Retrouvailles [Griffon]

Thaar, Tahiro, I ennéades de Bàrkios, An XVII, Cycle XI

À Son Excellence, Griffon Henrry Louis Abseyrde de Langehack, Marquis de Langehack & Seigneur de Sorrault




Votre Excellence,


Veuillez accepter mes plus sincères félicitations. Vous qui avez travaillé si fort pour posséder les terres qui vous sont dues, je ne peux que m’incliner devant un tel dévouement et une telle réussite.


Voilà plusieurs années que notre fructueuse relation commerciale est alliée nos deux nations. Une relation duquel ont grandi non seulement de nombreuses opportunités, mais qui a éclairé d’innombrables changements. Je ne vous mentirai pas, Votre Excellence, qu’une air nouvelle s’ouvre a nous, et je souhaite qu’Uldal’Rhiz et votre Marquisat puissent en tirer un quelconque avantage.


Bien entendu, je connais vos pratiques, et je sais que trop bien qu’une négoce doit se faire en face. Comme vous l’avez dit il y a quelques années déjà c’est une pratique beaucoup trop impersonnelle. C’est pourquoi je vous annonce mon passage dans le Marquisat à la dernière ennéade de ce mois.  
En espérant une nouvelle rencontre fructueuse,

Maralina Irohivrah
Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz, Membre du Conseil de Thaar
& Propriétaire de la compagnie Irohivrah

***

Isgaard, Tahiro, VII ennéades de Bàrkios, An XVII, Cycle XI

L’enfant regarda avec attention le Griffon finement taillé dans l’argent, observant avec attention la moindre silure, le moindre trait que l’artisan avait laissé. Puis il retourna doucement la broche pour voir un L de gravé. Silencieux, ses deux grands yeux verts se retournèrent vers sa mère assise sur son lit. Son visage neutre était doucement éclairé par les fanions de la cabine, alors que son regard fixait son rejeton d’un regard aimant, mais qui semblait légèrement triste. « C’est vraiment la broche de mon papa? » Maralina hocha rapidement la tête, avant de prendre la parole; «Oui, un griffon avec le L de son nom. » C’était le moment qu’elle avait tant redouté, la demie-elfe savait très bien que Lukas devrait apprendre la vérité – ou du moins une partie de cette dernière. Lukas la regarda de ses grands yeux émeraude en «Mais alors… C’est qui mon papa? Je l’ai déjà vu? » La Princesse posa doucement sa main sur les cheveux de son aîné, avant de descendre doucement sur sa joue. «Si, deux fois…  Quand tu étais petit. »


« Mais pourquoi il n’est pas venu plus souvent? Il ne m’aime pas? »


Elle mit ses deux mains sur ses joues, plantant son regard dans le sien; « Je refuse que tu penses cela, Lukas. La situation avec ton père est très compliquée. Un jour je t’expliquerais tout et tu comprendras. » Maralina soupira, peut-être était-il réellement trop jeune après tout, mais elle ne pouvait se rétracter maintenant. «Ton père est un homme très important et très occupé. Il ne peut pas venir en Ithri’Vaan à toute les ennéades. » Lukas hocha la tête, l’air pensif en regardant la broche avant de continuer; «Et il s’appelle comment mon père? »


«Griffon de Langehack, le Marquis de Langehack.»


Lukas redressa rapidement la tête, impressionné. Jamais il n’aurait pensé que son père pouvait avoir un aussi long titre! Lui qui pensait Brohan l’homme le plus puissant de la péninsule! Mais il se souvint que son tuteur lui avait appris que les Marquis étaient vraiment importants! À moins que cela soit les Ducs? AH! Et puis quelle importance! Son papa à lui était un Marquis! Une Princesse et un Marquis! Un jour il allait VRAIMENT être roi! Il pouvait sentir l’excitation montée en lui, et il avait bien hâte d’aller se vanter à Loghan! Ah il imaginait déjà les différents scénarios quand sa mère vint interrompre ses pensées; «Bien entendu, Lukas. Je compte sur toi pour garder le secret. Après tout, tu es un grand garçon maintenant. » Le petit se bomba soudainement le torse, fier comme un paon; «Comme avec papa! Euh je veux dire Brohan!  » Maralina hocha la tête, sourire aux lèvres devant ce petit si plein d’énergie. Mais soudainement, le visage de Lukas devint beaucoup plus interrogatif; «  Mais, Maman, est-ce que t’as aimé mon papa comme tu aimes Brohan? »


