Adieu à la Reine

Neuvième jour de la huitième ennéade de Barkios de 17:XI
Grand temple de Kiran
Profondeurs

Aujourd'hui.
Aujourd'hui aurait dû être un jour de joie, un jour de félicité, un jour de mariage royal.

Aujourd'hui, ce n'était rien de tout cela.
Aujourd'hui commençait le premier jour sans la reine.
Aujourd'hui, le peuple s'était éveillé uni. Le sera-t-il encore dans quelques heures ?

C'était la seconde fois dans le mois. La seconde fois où elle avait sorti une belle feuille et son encre. En guise d'entête, elle avait dessiné un cercle noir.

Bien qu'ayant essayé de faire des efforts, son écriture était toujours autant horizontale. La main qui tenait la plume était tremblante. C'était idiot. Elle ne la connaissait pas.  

Krish Al'Serath.

Elle avait été une reine, mais aussi une triumvir et bien avant une forgeronne. Avec la flamme d'Uriz, elle s'était acharnée à forger un avenirs pour ses pairs. Tout n'était peut être pas parfait. Tout était discutable mais elle l'avait fait. Et elle avait tenu là où ses co-gérants s'étaient effondrés. Seule, elle avait pris le lourd manteau de la royauté.

Elle qui avait gagné une guerre. Elle qui avait su faire venir des Princes Marchants dans l'antre du Vetna. Elle qui … les louanges du moment ne manquaient pas.

La plume séchait à présent sur le bureau après avoir rempli son office. Le regard grenat parcouru la pièce comme s'ils voulaient graver ce moment. Il s'attarda sur les étoffes nouvelles qui devait être sa tenue du jour. Lentement, la prêtresse se leva pour déballer son modeste présent de mariage. Un temps, elle hésita à joindre la lettre soigneusement pliée pour représenter une tête féline.    Le cœur n'y était pas, ou plus.
Il y avait également une autre boîte noire, plus grande. Elle tirait son élégance de par sa simplicité et de la rareté du bois. En effet, après avoir été foudroyé, l'arbre avait été fossilisé. Dense et doux au toucher, il lui avait plus. Doucement, elle l'ouvrit et transvasa l'intégralité des biscuits aussi odorants que variés dans une étoffe qu'elle fourra dans un sac dans lequel elle avait déjà glissé une boîte à bijou.  

Le plis plié, elle quitta sa chambre.

Condoléances

Ukt Val,

Je vous prie d'accepter en ce jour si particulier toute mes condoléances.

Prenez soin de vous Myr'Hennis Vect et de votre famille.

Prêtresse Na'ri Yisfi

Une très légère tâche d'humidité s'était glissée là comme un point final.

Grand temple de Natha
Profondeurs

C'était bientôt finit. Sur le plateau du bureau de la Haute Prêtresse de Natha, Na'ri était en train de finir ses travaux de copie tandis que la propriétaire des lieux étudiait un bracelet d'or blanc. Elle dictait toute ses remarques sur le bijou pour qu'il puisse être reconnu par un nombre défini de ses servantes. C'était un objet assez simple : il était constitué d'une chaîne et de pendants. Chacune des pendeloques correspondaient à un symbole divin. Il y en avait une dizaine par dieux. Sauf une. La Haute Prêtresse regardait, perplexe, la servante de Kiran.
"C'est pour Teiweon ?" Demanda t'elle alors incertaine.
" Du tout ! C'est une feuille d'Ebolas. Pour représenter mon métier. Nous l'utilisons de bien des façons. " répondit la médecin.
" En effet. " La Mère avait toujours son regard circonspect sur celle qui avait eu plus tôt une requête bien étrange et un don bien précieux pour le culte.

Na'ri apposa sa signature ainsi qu'une goutte de sang sur le vélin. Alors que celui ci séchait, ses longs doigts de basalte se promenèrent sur la feuille en souriant. Dans la goutte, il y avait des bactéries, elle les sentait par sa magie. Alors elle leur permis de croitre un peu, le temps que cela sèche. Elle était une servante de la Dame de la Pestilence après tout.

Elle ne savait pas de quoi demain serait fait, mais quelque soit le choix de Sagar, s'il voulait voir son fils, il fallait maintenant qu'il possède le bracelet ou qu'il devienne un prêtre de Natha. Lui ou tout les autres. Elle avait requis une protection totale pour Kel'zo pour ses trente premières années. Pour être mère, elle avait donné son premier né.

Sur les pentes du Vatna

Il faisait beau, en ce jour d'automne. Deux silhouettes se tenaient par la main. Un adulte et un petit. Autour d'eux gambadait un chien. Ils avaient laissé derrière eux la porte de la faille ainsi que l'esplanade de pierre aplanie. Ils discutaient.

" Pourquoi on est parti ? " Le petit avait appris que la prêtresse ne faisait rien sans rien, qu'elle avait toujours une idée en tête. Ce n'était pas tout les jours très drôle, surtout qu'il aurait aimé rester avec ses nouveaux copains.

