La branche recherche et développement du second ost se met au boulot.

Au début de la quatrième ennéade de verimios 17 : XI

Contrairement à d’autres, Zerszayenna ne voulait pas monter en grade, notamment parce qu’être importante voulait dire attirer une attention qu’elle n’était pas certaine de vouloir. Après être tout être une simple sapeuse lui allait très bien : elle accomplissait son devoir, aidait à la réalisation de l’Eda Vengeur, et, c’était sa partie préférée, à la fin de la journée elle n’avait pas à surveiller ses arrières. Ne pas s’élever au-dessus de la majorité de ses semblables n’était certes pas grisant mais elle avait vu nombre d’ambitieux terminer entre les mains des prêtres de Teiweon, quand ils avaient de la chance, et c’était un sort qui ne l’intéressait guère ; elle savait bien que son tour viendrait, évidemment, mais tant que possible elle préférait l’éviter.

Pour le moment elle avançait d’un pas rapide dans les couloirs de la forteresse du quatrième ost et elle se disait qu’il faudrait sûrement la renommer un de ces jours. A quoi bon avoir une forteresse pour une armée qui n’existe plus ? Alors certes elle avait entendu que l’Etat-Major comptait le reformer mais bon, était-ce une bonne idée ? Elle secoua légèrement la tête, ce n’était pas à elle d’en décider et s’en mêler était un moyen de plus d’aller rencontrer Uriz pour qu’Il juge ses actions. A la place elle évita de justesse un soldat qui courrait et le son fracassant de coups donnés sur du métal lui confirma qu’elle arrivait bientôt au but. Ce dont elle avait besoin parce que la sapeuse, si elle avait aidé à prendre la forteresse lors du siège de Sol’Dorn, se perdait encore à l’intérieur. Ce qui était probablement l’objectif, se dit-elle alors qu’elle posa enfin un pied dans les forges de la forteresse.

Comme prévu elle donna ses dessins à un esclave qui se tenait à l’entrée justement pour cet effet puis il s’en alla pour le remettre à son maître une fois que ce dernier aura terminé de faire elle ne savait quoi mais qui devait être important. Du moins le supposait-elle. Elle fut surprise quand le maître des forgerons du second ost lui avait dit de lui transmettre son projet ainsi mais maintenant qu’elle pouvait voir les forges elle se disait que ce n’était pas une idée si étrange que ça. C’était un milieu dangereux, se blesser était si facile ici, Zerszayenna recula pour sortir de la forge. Maintenant il n’y avait plus qu’à attendre que l’esclave ne revienne pour confirmer qu’il avait bel et bien délivré les dessins à son maître. Cela dit elle n’était pas seule à attendre alors elle se mêla avec les autres pour faire passer le temps.

Toutefois contrairement aux combattants qui attendaient, sans doute pour une pièce d’équipement qui avait besoin d’être réparée, elle n’attendait qu’une simple confirmation et après une vingtaine de minutes à jouer aux osselets, elle l’eut. L’esclave, les yeux rivés sur le sol, attendit derrière elle, n’osant la déranger. L’eldéenne ne le remarqua que grâce à ses compagnons de jeu qui jetèrent un coup d’œil interrogatif à l’humain qui attendait patiemment.

« Maître dit que c’est faisable. » L’esclave lui rendit ses papiers nouvellement marqués par l’approbation du forgeron. « Il dit que ça sera prêt ce soir. »


Elle termina sa partie d’osselet avec un grand sourire ce qui ne faisait rien pour calmer la colère des autres joueurs qui perdaient. Maintenant il n’y avait plus qu’à attendre. Ou presque.

Le soir arriva lentement, le temps allait si lentement que Zerszayenna se demandait si Kiel ne se jouait pas d’elle. Elle savait bien que c’était l’excitation qui faisait ça mais c’était toujours plus doux de penser qu’elle était suffisamment importante pour qu’une divinité s’occupe d’elle personnellement ; et ce même s’il s’agissait de la Maîtresse des Souffrances. Toutefois elle avait une chose à faire mis à part attendre : trouver un soldat qui n’avait pas grand-chose à faire ; ce qui n’était pas si facile à trouver qu’on pourrait penser. En effet c’était là une race qui se cachait très bien toutefois la sapeuse savait vers qui elle devait se tourner et elle savait surtout où le trouver.

