cimetière alors autant qu’ils restent concentré sur les soldats se répartissant les entrées du cimetière et non pas un tireur solitaire partant pour ils ne savaient où. Alors les troupes se mirent en marche et l’arbalétrier partit au pas de course.

« Ça doit faire un bon quart d’heure quand même… » fit remarquer le kyorl qui lançait des coups d’œil aux fenêtres des bâtiments bordant le cimetière dans l’espoir d’y voir. « Vous pensez qu’il s’est perdu ? »

« Les souterrains sont souvent encombrés, parfois bouchés. Si dans cinq minutes il n’a pas tiré on lance l’assaut. »

Le sergent hocha la tête et prépara ses troupes pour un attaque prochaine pendant que Kerath montait sur Murrpau en envoyant un soldat transmettre l’ultimatum aux autres groupes. Mais ils n’eurent pas à attendre bien plus longtemps car ils purent voir un carreau partir d’une fenêtre à peine entrouverte pour filer à l’intérieur du cimetière suivit par un cri, un cri de surprise plus que de douleur mais c’était suffisant pour les eldéens qui se ruèrent à l’attaque des positions des dorniens. Les soldat sous le commandement direct du Karliik Glenn y allèrent seul alors que leurs ennemis se dépêchèrent de retourner à leurs postes, quelques traits fusèrent sans pour autant trouver de chair dans laquelle s’enfoncer, boucliers et armures remplissant leurs rôles puis une dizaine de mètres avant le cimetière, Kerath envoya sa monture au galop tandis que ses troupes se scindèrent en deux comme convenu pour laisser passer leur général, et surtout son félin à pointe, afin de briser la ligne ennemie et reformer les rangs après son passage. Deux lances se brisèrent sur les plaques du félin et le cavalier accusa le choc d’une troisième, le dernier guerrier étant visiblement plus sage que ses pairs en visant le chevaucheur. Toutefois aucun ne réussit à arrêter la charge d’un Murrpau ayant pris de l’élan.

Suivit par ses soldats, la première ligne de défense dornienne ne tint pas bien longtemps, rapidement submergée par les eldéens. Quant à Bwael il était resté à sa fenêtre qui avait reçu une attention toute particulière des dorniens, à tel point que le mur derrière lui se trouvaient deux carreaux ayant brisé la vitre et qu’au sol, dans la rue, s’en trouvaient d’autres qui avaient ricochés sur la pierre du bâtiment après avoir laissé pendant un bref instant, illuminé l’air d’étincelles. Ce qui lui avait sauvé la vie était tout simple : il avait jugé bon de maintenir la tête basse durant quelques instants, du moins le temps que l’assaut atteigne le cimetière. Alors lorsqu’il reprit sa place à la fenêtre il cherchait du regard leurs ennemis qui semblaient donner des ordres aux autres pour les abattre. Il aurait aimé achever le nécromant mais ce dernier avait disparu dans le chaos des combats et il n’arrivait plus à mettre l’œil dessus.

Du haut de Murrpau, Kerath beuglait des ordres à ses soldats, détachant certains pour les envoyer flanquer les dorniens aux autres portes du cimetière si les eldéens n’avaient pas réussi à disperser leurs adversaires, il accompagnait ses mots de grands geste de son épée bâtarde afin d’être certain d’être vu. Profitant de sa position sur élevée à dos de félin à pointe il regroupa des soldats autour de lui pour s’enfoncer davantage dans le cimetière en direction de la grande crypte. Où ils furent arrêtés par un groupe de vivants qui se jetèrent sur les envahisseurs mais ils furent bien vite rejoint par des morts qui se relevèrent derrière les eldéens. Après un moulinet de sa grande épée, le général se dépêcha de mettre pied à terre, ses soldats formèrent un cercle autour de lui alors qu’il cherchait l’attache qui maintenant le harnachement de Murrpau en place. N’ayant pas le temps de le défaire normalement il utilisa les griffes de ses gantelets pour couper lesdites attaches et il jeta le harnachement avant de se mêler au combat personnellement, laissant son compagnon animal en faire de même. Ce dernier s’attaquait aux vivants tandis que le Karliik Glenn se jetait sur la pile de cadavres que le marionnettiste relevait un par un lorsqu’une de ses marionnettes devenaient trop endommagées pour être d’une quelconque utilité. Ce qui arrivait assez vite sous les coups d’une épée bâtarde et de deux hallebardes, les morts avaient du mal à s’approcher de leurs cibles, n’ayant pas l’allonge de celles-ci alors que les eldéens en jouaient sans vergogne.

Voyant que les dorniens avaient de plus en plus de mal à tenir leurs ennemis, l’un d’eux se détacha du combat en courant comme un dératé vers la crypte, passant devant le marionnettiste qui était adossé à ladite crypte, un carreau dans le ventre, faisant bouger comme il le pouvait les deux ou trois morts qu’il réussissait à relever sans pour autant avoir à trop diviser sa concentration.

- Dépêchez-vous un peu !

Une voix agacée résonne dans la crypte une fois de plus, et attire une fois encore les grincements de dents de toutes les âmes vivantes à proximité. Tous autant qu’ils sont, ils savaient n’être que des outils à la botte du Spirite. Des haches et des couteaux pour les uns, des tisseurs de chairs pour les autres et de simples gardes pour les derniers. Même le nécromant, le puissant marionnettiste accompagnant le groupe, il n’était aux yeux du tisseur d’âmes qu’un nécessaire vecteur à ses projets.

- Les Eldéens avancent ! un drow essoufflé lance à l’artisan caressant sa collection de gemmes On risque de ne plus pouvoir les maintenir loin de la crypte bien longtemps !

- Appelle le marionnettiste.

- C’est insensé ! Sans les pantins on risque de…

- Tais-toi et fais ce que je te dis !

Le soldat fronce les sourcils, hésitant à défier l’ordre, mais lorsqu’il se retourne, le nécromancien est déjà rentré. Marchant à reculons, la bouche pâteuse, sa salive mélangée à son sang et ses viscères à moitié cicatrisées autour d’une flèche qu’il n’a pas daigné arracher, il approche de son collègue mage, sachant déjà ce qu’il aura à faire.

- J’ai besoin que tu termines de me l’assembler.

- Tu es sûr ? les yeux rougeoyants du nécromancien se posent sur le messager

- Parfaitement sûr.

Là où font rage les combats les pantins s’écroulent. À l’intérieur de la crypte cependant, les chairs disparates d’une abomination fusionnent en un corps massif d’apparence bestiale. Sous les ordres de son premier maître, la créature se relève lentement, semble vouloir rugir, mais est privée du hurlement par son absence de cordes vocales, et comme enragée par la frustration, se jette sur sa première proie. Le messager
Les tendons de chair se séparent comme des centaines de bras, s’enroulant autour du corps impuissant du guerrier poussant un dernier cri rageur, rapidement étouffé par la chair ayant fini par plonger dans sa gorge, et par la main du spirite – et la gemme qui s’y trouve – forcées sans délicatesse entre les mâchoires du pauvre hère. Le sorcier récite une incantation. La gemme s’illumine. Bientôt les yeux du guerrier – ou du moins ce qu’il en reste – s’éteignent, sa Flamme arrachée pour nourrir la créature.