Maralina s’arrêta net à ses paroles. Que lui répondre? Oui, elle l’a aimé. Oui elle l’aime toujours, mais parfois il faut laisser partir les gens qu’on aime pour qu’ils puissent avancer… Elle se souvenait encore de leur discussion à Naélis. Se souvenait encore du coup de poignard au cœur qu’avait été leur discussion. Elle l’avait laissé partir par amour et elle se devait de continuer à avancer tout comme lui... Elle haussa doucement les épaules avant de continuer; «  C’était une situation bien différente, Lukas… Mais quand on aime, généralement on aime pour le restant de ces jours, juste d'une façon différente... » Elle attira son fils contre elle en souriant puis continua; «  Comme toi, je n’arrêtais jamais de t’aimer. Peu importe les coups que tu me fais. » Dit-elle en l’embrassant partout sur la tête pendant que son ainé se mettait à rire. «Je peux dormir avec toi ce soir? Mon lit sent le poisson! »


Soupir… qu’est-ce que l’on ne ferait pas pour ces enfants…

****

Langehack , Julas, VIII ennéades de Bàrkios, An XVII, Cycle XI

Le trajet s’était fait sans anicroche, aucun pirate, aucun problème de voile, et le navire au pavillon d’Uldal’Rhiz ne s’étaient rendu à bon port avec à bord, ses occupants. Plus ils approchaient de leur destination et plus la Princesse Marchande semblait nerveuse. À croire que la négoce qui se préparait serait tout sauf plaisante, elle qui n’avait jamais eu peur d’affronter un quelconque adversaire. Mais au vu de tout ce qui s’était passé dernièrement a Isgaard et en Oesgard, mieux ne valait rien sous-estimer et elle savait très bien qu’elle devait laisser ses sentiments derrière elle.  Ce fut dans cet esprit, que  la Princesse entra finalement dans le hall, droite et fière pendant qu’un héraut hurlait son nom et son titre. Mais son regard était fixé sur quelqu’un de bien plus important. Quelqu’un qui, même si le temps l’avait quelque peu rattrapé, semblait inchangé à ses yeux. La Vaanie s’arrêta à quelques pas pendant que les présentations interminables continuaient, fixant de son regard azuré l’homme devant elle. Combien d’années s’étaient écoulées depuis leurs dernières rencontres deux peut-être trois ans?


Maralina resta silencieuse un moment, un léger sourire aux lèvres alors que son regard azuré supportait le regard émeraude qui lui faisait face. Elle semblait si fière, si en contrôle et pourtant n’importe qui qui la connaissait réellement pouvait voir qu’elle n’avait aucune idée de comment aborder le sujet avec ce dernier, surtout devant les innombrables personnes présentes. Son souffle s’accéléra, alors qu’elle eut soudainement l’impression qu’ils étaient seuls dans cette immense pièce. Pourrait-elle lui sauter dans les bras? Après tout, c’était l’homme qu’elle avait laissé dernière pour lui laisser le plus de chance possible, et voilà que ce dernier avait accompli son but… À croire qu’elle avait pris la bonne décision quelques années plus tôt, cette journée, où elle eut le cœur brisé pour la première fois. Maralina expira doucement avant de redresser la tête. «C’est un énorme plaisir de vous voir, Votre Excellence. » Ou peut-être aurait-elle du dire re-voir? Peu importe, ce qui était important était l’homme qui se trouvait devant elle, là, maintenant.