Bwael B'luthyrr s’appuyait contre le mur d’un des nombreux dortoirs de la forteresse, appuyé sur son épaule contre les blocs de pierre, il affichait un sourire charmeur à une ilythiiri que la sapeuse ne pouvait voir que de dos et son armure n’arrivait pas à masquer ses formes et pourtant elle portait une armure lourde. L’arbalétrier, qui depuis son coup d’éclat au cimetière s’était élevé au rang de kyorl, perdit vite son sourire en voyant Zerszayenna arriver et comme il s’en doutait, cette dernière n’arrivait pas pour l’aider à conclure ou se joindre à eux.

« Excuses-moi ma jolie, je t’emprunte mon frère pour la soirée. » La sapeuse attrapa le bras de l’arbalétrier dans l’optique de l’emporter avec elle.
« Je peux venir avec vous. » Bwael resta muet, se doutant que, malheureusement, sa conquête potentielle et sa sœur avaient des plans bien différents pour la soirée qui s’annonçait.
« Tu pourrais mais tu vas pas faire grand-chose. »
« On se revoit demain, Rilrynna. » Zerszayenna remercia son frère du regard pour son abnégation avant d’enchaîner.
« Ce soir ça va être sérieux mais oui tu pourras te joindre à nous une autre fois, que ça sera moins sérieux. » Elle se tourna ensuite vers son grand imbécile de frère. « Maintenant vient, faut que je t’explique. » Le soldat se laissa entraîner toujours plus loin d’une soirée qui s’annonçait pourtant si bonne, laissant le dernier mot à la sapeuse. « Au plaisr Rilry ! »
« Tu sais que t’es casse-couille Zer’ ? » Demanda Bwael, juste pour s’assurer qu’elle en était bien consciente, après une petite minute de marche en silence.
« Moi aussi je t’aime. Aller fais pas cette tête-là, les temples d’Isten manquent pas dans cette ville. »
« Si je voulais une prêtresse d’Isten tu m’aurais trouvé dans un temple d’Isten… bref, qu’est-ce que tu veux ? »
« J’ai besoin de toi pour tester une arbalète. »
« Tu t’fous de ma gueule ? Y’a pas assez d’arbalétrier ? Tu pourrais prendre n’importe qui mais c’est moi que tu viens emmerder ? Je sais pas si je dois être hors de moi ou impressionné. »
« Du calme, tu dois tester un prototype et en faire une démonstration devant le Karliik Glenn. »
« Rien que ça ! Et en quoi ça justifie que tu viennes ruiner ma soirée et possiblement me mettre dans la merde ? Pourquoi moi Zer’ ? »
« Parce que t’es mon frère préféré ? » Alors qu’il allait dire quelque chose, sans doute une chose peu avenante, elle leva une main pour l’interrompre. « Parce que le Karliik te connais. T’as fait bonne impression alors avec un peu de chance ça va jouer. »
« T’es vraiment une sa… » elle l’interrompit à nouveau sans vergogne.
« Garde donc ta salive pour le Karliik. »
« T’as intérêt à ce que ton truc marche. »

Les B'luthyrr arrivèrent peu de temps après aux forges où deux esclaves attendaient avec la commande faite par l’aînée plus tôt et le moins qu’on puisse dire c’était que Bwael n’était pas impressionné.

« C’est tout ? Quelle invention dis donc ! »
« Mon cher frère, est-ce que tu sais pourquoi je suis sapeuse et toi arbalétrier ? » Elle laissa sa question rhétorique planer une seconde avant la réponse que l’intéressé avait déjà entendu un nombre incalculable de fois. « Parce que t’es trop stupide pour utiliser les armes de siège. »
« Mais j’en ai pas besoin pour te tuer. »
« T’es tout seul ? » Les bras croisés, Zerszayenna toisa le guerrier en armure lourde qui faisait une tête de plus qu’elle.
« Pourquoi, t’as besoin d’aide ? »
« Peut-être, ouais. »
« Dans ce cas montre-moi comment ton truc marche et pendant que j’essaye de comprendre t’iras chercher des gens. »
« D’accord, on fait comme ça. »

 L’eldéenne prit alors l’arbalète des mains de l’esclave pour la donner à son frère puis elle s’empara du bouclier mais cette fois pour le garder.

