[Ungordrinin] Un chantier titanesque (libre aux dawis)

4ème ennéade de Bàrkios, second mois de l'automne
An 17 du XIe Cycle

Une brise marine remontant de l'Eris par le Ford de Boren venait déposer quelques embruns dans la barbe du Gormrik, humidifiant les épais poils grisonnants où de rares mèches d'ébènes tentaient vaillamment de survivre sous la blancheur de l'âge. Jetant un regard sur l'Azril-varn puis au loin sur l'océan, Hardrek Poing-de-Fer se fit la réflexion que décidément il ne se sentait pas à l'aise en bord de mer. Sa nature, sa vie, sa complétion profonde le rattachaient aux montagnes et aux profondes cavernes du Septentrion, à la gloire de Kirgan qui un jour brillerait de nouveau de mille feux. Le suzerain ne se faisait guère d'illusion et savait qu'il aurait rejoint ses ancêtres bien avant qu'un nouvel âge d'or ne s'installe au Zagazorn, mais il appréciait les efforts que chaque dawi pouvait procurer dans cette direction.

Or justement, la présence du suzerain à Thanor en ce jour se trouvait directement lié au renouveau du Zagazorn car il venait inspecter un chantier qui lui tenait particulièrement à cœur et dont il vérifiait régulièrement si l'avancement se révélait satisfaisant. Les Grandes Voies : un projet magnifique longtemps illusoire mais qui était devenu possible quelques années auparavant et pour lequel l'enthousiasme du trône était largement connu. Les Grandes Voies, ou "Ungordrinin" (la route des cavernes) en langue dawi dataient en réalité de plusieurs cycles sans que l'on connaisse précisément leur origine ; il s'agissait d'un ensemble de tunnels reliant entre elles les principales cités dawis et devenus inutilisables avec le temps du fait de la prolifération des gobelins ou autres monstruosités remontées des profondeurs. A moitié oubliés, non entretenus, souvent effondrés, ces tunnels ne servaient plus à rien depuis des siècles lorsque la brutale et inexpliquée migration des gobelins vers le Sud changea la donne.

Hardrek s'interrogeait encore sur les raisons de cette migration qui fort heureusement le réjouissait. Depuis deux ans, les dawis profitaient de cet exode pour reprendre possession de ces antiques souterrains, en chassant la vermine qui l'infestait encore, déblayant et renforçant, sécurisant et étayant, creusant et creusant encore sans s'arrêter ni de jour ni de nuit. L'objectif premier visait à ouvrir une artère entre Thanor et Lante afin de faciliter les échanges en désengorgeant les deux cités se trouvant chacune au bout d'une des nombreuses routes commerciales qui sillonnaient Miradelphia. Cela toutefois ne se faisait pas sans difficultés et les meilleurs ingénieurs de Thanor estimaient que le chantier ne pourrait pas aboutir avant le début de l'an 19. Mais relier de manière sûre et quelle que soit la saison les falaises d'Arkan aux plaines du Brissalion valait amplement les efforts consentis, d'ou l'intérêt royal tant ce projet s'ancrait dans les choix politiques mis en oeuvre depuis l'Althinkalan.

L'escorte royale n'était guère développée, une trentaine seulement de grognards chevauchant leurs béliers de guerre accompagnaient le Gormrik et le Gazanundi de Lante. Peu d'engeances ou de berserkers osaient descendre si loin au Sud et la vitesse imposée par le suzerain ne permettait pas plus d'accompagnement. Si le voyage s'était déroulé sans encombre, tous les voyageurs appréciaient cependant de voir enfin les massives murailles de la cité se dresser devant eux, protectrices et rassurantes. Tapotant l'encolure de sa monture pour lui signifier sa satisfaction, Hardrek entraîna le groupe en direction des portes où des gardes qui les avaient identifiés prévenaient en toute hâte leurs officiers de l'arrivée du groupe royal.

Allons, le voyage a été long et j'ai besoin d'une choppe de bière pour réchauffer ma vieille carcasse.

Que de travail pour le Gazanundi. Ces dernières ennéades furent allouées à la gestion de la cité de Lante, laquelle nécessitait des ressources pour les travaux d’agrandissement de certains quartiers de commerce, ainsi qu’un renforcement des infrastructures défensives. Harald avait placé l’entièreté de ses architectes aux différentes manœuvres, tant et si bien que plus aucun clan bâtisseur de Lante n’était plus libre pour œuvrer sur d’autres chantiers. Les murs, les créneaux, les lourdes portes, les chemins de ronde, tout était revisité, consolidé, rafraichit, retravaillé. Si on ajoute à cela l’entretien quotidien de l’Hunzrung-Langk qui, bien que n’ayant subit aucune attaque depuis des lustres, devait tout de même faire l’objet d’une attention quotidienne en raison des pluies, des vents et du terrain parfois un peu trop meuble, les barbes et bavettes résidant dorénavant à Almis – depuis la capitulation des Mogarite – et qui œuvrent pour la cité, le contingent militaire et bâtisseur à Molgrunn, et la construction de l’Ungordrinin… On comprend alors pourquoi Harald avait délaissé durant tout ce temps sa hache pour s’emparer de sa plus belle plume et de son plus beau vélin. Il travaillait d’arrache-pied pour favoriser le commerce de Lante, comme il le désirait depuis maintenant plusieurs mois, sinon années. Le vieux guerrier avait appris énormément de la vie d’un Gazanundi grâce au conseil de Lante, mais également grâce à Thorgrel à son époque, et grâce aux conseils plus qu’avisés du Groman-Rik du Zagazorn, un Nain dont la réputation n’est plus à faire. Il avait compris, notamment, que la hache et l’armure devait parfois être déposés aux profits de la plume et du vélin, si l’on voulait garantir une supériorité et une longue vie à ses frères et sœurs. Il fallait faire la part des choses entre se battre et construire, affronter et faire des compromis. La résultante de cet apprentissage était intéressante pour la cité de Lante : le commerce se faisait plus florissant tous les mois, grâce à la venue de commerçants depuis l’an 15 environs. Il n’y avait presque plus d’enseignes vides ou abandonnées, et si Harald ne fléchissait pas sur les impôts et diverses taxes, il concédait néanmoins une certaine flexibilité – rare pour un nain, il faut l’admettre – envers les débiteurs de Lante. En effet, il valait mieux être payé, même en retard, plutôt que de voir partir une source de revenue pour une autre cité, ou pire, pour un autre pays. Ces taxes, ajoutées à celles exercées à la frontière, permettaient toujours une rentrée d’argent pour la cité qui en avait grand besoin pour financer tout ces projets. Paradoxalement, Harald appréciait les effets positifs de cette ouverture de la cité : elle résonnait, comme jadis, des cris des vendeurs, des bruits de pas des clients intéressés comme simples curieux, et la vie semblait foisonnante, comme à l’époque où Harald n’était qu’une chef de section, des décennies avant le Voile. Le cœur de la ville, cependant, demeurait interdit aux non Dawis, sans exception.