"Parce que j'avais envie de te montrer quelque chose… comme le soleil.
- Et pourquoi ? " Il y avait une entourloupe. Il connaissait le soleil. Il était né et avait grandit à Sol'Dorn. Le soleil lui manquait un peu au fond du Puy.

" Parce que je suis triste. " Le petit bonhomme s'arrêta et la regarda de ses grands yeux ronds. " Parce qu'une vie est partie. " compléta t'elle en anticipant la question.

Ils firent à nouveau quelques pas.

" La vie, c'est quoi en vrai ? "

En guise de réponse, elle ria et lui montra tout ce qu'il y avait autour d'eux.
" C'est des cailloux ?
Mais non, regarde ! "

Et elle souleva une large pierre et ils virent une fourmilière. Elle lui montra des oiseaux, des buissons, des mues de serpents coincés dans l'écorce d'un arbre tout en poursuivant leur ascension.
Ils se perdirent un bon nombre de fois.
Ils se cachèrent pour observer les animaux les plus discrets.
Il s'égratigna le genou en tombant, elle y déposa un baiser soignant.
Ils observèrent l'eau de la gourde qui s'était échappée.
Il voulait s'arrêter, elle l'obligea à continuer.
Ils trouvèrent des champignons.
Ils récupèrent un lapin dans la gueule de Varg.
Ils ramassèrent du bois.
Ils mangèrent des biscuits.

***

Arrivés au sommet du Vatna, ils firent un feu et s'occupèrent ensemble du lapin. Maintenant, il était en train de cuire dans les quelques flammes de leur feu de camps. La soignante avait profité de l'occasion pour donner son premier cours d'anatomie et l'enfant eut la permission de souffler dans les poumons rosés.

Lentement les couleurs du ciel automnal avait changé pour ensanglanter l'horizon. Na'ri prit alors son fils dans ses bras et le recouvrit de son manteau de cérémonie pour éviter qu'il n'ait froid.

" Kel'zo ? Voici ce que je voulais te montrer. "

Du haut du Vatna, ils purent contempler les terres qui se déroulaient jusqu'à l'horizon.

" Aujourd'hui, nous avons vu que la vie était multiple. Du noble félin à pointe qui se pavane, au modeste bourgeon qui se prépare tout l'hiver, tous sont importants. On peut être aussi grand que les quinquinas, on aura toujours besoin des petites fourmis pour lutter contre les parasites. De plus, ce n'est pas parce qu'on ne peut pas voir les moisissures et les bactéries qu'elles ne sont pas moins dangereuses.
Bien que nous soyons différents, il ne faut jamais oublier, où que nous soyons dans la société, on y a tous un rôle, du roi, du prêtre, de l'artisans jusqu'aux esclaves. C'est pour cela qu'il est important respecter chacun.

Aujourd'hui, nous avons vu que la vie est comme de l'eau. Toujours en mouvement, elle coule, s'écoule et dévale en s'adaptant toujours. Travailleuse, elle creuse des sillons ou s'enfouie un temps pour rejaillir plus loin. Aux malheureux qui paressent et stagnent, elle les noiera sans pitié.

Aujourd'hui, nous avons vu que la vie était emplie d'émotions. Des parents protégeant leurs petits des prédateurs, des buissons se défendant en empoisonnant ses épines, de l'oisillon peureux ou aventurier quittant son nid, de la joie d'un retour de chasse, écoutons les toutes. Adoptons les. Pour qu'elles deviennent le creuset de nos sentiments. Et avec les plus beaux, avec ceux qui nous rendent heureux et ceux qui nous font grandir, bâtissons notre avenir.

Aujourd'hui, nous avons vu que la vie était comme un volcan. Que plus le temps passe, plus nous prenons de l'âge et plus nous nous fatiguons. Alors il devient tentant de nous arrêter et de nous reposer. Ce serait une erreur. Car, pour chaque pas franchis, pour chaque pièges écartés, pour chaque pierres escaladées, nous découverons plus d'une surprise et mille merveilles. Il est donc important de persévérer, de continuer, car c'est au sommet que se trouve la réalisation.

Aujourd'hui, nous avons vu que la vie avait un début, un milieu, mais aussi une fin. Peut importait qui on avait été, que l'on soit un lapin, un humain, un Obok Senger ou une reine. Nous mourrons tous un jour.

Aujourd'hui, saluons la vie. Aujourd'hui, dans les derniers rayons de l'astre du Père, saluons la mort de Valsharess Krish Al'Serath . "

La prêtresse s'inclina et il l'imita prestement.
L'astre rougeoyant disparaissait petit à petit sous la ligne d'horizon. Au dernier moment, elle aurait juré qu'il y avait eu un rayon vert.

" Krish, Viconia, qu'allons nous faire de vos héritages ?"

Dans la lumière argentée de la lune immobile, des larmes silencieuses baignaient les joues de basalte.