« Avant de t’expliquer on va aller au champ de tir. »

L’arbalétrier hocha la tête et ils partirent aussi vite qu’ils étaient arrivés. Une fois sur ledit champ de tir, la sapeuse tint la pavois debout, se mettant devant ce dernier pour que son frère puisse passer son bras à l’intérieur.

« Tu verras c’est simple. Prends le bouclier. » Elle l’observa passer son bras à l’intérieur des lanières qui lui permettait de porter le pavois et une fois fait elle poursuivit. « Ok très bien maintenant tu vois la pointe sur le côté ? » Bwael hocha la tête. « Tu vois l’anneau sur la corde de l’arbalète ? » Une fois de plus le soldat hocha la tête. « Et bah mets l’anneau dans la pointe et tire vers le bas pour l’armer. »

Il tenta de s’exécuter mais il eut du mal à faire passer l’anneau, qui s’il n’était pas petit, n’était pas gigantesque non plus, dans la pointe qui sortait du côté du bouclier. Lorsqu’il tenta de dégager son bras du bouclier sa sœur l’arrêta.

« Non gardes cette main-là pour tenir le bouclier sinon ça n’a aucun intérêt. »
« T’es bien sympa mais c’est pas facile ton truc. »
« Tu vas bien y arriver. » En effet, deux essais plus tard Bwael réussit enfin à mettre l’anneau sur la pointe. « Parfait, maintenant tir vers le bas et tiens bien ton bouclier… si j’ai calculé correctement ça devrait être bon. »

Suivant les instructions, l’arbalétrier tira vers le bas sous le regard attentif de sa sœur. La corde se tendit petit à petit jusqu’à ce que la corde soit mise en place et tenue par la noix.

« Très bien maintenant mets ton pied dans l’étrier pour la tenir en place et mets le carreau. » Toujours avec une main Bwael tenta de suivre les instructions mais étant habitué à le faire à deux mains, il avait du mal vu qu’il n’en avait plus qu’une à disposition. « Maintenant enlève ton pied et remonte l’arme dans le croissant de lune prévu à cet effet. »

En effet il manquait un bout du bouclier à son sommet à droite qui permettait de poser l’arbalète dessus et de pouvoir viser toujours d’une seule main vue que le bouclier, et non la main gauche, servait de support.

« Maintenant essaye de tirer. »

La sapeuse qui s’était déjà décalé lorsque son frère avait posé à l’intérieur du croissant vint se mettre derrière ce dernier pour être certaine qu’aucun accident malencontreux ne survienne. L’arbalétrier souleva son bouclier sans retirer l’arme et fit quelques pas pour se mettre en position devant l’une des nombreuses cibles tout en restant derrière la protection dudit bouclier. Il reposa enfin ce dernier au sol et il ajusta son tir avant d’appuyer sur la gâchette. La corde, libérée d’un coup par la noix, envoya le carreau filer à toute vitesse en direction de sa cible mais c’était bien l’anneau qui fit reculer Bwael et  Zerszayenna, cette derrière se trouvait à quelques centimètres sur le côté. En effet le bout de métal partit avec la corde et vint frapper l’arbrier, laissant une jolie marque.

« Des remarques ? »

Demanda la sapeuse qui avait sortit son carnet et le fusain qu’elle plaçait derrière son oreille droite et qui lui valait son surnom : Renor’Har parce que le charbon noircissait son oreille et ses cheveux. Toutefois le soldat ne répondit pas tout de suite. A la place il rechargeait son arbalète et cette fois il eut un peu moins de mal, il eut besoin de moins d’essais pour mettre l’anneau sur la pointe. De même lorsqu’elle fut armée c’était cette fois un peu plus facile de placer la dondaine puis il remit l’arme en place sur le bouclier. Il bougea le bras pour viser d’un côté puis de l’autre comme s’il suivait une cible devant lui.

