Petits poids

6ème ennéade de Barkios 17 :  ~ Automne

Cela faisait moins d'une ennéade que les armées étaient enfin rentrée au Puy, la joie de la victoire était encore présente, mais c'était surtout la joie de retrouver leur famille pour ceux qui en avaient fondé, ou tout simplement leur chez-soi qui habitait les cœurs de ses compatriotes. La prêtresse, elle, après son procès, n'avait qu'une envie : reprendre le travail.

Et parmi son travail qu'elle n'avait surveillé que d'un œil, c'était l'étude pour le compte du Grand Architecte. Elle avait bien reçu des rapports auxquels elle y avait répondu, mais c'était autre choses que de les voir. Alors, elle avait hâte. Bien entendue, elle transmis un courrier qui dû se balader un petit peu pour prévenir le Grand Architecte de sa venue. Et ce jour, qu'elle attendait tant était venu… Un grand registre sous le bras, la prêtresse poussa enfin la porte qui allait lui permettre de rencontrer ses nouveaux sujets d'étude.

Le contre-maître accueillit la servante de Kiran comme toujours avec du respect. Durant leur année de correspondance, ils s'étaient un peu rapprochés et échangèrent des anecdotes dont ils furent les seuls à en sourire. Puis ils s'installèrent à un bureau tout en continuant de discuter de leurs protégés. Pour la plupart, ils continuaient à être bien portant, ils avaient continué leurs efforts pour maintenir leurs acquis. C'était intéressant de voir que leur effort continuer de porter.

Cette longue étude avait été découpé en plusieurs phases dont aujourd'hui, ils discuteraient des résultats du premier volet.

Pour ce premier lot, tout semblait bien se dérouler, mis à part un couple qui avait toujours refus de copuler, même avec du Darnak. Ils avaient osé attendre qu'ils soient revenu pour le faire avec d'autre. C'est ainsi qu'il y eut deux spécimens supplémentaires. Mais par manque de traçabilité des géniteurs pour la mère, les petits furent remis en offrande au culte de Natha.  Le plus important était que tout les petits étaient nés, âgés d'un peu plus d'un an pour les plus vieux et de trois ennéades pour les plus jeunes. Ils étaient tous présents et même un peu plus pour les témoins.

Hasard du calendrier, ou bien heureux présage, il fallait trier les témoins pour en céder un tiers environ au culte de Natha pour les remercier de leur aide et pour la nouvelle union à venir. Et c'est ainsi qu'une trentaine de bambins, humains, défilèrent dans le petit bureau.

C'était son énième nourrisson. Na'ri le regardait avec la mine indiquant que sa patience s'était déjà évaporée depuis un bon moment. Elle s'était dévêtue depuis que sa robe avait été étoilée par une projection jaune d'or alors qu'elle avait déjà cumulé plusieurs rejet gastrique à l'odeur inimitable de lait caillé. Gênés, les esclaves lui avaient proposé un pagne en attendant que la tenue lui revienne propre. Elle tenait l'enfançon sur ses avants bras qu'elle avait posé sur le bureau, depuis longtemps déménagé. Elle avait l'envie irrésistible d'envoyer cet être imparfait et dysfonctionnel par la fenêtre. L'autre s'époumonait tant et plus à en devenir totalement écarlate.  

" Hurle, au moins je n'ai pas à contrôler tes pommons. Ils fonctionnent eux au moins. Mais je ne t'entends plus… " Elle se pencha en avant pour vérifier la forme du crâne quand elle reçu un coup de jambe dans un sein. " Je sais, je sais, tu as un bon tonus…" Enfin, elle le retourna d'un geste vif qui augmenta encore le volume sonore, elle ignorait que cela fusse possible. " Colone vertébrale, correcte ". D'un geste lasse, elle rendit le bambin à sa mère.

- "Je ne comprends pas, il est si calme d'habitude, il ne pleure quasiment jamais."

Cette phrase, elle l'avait tellement entendu aujourd'hui, que la médecin étira mollement ses lèvres dans un sourire sans joie.  

- " A plus tard… " De la main, elle congédia les éphémères. Alors qu'elle déposa son registre sur le bureau pour y noter ses observation, le contremaitre entra avec une bassine d'eau.

