C'est beau l'apéro drow.

Automne fin de la huitième ennéade de Barkios de l’an 17 : XI
Une soirée dans le domaine de Myr’Hennis dans le Prime Quartier.

C’était une occasion rare, une sorte de repas de famille avec sa future épouse, un moyen de rassembler ceux que, même si le grand drow ne l’admettrait jamais en public, il aimait. En tout cas plus ou moins. Alors, forcément il se devait d’inviter sa tante, elle remplirait le rôle de l’acariâtre jamais contente qui pointe du doigt tous les défauts du fiancé. Quand on n’a pas de belle-mère il faut improviser. Ensuite le Grand Architecte invita sa sœur, il était de passage au Puy pour le mariage et, surtout, après des efforts disproportionnés, il avait réussi à faire disparaître l’odeur pestilentielle des marais de Faélia. Son seul regret étant que lorsqu’elle repartirait tous ces sacrifices seraient en vain car il faudrait tout recommencer la prochaine fois qu’elle reviendra. En tout cas il fallait qu’elle soit là simplement parce qu’il valait mieux que Krish la recontre maintenant au lieu de la voir au mariage ; Pa’Vren était suffisamment imprévisible pour que son frère ne veuille pas prendre de risque. Du côté Al’Serat, Myr’Hennis avait prévenu sa moitié que seuls les membres de sa famille étaient invités mais qu’elle n’était pas obligée de tous les amener.

Ce fut Plynnil qui s’occupa d’accueillir les invités, avec, à ses ordres, d’autres esclaves qui s’occuperaient de prendre mentaux, armures, armes et tout autre accessoire superflus entre ces murs, en effet la garde personnelle du maître des lieux se chargeant de la sécurité il n’était pas nécessaire pour les invités de s’en inquiéter. D’ailleurs Ashal avait déployé l’entièreté de la garde pour l’occasion et les soldats ne dépareillaient pas avec les statues de guerriers qui avaient été sorties pour baliser le chemin jusqu’à l’atrium dans lequel attendait Myr’Hennis et sa sœur. L’ouverture dans le toit donnait directement sur un petit bassin au centre de la pièce qui accueillait de l’eau chaude et des pétales de fleur que le Grand Architecte faisait importer. La pièce en elle-même faisait une vingtaine de mètres carrés, organisée autour du bassin, chaque côté dudit bassin faisait face à un divan rouge, suffisamment long pour que le maître des lieux puisse s’allonger de tout son long et assez confortable pour qu’il puisse y rester de longues heures sans broncher. Le sol était une mosaïque, visible que si l’on prenait un peu de hauteur, représentant une scène de chasse devant le Puy. Les statues en obsidienne de soldats drows brandissant triomphalement leurs armes qui gardaient d’ordinaire la pièce avaient été déplacées aux entrées de l’Atrium pour en garder l’accès. A la place Uriz, dépassant les autres représentations de pierre de deux têtes, incitaient ceux qui posaient les yeux sur lui à combattre et un braseros dans lequel brûlait une flamme éclairait la pièce en lieu et places des habituels champignons tout en laissant de la place à l’élément de sa sœur dans les recoins ; contre le mur d’à côté Meingal posait son regard sévère sur le bassin, la tête alourdie par sa couronne de métal et de pierres précieuses mais le dos droit et le visage régalien ; posée contre l’autre mur, Isten avait droit à la statue la plus imposante, du moins en largeur, la déesse était allongée, le son regard alangui lorgnait sur le divan devant elle ; la dernière statue était celle de Teiweon et il s’agissait d’une fontaine, de l’eau s’écoulait du socle directement dans une rigole qui longeait les murs pour faire le tour de la pièce dans les ombres pour se concentrer autour d’Uriz et se déverser via un petit canal directement dans le bassin central.

Myr’Hennis était assis sur le divan devant Isten tandis que sa sœur faisait le tour du bassin central en sautant par-dessus le canal lorsqu’elle arrivait devant ce dernier.