« Il faudrait élargir le croissant, j’ai pas assez d’amplitude. » Elle le nota et retourna derrière son frère pour regarder par-dessus son épaule puis elle griffonna une poignée de lettres de plus.
« Autre chose ? »
« Il faudrait protéger l’épaule qui qui se trouve devant le croissant. Peut-être en renforçant l’épaulière ? »
« Je verrais avec les forgerons. » Elle l’ajouta tout de même à ses notes avant de lever les yeux à nouveau vers l’arbalétrier qui soulevait son bouclier.
« Ça serait plus simple avec des poignées verticales et… »
« Et ? »
« Je sais pas, un moyen de tenir le bouclier pour être certain qu’il ne bougera pas. »
« Avec autre chose que ta main ? »
« Ouais. » Bwael tira sur à nouveau sur la cible et ferma à nouveau les yeux pendant un bref instant lorsque l’anneau frapper l’arbrier.
« Tu peux me prévenir la prochaine fois ? » Zerszayenna ne cacha pas son agacement, elle n’aimait pas être surprise.
« Désolé, c’était pour désarmer l’arme. »
« Continues à t’entraîner, je vais voir les forgerons pour qu’ils fassent des modifications. »
« A vos ordres. » Répondit l’arbalétrier avec un sourire cynique. Il connaissait suffisamment sa sœur pour savoir qu’elle n’aimait pas ça.

Zerszayenna revint au champ de tir une petite demi-heure plus tard, laissant les forgerons travailler. Son frère, comme elle s’y attendait, était toujours en train de tirer et maintenant, même s’il arrivait qu’il manque la pointe du bouclier avec l’anneau, son rechargement était plus rapide. Cela dit le nombre de carreaux qui se trouvait plantés dans la cible en face de Bwael étaient moins important que ce à quoi elle s’attendait. Elle s’approcha de lui avec son carnet à la main et avant de prononcer un mot elle attendit qu’il n’appuie une fois de plus sur la détente.

« Mon frère préféré a-t-il d’autres suggestions ? » L’intéressé pointa l’arbalète sur le sol et mit son pied dans l’étrier pour reposa sa main sur la crosse.
« Peut-être. »
« Je t’écoutes. »
« Tu te souviens de Belros ? »
« Non. Je devrais ? »
« Mais si, l’esclave de père, celui qui touchait à tout. »
« L’humain à qui il manquait une main ? »
« Oui ! »
« C’est pas justement parce qu’il touchait à tout que père lui a coupé la main ? »
« Euh… peut-être, je me souviens plus. »
« Peu importe. Tu m’expliques en quoi l’esclave de père va nous aider ? »
« Lui, il va pas nous aider, par contre son plateau, si. »
« Tu m’as toujours pas expliqué. »
« C’est simple, tu te rappelles, il avait mis une ficelle de chaque côté et il mettait la corde derrière son cou pour qu’il soit plus facile à porter à une main et puis aussi parce que c’était plus simple quand il était lourd. »
« Si tu l’dis, y’a que toi pour faire attention aux esclaves. »
« Peut-être, en tout cas il avait beau avoir une main en moins, il était pas con le Belros, on peut faire pareil avec le bouclier. Si on prend une lanière et qu’on l’attache en haut à gauche et en bas à droite je peux la mettre en bandoulière et c’est bien plus facile après de me déplacer avec. »

Zerszayenna haussa un sourcil puis lança un rapide regard au bouclier en question avant de tourner la page de son carnet pour faire un rapide croquis sur la suivante et le montrer au soldat.

« Comme ça ? »
« Oui. » La sapeuse regarda à nouveau le croquis et se gratta brièvement le menton.
« Je sais pas si ça sera mieux mais on peut toujours essayer. »
« Hé, c’est qui l’arbalétrier ? »
« Certes. » Concéda-t-elle en levant brièvement les yeux au ciel. « Autre chose ? »
« Oui, faut renforcer l’arbrier proche de l’arc, ça serait dommage d’avoir une arbalète qui casse en plein combat. »
« Bien vu, mettre une plaque de métal là où l’anneau tape devrait suffire. »
« Quand est-ce que j’aurais la version modifiée ? »
« Je sais pas, je vais déjà retourner aller voir nos amis les forgerons pour leur faire part de tes suggestions et on verra bien. Je leur ai dit que ça devait être présenté sous peu au Karliik Glenn du coup ça passe en priorité. »
« Dans ce cas dépêches toi d’aller les voir. »

L’eldéenne hocha la tête et repartit une fois de plus vers les forges, cette fois au pas de course en priant pour que les forgerons n’aient pas commencé leur œuvre bien qu’elle en doutait quelque peu.