- " Dites moi, avez-vous des enfants ? " Sentant l'entourloupe venir, le sombre se contenta d'une réponse évasive.
- " Je ne comprends pas. Comment ces créatures font ils pour survivre ? Comment est que l'on en arrive à s'attacher à eux ?
- Peut être grâce à l'instinct maternel. Peut être parce qu'il existe une connexion unique et forte entre la mère et son enfant.  
-  Peut être… " Elle se demandait comment cela était possible qu'après avoir eu un enfant, les femmes pouvait en faire d'autres. Une chose dont elle était certaine, les prêtresses de Natha avaient bien du mérite.

Après avoir pris le temps de noter soigneusement ses observations, elle se lava les mains pour la énième fois.

"C'est le dernier !
- Tant mieux ! "

Quelque minute après, elle se retrouva avec un nouveau paquet dans ses bras. Il avait des grands yeux, légèrement bleutés.

" Alors… tu n'arriveras pas à me surprendre."

Sur la frimousse ronde, les lèvres s'étirèrent légèrement.

" Ainsi tu veux me prendre aux mots ? Et bien soit, vas y ! "

Les yeux nouveaux s'étirèrent et un rire fusa de la bouche édentée tandis que la soignante était bouche bée. Elle se surprit à avoir le cœur attendri.

Myr’Hennis était assis à son bureau, seul. Enfin il y avait Plynnil mais comme cette dernière n’était pas une drow pure et encore moins une drow libre, elle ne comptait pas. Pour l’occasion il avait demandé aux gardes de sortir, de toute façon ils n’étaient pas nécessaires à l’intérieur, car aujourd’hui il travaillait sur un projet tout particulièrement important : la nouvelle salle d’audience d’Elda. Il n’avait que peu d’espoir de la finir pour le mariage, après tout même si cela faisait quelques ennéades qu’il y réfléchissait, il ne s’était penché sur la confection des plans que récemment. Son bureau était un bazar sans nom, au désordre ordinaire il fallait rajouter nombres d’ouvrages et de plans préexistants de l’Etat-Major car une pièce aux dimensions titanesques comme celle qu’il avait en tête ne s’ajoute pas comme ça. Alors que l’architecte lisait un passage du corpus des révélations d’Elda, car forcément il ne fallait sous aucun prétexte oublier les dieux lors d’un tel chantier, on frappa aux portes. Myr’Hennis arrêta de jouer distraitement avec une mèche de ses cheveux et termina sa page avant de tourner la tête Plynnil pour lui faire signe d’aller ouvrir. Il avait demandé à ce qu’on ne le dérange sous aucun prétexte, sauf un, et ce fut avec un sourire qu’il regarda l’esclave aller ouvrir les portes ; pour son plus grand malheur il put la sentir avant de la voir.

Une daedhelle entra aux côtés de son assistante qui faisait tout ce qu’elle pouvait pour masquer le dégoût que lui inspirait la nouvelle arrivante.

« Par les onze Pa’Vren, tu ne te laves donc jamais ? »
« Si, tous les jours ! » Répondu l’intéressé avec un sourire radieux.
« En effet, ça se sent. » Une fois que l’architecte eut fini de grogner, Pa’Vren s’approcha de lui mais il l’arrêta d’un geste. « Hors de question que tu m’embrasses, c’est une infection. »
« Je suis contente de te revoir aussi, Myr’. »
« Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça. » Gronda-t-il. « Mais je suis contente que tu sois venu avec quelques ennéades d’avance, avec un peu de chance on arrivera à faire disparaître l’odeur de Faélia à temps. »
« C’est peut-être insupportable pour toi mais cette odeur m’aide à survivre ! » L’indignation parfaitement audible ne fit rien pour tempérer Myr’Hennis.
« Et en l’enlevant je t’aides à survivre au Puy. Regardes-toi Pa’Vren,.. » elle n’en fit rien mais lui oui.

La daedhelle était habillée de ce qui avait été, jadis, de larges robes indiquant son appartenance à la prêtrise de Leetha qui étaient aujourd’hui couvert d’une couche de crasse et, plus généralement, de boue qui se retrouvait également dans ses cheveux, les privant ainsi de leur magnifique teinte d’argent naturelle et justement, entre deux mèches collées ensemble par de la boue séchée, un serpent corail pointa le bout de son museau et de sa langue.