Lorsque Griffon vit arriver son frère il sut qu’il allait passer un moment désagréable au grand sourire qu’il pouvait voir cannibaliser une partie non négligeable de son visage. Alors il s’arrêta dans le couloir du palais ducal et rangea soigneusement la missive qu’il avait presque terminée dans sa poche. Le prêtre franchit les quelques mètres qui les séparaient.

« Griffon, je te trouve enfin, il paraît qu’une princesse marchande va venir. »
« En effet... et? »
« Et tu as préparé tout ce qu’il faut pour sa visite de ce que j’ai pu voir. »
« Comme il se doit, oui, ce n’est pas une simple marchande comme tu le sais sans doute. » Son frère posa une main sur son épaule et fit pivoter son frère de l’autre côté.
« Viens avec moi s’il-te-plaît, nous devons parler ! »
« Galyn je n’ai pas le temps. »
« Mais si tu l’as, aller viens. »
« Tu as dix minutes. »
« Il ne m’en faudra pas plus ! » S’exclama-t-il avec une bonhommie qui faisait froid dans le dos du marquis. Ils se dirigèrent alors vers les jardins et, perdus entre les haies parfaitement entretenues, ils arrivèrent finalement devant un étang artificiel dans lequel des carpes nageaient tranquillement à l’ombre d’un saule pleureur. Les deux langecins allèrent s’asseoir sur un banc qui faisait face audit étang.
« J’en viendrais presque à croire que tu as un complot en tête Galyn. »
« Moi ? Par les dieux non. Je voulais simplement savoir comment as-tu rencontré une princesse marchande, c’est tout. » Le sourire narquois qu’il affichait fit douter Griffon qui haussa un sourcil.
« Pourquoi tu ne me dis pas ce que tu sais, on gagnera du temps. »
« Tu n’es pas drôle. »
« Tu devrais le savoir depuis le temps. » Galyn se contenta d’hocher la tête et de perdre son sourire.
« Qu’est-ce qu’elle représente pour toi ? »
« C’est une partenaire commerciale importante. »
« Une partenaire pour laquelle tu es parti incognito en Ithri’Vaan ? Deux fois. »
« Lars parles trop hein? » Demanda Griffon en poussant un soupir après plusieurs secondes de silence pesant.
« Lorsqu’il a bu on ne l’arrête plus. »
« Je l’ai aimé et… je l’aime sans doute toujours. » Galyn lui posa une main réconfortante sur l’épaule mais alors qu’il allait ouvrir la bouche, le marquis se releva. « Les dix minutes sont écoulées, il faut que j’y retourne. » Il se retourna et disparu dans le labyrinthe végétal.
« Tu ne peux pas t’échapper, Griffon. » Lui lança son frère en le regardant partir sans bouger.


La cour langecine était un endroit que Griffon n’aimait pas, c’était pourtant l’une des parties les plus richement décorées du palais, les dorures, les pierres précieuses et nobles se disputaient le regard des arrivants tout autant que les parures, souvent extravagantes, des nobles, des prêtres et des représentants des guildes. Des petits groupes se formaient un peu partout dans la pièce gigantesque flanquées de piliers, créant un étage surplombant ladite cour depuis lequel d’autant plus d’intrigants se rencontraient pour discuter dans les ombres. Sur un dais central trônait le marquis entouré de ses plus proches confidents, son frère, son fils et Gabriel de Bone et Maël de Missède pour ne citer qu’eux, échangeant quelques mots à l’occasion. Parfois quelqu’un s’avançait devant le marquis pour demander quelque chose et la personne en question avait tous les yeux braqués sur lui, ses détracteurs en profitaient, ses alliés aussi, et quelqu’un d’autre s’avançait sous les murmures des conspirateurs alentours pour soutenir ou dédire le suppliant. Mais, évidemment, la cour n’était que rarement aussi ordonné et il n’était pas rare que la situation dégénère, tout le monde en profitant pour crier ses points de vue et opinions, accuser la faction d’en face de divers crimes, imaginaires comme réels, et le tout devenait un bazar digne de Thaar jusqu’à ce que les hommes d’arme du marquis ne remette de l’ordre.