Zerszayenna ne savait même pas ce qu’elle était en train de boire, elle savait que c’était un liquide claire légèrement amer, mais ça ne la dérangeait aucunement tant que ça la tenait éveillée. La nuit était déjà bien avancée et sa main grisâtre était bien noircie par le même fusain dont elle se servait pour prendre des notes et faire des croquis. Elle déambulait dans la ville, espérant qu’entre les bâtiments, dont certains portaient encore les marques du siège, elle trouverait comment perfectionner son dernier prototype. Bwael était partie se coucher depuis plus d’une heure, elle avait bien tenté de le faire veiller un peu plus mais il avait répondu qu’il avait mal au bras et que contrairement à elle il ne pouvait se permettre d’être à moitié endormi demain.

Depuis le refus de son frère elle marchait donc dans les rues de la ville ou du moins les ruelles car elle n’avait pas encore quitté le quartier militaire même si elle était sortie de l’ombre de la citadelle du quatrième ost bien que le quartier des échoppes lui fasse de l’œil. En effet, bientôt son gobelet serait vide et même si elle ne savait pas ce que c’était elle le remplirait volontiers. Toutefois pour le moment elle préférait marcher au hasard des ruelles tortueuses en passant sans faire attention aux éventuels voleurs et autres brigands, confiante dans la peur qu’inspirait les divers signes d’appartenance à l’ost que commandait le Karliik Glenn il y a peu. Toutefois cette soudaine témérité ne l’empêchait pas de rester dans le chemin des patrouilles des osts.

Puis elle s’arrêta en poussant un soupire. Elle ne trouvait pas comment faire, tous les ajouts qu’elle imaginait semblaient être une de bonnes idées pendant une dizaine de secondes avant qu’elle ne se rende compte qu’en réalité l’ajout en question gênerait sans doute l’arbalétrier, d’une façon ou d’une autre. La vie serait bien plus simple si seulement elle pouvait s’affranchir d’une poignée de règles… elle termina son gobelet et ferma son carnet. La sapeuse se dirigea vers le quartier des temples, comme elle l’avait dit à Bwael plus tôt la ville ne manquait pas de temples dédiés à Isten et peut-être qu’une heure ou deux passées dans les bras d’un prêtre l’aiderait. Quoi qu’aller visiter le clergé de Kiel serait possiblement plus salutaire… ou peut-être pas, dans tous les cas elle arrêterait de perdre son temps à errer.

Au final elle n’avait toujours pas fermé l’œil lorsqu’elle termina de prier Uriz au lever du soleil. Elle se dépêcha ensuite de sortir du temple, elle n’aimait pas ceux du Père. Zerszayenna retourna à la forteresse du quatrième ost et une fois dans l’armurerie à l’intérieure de laquelle elle avait laissé son prototype, elle l’observa à nouveau sous plusieurs angles. Mis à part l’anneau qui pendait et le renfort de métal de quelques centimètres qui recouvrait le dessus et les côtés de l’abrier en dessous de la corde lorsque l’arme était désarmée. Elle attrapa alors un bras de levier et entreprit de l’armer ce qui, évidemment, était plus facile qu’à la main seule et son visage s’illumina. Elle posa l’arbalète en face d’elle, s’assit et ressortit son carnet et son fusain puis elle se mit à dessiner, ignorant complétement les regards de ceux qui pouvaient entrer dans la pièce.

Lorsque la sapeuse s’arrêta, l’arme posée devant elle et celle sur les pages de son carnet n’était plus la même. La seconde était plus petite, moins puissante, mais, surtout le levier qui permettait de recharger plus facilement l’arbalète faisait partie intégrante de ladite arbalète ; ce qui, théoriquement, permettait d’armer en une seconde, peut-être deux… malheureusement cela ne suffisait car mettre un carreau en place mettait plus longtemps. Elle essaya plusieurs fois de mettre les traits en place le plus vite possible mais c’était toujours trop lent.

Zerszayenna leva brusquement la tête en entendant que quelqu’un venait de faire tomber une épée. Elle fixa le soldat pendant plusieurs secondes qui lui renvoya un regard mal à l’aise après avoir ramassé sa lame.

« Un problème? »
« Mais oui! » S’exclama la sapeuse qui se jeta sur son carnet qu’elle avait rangé plus tôt à sa ceinture.
« Pardon? »

Elle se désintéressa ensuite complétement du soldat, elle prit son fusain et se remit à dessiner. Avec un nouveau prototype en tête, et dont les plans étaient finalement couchés sur le papier, elle courut en direction des forges. Maintenant elle connaissait le chemin, elle le connaissait d’ailleurs trop bien au goût des habitants desdites forges. Toutefois cette nouvelle arbalète était beaucoup plus simple à faire, plus petite et sans métal, elle n’eut donc pas longtemps à attendre. Une fois sa nouvelle arme entre les mains elle quitta au pas de course les forges pour trouver son frère qui, normalement, devait se trouver sur le champ de tir comme elle le lui avait demandé.