Cela lui avait donc fait beaucoup de bien d’apprendre la venue du Groman-Rik, désireux de vérifier l’avancée des chantiers de l’Ungordrinin du côté de Thanor. La dernière fois qu’Harald avait chevauché jusqu’à cette cité, c’était il y a plusieurs ennéades maintenant, pour rencontrer un représentant du clan des Hargrund de Lante, aussi établit à Thanor. Harald connaissait déjà le vieux Gorkim Hargrund, établit à Lante et qui oeuvrait sans broncher ni sans discuter, pour la cité la plus orientale des terres du Nord, lorsqu’elle en avait besoin. Harald aimait ça chez un Nain : qu’il n’hésite jamais quand le Zagazorn requérait son expertise et un peu de son temps. Gorkim n’hésitait pas à mettre son travail entre parenthèse, le temps de satisfaire une commande de Lante. Aussi Harald avait-il écouté le conseil de cette vieille barbe lorsqu’au détour d’une discussion, ce dernier indiqua au Gazanundi connaître quelqu’un de suffisamment courageux et passionné pour se mettre en quête du Mogarium. De fil en aiguille – ou plutôt de ciment en rocher pour un Nain – Harald et le dénommé Thordril scellèrent un accord, dans la bière et la viande. Thordril devait reconstruire les Hauts Fourneaux de Thanor, collecter le savoir lié au Mogarium pour pouvoir le trouver, l’extraire et le travailler, et forger ce qui serait la toute première création dans un tel métal : une nouvelle couronne pour le Rik, un symbole criant et ô combien explicit qui indiquerait à tout le monde, barbes et bavettes, mais aussi aux autres races, que les Nains s’étaient relevés et que tous devaient les respecter, ou s’en mordre les doigts à jamais. Ce projet était donc à triple visée : obtenir les savoirs liés au Mogarium, créer un évènement diplomatique de grande signification et renommée envoyant un message fort, et enfin, ouvrir à la voie à la reconquête des mines et filons oubliés…

Ce l’esprit plein de rêves et la caboche fulminante de projets, qu’Harald se rendit à Thanor pour la seconde fois cette année, accompagné du Rik et de son escorte royale. Sur son bélier de guerre, Harald avait fière allure dans son armure de plate d’un noir de jais. Pourtant, il ne dit rien de ce projet de couronne à son suzerain, soucieux de vouloir s’assurer tout d’abord de la faisabilité de ce projet, plutôt que de risquer de se déshonorer en cas d’échec. Thordril ne le savait sans doute pas, mais il avait une lourde, très lourde responsabilité sur les épaules.

Ils arrivèrent enfin à Thanor après une longue chevauchée. Mettant pied à terre devant les portes, ils entrèrent sans problème aucun. Les cognards de faction avaient tôt fait de prévenir leurs officiers de l’arrivée de la délégation royale. Et les officiers avaient tôt fait de faire mettre en rang, les quelques cognards de garde ou qui se trouvaient par-là. Nul doute que, très bientôt, le haut conseil de Thanor serait avisé de cette arrivée qui devait être attendue de pied ferme. Sur l’ordre du Roi, et après avoir passé en revue, les quelques troupes qui restaient au garde-à-vous, tous se rendirent dans la plus proche taverne : « la chopine runée ». Un nom prometteur somme toute. Harald ouvrit la porte, avant de se mettre de travers pour laisser passer la panse du Roi et son escorte royale.

- Installez-vous Grroman-Rrik. J’ose espérrer qu’on viendrra nous servirr rrapid’ment. Avait-il dit avant d’emboiter le pas du roi et de s’installer près de lui.

Il ne restait plus qu’à commander.

Après cette longue chevauchée par monts et par vaux, une bonne chopine de bière se voyait fermement réclamée par les ventres affamés et ce fut avec une satisfaction non dissimulée qu'Hardrek alla poser son royal postérieur sur l'un des fauteuils de l'auberge choisie pour y passer la nuit. Le suzerain du Nord appréciait particulièrement les auberges et veillait à les honorer de sa présence durant ses déplacements, marchant ainsi dans les traces de son prédécesseur Garmin le Vengeur dont les talents de maître-brasseur firent sa réputation bien avant qu'il ne s'asseye sur le trône. Les tavernes offraient également l'indéniable avantage pour Hardrek de pouvoir garder le contact avec son peuple, de ressentir au plus près ses espoirs et ses faiblesses, de montrer à tous que la couronne ne vivait pas dans une caverne dorée (les umgis auraient parlé de tour d'ivoire) d'où elle s'isolerait du monde.

Mais alors que la tavernier s'apprêtait à venir proposer une sélection de ses spécialités à ses augustes visiteurs, la porte de la taverne s'ouvrit et un nain énorme y pénétra pour avancer en se dandinant vers leur tablée. Le Gormrik comme le Gazanundi reconnurent aisément Glumtol, thane des Barbe-de-Fer et membre du haut-conseil de Thanor, un dawi dont la corpulence devenait quasiment légendaire au point que l'on pariait sur le moment où il exploserait. Une lueur légèrement amusée brilla durant une courte seconde dans l’œil du suzerain lorsque Glumtol leur proposa de venir à un banquet qu'il organisait en leur honneur. Certes les banquets des Barbe-de-Fer s'avéraient fort courus, mais voir un membre du haut-conseil accourir dès l'arrivée du suzerain annoncée en ville indiquait probablement que le gaillard avait aussi des idées en tête ou des sujets dont il souhaitait les entretenir hors de la présence des autres conseillers.

Refuser aurait manqué de courtoisie envers Glumtol, et par ailleurs Hardrek ne rechignait pas à se rendre dans de telles festivités car il savait pouvoir y apprendre beaucoup, l'alcool aidant à délier lees langues les plus tenaces. N'ayant pas mis les pieds à Thanor depuis plusieurs années, cela lui permettrait peut-être de se tenir au goût du jour sur les rivalités politiques en cours avec plus de précisions que via les rapports qu'il recevait dans sa capitale. Et puis son estomac grognant de famine achevait de le persuader qu'un banquet serait fort plaisant pour passer cette premier soirée dans la cité maritime, l'inspection des tunnels et la rencontre avec les autres conseillers pouvant sans difficulté attendre le lendemain.

Et bien je ne dis jamais non à un bon banquet, mon cher Glumtol. Montrez-nous le chemin, nous vous suivons.

Se levant, Hardrek et Harald accompagnèrent Glumtol en direction du hall du clan Barbe-de-Fer où se préparaient les festivités, toujours suivis de près par les cognards chargés de veiller sur le roi et qui pestaient intérieurement de ne pas pouvoir profiter eux-mêmes du banquet tant leur attention devait demeurer à son maximum lorsque le suzerain se trouvait en voyage. Ces robustes vétérans se consolèrent quelque peu en se disant qu'un fois le Gormrik et le Gazanundi couchés, ils pourraient de leur côté aller se descendre à leur tour quelques pintes bien méritées. Quand à l'aubergiste de la chopine dorée, il regarda partir son roi avec le regard désolé de celui qui n'a pas pu lui faire goûter les merveilles de sa cave, honneur qui aurait donné lieu à bien des histoires dont il aurait abreuvé sa clientèle pendant plusieurs hivers.