C’était justement lorsque la situation était sur le point de dégénérer que Marlina arriva la cour et, pour éviter ça, le héraut frappa plus que de raison sur le sol pour attirer l’attention avant d’hurler le nom et les titres de la princesse. Les divers membres de la cour se retirent vers les piliers pour libérer le chemin. Griffon se leva lorsqu’elle s’approcha et resta suspendu à ses lèvres.

« Soyez assuré qu’il est partagé et je tiens à vous remercier personnellement pour les félicitations que vous m’avez adressé dans votre lettre, elles m’ont profondément touchées. » Il descendit les quelques marches pour arriver à son niveau sous les chuchotements croissants des spectateurs. « Puis-je vous faire visiter le palais ? »

Parfois, il n'y a pas de choix heureux, juste certains moins douloureux que d'autres. Mais à ce moment précis, la Vaanie n’était pas certaine qu’elle avait prise la bonne décision. Il était là, devant elle et pendant un instant elle crut qu’il n’y avait personne d’autre autour d’eux.  Elle se perdit dans son regard d’émeraude, ne put s’empêcher de répondre à son sourire. La Princesse Marchande sentit son cœur s’accélérer à chaque pas que faisait Griffon vers elle, insouciantes des murmures, des regards ébahie ou outré. Il n’y avait qu’eux. Qu’eux au monde. Elle avait l’impression que l’univers s’amusait à les rapprocher, qu’il pouvait entendre le murmure de leurs cœurs, et ce, malgré la douleur. Maralina expira doucement, écoutant attentivement les répliques du Marquis. Touché? Elle n’avait que dit la vérité – La Vaanie vouait un profond respect au nouveau Marquis. Il avait conquis ce qu’il voulait par lui-même. À croire que leur douloureuse séparation avait valu la peine… Alors pourquoi se sentait-elle ainsi à ce moment précis? Maralina inclina doucement la tête, serrant les poings pour tenter de contrôler ses tremblements avant de rétorquer d’une voix ferme;  « Je ne peux que m’incliner devant la réussite d’un pair. » Elle releva doucement la tête alors qu’il s’approchait de nouveau d’elle. La princesse pouvait presque sentir son souffle sur son visage alors qu’il se mit à murmurer. Les battements de son cœur s’accélèrent et  lorsqu’il s’arrêta tout près d’elle pour lui chuchoter à l’oreille, la Vaanie ne put s’empêcher de réprimander un sourire. « Tant que cela n’est pas les geôles, je ne peux refuser cette charmante offre. » Maralina attrapa doucement le bras du Marquis pour se laisser guider. Son regard se porta finalement sur la foule qui semblait chuchoter de plus en plus fort, puis sur Théodoric qui se tenait droit sur un dais. Elle haussa un sourcil, non sans lui lâcher un sourire amusé. Il avait bien grandi depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu. Un bien beau jeune homme, la jeune Anaïs avait bien de la chance. Puis retournant son regard azuré vers Griffon, « Je suis toute à vous, Votre Excellence. »


La Princesse se laissa guider pendant quelques pas, mais s’arrêta soudainement en entendant ses gardes qui la suivirent. Elle se retourna doucement vers ces derniers avant de lever sa main libre vers ces derniers; « Cela n’est pas nécessaire. Nous n’avons pas besoin de protection. » Ulric fronça légèrement les sourcils, avant de hocher rapidement la tête en faisant signe à ses hommes. « Je compte sur vous pour ne pas causer de commotion. » Une menace à peine voilée… Mais son capitaine n’avait point besoin de cette directive pour comprendre comment il devait se comporter. Soudainement une petite brune apparut derrière les gardes. Maralina eut un sourire avant de tendre la main. « Allez viens, Lukas. » Ses grandes prunelles émeraude semblèrent briller, et l’enfant s’approchant en gambadant vers sa mère avant d’attraper doucement sa main. Il observa silencieusement le Marquis, alors que sa mère rompait doucement le bras du Marquis. « Votre Excellence, puis-je vous présenter l’héritier d’Uldal’Rhiz. » Son regard complice croisa celui de Griffon, avant qu’elle ne continue; « Voici mon fils aîné, Lukas Irohivrah. » Lukas ne perdit pas son temps et fit un salut digne des chevaliers péninsulaires qu’il admirait tant. « Bonjour Votre Excellence ! Heureux de vous rencontrer! » Il sembla hésitant un moment, tentant de déterminer s’il devait rajouter quoi que ce soit. Après tout, sa lionne de mère lui avait dit de bien se tenir. « Vous voulez voir mon épée? » Lukas dégaina rapidement son arme en bois devant le Marquis, lui montrant fièrement son habileté. « Ma maman m’a donné les meilleurs professeurs! » Il fit quelques pas en fouettant l’air devant la foule en montrant ses prouesses de futur chevalier sous le regard soit ahuri ou tout simplement charmé de la foule. « Et un jour, je serais le meilleur chevalier de Miradelphia!! » Ce petit garçon ne manquait définitivement pas d’assurance… il en frôlait presque l’arrogance au final… Comme son père.