« Je vois que Spa’Gett est toujours vivant. »
« Et il va très bien. » Elle ponctua sa phrase en gratouillant la tête de son compagnon.
« Bon, tu vas prendre un bain, je vais te donner des vêtements et ensuite tu vas aller t’en acheter de nouveaux pour le mariage et par tous les dieux fait un effort, choisis une tenue digne d’un mariage royal. »
« Tu peux me faire confiance ! »
« J’en doute... » Répondit-il alors qu’elle se retournait pour partir avec Plynnil.

Plusieurs heures plus tard on frappa à nouveau à la porte.

« Entrez. » Ordonna-t-il sans même lever les yeux de son dessin et il aurait préféré ne pas le faire.

A côté de Plynnil se tenait Pa’Vren dans sa nouvelle tenue, un autre de ses grands sourires, bien trop heureux au goût de Myr’Hennis, aux lèvres, Spa’Gett remontait son bras pour se diriger vers l’épaule de sa maîtresse en sortant de temps à autre sa langue fourchue tout en faisant ses petits bruits de serpent qui irritait le maitre des lieux.

« Pa’Vren il me semble t’avoir demandé quelque chose. » Il ne prenait même pas la peine de cacher son agacement et ça ne tempéra en rien la bonhommie de la prêtresse.
« Mais regardes, j’ai pensé à toi ! » Elle désigna alors tout ce qui était rouge dans sa tenue, les talons de ses bottes et ses innombrables bijoux pour ne citer que ça.
« Si cela peut vous rassurer maître, il manque les jupons pour que la tenue soit complète. » Une fois son intervention terminée, et le hochement de tête de Myr’Hennis, Plynnil poursuivit. « J’ai pu observer, une fois la prêtresse lavée, que son œil était gonflé. » L'intéressé se tourna vers l'esclave, une expression outrée sur le visage.
« Tu m'as promis que tu ne lui dirais pas! »

L’architecte se tourna donc vers Pa’Vren, un sourcil haussé.

« Les gardes à l’entrée des Profondeurs n’ont pas voulu me croire quand je leur ai dit que tu m’attendais et ils m’ont dit de dégager. Quand j’ai insisté ils sont devenus un peu violents. »
« Tu te souviens de leur visage? » Gronda Myr’Hennis. « Plynnil va me chercher Ashal. » L’assistante s’inclina et partit au pas de course.
« Non mais c’est pas bien important, laisse tomber. »
« Enlèves tes lunettes. »
« Myr’ c’est pas grave. »
« Enlèves. Tes. Lunettes. » Elle obtempéra et le moins qu’on pouvait dire c’était que les gardes ne l’avaient pas manqué. « Viens avec moi. »

Tous deux, suivis par une poignée de gardes, se dirigèrent vers le quartier des esclaves où le Grand Architecte savait que Na’ri travaillait et il tomba sur une scène qui le surprit particulièrement et qui l’irrita, principalement parce que le large sourire idiot de Pa’Vren était revenu. Myr’Hennis se racla donc la gorge pour signaler sa présence.

« Na’ri, j’aimerais que tu t’occupes de la blessure de ma sœur et toi Pa’Vren t’as intérêt à faire tout ce qu’elle te dira. »

" Que ce jour vous soit bon, Grand Architecte. "

La prêtresse salua le maître des lieux et son accompagnatrice de par son habituel garde à vous. Cela eut pour effet de mettre le bébé dans une situation assez périlleuse, manquant de rencontrer le plateau du bureau, si la sombre n'avait pas tenu fermement le mollet. La medecin rendit l'enfant, tête en bas, à sa mère en lui murmurant des excuses. Celle le récupéra rapidement et s'enfuit sans demander son reste.

" Je suis à vous…" Annonça t'elle alors qu'elle se lavait les mains méticuleusement. Quand elle se retourna, elle ne vit que le sourire de la jeune demoiselle. Sans trop savoir pourquoi, elle lui était sympathique.

" Je vous en prie, asseyez vous. C'est pour l'œil ? "

Profitant que Pa'Vren se place, Na'ri prit rapidement son registre sur lequel elle griffonna rapidement les données obtenues. Ce n'était que des abréviations mais elle pourra les reprendre un peu plus tard, plus au calme. Chaque enfant avait une page qui lui était réservé. Leur nom était constitué des quatre premières lettres de leur père et des quatre dernières lettres de leur mère pour les garçons pour les filles la mère était avant le père. C'est ainsi qu'il y eut un Marb'Ilex et une Ardo'Anit. On y retrouvait notamment leur date de naissance, leur taille et leur poids de naissance ainsi que leur groupe. Et bien sûr les observations pour la visite de ce jour. Une fois fait, elle abandonna le livre sur le bureau, bien en vue du Grand Architecte, pour porter toute son attention à sa nouvelle patiente.