- Tu peux reprendre tes pantins maintenant. Je gère celui-ci.

Et ainsi en fut-il. Mettant de côté la douleur et la fatigue pour l’instant, le marionnettiste s’en retourna à son travail, relevant ce qu’il pouvait des dorniens de plus en plus nombreux à tomber au combat, tandis qu’une énorme créature vaguement humanoïde s’extirpait de la crypte à grand fracas.

Abattre l’un de ses énormes battoirs sur le premier soldat Eldéen venu pour l’écraser au sol serait l’assouvissement du premier d’une longue liste de désirs d’une folle créature d’autant plus vicieuse qu’en son cœur résidait la Flamme d’un Sombre trahi.

PS : Dans l'idée, l'engeance à une silhouette pas loin de celle des gargantuesques de Diablo.

Sans les pantins pour maintenir Kerath et son arrière garde éloigné des vivants, ce dernier ordonna à deux soldats de démembrer les cadavres et de retourner dans la mêlé une fois leur tâche macabre accomplie. Quant à lui il n’attendit pas pour se lancer à nouveau à corps perdu dans la mêlée, il avait donné des instructions à ses soldats avant de lancer l’assaut, ils savaient ce qu’ils avaient à faire et l’objectif final de leur attaque ; pour le reste, s’il y avait du nouveau, de l’imprévu, c’étaient au gradés de prouver à nouveau qu’ils méritaient ce grade, et les responsabilités que ça impliquait, en improvisant une solution. Le général avait toujours fonctionné comme ça, les soldats de son ost étaient habitués quant aux soldats du premier ost il avait fait passer le message et tant pis si, parmi eux, se trouvaient quelques officiers qui n’étaient pas capable de prendre des initiatives, ça permettrait de faire un peu de ménage.

Cela dit Kerath ne se posa des questions à propos de la disparition des marionnettes qu’une fois qu’elles furent de retour, jusque-là il s’était simplement dit que le marionnettiste avait fini par mourir de sa blessure mais maintenant ce dernier relevait dorniens comme eldéens.

Abandonnant les piles de cadavres dont il avait ordonné l’exhumation plus tôt, leur préférant les morts récents, ceux qui étaient armés et protégés. Alors certes tous n’étaient pas bons à relever, à certains il manquait un bras ou une jambe ce qui, pour se battre avec une arme, pouvait être gênant mais avec le nombre de cadavre il pouvait aisément trouver son compte. Surtout lorsqu’il pouvait s’amuser à relever un corps dans la mêlé et que ce mouvement soudain déséquilibrait et faisait tomber un eldéen. Plus généralement, dans ces cas de figure, il faisait simplement retomber le cadavre pour en relever un autre une fois son méfait accomplit. Toutefois à chaque fois il en tirait un plaisir mesquin qu’il appréciait tout particulièrement surtout lorsqu’il réussit à faire tomber le colosse en armure rouge en soulevant un cadavre selon un angle oblique alors que le guerrier allait poser son pied dessus pour porter un coup d’épée, le déséquilibrant, l’un des camarades du nécromant se saisit de l’opportunité et se jeta sur le grand drow pour le faire définitivement tomber.

Kerath eu du mal à se relever pour un temps finalement très court grâce à Murrpau, les dieux en soient loués, le félin s’était lancé pour protéger son maître tombé sur le sol gorgé de sang, étalant une boue rougeâtre sur son armure. Il n’eut donc qu’à lutter contre un seul adversaire au sol alors que son compagnon empêchait par sa présence menaçante d’autres de se joindre au combat. Ce fut donc après quelques roulades dans la boue que le Karliik Glenn réussi à coincer son adversaire sous son poids et à l’étouffer, lui écraser la trachée dans ses grands gantelets griffus. Au sol il sentit avant tout le monde les frémissements de ce dernier, il leva la tête pour voir que ça venait des profondeurs de la crypte et il tenta de se relever le plus vite possible. Lorsque l’engeance émergea, Kerath se tourna vers ses troupes qui tentaient de se débarrasser des derniers dorniens trop acariâtres pour mourir.

« Allez me chercher les prêtres! » Aboya-t-il avant de se retourner pour ramasser son épée boueuse. Des soldats partirent pour aller les chercher, plus ou moins un chacun pour aller vers les portes dans l’espoir de le trouver le plus vite. Murrpau revint se placer aux côtés de son maître, toutes griffes dehors, les crocs luisants sous le soleil d’Uriz, les yeux perçants focalisé sur la créature qui venait de s’extirper des profondeurs. Le grand-prêtre, suivit par ses deux acolytes arrivait à grande foulés et derrière la ligne d’eldéens il commença son rituel alors que Kerath tentait d’assembler ses troupes en demi-cercle, chacun espacé de quelques mètres, attendant que la créature sorte complétement de la crypte, qu’elle mette au moins deux mètres entre elle et l’entrée. Toutefois un carreau passa par-dessus l’épaule du guerrier pour se planter dans la poitrine du marionnettiste dont la respiration devint aussi laborieuse que sifflante.

- Que quelqu’un s’occupe de lui !

La voix du Spirite résonne dans la crypte, coupant sèchement à travers les sifflements de son collègue marionnettiste sans le moindre semblant d’affection. Le mage avait ce qu’il voulait. Il avait son jouet, sa machine à tuer, alors si d’autres devaient mourir autour de lui… la belle affaire ! Qui sait les dégâts qu’il aurait l’occasion de causer le temps que sa garde soit écrasée.
Ses doigts s’écartent en une orgueilleuse frasque,  quelques étincelles d’une magie savamment hors de contrôle en réchappant, alors qu’il s’amuse à exciter la Flamme sous son contrôle, et à pousser sa bête de plus en plus loin dans ses retranchements.

À l’extérieur l’engeance bat du vide, se propulsant comme un kerkand enragé d’un Eldéen à l’autre, tentant désespérément de les battre de ses paumes. Mais les assaillants ont ravalé leur fierté pour se faire défenseurs, et plutôt que de tenter d’opposer leur puissance à celle d’une créature qui ne connait pas la douleur, ils gagnent du temps. La magie vaincra la magie. La magie s’attaque à la magie. Le Dornien le sent. Et il déteste ça. Son emprise est forte, et sa créature n’est pas ce que connaissent les Puysards… mais jouer contre d’autres le forcera à plus d’empressement que de nécessaire s’il voulait arriver à ses fins à temps.

- Ils ont un mage ! il beugle

- Arbalétriers ! l’un des gardes traduit l’ordre Cherchez une position de tir !

Au cœur du combat l’abomination continue de s’échauffer, se faisant plus rapide, plus responsive à chaque seconde. Bientôt ses coups commencent à frôler ses adversaires, bientôt il n’y a plus que les armes d’hast pour la tenir é l’écart. Bientôt les lames s’enfoncent dans ses chairs. Jamais pourtant la créature ne s’arrête.
Le bruit sourd du métal frappant l’os. Accueilli par la lame d’une hallebarde, l’avant-bras de l’engeance crache un liquide rouge poisseux. Le geste de la créature s’arrête subitement. La bête s’immobilise, l’arme toujours plantée dans ses chairs. Et là seulement se dévoile toute l’horreur de sa conception. Rampant dans la poisse, des filaments carnassiers se lovent autour de la lame, puis du manche, s’en saisissent, forçant l’Eldéen à lâcher prise. Renversant la situation. Un large balayage de son bras démesuré, et le manche de la hallebarde se fracasse contre le heaume de celui à qui elle appartenait originellement. La partie métallique de l’arme brisée retombe lourdement au sol. Les chairs de la créature se réassemblent.