Maralina soupira en regardant sa progéniture qui s’arrêta soudainement, non sans afficher un sourire fier sur son visage. « Je peux venir aussi? » Décidément cette entrevue ne serait pas de tout repos. Maralina se retourna vers Griffon, le regardant de ses prunelles azurées. À lui de décider, s’il voulait la compagnie de sa progéniture, mais Lukas était déterminé à en apprendre plus sur son géniteur. Ses deux grandes prunelles émeraude le regardaient avec intensité alors qu’il rengainait son épée de bois. Maralina attira doucement l’attention de Griffon en effleurant sa main de ses doigts. « Il sait… » murmura-t-elle de façon à ce que ce dernier soit le seul à l’entendre.

La réponse de Maralina lui fit chaud au cœur, presque autant que sa présence. Il avait envie de la prendre dans ses bras, il détestait faire deux fois la même erreur mais maintenant, tout comme elle, il avait des responsabilités qui ne lui permettait pas, qui ne lui permettait plus. Il retint un éclat de rire de justesse, ne laissant qu’un gloussement passer ses lèvres. Il fallait dire qu’en effet c’était tentant.

« Vous êtes sûre? J’en ai de nouvelles pourtant. »

Il fallait admettre que celles du palais n’avaient certes pas le même charme rustique qu’à Sorault, ni les mêmes fameux occupant et encore moins les divertissements animaliers mais pour la princesse marchande sans doute le marquis pourrait trouver de quoi réparer ces torts. Toutefois ça impliquerait qu’elle reste un bon moment étant donné que dresser des rats pouvaient prendre un certain temps mais était-ce réellement un problème si cela permettait d’assister à un tel spectacle ? Sans doute cela en valait l’attente.

« Vous m’en voyez ravis, commençons par les jardins dans ce cas. » Il se retourna en direction du trône qu’il occupait quelques minutes auparavant. « Théodoric je te laisse prendre ma place pendant que je m’occupe de notre invitée. » Son fils hocha la tête puis il se dirigea vers un des côtés de la grande salle afin de se diriger vers les jardins en question et une fois de l’autre côté des portes, lorsque Maralina se retourna il fit de même et attendit qu’elle eût terminé avec ses gardes. Il s’était attendu à ce que les gardes suivent leur maîtresse mais pas à ce que Lukas soit présent.

« Tout le Plaisir est pour moi Lukas. » Il répondit à la question d’un hochement de tête et devant les prouesses de son fils il sourit. « Je vois ça, ça a dû coûter une fortune à ta mère. » Comme si l’argent pouvait être un problème pour elle… bien qu’il n’appréciait aucunement le trafic d’êtres pensant, qu’ils soient humains, elfes, nains ou même drows, le marquis devait tout de même reconnaître qu’il était très lucratif. « De Miradelphia, rien que ça? » Demanda-t-il en riant. « Dans ce cas tu as intérêt à bien écouter tes maîtres d’arme, tu vas avoir de la concurrence. »

La question suivante le mit dans l’embarras, il avait envie de passer du temps seul avec Maralina et il avait prévu d’envoyer Lukas avec Maël de Missède, qui lui aussi aspirait à devenir un grand chevalier, mais comment répondre non sans être impolis, blessant ou tout simplement méchant ? Il tourna la tête vers la princesse marchande en sentant la chaleur de sa peau contre sa main et poussa un soupir.