La medecin observa la blessure. Elle n'avait pas encore prit la teinte bleutée si caractéristique. Mais après cette évidence, elle chercha son consentement pour l'usage de sa magie, qu'elle eut. Alors la sombre prit la main délicate aux doigts lourdement parés et y dessina des arabesques.

Les uns après les autres, elle tissa ses sorts pour drainer ce qui pouvait l'être, apaiser et accélérer la régénération. Cela lui pris un certain temps. Temps durant lequel, elle ne vit pas le serpent. De ses écailles colorés, il faisait un magnifique bijou dont les anneaux de grenats et d'onyx étaient magnifiés par le blanc immaculé qui les démarqué.

Myr’Hennis ne répondit pas à la prêtresse de Kiran, il lança un regard au contre-maître avant de se tourner vers le couloir comme s’il attendait quelqu’un. Pa’Vren, comme lui avait ordonné son frère écouta Na’ri et vint s’asseoir, son sourire ayant disparu puis elle hocha la tête, c’était bien pour l’œil. Pendant que le registre se remplissait, des bruits de pas métalliques se firent entendre dans le couloir, le maître des lieux se tourna pour accueillir Ashal qui salua son patron.

« J’ai des gens à châtier, viens avec moi. » Se contenta-t-il de dire avant de sortir une fois que Na’ri s’était attelé à la tâche, son assistante et le commandant de sa garde personnelle sur les talons.

Quant à Pa’Vren elle attendait tranquillement, lorsqu’on lui demanda si on pouvait user de magie sur elle, elle hocha la tête, le contact sur le dos de sa main lui arracha un frisson. C’était une sensation qu’elle avait oubliée, qu’on utilise de la magie de la vie sur elle, une sensation étrange, qui se manifestaient de diverses façons. Parfois il s’agissait de picotements, parfois d’une douleur, plus ou moins vive, plus ou moins prolongée, c’était, au final, une façon assez intime d’entrer au contact avec quelqu’un. La prêtresse de Leetha, n’ayant pour d’yeux que Na’ri et la façon dont elle tissait ses sorts, ne surveillant pas Spa’Gett, ne le regarda pas serpenter doucement vers la soigneuse jusqu’au moment où il atteignit ses bras dénudés. A partir de ce moment elle le surveilla étroitement et avant de bouger elle attendit que Na’ri eut fini de lancer son dernier sort.

« Excusez-moi… » Pa’Vren ne bougea pas la main que tenait la soigneuse mais elle place son autre bras contre le premier dans l’espoir qu’il se décide à changer, il commença à ramper sur le second bras et la prêtresse de Leetha sépara lentement les deux jusqu’à ce que Spa’Gett se retrouve entièrement sur le second qu’elle posa alors sur une table pour le laisser se promener. Elle se débarrassa ensuite de ses bagues, du moins celles qu’elle avait à sa main libre qui tombèrent sur la table de pierre en faisant un bruit qui était plus fort qu’elle ne l’avait anticipé. Pa’Vren se tourna alors vers Na’ri avec un air contrit, espérant ne pas l’avoir trop déconcentré.

« Désolé, je déteste les bijoux. » Expliqua-t-elle pour briser le silence de peur qu’il ne soit gênant. « Et sinon… vous avez des enfants ? » Après une seconde de réalisation elle passa sa main libre devant sa bouche. « Si je parle trop n’hésitez pas à me le dire, j’ai pas trop l’habitude vous savez et puis... » elle s’arrêta en plein milieu de sa phrase et se mit à contempler la pièce autour d’elle, mal à l’aise.

Lentement le serpent se déplaçait. Ce fut quand Pa'Vren bougea son second bras, que Na'ri entrevit l'animal. Mais sa maitresse devait commencer à s'impatienter également. Elle s'excusait. Elle était désolée. C'était des mots que l'on entendait rarement de la bouche du maître des lieux. Alors, à chaque fois les oreilles de la sombre frémirent, faisant légèrement s'agiter ses cheveux de neige qu'elle avait natté à la hâte.
A sa dernière remarque, la prêtresse relâchât sa magie. Elle n'avait pas tout à fait finit mais sa patiente n'était pas bien.