Cette taverne était plutôt confortable. Harald retrouvait bien là le savoir faire des habitants de Thanor. Ingénieux au possible, ils savaient parfaitement mêler le confort, la qualité et l’efficacité, à la fois du service et de l’installation tout comme la façon de faire et la façon d’être. Des Nains, sommes toute ! Les dignes et fiers représentants de cette race qui brille telle la plus haute étoile dans le ciel et qui illumine le monde qui ne comprend pas sa chance. Le tavernier allait d’ailleurs honorer ses royaux convives de sa carte et de ses spécialités afin de prendre les commandes, lorsque la porte s’entrouvrit. La lumière extérieure ne fit qu’un seul éclat avant d’être brutalement stoppée par un nain à la corpulence remarquable et qui pourrait paraître impossible à obtenir. Et pourtant, le voici : Glumtol Barbe-De-Fer, membre du Haut Conseil de Thanor et nain le plus gros des terres du Nord. L’espace d’un court instant, Harald se demanda d’ailleurs comment un être si imposant avait-il pu passer par cette porte sans en écarter les montants.

Il prit immédiatement la direction de la tablée royale. Il faut dire que le Roi était reconnaissable avec sa panse, et surtout, son faciès buriné et sa longue barbe qui faisaient de ce nain un être reconnaissable même pour un Umgi. Quant à Harald, il ne quittait jamais son armure de plate d’un noir de jais et aux formes géométriques couleur carmin, ce qui le rendait reconnaissable – et de loin – même sur un champ de bataille alors que toutes les armées de Lante étaient d’un rouge profond. Cette excentricité disparaissait lorsqu’il se retrouvait au milieu d’une violente bataille et que le sang jaillissait de toute part.

La proposition de Glumtol fut un doux son aux oreilles du Gazanundi. Outre sa panse proéminente, les banquets des Barbes-De-Fer, et ceux de Glumtol, étaient de fabuleux buffets connus de beaucoup de bavettes et poilus partout en Zagazorn. Alors y participer, Harald ne s’y ferait pas prier. Il suivit tout simplement le roi, et Glumtol, jusqu’au lieu tant attendu.

Une petite vague d'avortements sur un de mes projets de cuniculture en début d'automne avait secoué mes espérances, bousculé mon quotidien, réveillé un monstre que l'on appelle parfois déception. Et s'il ne me rongeait désormais plus, il se tapissait dans le moindre recoin de mon âme, et de profiter de mes fragilités passagères. Or si nous étions extrêmement loin de la famine, c'était avant tout la variété que je prônais. En plus de le nourrir, je voulais régaler mon peuple, et j'estimais mon dur labeur comme je le faisais pour chaque chose qu'un dawi entreprend, tout simplement parce qu'il est dawi. Cela faisait plus de six ans que j'essayais de me surpasser à l'instar de mes frères nains. Il y a des choses que seul le temps peut construire et il ne devrait pas nous être donné la possibilité d'en douter. Je m'agrippai hélas à cette certitude. Essuyant mes échecs et mes frustrations, caressant aussi mes réussites dans le bon sens du poil afin qu'il s'épanouisse, je voyais grandir mon enfant à mesure que les mois se transformaient en années, et ne me laissais jamais abattre par dépit – bien que je sois parfois fort cynique envers moi-même. Pourtant, je travaillais d'arrache-pied, et d'ailleurs si je n'étais pas fier de mes réussites, elles étaient bien réelles. J'avais une famille en or, des amis sur qui compter et une patrie à honorer. Ce n'était que le début. J'accueilli la nouvelle de son arrivée avec un léger pincement au cœur, le Groman-Rik, mon Roi, peut-être un des derniers liens qui m'unissaient à mon oncle. Possiblement le dernier. C'est pourtant en ravalant l'impitoyable mélancolie qui menaçait de me submerger, que je laissai place à la joie de revoir un être cher. C'est donc avec un sentiment de légèreté que je m'empressai de conclure mes affaires courantes avant de me rendre là où je savais que le Grand-Roi serai invité. J'étais bel et bien au courant des plans dînatoires de l'énorme Glumtol et je savais que jamais l'honorable Hardrek refuserait une invitation faite ! Et moi non plus, d'ailleurs du lapin, il y en aurait au moins pour nôtre suzerain, je l'avais juré à l'hôte de ce soir ! J'arrivai enfin chez le Barbe-de-fer, qui était entre autres l'un de mes homologues Conseillers de Thanor. Je l'imaginai confus, et c'est ainsi que je le trouvai alors qu'il invitait le suzerain tant escompté à s'asseoir sur le siège de ses ancêtres. Je cherchai en vain les yeux bleus de mon ami, je crus même remarquer une petite larme tandis qu'un gros fessier s'ecrasa glorieusement sur le siège en pierre, fort heureusement. J'attendis en retrait afin de ne point interrompre ce moment, jusqu'à ce que l'on me remarque.

La grande salle du clan Barbe-de-Fer se voyait remplie comme rarement dans son histoire. En effet peu de dawis auraient laissé passé l'occasion d'un tel festin en présence du roi et tandis que les cuisiniers s'activaient en coulisse pour finaliser les plats qui seraient bientôt offerts aux féroces mandibules, Hardrek se leva afin de prononcer le discours attendu en de telles circonstances.

Mes amis !

Le brouhaha qui remplissait la salle, car chacun avait commencé à converser avec ses voisins, se calma et les oreilles se tendirent.

Mes amis... mes amis, c'est pour moi un honneur et une joie de me retrouver dans cette belle cité de Thanor !

Salve d'applaudissements, hourras lancés à pleines gorges. Tous ici aimaient leur ville, cette altière et vieille dame accrochée au roc face à l'océan.

Alors que je vous regarde tous réunis ici, mon vieux cœur se réjouit du chemin accompli depuis la terrible époque où le Coléreux a trahi ses enfants et nous voua aux gémonies. Le chemin fut long, le chemin fut difficile, il nous a fallu abattre des obstacles venus de l'extérieur comme de l'intérieur, mais aujourd'hui plus que jamais je suis fier de dire que le Zagazorn est uni et solide comme le roc !

Tout discours, même pour un banquet, se doit de receler des messages politiques à destination de l'auditoire. Un rappel de la folie cruelle de Mogar constituait une bonne entrée en matière, surtout pour rappeler que les barbes se redressaient malgré la colère divine. Et au passage le petit tacle à ceux qui n'avaient pas approuvé immédiatement les décisions de l'Althinkalan.

Oui mes amis, uni et solide. Beaucoup par delà les frontières se réjouissaient de notre malheur, versaient des larmes hypocrites sur notre faiblesse. Les umgis se réjouissaient de nous voir souffrir des mêmes instabilités politiques que celles qui les travaillent depuis la chute du roi Trystan, les elgis rêvaient déjà à reconquérir le Lörn où d'autres terres qui nous appartiennent par le droit du sang.

Toujours désigner l'étranger comme ennemi potentiel, cela soudait la société derrière soi. Hardrek n'estimait de toute façon guère les longues-pattes à l'exception de quelques êtres exceptionnels et aimait donc bien faire souvenance du néant que représentait leur alliance.

Ceux-là verseront des larmes de rage en voyant que non seulement nous nous relevons mais que nous les dépasserons tous ! Nos frontières sont de nouveaux solidement gardées, nos haches sont prêtes à repousser toute menace, nos artisans sont de nouveau réputés comme les meilleurs qui existent. Grâce en soi rendus à Ikthor et aux autres Glorieux Anciens, nous prouvons à tout le continent que le Zagazorn est vivace et peut accomplir de grandes réalisations !