« Oui, tu peux venir. »

Le moins que l’on pouvait dire c’était que Griffon n’avait pas été un père particulièrement présent alors pour une fois que Lukas avait l’occasion de le voir, de le rencontrer car l’enfant ne devait avoir aucun souvenir de la venue du péninsulaire en Ithri’Vaan. Il se retourna donc pour mener tout ce beau monde en direction des jardins langecins et une fois arrivé devant l’étang artificiel devant lequel s’était tenu Griffon une heure plus tôt il invita la princesse marchande à s’asseoir sur le banc.

« Alors, quelles nouvelles d’Uldal’Rhiz et de Thaar ? »

La Vaanie ne put s’empêcher de sourire devant l’adorable scène du fils qui tentait, tant bien que mal, d’impressionner son paternel. Si Griffon entra rapidement dans le jeu, Maralina vit bien que le fait de ne point se retrouver seul avec la Princesse le dérangea un peu. C’était peut-être mieux ainsi… qui sait ce qu’ils auraient pu faire s’ils avaient eu la chance de se retrouver… Néanmoins, la Vaanie attrapa doucement le bras tendu du Marquis, avant de tendre la main à son fils, qui l’attrapa rapidement. Le visage souriant, fier des prouesses qu’il venait d’accomplir devant la cour, il suivit en trottinant la princesse et le marquis. Cela ne prit que quelques minutes de marche avant qu’ils atteignissent un charmant petit jardin. Une oasis de verdure au travers des couloirs grisonnants du château. Le regard du petit Vaani se posa rapidement sur l’étang, abrité par un grand saule pleureur; « Maman, je peux allez voir l’étang? » Maralina balaya du regard le jardin avant d’approuver d’un signe de tête. Après l’incident d’Oesgard, elle était devenue encore plus protectrice envers sa progéniture. Et qui aurait pu la blâmer? Cette situation avait été des plus désagréables et elle n’avait aucune envie de la revivre. Griffon l’invita à s’asseoir, ce qu’elle fit, non sans détacher son regard de Lukas.


« Alors, quelles nouvelles d’Uldal’Rhiz et de Thaar ? »


« Uldal’Rhiz va très bien. Après avoir fait d’innombrable investissement dans la ville, et prospère finalement. Les gens sont heureux, et se croient en sécurité. J’ai recruté sans compter pour avoir une garde effective. » La Vaanie s’arrêta un moment, avant de continuer; « Mais la garde d’une ville n’est pas de taille contre les Osts de l’Elda. » Son regard se porta sur Lukas qui tapotait sur l’eau à l’aide d’un bâton en bois, s’amusant à observer les gigantesques carpes qui tournoyaient autour, puis elle continua; «Ce qui m’inquiète, c’est Thaar. La ville s’est dit qu’elle resterait neutre pendant le conflit. Mais c’est les Princes Marchand, nul ne se fait confiance l’un à l’autre et tous manigancent les uns contre les autres…» Maralina eut un demi-sourire, elle était bien placée pour en parler, elle qui n’attendait que le moment opportun pour faire tomber ses nombreux ennemis. «Je sais que des choses se trames dans les ruelles et je serais prête à répliquer à ce moment-là, mais pour le moment, je ne peux qu’attendre jusqu’à cela explose. » La Vaanie soupira avant de reporter son regard vers sa progéniture qui jouait toujours un peu plus loin; « Mais tout cela reste encore à voir. La reine du Puy tente de se montrer coopérative, mais rien ne nous dit si elle nous ment ou non. » Et c’était vrai. Bien qu’elle détestait cette option, bien qu’elle s’était préparée en cachette à chaque avancée, tout dépendait de Krish Al’Serat et de ses envies…