" Pardon. Est-ce que j'ai été trop brusque ? " La servante de Kiran recula de quelques pas en laissant de l'espace à sa patiente. Puis elle s'assit en tailleur sur le sol.
" Pour vous répondre, aucun enfant n'est né de mon sein. Je n'ai non plus aucuns à poils, à plumes ou à écailles. Par contre… Un sourire doux se dessina sur les lèvres d'ébènes. Il y a des enfants d'Uriz que j'aime ou que j'ai aimé comme les miens. Et vous ? Avez-vous eu ce don de Natha ? "

Puis l'attention de papillon de Na'ri la tira vers autre chose, vers cette créature que bien des incultes catégorisait comme une vermine. Elle regarda le serpent se mouvoir sur la pierre du bureau. Elle fut amusée de voir qu'il avait été attiré vers l'endroit où elle avait posé les nourrissons. Petits ou grands, les animaux la fascinait autant qu'elle les craignait. Elle pouvait passer des heures à les observer mais jamais elle n'avait osé les toucher.

" Comment vient on a adopté un si beau serpent ? " Le coude sur une cuisse, elle cala son menton dans la paume de sa main.

« Non du tout. »

Pa’Vren regarda Na’ri s’éloigner en regrettant d’avoir parlé et lorsque cette dernière s’assit sur le sol alors elle en profita pour se débarasser du reste des bijoux qui l’encombraient qu’elle déposa alors sur la table, par où Spa’Gett était passé pour se diriger vers les tâches de chaleurs sur la table. Elle avait encore des pierres dans les cheveux lorsqu’elle se retourna en entendant la soigneuse lui répondre alors la sœur de Myr’Hennis, voyant son interlocutrice assise au sol, fit de même et quitta sa chaise pour s’asseoir devant l’autre prêtresse.

« J’ai eu une fille mais maintenant je n’aime plus que les enfants de Leetha, c’est plus simple. »

Elle se força à sourire mais ne put former qu’un sourire triste, elle tourna la tête pour chercher où était passé son serpent avant de revenir reporter son attention sur Na’ri lorsque cette dernière posa une autre question ; son grand sourire d’ordinaire était revenu après avoir vu Spa’Gett à la recherche de ce qui avait bien pu réchauffer la table mais sans trouver quoi que ce soit malgré ses tentatives.

« C’est pas bien compliqué, je vis dans une cabane dans les marais de Faélia alors forcément, les serpents et les occasions de les apprivoiser ne sont pas ce qui manquent. » Son sourire disparu lentement en se rendant compte de ce qu’elle venait dire, et surtout à qui elle venait de le dire : une inconnue qui travaillait pour son frère. Elle se mit alors à rapidement défaire sa botte pour remonter son pantalon et dévoiler un tatouage sur son mollet : un serpent vert s’enroulant tout autour de sa cuisse. « On ne dirait peut-être pas comme ça mais je suis une prêtresse de Leetha. »

Elle l’avait déclaré avec une certaine fierté bien qu’on puisse deviner un peu de gêne. Bien qu’elle ne vienne pas souvent au Puy, et lorsqu’elle y était elle n’y restait de toute façon pas longtemps, elle ne voulait pas que sa condition puisse causer du tort à Myr’Hennis. Elle ne voulait pas que des rumeurs se mettent à circuler disant que le Grand Architecte avait une sœur qui ne vivait même pas dans le Vatna. Pa’Vren se releva alors brusquement.

« Je reviens tout de suite, il faut que j’aille chercher quelque chose. »

Sans attendre de réponse elle se retourna et partit de la pièce d’un pas rapide, elle revint un quart d’heure plus tard avec une besace en bandoulière qu’elle posa délicatement sur la table. Ladite besace sentait les marais car si Myr’Hennis avait ordonné à sa sœur de se laver dans autre chose que de l’eau stagnante, ce n’était pas le cas de ses affaires, ses vêtements ayant été brûlés, juste pour être certains qu’ils ne risquent pas de contaminer ses esclaves éphémères.

« J’aimerais vous offrir quelque chose, pour vous remercier des soins. »

Pa’Vren fouilla quelques instants dans sa besace pour en sortir triomphalement… un champignon à la forme bien étrange.