Là il en venait au sujet principal, à ce qui l'amenait dans la cité de Thanor. Au passage flatter les cultes des Premiers Fils constituait un geste fort de sa part. Très méfiant envers les divinités, le suzerain de Kirgan savait toutefois bien que son peuple avait besoin de figures tutélaires auxquelles se raccrocher. Puisque Mogar déclinait cet honneur, d'autres le prendraient.

Je veux parler là de l'Ungordrinin dont je visiterai demain le chantier, ce magnifique projet rêvé par nos pères et que nous accomplissons conjointement, unis et fiers ! Dans moins de deux années, ce tunnel permettra de rejoindre Thanor et Lante quelle que soit la saison. Fini les rigueurs hivernales, fini les détours pour passer les cols, grâce au savoir-faire et à la productivité du Zagazorn, nous verrons se réaliser un projet que tous nous envierons !

Certes les Grandes Voies constituaient une prouesse technologique dont les dawis pouvaient être fiers. Inutile par contre de rappeler que cela ne pouvait se réaliser que grâce à la migration des gobelins vers les terres du Sud.

Feu le roi Garmin, mon auguste prédécesseur m'avait souvent parlé de ce projet en regrettant qu'il ne soit qu'une chimère. Et bien il serait fier de nous ! Car je vous le dis mes amis, la liaison entre Thanor et Lante constitue la première étape d'un plan plus grand encore qui verra réunis ensemble toutes les cités naines ! Kirgan, notre capitale outragée mais jamais tombée, Molgrunn où demeure le savoir de nos ancêtres, et même Almis qui a sagement réintégré le giron du trône, toutes se verront reliées par les Grandes Voies !

Lier le passé et l'avenir, une conclusion classique mais efficace qui permettait de tracer une ligne directrice dans laquelle chacun pouvait se reconnaître. Un bon discours devant doser ses composants dans de fins plateaux, Hardrek acheva le sien afin de ne pas faire languir les convives qui humaient déjà les odeurs alléchantes atteignaient leurs narines.

Mais je parle et vos panses crient famine. Notre hôte ce soir, Glumtol du clan Barbe-de-Fer, va désormais vous présenter le menu des réjouissances. Place au festin !

Le trajet fut à la fois intéressant et quelque peu décevant. Point dans le paysage, ni dans les propos tenus par maître Glumtol, non. Seulement, après plusieurs jours à dos de bélier – aussi puissants et majestueux soient-ils – Harald avait bien besoin de rester assis tranquillement à boire et à manger, et non à déambuler. Se relever fut donc pénible pour lui, ses innombrables blessures de guerre se rappelant à lui. Pour toute réponse au projet intéressant et très couillu de Glumtol, le Gazanundi répondit :

- Nous en rrr’parl’ons ce soirr maîtrre Glumtol. Parrole ! Avant de lui donner une franche et virile accolade qui manqua surement de lui décoller un poumon.

Vint enfin l’arrivée, la pose tant attendue de son séant en armure, et l’arrivée des premiers mets et bières. Harald en prit deux, une pour la soif, et une pour goûter. Il piocha également dans les amuses gueules, jusqu’à-ce que le Roi prenne la parole, comme il sait si bien le faire.

Harald réagit à chacune de ses prises de parole. Tapant tantôt du poing sur la table, comme pour appuyer un propos, un hommage, une ode au Zagazorn, tantôt buvant une grande rasade en soutien d’un propos important. Harald, à la droite du Grand Roi, ressemblait à un fervent et pieu défenseur du Nain debout, tel un fanatique, une ouaille qui rend hommage aux préceptes défendus : ceux du Zagazorn. Lorsque le Roi désigna les umgis comme des vautours trop heureux des malheurs du Nord et trop heureux de voir les Nains en proie aux mêmes vices que leurs royaumes, Harald fulmina avec une passion dévorante, frappant sur la table sa chope qui, dans de grandes gerbes houblonnées, éclaboussait la table, le sol, son plastron et sa barbe. Son regard irisé s’illumina d’une lueur bien connue des guerriers. Une lueur froide, cruelle, d’un tueur patient qui n’hésiterais pas à mettre fin à de nombreuses vie pour la gloire de sa nation. Harald n’aimait pas les umgis. Ses réactions continuèrent jusqu’à-ce que le Roi eut terminé son discours pour laisser place au festin, et à la présentation du menu par l’hôte de ces lieux. Pourtant, Harald, transcendé par ce discours, porta quelques mots de sa voix gutturale, à l’oreille du suzerain :

- Très bien parler Rikazul ! Baruk ! Par Ikthor, j’donn’rais volontiers ma Braise-Vie pour l’Zagazorn, et pour vous, Groman-Rik ! Après quoi, il frappa une nouvelle fois son boc sur la table avant d’en avaler le liquide en une goulée.

Et Harald ne manqua pas, bien-sûr, de lever sa chope nouvellement pleine, en l’honneur de l’hôte, Glumtol, et de son ami honoré par le court mais concis discours du Haut Conseiller, Athbor. Le repas, quant à lui, fut succulent.

Il faut bien avouer que ce soir-là, pour ma part tout sembla défiler à une vitesse ahurissante. Très vite à table, car nous avions probablement, terriblement faim et soif, le Grand-Roi prit cependant le temps de discourir – comme sont censés faire les commandants en ces circonstances – et ses mots s'ils m'emportèrent sur un nuage patriotique, ce fut également le cas pour tous les autres dawis présents, que l'on m'ampute si je me trompe. Hardrek Poing-de-fer... Qu'il eut été choisi à la tête du royaume quelques années auparavant, n'était donc ni source d'étonnement ni de regret.

Je me souviens de son discours, comme je me souviens de la bière coulant telle l'eau d'une cascade glissant sur la roche sèche de mon gosier. Je me souviens de la charcuterie prête à éponger le bienfaiteur liquide ; n'y arrivant pas assez, à éponger, que je ne n'oublie point les autres entrées qui s'atelèrent à me remplir à leur tour, tarte, tourte et compagnie.

Ma mémoire commence à flancher lorsque ce soir là, on servit les produits que je m'étais efforcé de fournir à mon glouton d'ami – puis aux hôtes –, et je garde encore la délicieuse saveur des viandes fondantes et tant aromatisées de rongeurs et autres petits mammifères... Oui, me revient encore en tête ce moment de fierté lorsque l'assemblée félicita la qualité de la viande, à quoi je me rappelle avoir répondu par une modestie toute gênante, que le mérite revenait aux cuisiniers et non pas à moi. Le dernier souvenir ayant la décence d'être limpide reste cette énième pinte après que j'eus rougi de fierté toute naine.

Le reste... Le reste doit être enfoui dans les méandres de mes souvenances... Mais ce sont surtout mes muscles ankylosés, ma mâchoire endolorie, et ce diabolique marteau rudoyant ma tête comme une enclume qui me rappelèrent à la vie le lendemain matin alors que je me réveillais sous une table, un bout de gigot rongé entre mes paluches d'ogre mal luné.

« Oh putain... Qu'est-ce que... 'Sont où les autres... ? L'Ungordrinin ! L'Roi ! » Je devais être en retard pour la visite, assurément.

C'est ainsi que je me rendis à la rencontre de mes frères, non sans avoir descendu deux ou trois fonds de pintes délaissées, courant presque sur la fin de mon marathon, lorsque je les aperçu discutant non loin du titanesque chantier dawi.

Le banquet fut copieux et...