«Griffon… » Maralina baissa doucement ses yeux vers le sol, pensive. Puis, releva doucement ses prunelles azurées vers le Marquis. «Je ne peux te mentir. Je suis venue pour un but très précis… Tu te souviens lors de notre première rencontre? Je t’avais demandé une faveur et je crois que c’est le moment de te la demander. » L’air sérieux de la Princesse Marchande ne laissait rien au hasard, des choses horribles se tramaient en Ithri’Vaan et mieux valait être prête à toute éventualité. « En fait, j’ai deux faveurs à te demander… La première est celle que tu me dois. » La Vaanie lui prit doucement les mains, plongeant son regard dans le sien. «Promets-moi de protéger les intérêts de Lukas à Uldal’Rhiz.» Oui, cela impliquait de se déplacer, de l’aider à se préparer a une possible guerre. Il n’y avait rien de plus incertain que le sort de la Principauté, mais la Princesse se battrait pour donner ce qu’elle avait conquis à ses enfants. «Et la deuxième… » Maralina s’arrêta net, tentant de reprendre le contrôle de sa voix qui commençait à trembler. Le fait qu’elle lui demande cela la terrifiait. Les choses allaient mal, très mal, et elle devait se parer à toute éventualité. Elle soupira, en baissant une nouvelle fois le regard, serrant doucement la main du Marquis dans les siennes. Silencieuse, elle observa ses mains, tentant de penser à la meilleure façon de lui demander cette immense faveur.  «C’est une demande d’une mère désespérée… Si jamais il m’arrive quelques choses… » Maralina releva son regard pour le planter dans les émeraudes de Griffon; «Je te supplie de prendre soin de notre fils. »

L’étang n’était de toute façon pas profond, à peine y avait-il assez d’espace pour que des poissons ne se rentrent pas dedans, après tout à quoi servirait ledit étang s’il n’était pas toujours possible de voir les poissons en question ? C’était de toute façon bien à ça qu’ils servaient : être vu. D’ailleurs le marquis se demandait s’il ne manquait pas un spécimen mais bon, ce n’était pas vraiment le moment de se poser la question, surtout que ce n’était pas vraiment son rôle de s’assurer de ça.

« Tu m’en voies ravis. Pourvu que ça dure. » Toutefois la phrase qui suivit semblait supposer que ça ne risquait pas de durer. « Je ne pense pas que tu aies vraiment à t’inquiéter, il y a une sacré route de Sol’Dorn à Uldal’Rhiz, si jamais les noirelfes décident de bouger tu le sauras bien assez tôt pour te défendre, ça devrait te faire gagner assez de temps pour que tes collègues et toi puissiez vous organiser et les repousser. »

La réponse de Maralina lui fit hausser un sourcil et il alla s’asseoir à côté d’elle. Son regard absent se fixait sur Lukas pendant qu’il écoutait la mère de ce dernier. Les nouvelles n’étaient visiblement pas bonnes et plus elle parlait et plus elles empiraient. Si les eldéens s’attaquaient à l’Ithri’Vaan sans doute la couronne allait intervenir, ne serait-ce que pour contenir une menace qui risquait de s’en prendre à la Péninsule.

« A ta place je partirais du principe qu’elle vous ment, ces engeances ne sont pas connues pour leur honnêteté. Et encore moins leur altruisme. »

Lorsqu’elle l’appela il tourna la tête et déglutit, il se doutait bien qu’elle n’était pas simplement venue pour prendre des nouvelles alors il hocha la tête. Il s’en souvenait très bien, leur première rencontre avait été plutôt… atypique et ce qui avait suivi l’avait été encore davantage. Son cœur s’accéléra alors qu’il serra les mains de la princesse.

« Je vais faire ce que je peux mais je ne peux rien te promettre, le futur est aussi incertain pour le royaume et je ne sais pas si je pourrais faire quoi que ce soit. Notre roy n’est qu’un enfant et… dans tous les cas j’essaierais. Et la deuxième ? »

Griffon attendit, la gorge nouée. Au final il ne savait pas ce qui le terrifiait le plus : le fait qu’il ne savait pas s’il pourrait faire quoi que ce soit pour elle ou le fait qu’elle avait du mal à lui demander quelque chose. Une fois le souhait de Maralina formulé il déglutit avant de la prendre dans ses bras et de la serrer contre lui.