Bwael testait les dernières additions faites au bouclier et à l’arbalète que sa sœur avait développée mais pour le moment il ne tirait pas, il se contentait de se déplacer. La poignée verticale couplé à une sangle qui lui permettait de garder une prise ferme sur ledit bouclier et ne plaçait pas toute la masse de ce dernier sur son seul bras ; ce qui rendait les déplacements plus simples, plus rapides, ce qui, par extension, rendait les tirs plus faciles. Toutefois, il était certain que la visée pouvait encore être facilitée. Peut-être qu’en remplaçant le croissant en un rectangle… toutefois sa pensée fut brusquement coupée lorsqu’il entendit son prénom être presque crié. Comme il s’y attendait c’était sa sœur mais ce qu’elle tenait dans les mains le fit sourire mais son sourire disparut bien vite en voyant son état.

« Ça va ? » Demada-t-il avec une pointe d’inquiétude, prenant la sapeuse de court.
« Oui, pourquoi? »
« Parce qu’on dirait que tu t’es battue avec quelqu’un… et que t’as perdu. »
« C’est rien, je suis allé voir des prêtres de Kiel. »
« Je peux voir que tes yeux sont injectés de sang… »
« Et alors ? »
« Et alors ? Tes yeux sont rouges ! »
« J’ai pas beaucoup dormis. » Devant le scepticisme de son frère, Zerszayenna tenta de croiser les bras avant de se rappeler que ses mains étaient prises ce qui rendait la manœuvre compliquée. « C’est vrai! »
« Par les onze va voir le clergé de Kiran ! »

Voyant que ça ne servirait à rien de rétorquer quoi que ce soit elle fit demi-tour et repartir à l’intérieur de la forteresse pour trouver les soigneurs attachés au second ost. Toutefois elle fut rapidement de retour, trop rapidement au goût de Bwael qui préféra baisser les bras, il avait tenté, sa sœur était adulte, elle faisait bien ce qu’elle voulait.

« Tu te mets à faire des jouets maintenant? » L’arbalétrier lança un regard à l’arme qu’elle tenait dans les mains. L’arbalète qu’il utilisait d’ordinaire nécessitait d’être tenue à deux mains mais celle que Zerszayenna avait dans les siennes pouvait être employée à une seule.
« Ah-ah-ah… très drôle, essayes-là avant de dire des conneries. » Il haussa les épaules et prit l’arme qu’elle lui tendit et après l’avoir rapidement inspecté il leva la tête pour la regarder.
« Donc j’arme avec le levier et après je tire… » elle hocha la tête. « Et comment je mets le prochain carreau avec ce gros truc en bois juste au-dessus de l’arbrier ? »
« Tu n’as pas besoin de mettre le prochain carreau. Ce gros truc comme tu l’appelles, est remplis de carreaux, lorsque tu tires et que tu armes l’arbalète, un carreau va tomber et tu n’as plus qu’à tirer. » Après une seconde ou deux de silence l’eldéenne fronça les sourcils. « Arrêtes de me regarder comme une folle et essayes-là ! »

Alors Bwael se tourna et tira sur une cible puis il activa le levier, ce dernier tira la corde en arrière et une fois l’arbalète armée un carreau tomba en effet en place puis il tira à nouveau. Il recommença plusieurs fois, allant un peu plus vite à chaque fois jusqu’à ce qu’il entende un craquement qui n’augurait rien de bon.

« Espèce de sauvage. » La sapeuse lui arracha l’arme des mains pour voir ce que son imbécile de frère avait bien pu casser.
« C’est… très bien tout ça mais à quoi ça sert? » Il la regarda porter l’arme au niveau de ses yeux pour mieux l’observer avant qu’elle ne baisse l’arbalète pour le regarder lui.
« Pardon? »
« J’imagine bien que ça sert à tuer mais… si tu montres ça au Karliik au mieux il va rire et au pire il va te punir pour lui avoir fait perdre son temps. »
« Mais t’as bien vu à quelle vitesse tu tires. »
« Oui, c’est fou, mais la force d’impact est ridicule, le mannequin a à peine bougé quand je lui tirais dessus et il n’a pas d’armure. En plus de ça, ton arbalète est bien trop fragile pour survivre à un champ de bataille. »

Zerszayenna baissa les yeux sur son arme et la laissa tomber pour mieux la piétiner, elle pu l’écraser deux ou trois fois avant que Bwael ne la fasse arrêter en l’attrapant par l’épaule.