Non ce n'est pas assez proche de la réalité, il faut utiliser un terme plus puissant, apte à mieux retranscrire les efforts imposés aux panses pourtant robustes des dawis.

Le banquet fut pantagruélique et...

Ah merde, Pantagruel n'existe pas sur Miradelphia. Et en plus je viens à l'instant de briser le quatrième mur, décidément ce n'est pas aisé de faire un post en plein banquet. Restons concentrés et reprenons.

Le banquet fut orgiaque, digne des Dieux eux-mêmes par la quantité et la qualité des mets. Un véritable bataillon de cuistots et de serveurs s'affairaient autour des tables pour satisfaire les appétits voraces, pour remplir les plats et les verres afin d'éviter le terrible drame du vide. Les quenottes mâchaient, les langues claquaient, les ventres gargouillaient, bref ce fut un excellent moment et plus d'un dawi finit par rouler sous la table en ronflant tel un sonneur pour cuver les excellents crus servis par le maître des lieux. Hardrek avait mangé et bu copieusement mais pas au point de ne plus tenir debout, bien qu'il apprécia grandement de trouver son lit pour une nuit de sommeil réparatrice.

~~~~~ Le lendemain matin ~~~~~

Quelques trognes renfrognées indiquaient que les cheveux devaient tirer parmi ceux ayant abusé des plaisirs de la table la veille au soir. Pour autant tous étaient là afin de participer à la visite du chantier dont l'ouverture s'ouvrait dans la montagne comme la gueule béante de quelque monstre titanesque désireux de les engloutir corps et âmes. Tout autour se trouvaient les engins de chantier et les rails servant aux wagonnets de transports des débris, ainsi que les nombreux ouvriers qui observaient la scène religieusement, ravis de voir les seigneurs du Zagazorn venir constater sur le site la qualité de leur travail.

Car qualité il y avait ! Le tunnel permettait sans difficulté à deux carrioles de s'y croiser, et si un humain aurait peut être trouvé le plafond quelque peu bas, un dawi s'y sentait pleinement à l'aise. Solidement renforcé par d'épaisses poutres de soutènement ; doté à intervalles réguliers de petits tunnels secondaires remontant vers les hauteurs afin d'assurer l'aération et l'intervention d'équipes de secours en cas d'effondrement ; entrecoupé de pièces annexes plus larges pouvant à terme assurer le rôle de salles de garde, d'auberges ou d'entrepôts ; l'Ungrodrinin ressemblait presque à une ville souterraine installée le long d'une unique rue qu'un artiste coquet aurait étiré à l'extrême.

Lorsque Athbor rejoignit enfin le groupe, Hardrek s'entretenait avec les ingénieurs en charge du creusement et les interrogeait avec moults détails sur les tunnels annexes qui existaient autrefois dans ces nombreuses cavités, insistant sur l'importance de les ensevelir pour ne pas risquer de voir un jour les hordes vertes s'en servir afin de revenir envahir l'Ungrodrinin. Fier comme un paon, l'ingénieur en chef expliquait justement au suzerain les subtilités du creusement et de la contre-sape, des difficultés des rotations d'équipes en espace restreint et du nombre de dawis nécessaires pour creuser en deux jours un tunnel de vingt-huit mètres dans du granit. Questions fort pertinentes, n'est-il pas ?

Apparemment satisfait par ce qu'il venait d'entendre, le suzerain donna alors le signal et le groupe de visiteurs pénétra à l'intérieur même du tunnel, leurs yeux s'adaptant aisément et rapidement à la faible luminosité des lieux. Les torches installées à intervalles réguliers auraient paru une source ridicule à un umgi mais les dawis disposaient d'une nyctalopie de premier ordre dû à leurs longs cycles de vie sous terre. L'espace d'un instant, Hardrek eut un regret en pensant à son vieil ami Morek qui n'avait jamais pu voir de son vivant se réaliser ce rêve de relier Lante à Thanor, ce projet pour lequel il avait passé tant d'ennéades à travailler sans relâche... mais où qu'il soit désormais, l'ancienne Voix de Thanor devait approuver ce qui se passait en ce jour.

Quel banquet ! Mais quel banquet mes aïeux ! Comme tous les Nains, Harald appréciait les arts de Girdon, savourant à l’envie une bière bien forte et un épais et gras de morceau d’ours braisé servi avec sa sauce aux champignons ! Cependant, ses repas à lui étaient bien moins dantesques que ce jour ! Soucieux de ne pas manger ni boire plus que de raison lorsqu’il est chez lui, il s’en était donné à cœur joie ici ! Bière, viande, encore bière, de nouveau viande… Des sauces, des condiments… Et encore de la bière. Le heaume du Gazanundi était devenu bien trop étroit lorsque sa vision se restreignit soudainement, et que la terre sous ses pieds se mit à se mouvoir sans que d’aucun n’y fasse quoi que ce soit. Sans doute avait-il trop bu. Oui. En fait, c’était même certain. Harald étant un guerrier, il avait pris l’habitude de boire deux bières à la fois : une pour la soif, et une pour goûter. Sauf qu’une fois goûtée, la soif se refait sentir, alors, il en prend deux. Puis viennent les autres digestifs et alcools très forts dont Harald raffole, et qu’il engloutit sans faiblir.

Son dernier souvenir ? La douce et chaleureuse présence d’une porte de bois pleine d’échardes, barrant l’accès aux sanitaires.

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Avait-il encore son heaume ? Au début, il le croyait. Mais l’étau qui lui faisait pulser ses tempes n’était pas fait d’acier. Il était fait d’éthylisme à outrance que son corps avait eu grande peine à évacuer, lui laissant comme séquelle une migraine digne de Mogar. Boire de l’eau ? Quelle idée !

Néanmoins il se présenta à l’heure prévue, et suivi la délégation royale jusqu’aux abord des tunnels. Les échanges du Roi avec l’ingénieur en chef intéressèrent le Gazanundi, car du côté de Lante aussi, la terre était excavée afin de faire se rejoindre les deux cités. Aussi se plia-t-il à l’exercice difficile en cet instant, de croiser les informations de l’ingénieur avec celles du chef des travaux du côté de Lante. Cependant, l’expertise Naine était parfaite, aussi avait-il pleinement confiance quant à la qualité de ces travaux.

Il n’oubliait toutefois pas que ces vieux tunnels étaient aujourd’hui libres grâce à la grande migration Gobeline, trois années plus tôt. Sachant cela, et la volonté – prise de cours par l’initiative des ingénieurs – de combler les petits accès non désirés et les grottes qu’occupaient les peaux vertes jadis, Harald s’attela à vérifier les défenses et à en imaginer d’autres. Les quelques soldats de son état-major, et les cognards de Thanor qui le suivaient, suivaient ses pas et buvaient ses paroles, n’hésitant pas à rebondir sur une idée ou une autre. Construire était une bonne chose, mais protéger était très important également. Tendant l’oreille par moments face à un bruit lointain ou d’origine inexpliquée, il se tenait prêt à dégainer et à pourfendre n’importe quelle créature. Le Roi était là, et rien ne devait l’atteindre. Jamais.