« Je te promets que Lukas aura toujours une place à Langehack. »

« Je te promets que Lukas aura toujours une place à Langehack. » lui répondit-il avant de la serrer dans ses bras.


Si au départ la Vaanie s’était crispée sous la démonstration sentimental du péninsulaire, elle  se détendit rapidement avant de déposer son front contre l’épaule du marquis.  Ses mains se glissèrent doucement sur son torse, agrippant doucement la tunique de ce dernier. Ses dents se resserrent alors qu’elle tentait de retenir ses larmes. Puis, ces poings se refermèrent, tentant tant bien que mal de contenir ses tremblements. Est-ce que la Vaanie avait peur? Oui définitivement. Tout pouvait tourner si rapidement, tout lui semblait bien plus dangereux maintenant qu’avant et elle se devait de préparer à toute éventualité, l’une d’elle était  une guerre. Chose auquel elle ne connaissait absolument rien.  Maralina savait comment détruire des gens, comment les manipuler pour qu’elle arrive à son propre but… mais comment mener des milliers d’homme à la victoire? Non, cela était une toute autre partie à laquelle on ne l’avait pas préparé. Maralina sembla doucement sortir de ses pensées, ses poings se décrispèrent avant qu’elle n’écarte doucement les doigts sur la tunique de Griffon.  Puis, un léger sourire apparut sur ses lèvres. « Parfois je me dis que finir comme ta prisonnière aurait été bien plus facile. » dit-elle comme pour le rassurer. Elle se détacha doucement du marquis, plongeant son regard dans le sien. « Merci. » murmura-t-elle dans un souffle.


Maralina observa silencieusement le Marquis avant qu’un timide sourire ne vint orner ses lèvres. Sa main se déplaça soudainement pour atteindre la joue de l’homme, caressant doucement cette dernière du pouce. Cela lui semblait si surréaliste, un bonheur éphémère, qui était passé sans s’arrêter, même le temps d’une illusion.  Et pourtant elle aurait tout donné pour le retenir, le garder. Ses souvenirs si fragile, si vulnérable... mais qui voulait dire tellement. Elle se souvenait encore de leur première rencontre dans les bois près de Sorault, de son attitude détestable qui l’avait pourtant charmé et de l’audace qu’il avait eu de se présenter à Uldal’Rhiz quelques ennéades plus tard… comme obnubilé par elle. « Pardonne moi, je devais à tout prix te le demander… Il n’y a pas une nuit où je n’y pense pas… Pas une nuit où je ne pense pas à ce qui aurait pu nous arriver… ou ce qui nous arrivera. » Maralina perdit doucement son sourire, observant silencieusement le Marquis avant de le caresser une nouvelle fois du bout des doigts. Puis un bruit vint attirer son attention, la Princesse se retourna doucement pour apercevoir Lukas qui tapotait toujours gaiement la surface du petit étang. Voir son fils ainsi, si innocent, lui ferait toujours aussi chaud au cœur.  Encore trop jeune pour se soucier de la misère du monde mais bien au courant de tout son potentiel et des limites de son monde.  « Il n’y a pas une journée où il ne me fait pas penser à toi… Même yeux et même arrogance… »  Un sourire sincère au visage, les prunelles azurés de la Princesse se retournèrent vers Griffon, observant sa réaction.


Elle retira doucement sa main, la posant doucement contre la pierre avant de pencher légèrement la tête sur le côté. « Alors dit-moi… Comment se sent-on lorsque l’on est Marquis? J’ai eu aussi le bonheur d’apprendre que Théodoric était finalement fiancé à une belle Odélianne! » Inutile de lui mentionner ce qui s’était passé avec le père de sa future belle-fille, après tous les nouvelles finiraient bien par le rattraper…