En retrait, deux ombres glissent entre colonnes et les tombeaux à la recherche d’une position surélevée.

La boue sur la poignée de son épée rendait sa prise hasardeuse et il devait lutter pour ne pas retirer son gantelet et se débarrasser directement de la terre semi liquide qui était particulièrement visqueuse. Les eldéens continuent de s’écarter, de prendre de l’espace pour encercler la créature qu’ils arrivent de moins en moins facilement à esquiver, personne ne s’est amusé à tenter de parer un de ces coups car l’objectif n’est pas de blesser le monstre, si une telle chose est possible, mais bien de gagner du temps. Le plan étant des plus simple : gagner du temps pour que les prêtres de Teiweon remplissent leur office dans l’espoir qu’il prenne le contrôle de l’engeance pour la retourner contre les dorniens. S’il en avait l’occasion le grand-prêtre ne résisterait sans doute pas à la tentation de faire dévorer le spirite par sa création pour ensuite remplacer le Souffle dans la pierre de l’engeance par la Flamme du nécromancien. Alors certes utiliser une Flamme pour ce genre de chose était de mauvais goût mais il s’agissait-là d’une Flamme de dornien, de traître donc, alors de telles considération n’entraient pas en ligne de compte.

Alors les eldéens, leur Karliik Glenn le premier, ne font que reculer, faire des pas de côtés pour se mettre hors de portée des bras de l’engeance, donnant éventuellement un coup de temps en temps, non pas pour blesser mais pour dévier une attaque. Un soldat non loin de Kerath se trouve dos à une statue de pierre marquant l’emplacement d’une tombe avec la créature juste devant lui, avide, qui tente de l’attraper. Avec quelques mètres entre elle et le montre, le guerrier se fend en avant pour la ralentir, sa hallebarde se plante dans les chaires mortes. Ce ne fut pas la première à faire ça, du sang coule le long de la lame, mais contrairement aux autres soldats jusque-là, celui-ci, après l’impact, enfonce son arme un peu plus au lieu de la retirer. Ses yeux s’illuminent en voyant l’engeance s’arrêter, il croit avoir touché la pierre dans laquelle est scellé le Souffle mais son espoir est très vite piétiné par ledit monstre dont une partie de lui s’enroule autour de la lame. Le premier réflexe de l’eldéen est de reculer mais son dos bute contre la statue, le sol du métal rencontrant la pierre se réverbère dans le cimetière et sa prise affaiblie par la surprise ne résiste pas à la créature qui s’approprie l’arme.

Pour éviter de se prendre le manche de la hallebarde, les soldats susceptibles de se trouver dans le balayage de l’engeance reculèrent, se baissèrent, l’un d’eux plongea au sol, tous sortent de la zone d’action du monstre. Tous sauf un. Le propriétaire de la hallebarde put savourer ce qu’une recrue ressenti la veille en prenant un coup de manche dans ladite arme dans la tête. Il tomba au sol, sonné et avant que l’engeance ne s’avance vers lui pour l’ajouter à sa liste de choses à tuer, Kerath s’approche à nouveau pour l’attraper par le bras et le tirer vers lui avant de pouvoir attraper l’arrière de sa cuirasse et le balancer en arrière.

Désormais d’autant plus méfiant devant les capacités étranges de l’engeance, les eldéens forment un cercle plus grand autour de la créature, l’encerclant petit à petit. Le Karliik Glenn s’approcha de la crypte en se déplaçant en biais et il en profita pour jeter un coup d’œil à l'intérieur. De son côté, Bwael, son arbalète à nouveau prête, avait observé avec une curiosité morbide la capacité de l’engeance et la distance qu’il avait entre elle et lui, lui permit qu’il se pose des questions, un luxe que n’avait pas les fantassins qui devaient esquiver les larges bras de la créature. Alors certes le monstre avait dévoilé la présence de ces étranges filaments de chair mais pour le moment ils n’en avaient vu sortir que depuis les bras. Alors il se mit à viser autre chose, par habitude son œil se porta là où un organe vitale devait se trouver même si ça n’avait aucune importance pour le mort-vivant et après avoir rapidement ajusté son tir il appuya sur la détente.

Les pupilles des guerriers tractant le Nécromancien rétrécirent de fureur lorsqu’elles croisèrent celles du mastodonte à l’armure rouge. Le pas de ceux qui reculaient s’accéléra. Celui de ceux qui monteraient fut appelé.

- Des hommes à l’entrée !

Une part de la garde de la crypte se mit en branle, croisant à pas de course ceux qui battaient retraite, prêts à se déployer pour empêcher quiconque de s’avancer jusqu’au mage maniant l’Engeance. Leur marionnettiste était déjà hors de course… ils ne pouvaient pas se permettre de perdre l’autre.

- Je m’en occupe !

Un grognement rageur de la part du mage, rendu en écho dans la Flamme brûlant quelque part plus loin à la surface. Le maître appelle son animal, et l’animal, sans la moindre hésitation, répond à son appel. Sans accorder plus de considération aux Eldéens qui l’entourent qu’au carreau dans son poitrail, la créature s’élance en direction de l’intrus, perçant le barrage vivant en direction de la crypte où elle vit le jour.

Plus reculés dans le cimetière, les deux arbalétriers se séparent, faisant chacun leur propre sinueux chemin à travers les sépultures à la recherche de la parfaite plateforme de tir. À l’occasion, un bruit, un regard échangé dans un angle étrange, leur permet de garder contact l’un avec l’autre, jusqu’à ce que finalement ils trouvent tous deux place. L’un sur le toit d’une sépulture, dont les ostentatoires démonstrations de richesses qu’étaient les statues d’ornements lui serviraient de couvert. L’autre plus bas, plus discret, et plus mobile, stratégiquement placé entre des reliefs de tailles assez différentes pour lui permettre de choisir sa place à l’appel de son compère.

La recherche du sorcier adverse commençait.

Un signe : il faut repartir. Norvak en premier, Xune par la suite, les deux font la paire. Enfin pas tout à fait... Xune n'est qu'une gamine d'une trentaine d'années, sans expérience de la guerre, aussi pour le moment elle risque surtout d'être un boulet aux yeux de Norvak. Pour le moment elle fait ce qu'on lui dit donc ça va, mais quand il s'agira d'aller là où les autres ne peuvent aller ou de se confronter à des morts-vivants ? Elle le lit dans son regard mais fait comme si de rien n'était. La vue comme l'odeur des cadavres ne l'ont pas dérangée plus tôt - contrairement à moi. Xune suit donc l'adulte, le gardant à portée de vue et ce sans faire le moindre bruit. Régulièrement, il l'attend pour qu'elle aille prévenir les autres que la voie est libre. Dans sa tête, elle essaie constamment d'évaluer la distance qu'ils parcourent ainsi que si chaque carrefour correspond bien à celui indiqué sur la carte qu'elle a apprise la veille au soir. Même si la magie n'est pas censée être très utilisable, il vaut mieux prévenir que guérir.