Depuis plus d'une heure, le groupe avançait dans la galerie en croisant parfois des équipes d'ouvriers qui se rendaient plus loin sur les zones actives d'excavation ou qui en ramenaient des gravats afin de libérer de nouvelles salles annexes nécessaires au stockage du matériel de chantier. Hardrek et ses compagnons ne comptaient bien entendu pas aller jusqu'au bout du tunnel puisque celui-ci s'enfonçait sous terre sur des centaines de lieues, mais l'ingénieur en chef avait indiqué vouloir leur montrer quelque chose qu'un groupe de mineurs venait de trouver l'ennéade précédente et qui pourrait les intéresser.

La marche aida d'ailleurs à décuver les restes du vin de la veille, et se retrouver ainsi dans de profonds tunnels constituait de toute façon une randonnée fort plaisante pour un dawi dont le monde souterrain était un environnement tout aussi naturel qu'une plage de sable pour un umgi ou qu'une forêt pour un elgi. Déjà le suzerain expliquait avec enthousiasme que le jour où le tunnel serait percé, lui ainsi que les membres dirigeants de Thanor ainsi que  de Lante feraient l'entièreté du trajet aller-retour à titre d'inauguration officielle de l'Ungordrinin.

Enfin ils arrivèrent dans une petite cavité annexe dont l'ingénieur leur expliqua qu'il s'agissait du début d'une ancienne galerie maçonnée en partie effondrée et qu'ils avaient prévu de réaménager en entrepôt. Lors des premiers travaux, un ouvrier à l’œil acéré remarqua alors la présence de runes à moitié effacées, cessant aussitôt de creuser pour ne pas les abîmer. Les membres de la visite s'approchèrent de l'endroit indiqué et virent alors que la paroi du tunnel à cet endroit paraissait en effet quelque peu différente du reste, plus rectiligne comme si autrefois un véritable mur s'était édifié là. Malheureusement les soubresauts telluriques avaient du affaissé en partie la zone et à quelques endroits seulement on devinait encore des marques de burins formant des runes caractéristiques que leur désigna leur guide.

Ces runes sont antiques, je n'en jamais vu de telles.

S'approchant, le suzerain se pencha et fixa attentivement les encoches dans la pierre, fronçant les sourcils en essayant de déchiffrer ce qu'il voyait. Bien qu'ayant eu accès à certains des plus vieux textes de leur race, la forme des runes qu'il voyait le déroutait tant elles paraissaient issues d'un autre âge du monde.

C'est quasiment illisible, on dirait... oui, là il y a quelques runes déchiffrables : "la lignée de Tharkan"... et là en dessous "mille kobolds tombés sous sa puissante hache"... surement une formule de style en mémoire d'un grand guerrier. Je n'arrive pas à lire les runes suivantes.

Le silence se fit dans le tunnel avant que l'ingénieur ne le brise.

Ce reste de mur pourrait-il être une partie d'un tombeau ?
Possible, oui. Ou peut-être juste un cénotaphe, un autel destiné à honorer la mémoire d'un ancien selon les préceptes du Gromthikulan. En tout cas je ne connais dans cette région qu'un seul Tharkan suffisamment renommé pour que sa lignée soit évoquée dans des éloges funéraires, il s'agit du thane du clan Œil-de-Cuivre qui fonda Thanor au deuxième cycle.

Le suzerain se redressa et se gratta vigoureusement la barbe en réalisant la portée de ce qui se trouvait peut-être seulement à quelques mètres d'eux.

Rendez-vous compte ! Si ce tombeau est véritablement celui d'un dawi descendant de Tharkan Œil-de-Cuivre, alors il peut dater d'une époque antérieure à la destruction d'Ankorong !

S'agissait-il vraiment d'un tombeau ? Un guerrier de Thanor tombé durant les antiques affrontements de la Guerre Séculaire des Vermines y reposait-il ? Ses frères d'armes l'avaient-ils enterré là pour lui permettre à tout jamais de veiller sur l'Ungordrinin et de le protéger des dangers issus des profondeurs ? Aussitôt des ordres furent donnés pour que des érudits viennent en hâte de la cité afin de tenter eux aussi de déchiffrer les runes, tandis qu'une équipe d'ouvriers sondait avec une infinie délicatesse les alentours de la ruine antique pour voir si d'autres pans de murs enterrés se trouvaient près de là où si une moindre résistance indiquait la présence de vide.

En tout cas, les gueules-de-bois se trouvaient définitivement oubliées.

Harald le guerrier avait l’habitude des douleurs. Plusieurs fois blessé, plusieurs fois ramassé par les soigneurs sur des champs de batailles sanglants, il s’était forgé une armure physique épaisse et une aptitude à dépasser la douleur, le sang, les plaies, les blessures. Mais il devait cependant bien l’admettre : cette cuite était particulièrement épique. Il pouvait presque sentir chacun de ses cheveux, louant son idée d’avoir une moitié de son crâne rendu chauve. Moins de cheveux qui faisaient mal.

Être attentif dans de telles conditions n’était donc pas évident. Heureusement, les tunnels et les cavités attenantes étaient libérés de la menace verte, et les trognes souriantes et quelque peu avenantes des mineurs et autres ouvriers, indiquaient que l’atmosphère était saine et que les lieux étaient sûrs. Une inquiétude en moins, bien que la hache dût demeurer à proximité, en toute occasion. Aussi, le Gazanundi se baladait non loin du Roi, sa main gauche sur sa ceinture de plate et sa main droite reposant sur la tête de sa hache, prêt à dégainer, tout en combattant intérieurement sa rébellion capillaire. Il prit alors le temps de s’émerveiller.

Pensez-y. Les Nains vénèrent les anciens et les temps illustres autant que les divinités. Pour eux, rien n’est plus digne de respect et d’amour qu’un vénérable ancien, qu’un ancêtre vivant, qu’un illustre aïeul, qu’un personnage célèbre. Ce code d’honneur fédérait les membres d’un clan et les clans entre eux, et au bout de la chaine, c’était le Zagazorn entier qui s’unissait autour de ces illustres images de courage, de fierté, de dévotion. Les Nains étaient connus de par le monde pour leurs talents guerriers, pour leur ingénierie qui ne souffrait d’aucune concurrence, pour leur magie runique, si difficile à maîtriser, si mystérieuse et unique de par sa façon d’être, par leurs talents de brasseurs, de forgerons. Mais personne ne prenait le temps de dépasser ces compétences et qualités, afin de comprendre pourquoi le peuple Nain était le peuple le plus extraordinaire de Miradelphia. Aussi Harald était-il fier de marcher là où il marchait aujourd’hui, dans les traces de tant des siens ayant vécu des cycles avant lui, même avant son clan. Ils se rendaient de Thanor à Lante, échangeant, marchandant, travaillant, œuvrant de concert pour ce grand royaume, sous l’égide des divinités et pour le bien de tous. Quelle fierté de voir ces lieux de nouveau, et de les explorer à leur tour. Le Zagazorn était fier, et fort !

Ses pensées et ses rêves l’encombraient tant qu’il manqua presque de suivre le groupe, continuant tout droit, tandis que le Roi se dirigeait vers une cavité explorée par les mineurs, et qui, d’après l’ingénieur, méritait le plus grand intérêt.