Les champignons:

« Je les fait pousser comme ça parce qu’ils me font rire, on dirait presque des gens. » Fit-elle remarquer en gloussant. « Prenez un de ses… cheveux et mangez-le. » Expliqua-t-elle avant de montrer l’exemple, elle dû un peu forcer pour réussir à rompre un bout du champignon qui semblait être assez élastique. « Le chapeau est bizarre, il rebondit. » Le champignon n’avait en lui-même pas énormément de goût, un peu terreux mais sans plus, et le chapeau en question était très caoutchouteux. « J’ai essayé d’en faire pousser des géants pour pouvoir sauter dessus mais pour le moment j’ai pas encore réussi. »

La prêtresse de Kiran nota la tristesse dans le sourire de la prêtresse et l'usage du passé. Mais déjà, Pa'Vren avouait sa prêtrise. La pudeur de la sombre l'a rendit encore plus attachante.
A son retour, la prêtresse jumelle retrouva Na'ri habillée. Pour venir voir le Grand Architecte, la daëdhelle avait fait un effort en laissant ses tenues de gros draps fatigués au temple pour une robe offerte par l'ex Triumvir Viconia. Le haut était ajusté jusqu'à la taille, la jupe était plus courte à l'avant qu'à l'arrière. Les esclave avait réussit à faire disparaitre complètement les différentes tâches et surtout l'odeur. Elle était encore légèrement humide mais ce n'était pas grave. Assise sur une chaise, elle observait le serpent.
En effet, sur le marbre, il y avait un saladier qui flotté dans un autre, plus grand. L'eau entre les deux était encore chaude.

" Mais je n'ai pas encore fini les soins… " Mais la prêtresse de Leetha ne l'entendit pas et continua sur son offrande.
" C'est vrai qu'ils sont jolis ! " Ses connaissances en botaniques concernant la reconnaissances des végétaux remontaient à loin. Très loin. Elle fut bien incapable de nommer le dit champignon.

Sur les recommandation de son homologue, elle prit un des cheveux de son champignon. Sous ses doigts, elle trouva la texture souple et douce. Effectivement, il était rebondissant. Mais au lieu de porter à sa bouche le champignon, la prêtresse de Kiran le reniffla. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas confiance en la pretresse de Leetha mais… en fait si un peu. Alors elle posa le champignon et son chapeau sur le bureau avec un sourire.

" Mais avant, il faut que je finisse de résorber l'hématome. Puis-je reprendre votre main ? Pa’Vren hocha la tête et tendit sa main mais pas tout à fait en direction de Na’ri, à la place ladite main alla se perdre entre la soigneuse et la table et pas tout à fait à la bonne hauteur mais bon elle faisait ce qu’elle pouvait. Alors, Na'ri se réinstalla par terre, pour que cela soit plus confortable pour elles.

" Comment faites vous pour tenter de faire pousser les champignons en plus grand ? " Pa'Vren touchait également au vivant et cela intéressait énormément Na'ri. La seconde prêtresse tourna légèrement la tête sur le côté, dans le prolongement de son bras tendu, avant de répondre.

« Je fais pousser les champignons normalement puis avant qu'ils n'arrivent à maturité j'utilise la magie de la vie pour les faire grandire davantage mais vu que je suis nul en magie j'ai pas encore réussi à les faire grossir suffisamment pour pouvoir sauter dessus. »

" Ho ! Comment cultivez vous ces champignons ? J'ai... un petit qui est intéressé par les champignons. Pour le moment que pour les éplucher… Mais bon. L'efficacité de son sort était fluctuante, comme sa concentration mais elle arrivait à le maintenir.

« Tu as raison, techniquement on peut sauter dessus, c’est juste qu’on rebondit pas... » la prêtresse de Leetha tourna ensuite la tête vers Na’ri. « Je ne les cultives pas, je les laisses pousser librement et quand je les trouves j’essayes de le faire grandir. » Sa tête reprit ensuite sa position initiale. « Oui bon c’est vrai que je vous cherche un peu mais en même temps faut mieux vous cacher et puis j'y peux rien si vous aimez pas vous faire éplucher, vous allez quand même pas refuser ça à un enfant! »

La prêtresse n'avait pas encore fini, alors, elle ne chercha pas encore ce que regardait aussi assidument sa comparse de Leetha. Ni d'ailleurs à qui elle parlait même si elle avait sa petite idée. Elle ne sentit pas que son sort s'évaporait petit à petit. Ses sensations avaient légèrement modifiées, c'était plus agréable, comme si elle se trouvait dans un cocon.