Deux chemins, l'un situé de sorte à ce que des ennemis puissent les prendre à revers. D'un signe de tête l'aîné dit à la cadette d'aller voir s'il est sécurisé, ce qu'elle va bien-entendu faire. Arme au poing elle avance, un pas après l'autre, faisant attention à tous les détails qui lui sautent aux yeux. Mais celui qui l'intrigue vraiment n'est pas visible, du moins pas pour l'instant. C'est l'absence de chaleur de plus en plus marquant qui la préoccupe. De ce qu'elle a compris, on appelle ça "froid". Elle ne pensait pas qu'il pouvait y avoir plus froid que les nuits vaanies... Cela la gêne, elle a un mauvais pressentiment. Mais elle va quand même juqu'au tournant, où... d'autres cadavres. Des femmes et des enfants, coincés avec des expressions d'effroi sur le visage dans ce qui ressemble à un miroir transparent. Ou peut-être sont-ils derrière ce miroir. Mais à bien y regarder ils ne bougent pas, ne bougent plus. Il fait si froid ici... J'ai envie de courir en arrière, de rejoindre les autres loin des monstres de froid. Xune s'aventure sur les deux mètres qui la séparent du mur semi-transparent, le regarde un peu plus attentivement et se risque à poser la pointe de son arme dessus. C'est dur et ça a l'air profond... couloir condamné, il n'y a personne de ce côté de cette étrangeté. Et moi je fais demi-tour, contrôlant ma respiration qu'il me semble voir mais n'arrivant pas à faire de même avec les battements de mon coeur. Cette bataille risque d'être longue... heureusement que Xune n'a pas froid aux yeux, elle.

Ils l'attendent. Des membres de la Doth'ka sont venus en renfort. Xune fait son rapport sur ce tunnel, affirmant que personne n'en viendrait mais que des gens sont bloqués derrière une sorte de mur froid et transparent. De la glace ? Elle ne sait pas ce que c'est. Je ne sais pas ce que c'est, en fait. Papa m'en avait peut-être parlé une fois mais je n'en ai jamais vue. Après une moue désapprobatrice Norvak y va, tout en me tirant par le vêtement pour qu'elle l'accompagne. Je n'en ai pas envie mais bon... Xune lui montre, il constate puis ils repartent. C'est bien ça, de la "glace". Je le saurai à l'avenir.

C'est ainsi que l'avancée dans les dédales continue, voyant le groupe s'éloigner au fur et à mesure de cette zone de froid par la force des choses. Le temps passe, à partir d'un moment les éclaireurs changent grâce à deux membres de la Doth'ka. Cinq minutes, le temps que l'attention constamment utilisée des deux premiers redevienne maximale. Le groupe avance. Au vu de toutes les bifurcations prises, l'escouade d'une quinzaine de personnes ne devrait plus être très loin du temple de Teiweon, donc proche du cimetière. Au prochain carrefour il devrait y avoir une avancée ainsi qu'une sortie vers l'extérieur.

"Je m'en occupe !"

Le cri rebondit à travers les parois, arrivant en écho aux oreilles des eldéens. Immédiatement, remise formation initiale. Narvok en tête, Xune derrière, le duo part voir de plus près ce qui se passe. Cris, bruits de combats plus lointains, et à certains moments l'impression que le plafond tremble. C'est censé être quoi au-dessus ? Le cimetière. Visiblement la bataille gronde là-bas... et là où ils arrivent, ce commence à être un véritable antre de souris, avec une paroi légèrement différente et surtout plein de squelette entreposés dans des cercueils ou de grands tissus troués. Se séparer, encore, et ne faire aucun bruit. Ne pas aller trop loin. Xune s'approche, se faisant toute petite au fur et à mesure qu'elle s'approche du bruit puis glisse sa tête à un tournant pour vérifier qu'il n'y a personne guettant cette partie des catacombes. Et elle fait bien, elle arrive à voir un drow armé ainsi que des ombres. Oups. Reculer, tout doucement, toujours sans faire de bruit... et alors seulement se retourner pour aller prévenir les autres.

HRP :

Les soldats, lorsque l’engeance se retourna pour se diriger vers l’entrée de la crypte, en profitèrent pour la frapper, lui donner des coups de hallebardes ou de lances, profitant de l’allonge offertes par les armes d’hast. Toutefois la créature continuait à frapper autour, battant des bras, forçant les eldéens à ne pas trop s’approcher, condamnant les épéistes à l’inactivité. Enfin pas tout à fait vu qu’ils regardaient l’intérieur de la crypte, surveillant de loin que rien d’autre n’en sorte bien que si ce fut le cas ils n’étaient pas vraiment en position d’empêcher quoi que ce soit, bien trop proche de l’engeance qu’ils étaient. Enfin s’il s’agissait d’autre chose qu’une nouvelle créature ils pourraient sans doute se rendre utile.

Bwael rechargea minutieusement son arme après s’être assuré que le monstre, avant qu’il ne se retourne, ne s’était pas débarrassé de son projectile comme il l’avait fait avec la hallebarde. Il continua de remonter son arme, il leva la tête pour voir où se trouvait le monstre et ce dernier s’était placé devant la crypte, empêchant ses camardes de rentrer à l’intérieur pour s’en prendre au nécromant dornien qui se trouvait sans doute à l’intérieur. L’engeance n’avait vu personne rester sur son chemin, il fallait dire que parmi les soldats, un paquet d’entre eux avaient pu voir ce dont était capable un tel monstre et aucun n’avait particulièrement envie de faire une offrande à Kiel comme avait pu le faire le premier hallebardier qu’on avait retiré du combat.

L’arbalétrier repéra, dans sa vision périphérique, quelques soldats parcourir le cimetière en direction du combat avec le monstre. Continuant à mouliner, il embrassa le cimetière en question pour voir où en étaient ses autres camarades, ceux qui devait sécuriser l’endroit. Il n’y avait que des combats sporadiques localisés un peu partout mais maintenant que les portes étaient tombées, la supériorité numérique des eldéens, une parmi tant d’autres, avait empêcher les dorniens de les arrêter. Ceux qui se battaient encore ne le faisaient pas dans l’espoir de vaincre ou de repousser les attaquants. Ils le faisaient dans l’espoir d’attirer le regard des dieux, dans l’espoir que le Père les jugent dignes du Nahali. Ce n’étaient pas des soldats professionnels, seulement des miliciens, des pillards et autres brigands qui s’étaient regroupés alors, lorsqu’ils se battaient en groupe et que l’un d’eux tombaient, parfois avec un sourire malgré la douleur, ils avaient du mal à garder leur cohésion, ce qui les protégeaient bien plus efficacement que n’importe quel bouclier ; une perte de cohésion que les soldats des osts exploitaient sans pitié pour tuer toujours plus de leurs ennemis du jour. Ainsi les groupes de dorniens se faisaient rapidement encerclés et tuer un par un, bien qu’ils ne se défendaient pas si mal que ça, mais la discipline, l’expérience et le meilleur équipement des soldats rendaient la tâche de tuer déjà difficile dans leur position d’autant plus ardue.