« Pourquoi j’ai pas le droit de porter ma robe ce soir ? Y’a tatie Aerstab et la reine, Myr ! »
« Je te l’ai déjà dit Pa’Vren, c’est la robe que tu porteras pour le mariage, pour ce soir tu vas devoir te contenter de ta robe de prêtresse de Leetha. Et je t’ai aussi déjà dit de ne pas m’appeler comme ça ! »
« Très bien Myry... » dit-elle avec un grand sourire en se tournant vers lui.
« Tu veux vraiment mourir? Pense à ton serpent. »

Cette façade, elle la connaissait bien, et pour une fois c'était encore enveloppée de l'odeur de la jungle ou elle venait de chasser et la joue tâchée d'une trace de sang que Krish s'y présentait.

Des vêtements amples, un plastron de cuir souple, un long couteau et un épais pan de tissus rembourré. Voilà les armes de la chasse au sanglier de la façon la plus traditionnelle... Enfin ce que les eldéens appelaient des sangliers car les bêtes qui rodaient dans la jungle primaire déployée sur les flancs du volcan n'avaient pas grand chose à voir avec les gentils cochons mangés par les humains.

Tout en poursuivant leur discussion animée, une femme entre deux âges à la peau noir de jais et un jeune homme aussi beau de visage que blanc de peau montaient le perron de la demeure du Grand Architecte. Ils avaient laissé à la surface la dispute houleuse qu'ils avaient eu à propos de l'incorporation du jeune homme dans les osts avant qu'il n'ait finit d'accomplir les rites de l'adolescence et choisi un parrain. Comme les chats ne font pas des chiens, aucun des deux partis n'était près à en démordre et les échauffourées régulières qui avaient lieu depuis un mois se transformaient peu à peu en une guerre de position accompagnées de quelques tentatives de débordements. Heureusement, l'idée du jeune homme pour passer un peu de temps avec sa mère s'était révélée un bon exutoire à leur colère respective et c'était en échangeant rires et anecdotes qu'ils arrivèrent dans le hall. Derrière eux, deux esclaves portaient en civière un paquet composé d'une demie bête vidée - ce qui devait représenté plus d'une centaine de kilos - et de ses abats nobles, excepté le foie que les chasseurs s'étaient partagés encore tiède sous le soleil de la fin d'après-midi avant de bruler le reste en l'honneur d'Uriz et de Zhak'Bar.

La reine salua Plynnil de la tête tandis que son fils lui servait un bonjour des plus charmeurs. Sans même qu'Ashal ne se manifeste, l'un et l'autre se défirent de leur plastron, de leur couteau de chasse et de leurs bottes boueuses. Les babillages continuaient d'aller bon train et ce ne fut qu'entre deux répliques que Krish demanda à ce qu'on leur apporte de quoi se débarbouiller un minimum. Le trophée de chasse resta sur les bras des gardes - sachant que le cuisinier n'en voudrait probablement pas en plus - mais là n'était pas l'important.

Elghinn décrivait le Phish'Oura a crinière qu'il avait vu du côté du désert Zurthan lorsqu'il s'était perdu sur le chemin de Thaar quand les deux arrivèrent dans l'Atrium.

- Javais vu d'aussi grosses pattes !
- Franchement, niveau chasse, les félins c'est ce qu'il y a de pire. Puis c'est trop mignon pour être mangé " déclara solennellement  l'eldéenne avant de se tourner vers les deux hôtes de l'atrium. " Bonsoir ! " Elle marcha jusqu'à Myr'Hennis pour l'embrasser, puis se tourner vers l'étrange femme qui se trouvait là. Elle s'arrêta, la dévisagea des pieds à la tête et un sourire de chat naquit sur ses lèvres. " Tu dois être la fameuse Pa'Vren. J'ai hâte de faire ta connaissance, ton frère m'a si peu parler de toi... D'ailleurs, ta tante vient finalement ? " ajouta-t-elle à l'attention de l'intéressé.