Il fit volte-face presque immédiatement après qu’il se rendit compte de l’éloignement des bruits de pas et des paroles, et s’y rendit, pressant le pas, afin de comprendre ce qui se passait là-bas. Et la discussion du Roi et de l’ingénieur en chef étaient très intéressantes et empruntes d’une excitation sous-jacente, laquelle n’attendait plus rien d’autre que de se dévoiler. Vous savez ? Ce genre de situation, où votre cœur bat la chamade et vos entrailles vous disent qu’elles ne veulent pas connaître la suite des évènements, là où votre cœur et votre esprit vous disent « aller ! aller ! ». Une frénésie ambiante s’empara des Dawis, alors que l’ingénieur en chef hurla ses ordres aux Dawis les plus lointains, lesquels s’empressèrent d’abandonner leurs tâches pour commencer celle-ci. Et tandis qu’ils scrutaient, débattaient, raisonnaient, les membres de l’équipée rongeaient leurs freins, haletant devant ce qui semblait être… Un caveau ? Un tombeau ???!!!

Alors que ceux qui n’avaient rien à faire s’éloignaient de quelques mètres pour laisser travailler les Dawis compétents, Harald repensait aux runes que le Grand Roi avait su déchiffrer. « La lignée de Tharkan »… « mille Kobolds tombés sous sa puissante hache »… Tharkan… Noble lignée, des descendants héroïques figurant parmi les plus anciens récits, remontant jusqu’à la fondation de Thanor au second cycle. Si cela s’avérait vrai, ce lieu, ce tombeau, cette sépulture, serait vieille d’au moins 9 cycles. Un lieu de recueil plusieurs fois cycléen et… Un signe des dieux ? Les Premiers fils de la Première Forge eux-mêmes bénissent l’Ungordrinin et montrent la voie au Dawi ! Le Zagazorn resplendit un peu plus encore chaque jour, et les divinités nous le prouvent !

Des coups de pioches. Des bruits de gravas. Le son d’une brosse aux poils d’écrins ramassant dans une pelle en fer les petits grava qui glissent des pelles. Les Nains dégagent le mur qui de dévoile après chaque coup d’outil. Le temps ayant fait son œuvre, certaines briques étaient trouées ou suffisamment effritées pour passer un doigt et jeter un coup d’œil, bien que l’intérieur de la structure soit d’un noir digne des ténèbres. Plusieurs minutes furent nécessaires pour excaver le pan de mur qui n’était qu’un mur sans entrée aucune. Le coin de ce mur fut trouvé, et des éboulis expliquèrent pourquoi la roche était si facile à creuser : tout n’est que gravas. Les dawis avançaient bien et dégagèrent un étroit tunnel en à peine une heure, lequel mena de grâce à une entrée. Devant la porte, plus grande qu’un Dawi, et dont le haut formait un demi-cercle, se trouvaient les restes de deux portes-torches en fer, tordus et détruits par la chute des rochers qui ensevelirent l’accès au caveau. Le bois de la porte, autrefois de fières planches de conifères aux senteurs de sapin et dotées d’une solide épaisseur, n’était plus que l’ombre d’elle-même. Les planches étaient tantôt tordues, tantôt brisées, un morceau ne tenant plus à la structure que par une travée de fer rivetée directement dans le bois. Lors des travaux de dégagement, le retrait d’un large rocher qui reposait jusqu’ici sur ce morceau de bois et de fer pendant à deux clous rouillés, produisit le son, caractéristique d’une vieille porte qui s’entrouvre et grince sans prévenir. Plus d’un Dawi sursauta immédiatement, pensant avoir à faire avec une créature à l’affut. Le frisson qui parcourut alors l’échine des Nains était un prélude à ce qu’ils iraient ressentir ensuite.

Au-dessus de la partie en demi-cercle de la porte se trouvaient d’autres runes, écrites de manière à épouser la courbe de la porte en dessous. Un mineur, curieux, mais à la fois désireux de ne pas manquer de respect aux illustres Dawis qui attendaient derrière, indiqua la présence des runes sans pour autant réussir à les déchiffrer. Il faut dire que le temps, les gravas et les mouvements de terrain, achevèrent de détruire une grande partie des gravures et des runes, devenues pratiquement indéchiffrables. Mais ce qui inquiétait surtout les mineurs, qui s’improvisaient archéologues – pour peu que cette profession existe vraiment chez les Nains – c’était la notion de sécurité. Les Dawis savent quelles monstruosités dorment au tréfond de la terre, sous des kilomètres de roche. Aussi fallait-il s’assurer de la sécurité de tout le monde.

Harald dégaina alors sa hache à deux mains, l’empoigna fermement et s’avança en direction de la porte sans prendre le temps de lire quoi que ce soit. Il jeta un œil au travers de la porte dont les planches n’assuraient plus la moindre intimité, et s’assura de la sécurité des lieux. Balayant la zone de son regard perçant, il ne trouva aucune mena sinon celle des vieux clous qui dépassent des planches et des lignages en fer, attendant qu’une main indiscrète ne s’y pose pour pouvoir l’entailler, telle les ultimes défenseurs d’une époque révolue. Il fit alors demi-tour, et s’adressa au Roi, la main sur le cœur.

- Gromrik, point de danger, sinon les clous rouillés. Mes mires ont distingués c’qui r’ssemble à une sépulture, et j’crois avoir vu des runes mais… Difficile de les déchiffrer.

Schéma:

Hardrek s'était reculé durant les travaux afin de laisser agir les ouvriers qui méticuleusement dégageaient ce qui apparut rapidement comme étant en effet un tombeau, surement enfoui suite à un glissement de terrain des millénaires auparavant. Ironie de l'histoire, cet éboulement l'avait également protégé des pillages ou des dégradations que les grobis n'auraient pas manqué sinon de lui faire subir. Lorsqu'une tranchée fut creusée jusqu'à la porte qui ne tenait plus guère debout, le fidèle Harald s'avança pour vérifier qu'aucun danger ne guettait dans les ténèbres, précaution fort utile tant les sous-sols de Miradelphia grouillaient de danger. Accompagné de quelques érudits amené en hâte de la cité, le suzerain s'avança alors et regarda l'intérieur du caveau à travers les planches disjointes.

C'est bien une tombe, on y voit encore le gisant.

Le gisant représentait un nain couché, tenant entre ses mains une lourde hache de bataille. Cela semblait confirmer qu'il s'agissait d'un guerrier mais Hardrek ne fit pas de conclusion hâtive car même un ingénieur ou un marchand se devait d'être armé dans les temps troublés où avait du vivre ce dawi. Personne d'ailleurs ne pénétra à l'intérieur du tombeau lui-même pour ne pas troubler le repos du défunt mais un des sages pointa du doigts le demi-cercle au-dessus de la porte.

Gromrik, cette sépulture est en effet très ancienne. Regardez ces runes, elles se sont quasiment effacées avec le temps mais on y distingue encore les mots "hommage au trône d'Ankorong". Le reste du texte est hélas illisible.
Cela permet donc de supposer que le dawi enterré ici était allé juré fidélité au Grand-Roi d'Ankorong ? Incroyable !

Hardrek sentit presque le sol se dérober sous ses pieds à cette seule idée : ils se trouvaient devant la tombe d'un dawi qui avait connu l'ancienne capitale du Zagazorn, à une époque où Kirgan n'existait même pas encore. Ce fut pour le suzerain du Nord comme si la longue file de ses prédécesseurs se trouvaient d'un coup à ses côtés, devenant peu à peu floue alors que les Cycles s'écoulaient vers l'aube des temps. S'appuyant sur un mur pour trouver une source de stabilisation face à l'abîme des millénaires qui s'ouvrait devant lui, Hardrek interrogea :