Alors, lorsqu’un groupe de dornien était tué, les eldéens triaient leurs blessés, évacuant les plus graves, tandis que les valides qui étaient de trop dans cette opération arpentaient toujours le cimetière à la recherche d’autres adversaires. Ainsi les renforts qui rejoignaient Kerath plus ou moins au centre le faisaient au compte-goutte, un par-ci, deux voire trois par-là. Le général ordonna aux arrivants de ne pas attaquer la créature, de la laisser où elle était jusqu’à nouvel ordre. Toutefois il avait une mission spéciale pour les épéistes arrivants : se mettre à escalader la crypte pour, à son signal, pouvoir attaquer la tête ou le dos de l’engeance.

- Tu crois que tu m’effraies ! le front du Spirite sue à grosses gouttes Hein ? Tu crois ?!

Les arcanes crépitent dangereusement entre les doigts du mage, et ses pupilles folles laissent à présager le pire. Il ne tire plus simplement les ficelles d’une marionnette. Il joue avec une Flamme qu’un autre mage excite. Au bord de la brûlure. L’autre a compris. Alors maintenant ce n’est plus que question de temps. L’autre sait quel vice anime son Engeance. Et le Spirite sait que tant qu’il aura les mains au Feu, personne ne pourra lui dérober sa créature… mais ils pourraient bien finir par faire perdre valeur à ses ordres. Et alors le monstre deviendrait tout bonnement incontrôlable.

L’Engeance devait rester parmi les Eldéens

L’œil du Spirite tressaute, un hurlement lui échappe, et là-haut, la bête se dévoile dans toute son immondice. Comme une masse de filaments tressés entre eux plutôt qu’un seul corps, les muscles du côté droit de la créature se dilacèrent, se multiplient en autant de bras que ses tendons n’accrochent de fibres. Comme un millier de serpents voraces, les tendons se jettent sur le premier Eldéen à portée, rampent contre son armure jusqu’au premier interstice à portée, rampent jusqu’à trouver sa peau et l’enserrent, l’étouffent, alors que le côté gauche continue de battre l’air du poing et du pied, défendant corps et Flamme son bastion.

___________________________________

Quelque part à l’arrière, un arbalétrier suivait le mouvement des yeux, toujours à la recherche des arcanistes menaçant l’intégrité de leur marionnette, pour finalement faire une découverte toute autre. Des silhouettes glissaient sans la moindre discrétion entre les mausolées. Ils étaient envahis. Condamnés. Et vu le nombre d’assaillants, la force brute ne les sortirait pas d’affaire.
Un tir. Deux tirs. Deux corps tombés. L’arbalétrier sourit, et commence machinalement la remontée du mécanisme de son arme, s’apprêtant par la même occasion à quitter son piédestal pour aller prévenir ses camarades restés dans la crypte. Ils avaient encore la possibilité de s’échapper par les souterrains. Un pas de plus et il trouvait le plancher.

Mort.

L’Elda a des yeux dans les cieux, auxquels le chemin parcouru par le carreau n’a pas échappé. Sol’Dorn cependant avait un autre tireur plus discret glissant entre les tombes, lui aussi décidé à rejoindre son groupe dans les catacombes qu’ils avaient investis pour les informer de la situation. Et il lui faudrait faire vite.

Le carreau partit de l’arme de Bwael et alla se ficher dans la tête du dornien qui sortait de sa cachette, se dernier s’était élancé plein de vie et retomba sur le sol raide mort alors que le soldat retendait le fil de son arbalète une fois de plus, moulinant comme si sa vie en dépendait. Ce qui n’était, dans l’immédiat du moins, pas le cas mais ça l’était pour ses camarades. Quant aux camarades en question, l’un d’eux, furetant parmi les tombes dans l’espoir de trouver un fuyard pour l’ajouter à son palmarès, trouva ce qu’il cherchait. Toutefois il ne passa pas à l’attaque toute de suite, non loin se trouvaient d’autres troupes des osts et il ne voulait pas qu’on lui vole sa proie alors il la prit en chasse, tenant de se faire le plus discret possible pour la suivre entre les sépultures.

Quant à ceux qui faisaient face à l’engeance, la surprise les empêcha d’abord de se porter au secours de leur compagnon, ce dernier tenta de se débattre, frappant de son épée les filaments. Malheureusement il avait été pris par surprise, en effet il s’apprêtait à escalader la crypte lorsque la créature s’était tournée vers lui. Alors il n’avait eu le temps que de se retourner et de faire un moulinet ou deux, coupant quelques fils mais pas tellement peu que ça ne fit aucune différence. Mais l’inactivité ne dura pas longtemps, seulement le temps que les premiers guerriers aient fini d’escalader et soient prêts à passer à l’attaque. Après tout ce temps, avait décidé Kerath, le grand-prêtre avait échoué dans sa tâche et ne réussirait pas à prendre le contrôle de la création des dorniens et continuer à attendre ne changerait rien. Ça se ferait même au détriment du reste de l’assaut sur la ville ce qui était inacceptable. Alors lorsque tout le monde était en place, la grosse majorité des soldats qui devaient escalader le faisaient encore mais ça n’était pas bien grave, le Karliik Glenn fit signe à Murrpau de se lancer à l’attaque d’un des pieds du monstre. Lorsque ce dernier le posa sur le sol, avant qu’il ne le soulève à nouveau, le félin à pointe planta ses crocs dans la chair mouvante. Puis le général attendit que la créature se défende du poing pour intercepter l’attaque.

Les hurlements continuent. La même voix. Une forme de folie dans le ton qui peut en intriguer certains. Revenue auprès de l'équipe, Xune regarde son chef et commence à signer des mains, rapidement mais de sorte à ce qu'elle soit bien compréhensible. Des ennemis non loin, trois de sûr dont un devant. Effervescence après. Du côté de Narvok, un constat similaire mais avec un peu plus de monde et une zone de ravitaillement militaire. Un dornien drow a eu la bonne idée d'entrer dans une salle annexe avec une arbalète et d'en ressortir avec des carreaux supplémentaires juste quand lui espionnait. Le chef d'escouade regarde les autres puis la gamine les accompagnant, se demandant visiblement ce qu'il allait faire d'elle à l'approche d'une bataille. Il connait sa volonté de se battre et sa capacité à être tout aussi discrète que furtive. Ou plutôt plus discrète que furtive, en vrai, mais ce n'est pas la question. Elle reste une petite cadette qui pourrait emmerder les professionnels sur le champ de bataille. De quelques gestes rapides de la main, il finit par lui signifier d'aller à l'arrière et de veiller sur leurs arrières alors que le groupe allait se scinder en deux pour diviser l'ennemi. Le groupe côté ravitaillement frappera en premier, comme c'est la zone à laquelle on s'attend normalement le plus être attaquée, et l'autre partie frappera par derrière ceux voulant rejoindre la mêlée côté ravitaillement. Et qui sait, s'ils arrivent à faire taire l'autre déjanté qui beugle, ce ne serait pas trop mal... mais faire attention à ce gars-là, un gus qui crie tout seul est soit lui-même en duel, soit c'est un mage utilisant sa magie malgré le fait que ça risque d'exploser à son visage. Ou bien encore c'est un fou enchaîné, ce qui risque de ne pas être le cas. Bref, il était temps de reprendre la route. Pour chaque groupe, la moitié des soldats (avec la majorité des combattants à distance côté ravitaillement) et la moitié de la Doth'ka présents dans ces trous de souris.