Pa’Vren se leva alors brusquement, retirant sa main d’entre les doigts de Na’ri qui eut une violente nausée du contre coup de l'arrêt brutal de son sort. La prêtresse de la Rampante pointa un indexe accusateur sur le mur du fond de la pièce, son autre poing s’étant serré, ses phalanges avaient blanchies.

« Hé! J’ai pas insulté tes dieux alors un peu de respect ! »

Furieuse, elle referma sa première main pour former un poing en une menace silencieuse avant de reculer comme si on venait de la frapper puis de courir autour de la table. Après deux tours elle s’arrêta devant sa besace et fouilla frénétiquement dedans.

" Laissez les dire… Laissez les dire… Et puis l'enfant n'est pas là. Il les laissera tranquille mais pour cela il faut qu'ils se calment et le demandent poliment. Et après on fera tous un câlin..." Na'ri fit un geste d'apaisement et tendit les bras comme une enfant. La Vect se retourna vers Na’ri avant d’avancer comme si elle venait d’être frappée à l’arrière de la tête, elle eut du mal à retrouver son équilibre et quelques pas plus tard, en direction de sa consœur, elle retrouva une position stable. Toutefois elle brandit à nouveau un poing mais ce dernier était à l’intérieur d’un gant qui remontait jusqu’au coude.

« Non, lui il aura pas de câlin, il l’a pas mérité ! »

Elle alla ensuite se réfugier dans les bras de Na’ri.

" Pourquoi ? C'est lui qui t'a tapé dans l'oeil ? " C'était la première fois que la servante de L'Infectieuse entrait dans le délire d'un patient. Mais là c'était si facile... et si naturel. Elle hocha vigoureusement la tête avant de répondre verbalement.

« Oui et il a dit qu’Uriz savait pas se batter et qu’il pouvait le battre avec les mains dans le dos. »
"Oh... Mais comment compte t' il s'y prendre ? Parce que déjà il faut trouver Uriz. Et après il ne faut pas que le Père lui marche dessus. À moins que... À moins qu'il ne grandisse tellement que le dieu pourrait rebondir dessus ! Et il irait jusqu'à la lune !" Dans le dos de la sombre des marais, la poitrine de la sombre du désert se gonflait sous l'effet de l'excitation. La première se retourna, attrapant sa consœur par les épaules.

« C’est ce qu’on doit faire! On doit trouver Uriz ! Comme ça il pourra vaincre le champignon et lui montrer qu’il raconte n’importe quoi. Mais par où commencer les recherches ? » Elle lâcha Na’ri et fit quelques pas dans la pièce avant de tourner la tête vers un coin. « Ah bah là tu fais moins le malin hein?! »

"C'est pas à nous de le trouver. Non, non, non. C'est à lui ! Moi veux pas me battre... Pas contre Uriz... C'est mon papa. Papa que j'aime. Comme la maman. Mais... il peut demander au Grand Architecte. Il doit savoir où il se trouve !" La prêtresse fit quelque pas et notant qu'elle avait des troubles de l'équilibre s'accrocha au bureau. L'autre prêtresse secoua lentement la tête.

« Non, s'il le savait il aurait pas pu se taire. » Elle prit quelques instants pour réfléchir. « Mais pourquoi on s'embête? C'est à lui de le trouver, pas à nous! » Elle se tourna ensuite vers le coin de la pièce. « Et bah ouais! »

Na'ri sourit à sa comparse. " ça commence à faire beaucoup de gens à chercher… " Sa tête dodelina, dénouant la vague tresse qui retenait ses cheveux. " Je crois… je crois qu'il faut que je sorte. Est ce que tu veux aller au jardin de Leetha avec moi ? " Elle était toujours accrochée à son bureau afin d'éviter de tomber. Sans vraiment attendre une réponse, mettant difficilement un pied devant l'autre, Na'ri sortit.
Elle fit une pause contre le mur de l'enceinte du palais.

" Le premier bois. La seconde mange. Le premier se cache et fuit les autres. La seconde manque de compagnie. Quels drôles de gens. " Murmura t'elle pour elle même.