« Calmes-toi. L’idée est bonne, l’exécution par contre… tu ferais mieux de te concentrer sur ta première arme. » L’eldéenne, halletante, ne répondit rien et ne bougeait pas, maintenant que son frère l’avait lâché elle regarda son prototype brisé en plusieurs endroits. L’arbalétrier, quant à lui, mit un genou à terre et arracha d’un coup sec la boîte en bois cassée dont les carreaux contenus à l’intérieur se déversaient l’un après l’autre sur le sol puis il se releva pour la montrer à la sapeuse. « Comment tu l’appelles? »
« Une cartouche. »
« Tu peux en ajouter une sur l’arbalète avec l’anneau ? »
« Je sais pas… sûrement, oui. » Elle attrapa son carnet mais fut rapidement arrêté une fois de plus.
« Range-ça, voilà ce qu’on va faire: tu vas dormir et pendant ce temps je vais aller voir les forgerons. »
« Mais il leur faut un plan. »
« Pour rajouter une cartouche sur une arbalète? T’inquiète pas ils vont bien se débrouiller tout seuls. Aller va te coucher. »

Zerszayenna avait eu beaucoup de mal à s’endormir, ses muscles encore endoloris malgré les efforts des prêtres de Kiran, prêtres qu’elle n’avait pas vraiment laissé travailler, mais la fatigue la rattrapa bien vite une fois que l’adrénaline s’en était allé de ses veines. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la lune avait prit la place du soleil alors en se levant elle pria Teiweon mais avant elle pensa une seconde à Kiel lorsque ses muscles endoloris se rappelèrent à elle d’un façon assez désagréable.

Ensuite elle se dépêcha de retourner au champ de tir pour le trouver utilisé par beaucoup de soldats mais pas par son frère. Après avoir posé des questions elle put apprendre que Bwael avait quitté le Palais des Trois une heure ou deux plus tôt avec Rilrynna. Elle serra les poings Il avait intérêt à avoir fait ce qu’il lui avait promis. Elle se dirigea d’un pas rapide vers les forges. L’esclave qui s’occupait de ses demandes, ou du moins faisait la correspondance entre ses maîtres et elle, se retint de pousser un soupir en la voyant encore. Sans que la sapeuse n’ait à lui dire quelque chose il lui demanda de le suivre jusqu’à l’armurerie la plus proche.

L’arme avait quelque peu changer. La première chose qu’elle remarqua ne fut pas la cartouche sur l’arbrier mais la lame sous ce dernier, elle haussa un sourcil, les arbalétriers portaient pourtant une épée à la taille ; si son frère avait jugé bon de la rajouter il devait bien y avoir une raison alors elle tourna son attention en direction de l’autre addition. En ouvrant la cartouche elle se rendit compte qu’il y avait moins de carreaux que dans l’originale et elle comprit vite pourquoi : ils avaient réduit la taille pour que le bouclier ne gêne pas l’arbalétrier toutefois elle en compta onze avant de remettre le couvercle en place. L’anneau se trouvait désormais à gauche, incapable d’aller de l’autre côté à cause de la cartouche en question.

En parlant d’anneau, elle put remarquer que l’armure de son frère se trouvait aussi là, et qu’à son ceinturon d’arme, en plus du fourreau pendait des cartouches. Une lanière de cuir reliaient la cartouche à un anneau qui était mis dans un crochet lui-même attaché au ceinturon d’arme. Quant au bouclier, Bwael avait transformé le croissant dans lequel l’arbalétrier était censé mettre son arme pour viser depuis la protection dudit bouclier. Zerszayenna se demanda une seconde pourquoi mais après tout c’était lui, et ses camarades, qui allaient s’en servir alors s’il avait jugé cette forme meilleur sans doute l’était-elle.

Maintenant il n’y avait plus qu’à attendre la présentation.