Et Xune ? Ben... elle reste à l'arrière, comme le kyorl l'a décidé. Et elle se sent aussi seule que frustrée de ne pas pouvoir aller au combat. Elle se cache donc, prête à retourner dans les tunnels qu'elle vient de visiter s'il y a besoin, prête à faire un bruit en particulier si des ennemis arrivent... même si elle préfère courir dans ce cas. Mais l'autre gamine, moi-même, ne se sent pas en sécurité seule dans ce tunnel à attendre. Sans bouger, sans mon attention focalisée sur un inconnu pouvant contenir pièges ou ennemis, mes yeux me jouent des tours. Je revois à travers la réalité de l'instant présent ces gens aux visages défigurés par la peur, coincés dans la glace pour l'éternité... Je chasse l'image et tous ses détails d'un geste mais juste à revoir cette horreur glaciale, je me sens mal. Pourvu que je puisse rapidement bouger... enfin que Xune soit rapidement appelée !

Les crocs de félin se fichent dans la chair morte, et comme si elle eut subi quelque forme de douleur la créature tressaille. Le félin à pointes était une menace bien plus importante que celle représentée par les Eldéens… mais il était aussi par la même occasion un hôte bien trop appétissant pour être ainsi impunément laissé. Fusse ceci la conséquence d’un manque de maîtrise de la part du Spirite Dornien, ou une victoire du Prêtre Eldéen, la bête choisit d’abandonner son devoir et d’ignorer les soldats qui s’affairaient autour d’elle pour entièrement reporter son attention sur l’animal.

La vaine tentative du Karliik ne fit que plus exciter la flamme contenue en l’engeance, dont le corps filandreux abandonna une première proie toujours vivante, mais visiblement affaiblie, pour se glisser autour de celui du félin à pointe. Insidieuse autant que violente, la bête profita allègrement de la morsure, glissant ses tendons à travers les muqueuses internes du félin en même temps qu’elle embrassait sa carcasse. Bien plus rapidement qu’elle ne l’avait fait pour sa première proie, la bête met en branle chacun de ses muscles, allant jusqu’à déshabiller par endroits le squelette qu’on lui a reconstruit.
Ses coudes ne sont plus entourés que par une fine couche de fibre, comme le sont ses jambes. À l’intérieur de sa cage thoracique, une seconde grossière silhouette, semblable à un embryon de chairs bleuies, se dégage. Le félin à pointes hoquette. L’air et l’énergie commencent à lui manquer.

________________________________________________

- Les Eldéens sont trop nombreux ! Il faut prendre les souterrains !

L’arbalétrier catastrophé débarque à toute allure à l’intérieur de la crypte, ne prenant même pas le temps de s’arrêter avant de suivre son propre ordre et de se jeter dans le dédale de tunnels. Un instant d’hésitation fige les soldats Dorniens au bas de l’escalier vers la surface, après quoi ils prennent eux aussi la même direction.

- Vous l’avez entendu ! Repli.

- Hors de question que je fuie comme un lâche ! Je me battrai jusqu’à ce qu’Uriz me livre à Teiweon !

Le fantassin fronce les sourcils, laissant le Spirite à sa mort glorieuse. Ce n’est pas de cette manière qu’ils maximiseraient les pertes Eldéennes, lui au moins en était assez conscient pour faire le bon choix.

Si la creature pensait que Murrpau était une menace bien plus importante que les eldéens, elle avait sans doute raison mais Kerath comptait tout de même le prouver le contraire. Ne serait-ce que par qu’il était, lui aussi, une menace importante et qu’il n’allait pas laisser l’engeance s’en prendre à son compagnon ainsi. Alors, voyant l’épaisseur des os du monstre en face de lui, plutôt que de frapper avec la lame de son épée, il attrapa plutôt cette dernière, ne s’inquiétant pas du tranchant grâce à ses gantelets pour faire passer son arme d’une épée à un marteau de fortune. Pendant que les tendons s’en allaient chercher la gorge du félin à pointe, le Karliik Glenn visa la jambe qui lui faisait face, cherchant des yeux les ligaments qui la rattachait au bassin. D’un coup aussi sec que violent il envoya brisa la jambe, la détachant au passage, via la garde de son arme. Elle aurait dû voleter et s’écraser quelques mètres plus loin mais ladite jambe se trouvait encore dans la gueule de Murrpau et la chair qui s’y trouvait arrêta de gesticuler et de fouiller dans sa gorge.

Ce dernier tenta de recracher, faisant claquer sa mâchoire pour se débarrasser des tendons, par réflexe il ouvrait grand la gueule dans l’espoir que ce qu’il tenait tomberait au sol mais ça ne permit qu’à plus de chair de rentrer. Jusqu’à ce que, finalement, les tendons en question tombèrent raides morts, arrêtant de frétiller alors que Kerath avait retourné son épée pour la reprendre correctement et sectionner la colonne vertébrale, faisant passer sa lame entre deux vertèbres, forçant le passage. Les jambes tombèrent au sol, inertes et d’un coup de dent Murrpau put sectionner les chairs et les recracher comme ses cousins à poils recracheraient une boule mais l’engeance était toujours là.

Ce qui était à prévoir, après tout quel nécromancien mettrait la pierre abritant l’âme dans l’une des jambes ? Kerath donna un nouveau coup d’épée directement dans la masse filaire qui retrouvait le dos de son compagnon mais l’effet ne fut pas des plus éclatants, loin de là. Toutefois quelqu’un eut une meilleure idée que lui, Bwael, l’arbalétrier qui, lui, grâce à la distance, pouvait se permettre d’analyser avec plus de minutie la créature décocha un carreau directement dans la seconde silhouette à l’intérieur même de l’engeance. Le monstre eut un mouvement de recul, rappelant par réflexe une partie de ses filaments, amoindrissant sa prise sur Murrpau qui en profita pour, dans un mouvement, qui était lui aussi un réflexe, se rouler sur le côté afin d’écraser l’engeance sous son poids.

Tiens ? Nouvelle donne, l'ennemi se repliait dans les souterrains... bande de cons. Comme si l'armée eldéenne n'avait pas pensé à envoyer de leurs gars là-dedans pour justement éviter ce genre de scène ! Et ils pensaient s'en sortir comme ça ? Oooooh non ! Oh que non ! Ils allaient les cueillir au passage, à savoir comment. Car mine de rien, en laisser passer deux-trois avant de frapper permet d'avoir une surprise assez sympathique, mais laisser des ennemis alerter le reste, car franchement compter sur une gamine pour ça pas terrible et échec assuré en prime. Bon... quelques gestes très rapides, un simple ordre : se cacher, attendre que quelques uns avancent et resserrer l'étau sur eux. Puis avancer avant que les dorniens ne prennent possession de cette partie des tunnels. Dans le plus grand des silences et avec la vitesse qui était la leur, chacun se cacha dans les aspérités qu'offraient les innombrables trous des catacombes. Le kyorl espérait juste que l'autre moitié saurait réagir comme il fallait face à ce revirement de situation... quoique, c'était son groupe qui allait très certainement se prendre la flopée de dorniens. Pourvu qu'ils ne tardent pas trop à arriver... et qu'ils s'occupent de l'autre qui crie, le plonger dans les bras de la Gardienne ne leur ferait à tous pas de mal aux oreilles !

