Repentance au Dispensaire

Solange de Prademont était préoccupée. C'était même un vain mot, en réalité : elle éprouvait violemment les affres de la culpabilité et du remord.

Certes, son cousin le Comte d'Odélian les avait trahit en premier. En projetant d'épouser une dépravée, en salissant leur nom de son inconduite, en cherchant la guerre alors que la paix était possible, il ne méritait plus, à son avis et à celui de son époux, de siéger sur le trône comtal ; mais eux aussi, elle aussi avait fauté. Elle avait trahit son propre cousin, et le remord la hantait à chaque heure, à chaque nuit où elle n'arrivait pas à s'endormir.

Elle était coupable, mais il n'était pas question de se dénoncer pour autant : elle portait une vie dont elle était responsable. Elle avait un époux, une maisonnée, un nom qu'elle devait protéger également.

Alors la jeune fille avait entreprit de s'occuper l'esprit. L'odélianne s'était jetée à corps perdu dans son projet caritatif de sauvetage de jeunes filles, et désormais, la "Maison d'Apprentissage" était presque terminée. La cuisine, ainsi que le réfectoire, les dortoirs étaient prêts, et les tables pour la salle de classe et de couture qu'elle avait commandé plusieurs ennéades auparavant devaient arriver deux jours plus tard, tout comme les sièges destinés aux invités ou aux acheteurs de passage.
Quant à la réserve, elle avait déjà acheté un petit stock de tout ce qui serait nécessaire aux cours de couture, mais surtout aux ouvrages de ses protégées.

Il lui faudrait contacter une prêtresse, pour que cette dernière puisse garder l'étincelle de la Foi dans l'âme de ces jeunes orphelines ; mais pour l'instant, Solange n'y arrivait pas. Elle-même était une pécheresse, et elle ne saurait regarder un membre du culte en face.

Pour se sentir mieux, la jeune noble avait trouvé une autre solution.

Elle était bien décidée à racheter son âme et à dorer son nom autant qu'elle le pouvait. C'était ainsi qu'elle avait mis une robe toute simple sous une lourde cape de velours bleue sombre, et qu'elle s'était fait conduire dans sa voiture jusqu'au Dispensaire, où on soignait les malades indigents qui ne pouvaient être soigné chez eux.
A dire vrai, Solange ne savait pas à quoi s'attendre ; et elle fut assez horrifiée de l'odeur qui se dégageait déjà sur les marches du bâtiment.

Intérieurement, elle se promit que l'hygiène serait respectée dans sa Maison.

La jeune fille poussa la porte.

Elle fut choquée par l'odeur, le bruit des gémissements des malades ; et elle piétina un peu à l'entrée, mal à l'aise dans sa riche vêture, serrant le livre qu'elle avait sélectionné pour faire la lecture au chevet de quelques malades.

Très droite, émotionnée, elle finit par héler une jeune fille qui semblait avoir son âge ; et se décida à prendre la parole, en s'approchant un peu afin qu'on l'entende.

- "Bonjour, demoiselle. Je suis Solange de Prademont, et j'imagine que vous travaillez ici ? Voyez-vous, je suis venue pour visiter l'hôpital et savoir si je pouvais peut-être ...aider à faire la lecture aux malades, pour les soulager. Savez-vous si cela se trouve possible ? Comment procède t-on ? Je ne connais rien à ce genre d'établissement.. Mais je voudrais me rendre utile."

La péninsulaire offrit un sourire naïf et innocent à son interlocutrice. Elle était de bonne foi, à défaut d'être quelqu'un de bien - si elle pouvait donner de son temps et de son argent pour les autres, alors la Damedieu pourrait peut-être lui pardonner ?