Pouvez-vous identifier à qui appartient cette tombe ?
Hélas non, à part la référence à la lignée de Tharkan que l'on retrouve à plusieurs endroits, nous n'avons rien vu de plus précis. Dans les textes antiques, cette formulation s'appliquait aux enfants ou aux petits-enfants d'un dawi, rarement aux générations suivantes.

Un des fils du fameux thane Œil-de-Cuivre reposait-il donc là ? Il serait malaisé d'en apprendre plus en ce jour. Des érudits et des spécialistes en runes anciennes devraient passer des ennéades, des mois peut-être en recherches minutieuses avant de récupérer plus de brides d'informations, si tant est-ce que l'état assez abîmé du tombeau leur en apporte plus. Il faudrait également interroger les prêtres de Heidum pour savoir si le Gardien du Pont verrait d'un mauvais œil de pénétrer au cœur même du tombeau pour en apprendre plus sur son occupant, ce qui s'apparentait tout de même à une violation de sépulture qu'aucun dawi respectant le Gromthikulan n'envisagerait à la légère.

Jusqu'à ce que nous en sachions plus, cette grotte sera connue sous le nom de "tombeau du fils de Tharkan". Elle sera interdite d'accès en dehors des ouvriers chargés d'en consolider la structure et des érudits que le Haut-Conseil de Thanor autorisera pour y mener des recherches, mais tous pourront venir y rendre hommage depuis la galerie principale... il faudra voir comment installer cela, une épitaphe me parait nécessaire, peut-être un autel également.

Un franc sourire éclaira la face burinée du suzerain.

Dans tous les cas, mes amis, cette découverte prouve une chose : nos glorieux ancêtres approuvent l'Ungodrinin ! Que cela soit un jour de joie pour tout le Zagazorn !

Un tombeau. Il s’agissait bel et bien d’un tombeau. Une antique structure érigée jadis pour servir de lieu de dernier repos à une illustre barbe ayant vécue il y a des cycles, à une période où les Nains exploraient le Sud des terres du Septentrion, arrivant jusqu’aux terres d’Arkan et les plaines du Brissalion, pour former le royaume tel qu’il est aujourd’hui. Enfin, pas tout à fait. Car à cette époque, Kirgan n’existait pas, et la capitale du Royaume n’était autre que l’antique et impétueuse cité Ankorong. Ce mot seul suffisait à faire frémir les barbes et les bavettes présents à proximité de ce tunnel, car toutes et tous connaissaient ce mot, et les significations qui allaient avec. Première capitale des Nains, fondée après avoir quitter les entrailles de la terre, symbole de puissance et de pouvoir, à jamais détruite et que nul ne pourrait un jour retrouver. Et voilà qu’aujourd’hui, en ces temps bénis par les Fils de la forge, on avait retrouvé le tombeau d’un descendant d’une illustre lignée, celle la même qui avait fondée la fière cité de Thanor, qui avait donnée son nom aux terres d’Arkhan, et qui avait combattu à l’époque de la guerre des Vermines, il y a un peu moins de 9 000 ans.

Osant risquer un coup d’œil, Harald s’approcha, passa une partie de son visage par-dessus les planches qui formèrent autrefois une porte, et pu voir de ses propres yeux, le gisant de marbre. Il était, comparativement aux runes, très bien conservé, et la hache qui devait avoir appartenu au cognard enterré ici, trônait toujours entre ses mains, fière, immuable, imperturbable. Une hache qui, parait-il, avait tué mille Kobolds, dernier témoin d’une époque que tout le monde pensait révolue.

Le Gazanundi, ancienne Première Hache de Lante, ancien capitaine ayant conduit son bataillon jusqu’aux portes d’Almis, jusqu’aux méandres des marais des Wandres, jusqu’aux montagnes du Kirgion, sentait alors ses jambes fléchir sous son poids. Parvenant vaille que vaille à sortir de la tranchée creusée à la hâte pour accéder à l’entrée du tombeau, il ne pu s’empêcher de tomber à genoux une fois revenu à proximité du mur qui s’était annoncé comme un prélude à cette découverte. Exsangue, sans avoir couru, tremblotant sans avoir peur, transit d’un courant électrique dans toute son échine, il ôta son heaume et le laissa choir de sa pogne sans autre forme de procès, s’arrêtant, mesurant, ce qui venait de se dérouler.

Son esprit fulminait de dizaines de pensées qui allaient et venaient dans tous les sens. Prier ? Louer Ikthor ? Se recueillir ? En tout cas, le Gazanundi était pantois, et ses jambes ne pouvant plus le porter, il se contenta de rester là, laissant à l’envie les membres de la délégation faire à leur tour le tour des lieux, afin de s’en imprégner.

Et c'est ainsi qu'après tant de Cycles révolus, puis à mesure que nous, Dawis d'aujourd'hui construisions l'Histoire du Zagazorn, elle se rappelait inlassablement à nous comme l'indéfectible soutien de ceux que nous honorions, nos Ancêtres. Nos raisons d'être.

C'est après une inspection toute solennelle du chantier – et déjà bien loin des souffrances perpétrées par le coriace festin de la veille, car l'énergie dawi était toute communicative – que nous penetrâmes une cavité toute particulière où Hardrek et d'autres nains entamèrent le début d'un raisonnement, sitôt que le guerrier Poing-de-fer eut difficilement déchiffré quelques runes par le temps étiolées. Et ce qui était inscrit annonçait probablement quelque secret mille fois séculaire. Je restai spectateur face à tant d'émotions et de réflexion, lorsqu'un peu plus tard l'on quémanda enfin mon aide.

« Je... Que.. D'a... 'Bsolument ! » Ainsi balbutiai-je lorsque, les travaux d'excavation en cours, l'on me demanda en effet d'aller chercher quelque érudit qui puisse participer à ce qui devait être par la suite une découverte sans précédents. Érudits dégotés après une course folle à travers Thanor, je les menai à temps devant la fin d'une tranchée aboutissant devant une porte. Et au Gazanundi de Lante d'écarter tout danger potentiel.

La porte, quoique plus proche de l'épave, tenait encore bon – stoïque malgré le temps impitoyable et la roche intransigeante qui l'avait tout ce temps retenue ou protégée qui sait – et elle dévoilait derrière elle ce qui semblait être une sépulture. Ce que les éminents guerriers constatèrent alors que les flammes des torches faisaient vaciller l'arme que le dawi sculpté dans le marbre tenait entre ses pognes éternelles, au centre de ce qui était je disais un tombeau, celui d'un descendant d'une légendaire lignée, celle des Tharkan.

C'est laissant donc les personnes adéquates s'occuper de découvrir et de constater, que je reculai dans le tunnel avec malgré moi l'image empreinte du gisant dans ma caboche d'animal exalté. Incroyable, oui, tout cela semblait si irréel. Afin de pouvoir plus tard prendre les directions appropriées en tant que membre du Haut-Conseil dans le but de pousser les recherches, car malgré l'imminence de la découverte tout restait encore vague et flou, je m'éclipsai à l'instar d'autres que je voyais peut-être encore plus perturbés que moi... Qui étais-je, qu'étais-je face à tant de grandeur...