Trois, quatre. D'un bond, d'une dague proprement plantée, la course de fuyards s'arrêta pour l'éternité. Avec un sourire en coin bien sadique, le kyorl pensa qu'ils allaient enfin pouvoir se défouler dans cette mission bien silencieuse.

Un signe de tête. Après s'être cachés pour voir si certains cavaleraient vers eux dans l'espoir de fuir la mort, et avoir définitivement arrêté les ennemis s'il y en avait, accompagnant les corps au possible pour éviter de faire trop de bruit, la seconde moitié partit pour la majorité retrouver la première. Seuls deux restèrent, attendirent qu'une potentielle foule soit passée puis se firent signe. L'un des deux retourna dans le couloir d'où ils venaient, récupéra la gamine et revint avec elle. Maintenant qu'ils avaient une jolie cible criarde, ils allaient pouvoir s'amuser dans les règles de l'art. Et cet art vaut entre autre de rester vivant, sinon aucun moyen de mener à bien la mission et c'est un coup à rendre Uriz furieux. Personne n'avait envie de se mettre le Père à dos. Aussi ils allaient pouvoir tester les capacités de cette cadette dans un lieu avec du mouvement. Vu sa petite taille, en plus il y avait bien plus de chance qu'elle se fasse moins repérer qu'un adulte dans cette débandade.

Ah, il faut qu'elle y retourne. Pour faire quoi ? Le gars qui crie ? Il faut que Xune le trouve en jouant l'éclaireur ? Très bien. Xune va y aller, passer inaperçue fait partie de ses qualités de toute façon... sauf quand un kyorl la remarque. Bref. Son poignard dégainé au vu de la situation, lame longeant son avant-bras, elle avance petit à petit en essayant de retrouver celui qui a des risques d'être un mage. Ou un chef qui n'a pas de poigne sur ses soldats. Ou un fou. Ou encore un courageux. Un danger potentiel dans lequel on la plongeait. Elle est heureuse d'être envoyée mais je le sens mal... aussi elle avance lentement, profitant de l'inattention des uns et des autres, de la débandade ambiante et faisant régulièrement signe aux deux adultes. J'ai mon ventre qui se serre alors qu'elle approche de la fameuse voix qui se fait entendre de manière bien moins audible que précédemment. Serait-ce cette salle ? Ou... La respiration souple et légère, il faut qu'elle l'ait souple et légère afin d'être la plus silencieuse possible. Les genoux frôlant terre, longeant un mur de terre et de pierre, elle avance juste assez pour voir un minimum ce qui se trouve de l'autre côté tout en se gardant la possibilité de reculer d'un coup derrière le mur au cas où quelque chose lui foncerait dessus.

Il suffit d’un instant de faiblesse de la part de l’Engeance pour que la balance s’inverse, que le félin ayant retrouvé de sa mobilité ne se lance dans une tentative de riposte, et qu’ainsi les deux mastodontes n’échangent leur place, la créature se retrouvant maintenant sous l’animal. L’ossature du Non-Mort laisse échapper un craquement plaintif, mais tenace, vorace, l’engeance refuse d’abandonner son étreinte pour autant. Les chairs se rétractent autour de son buste, en reconstituant le musculeux plastron autour des os fêlés. Les bras cependant se refusent à abandonner leur prise. Leurs chairs fourmillent, tourbillonnent en un étrange mouvement, jusqu’à ce que le carreau ne se retrouve entre les doigts du Non-Mort, et contre le ventre, seule partie fragile du félin.
Le raclement de la pointe contre le cuir de l’animal l’entaille douloureusement, ouvrant une blessure qui n’aurait pas paru bien plus grave que n’importe quelle autre coupure ramenée de la guerre si seulement les fibres non-mortes n’avaient pas commencé à s’y glisser.

_____________________________

Aucun cri n’aura retentit dans les souterrains du cimetière. Le travail avait été trop propre. Accueillie par les carreaux et les lames, l’escouade Dornienne s’est effondrée en silence. Seul demeure un spirite rageur, debout seul dans la crypte d’où il dirigeait son jouet. Saurait-il ce qui venait de se jouer qu’il en rirait certainement à pleins poumons, clamant cette mort prématurée être une punition d’Uriz envers les lâches… mais c’est autre chose qui le préoccupe.

- Non… Non ! Non ! le Dornien hurle Comment !?

Violemment arraché à son monde spirituel, le mage refuse pour autant d’abandonner son accroche à la trame. Il avait la poigne sur une Flamme. Il avait la poigne sur une Flamme. Il lui fallait retrouver une Flamme. Une Flamme…
Les yeux du Spirite se posent sur ses mains, embrasées par des arcanes fuyantes. Une Flamme, il est à la recherche d’une Flamme. Une Flamme… il sait où trouver une Flamme… Il recule vers l’intérieur de la crypte plutôt que de partir à la poursuite de son Monstre. Il marche à grands pas vers la lumière. Comme un papillon face à une lanterne, il s’avance vers le guet-apens. Mais il sait. Il sait que derrière ce mur il y a une Flamme à empoigner.

Les soldats regardaient, ahuris, les deux monstres lutter, Kerath le premier, incapable qu’il était d’aider son compagnon. Murrpau continuait de rouler et alors que la pointe du carreau venait percer la peau de son ventre il continua en tentant de rugir, la douleur le faisant ralentir. Il fit une deuxième tour, broyant sous leurs poids combinés une deux stèles placées côtes à côtes avant de finalement s’écraser contre le mur de la crypte, laissant une traînée de sang permettant d’aisément les suivre à la trace. Les pattes du félin à pointe grattèrent contre la pierre du bâtiment dans l’espoir de se débarrasser des tendons qui lui rentraient dans le ventre dans succès. Son maître, raffermissant sa prise sur la poignée de son épée, couru pour les rejoindre et, maintenant que l’engeance lui tournait le dos, leva son arme pour la placer entre deux côtes et plonger d’un coup sec la lame à l’intérieur des chairs jusqu’à se ficher dans la silhouette.

La réaction du monstre ne se fit pas attendre, les tendons se levèrent en tous sens, certains remontant le long de la lame dans l’espoir que la retirer suffirait à défaire les dommages infligés. D’autres se détachèrent des os, frétillant, cherchant un nouvel hôte mais Kerath les écrasa jusqu’à ce que le reste de la chair ne tente de se saisir de lui. Il abandonna son arme dans le cœur de l’engeance et recula, repoussant les fils de chair grâce aux griffes de ses gantelets. Les tendons retombant au sol se mirent à dessiner des arabesques qui n’auraient pas dépareillés dans les préparatifs d’un rituel magique mais bien vite, un par un, ils se mirent à arrêter de bouger jusqu’à finalement tomber dans l’immobilité. Le Karliik Glenn se pressa au chevet de son félin à pointe pour en extirper les intrus avec une délicatesse qui était somme toute assez rare chez lui. Lorsqu’il remarqua un soldat de l’autre côté de l’animal, le saluant, immobile comme une statue, attendant des ordres, il leva la tête vers lui, jetant au passage aux pieds de l’eldéen la fibre musculaire désormais à jamais morte.

« Descendez dans la crypte et proposez aux dorniens de se rendre, ils l’ont mérités. Ils se sont bien battus. »

Le poing du soldat claqua sur son plastron avant qu’il ne regroupe ses camarades pour pénétrer à l’intérieur de la crypte et proposer, à voix haute, aux dorniens de se rendre pour qu’ils puissent les rejoindre afin de se battre pour l’accomplissement de l’Eda Vengeur.

Le drow qui crie. C'est juste lui, il n'y a personne personne d'autre. Mais son cri a tout de la rage et de la contrariété. Xune le regarde un peu plus attentivement, que ce soit pour inscrire dans son esprit son attitude comme ses habits et breloques diverses et variées. Tout en regardant ses mains vides il recule puis commence à marcher dans la direction de la cadette. Danger. Son instinct lui souffle que la situation dans laquelle elle se trouve est dangereuse, qu'il faut qu'elle retourne auprès des autres. Elle s'écarte donc du mur et marche vers les deux adultes qui l'attendent. A peine commence-t-elle à faire quelques pas que le mage avance plus rapidement, trop rapidement même pour qu'elle continue à cette vitesse sans se faire rattraper. Elle court, il court. Elle est rapide mais lui a la force de la folie, aussi se fait-elle rattraper par quelque chose d'invisible. Ses sens s'embrument, elle perd toute notion d'équilibre. Elle oublie qu'elle est à portée d'ouïe voire de vue d'un équipier. Voire même elle s'oublie, tout simplement.

Les sensations s'embrouillent. Elle n'est plus ; je suis là. Je ne vois plus rien, tout est noir. J'ai l'impression de ne plus être dans mon corps. Que fais-je là ? Il y a des bruits de pas. Je suis complètement perdue... comme l'autre fois, les autres fois même. J'entends des voix, de nombreuses voix : des caverneuses, des emplies de terreur, des calmes, des inconnues, des connues, une implacable. Cette dernière me gronde comme quoi qu'il faut que je protège mieux mon esprit, que dès qu'il est attaqué il faut qu'il détourne l'esprit adverse pour pouvoir le contrer. Sa voix est forte dans ma tête, elle me fait mal même. Elle me crie dessus, m'affirmant qu'il faut que je trouve un mot si cela peut m'aider si cela me chante mais qu'il faut à tout prix que mon esprit retourne dans cet endroit où plus personne ne peut m'atteindre. Je ne sais pas si c'es tune bonne idée, si je dois suivre cette voix. Mais instinctivement je la suis, comme si c'était une chose dont j'avais l'habitude, un chemin que mon esprit avait gravé en lui depuis bien longtemps. Sor'o'en. C'est le seul mot qui me vient. Sor'o'en... il résonne en moi, fait tout vibrer, change le noir en un immense miroir encadré de deux colonnes aux pieds desquelles trônent deux brasiers allumés. La fille est là mais ne reste pas face à moi, contrairement à d'habitude. Par-delà le miroir je me vois, à genoux sur le sol, le regard vide. Un drow - le mage ! - pose une main sur l'épaule et commence à me retourner. Sa main me brûle. Je crie de douleur alors que je comprends qu'il va me tuer. Mais mon corps se laisse faire, aucun cri ne sort de sa bouche. J'ai mal. Je hurle à moi-même de réagir, de reculer, de planter la dague dans le corps de l'autre. Cela ne marche pas, du moins suis-je sûre qu'il ne va pas réagir. Urgence. Je ne réfléchis pas, je fonce sur le miroir pour faire bouger ce corps qui se laisse faire. Première fois que j'essaie, sans même savoir ce qui arriverait. Je cours. Je traverse le miroir en une chose à la fois liquide et inexistante. Puis plus rien.

Une Flamme. Le plaisir de l'avoir, de regarder la future esclave dans les yeux, puis de la modeler comme il le désire. Il retourne le corps, dont le bras ballant s'élance juste assez pour envoyer la dague contre la paroi, ce qui émet un bruit peu agréable. Mais il s'en fiche. Sa flamme, il l'a ! Un coup de couteau, la main dans le buste pour en prendre le coeur... Cette Flam... !

"Gamine, ça va ?"

Le drow fronça les sourcils en constatant le regard vide de la petite cadette qui, pourtant, respirait encore. Puis il baissa les yeux sur le cadavre du mage dont il avait promptement creusé la trachée avec sa dague.  Bah ! Au pire ce ne serait qu'une petite perte... Il secoua Xune pour voir si elle allait réagir puis écouta la drôle de conversation que l'un de ses collègues avait avec une personne de l'extérieur, visiblement un membre de l'armée eldéenne. Ce qui était bien ici était que tout résonnait.

"Cherchez pas, on s'en est occupés ! Ces couards ont voulu fuir la bataille pour occuper les tunnels donc Teiweon reconnaîtra les méritants..."

Ah ce kyorl ! Pendant que ce dernier s'identifiait auprès de ceux d'au-dessus, l'autre se retourna son regard vers la gamine dont il se demandait s'il allait en faire quelque chose.

Le maître du jeu s’adressant aux joueurs : Un silence écrasant vous accueille. Rien d’autre.
L’écho des sommations des troupes Eldéennes rebondit sur les murs de la crypte et s’engouffre dans les tunnels sans trouver de réponse.
Kerath, aux yeux de tes troupes il n’y a rien ici ; et même la plus complète des fouilles ne révélera rien, si ce n’est le macabre spectacle que sont les corps partiellement fusionnés que sont les premiers essais de réalisation d’une Engeance comme celle que tes troupes avaient affronté. Les Dorniens ont essayé de fuir, et les bataillons qui les ont accueillis n’ont pas fait le moindre prisonnier. C’est une victoire sanglante que vous veniez d’obtenir.
Driz’na, ton cœur bat fort, et tu te sens encore perdue. Tu sens encore la marque brûlante de la main du mage dans ton dos. Tu sens encore ton être entier secoué par cette rencontre avec les forces des arcanes. Tu comprends mieux maintenant pourquoi les Spirites du C’nros sont aussi craints. Les manipulateurs de Flamme ne sont pas des mages de l’Esprit. Les manipulateurs de Flammes ne s’insinuent pas dans les souvenirs, ne se tentent pas à lire ce qu’il est écrit dans les méandres des crânes des vivants, ne risque pas leur propre être au contact de celui qu’ils envahissent. Non. Les Spirites, les manipulateurs de Flamme, ils arrachent la personne entière. Ils arrache ce qui fait des êtres pensants ce qu’ils sont, l’essence même de leur existence, l’essence créée par les Dieux… pour la contraindre.

Un peu plus, Driz’na, et tu devenais une âme perdue. Un peu plus, et tu te serais retrouvée condamnée à une existence d’éternelle souffrance existentielle ; d’errance et de perdition dans un monde qui n’était plus le tien. Un tout petit peu plus Driz’na, et il t’aurait été réservé un sort pire que la mort.

Grâce à toi les tiens ont vaincu. Mais à quel prix ? Jamais les cauchemars ne s’arrêteront. Jamais tu n’oublieras ce qui aurait pu être. La pensée d’une éternité d’affliction n’est pas aisée à chasser.

Alors profite de ta victoire d’aujourd’hui. Car la nuit de demain sera terrible.