Page blanche [Ilm'Ryn]

7ieme jour de la 9ieme Enneade de Barkios,
An 17 du XIieme cycle.

Au grand amusement du Prima Char'rath Tael'chath, Shyn'tae aimait s'isoler à chaque fois qu'elle en avait l'occasion. Après tout, les forts aimaient la compagnie des plus faibles, car c'était ainsi qu'ils pouvaient le mieux montrer leur force. Les faibles eux, préféraient la solitude, car c'était la seule manière pour eux d'échapper à leur malheureuse condition.  

C'était un des oasis sur la route menant à Esion, unes des haltes obligées pour tout voyageur en provenance ou en direction du Puy d'Elda. Au creux d'une gorge profonde creusée dans la roche, brunie par le soleil, une resurgeance parvenait à maintenir un étang là où autrefois avait coulé un torrent impetueux. L'eau, l'ombre et une vegetation ici épanouie apportaient une fraicheur bienvenue. Le campement avait été installé sur la berge, proche du chemin escarpé descendant de la route principale.

Les pieds nus de la sorciere s'étaient éloignés du groupe sur le sol argileux, puis elle s'était glissée au dessus d'un gros rochez tombé il y a des siécles de cela de la falaise. C'est derriere ce dernier qu'Ilm'Ryn la retrouva, presque nue. Sur sa cheville menue pendait un bracelet fait de flammes d'argent, et à son bras un Ouroboros d'or blanc aux yeux d'émeraude d'une richesse incongrue. Les yeux clos, sur la pointe des pieds, elle dansait, son corps évoluant avec fluidité à deux pas du rivage. Etrangement, sans qu'ils ne touchent l'onde, chacun de ses pas provoquait des vaguelettes qui se croisaient sur l'eau en d'envoutant motifs. Absorbée dans son monde, elle ne l'avait pas entendu arriver. Il fallait dire que le prêtre était pour le moins discret et peu bavard. Toutefois, ne vous y trompez point, il ne suivait pas sa comparse par péché -du moins pas encore- tout au contraire, sa quête le menait à remplir sa gourde et à étancher sa soif. Pourtant, il resta immobile et muet devant le spectacle qui s'offrait à lui. On pouvait dire tout ce que l'on souhaitait, cette Noirelfe était belle. Les yeux clairs du mâle se baladèrent sur le corps en mouvement de Syn'tae pour y détailler le moindre muscle. Il se sentit presque trop habillé pour ce moment, pourtant rien n'était de trop: il suivit les conseils de Na'ri en portant un turban et des habits clairs et amples, il n'avait qu'un large pantalon et une chemise débraillée laissant entrevoir les gouttes de sueur sur son torse nu de toute cicatrice. Il attendit tout simplement qu'elle achève sa performance, assis sur une pierre, les yeux pétillants.

Pendant de longues minutes il la vit danser et effectuer sa transe, manipulant avec la maîtrise d'une sorcière expérimentée, des forces arcaniques si légères qu'elles en étaient presque imperceptibles. Son corps était svelte et gracieux, d'une beauté inhabituelle chez les drow. Celle d'une daedhel qui n'avait pas terminé sa croissance, ou d'une elfe de l'Anaeh. Puis, elle s'immobilisa finalement, et se détendit en inspirant et expirant lentement. La magie était un exercice physique, et malgré le peu de puissance qu'elle venait de manier, la fatigue de la magicienne était perceptible.

Sa peau ainsi à découvert, les cicatrices larges et maladroites qui cerclaient son abdomen et pour certaines jusque sur sa cage thoracique étaient toutes aussi visible que celles sur son bras gauche atrophié. Aucune n'était à la hauteur néanmoins de celle qui traversait son épaule gauche, oeuvre d'une lame qui aurait dû tuer. Sur sa cuisse droite, il eut le loisir de parcourir des extraits de l'histoire de Kiel, scarifiés en d'élégants motifs. Imprimée au fer rouge sur la droite de son cou, la marque du C'nros paraissait bien peu de chose en comparaison. Qu'avait-il pour lui ? Ce guérisseur à la peau immaculée en comparaison avec les histoires qui couraient sur la peau de la femelle.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ce fut pour découvrir son spectateur inattendu. Depuis combien de temps était-il là? Avait-elle été imprudente? Oui, peut-être, car un des hommes du Prima aurait sans aucun doute pu profiter de ce moment de faiblesse. Il vit sa main délicate s'approcher de la dague qu'elle avait gardé attachée à sa cuisse gauche. Ses pupilles dilatées se contractèrent, sa main s'immobilisa, puis se retira, et elle lui adressa un petit sourire.

- Oh, c'est vous." La sorcière le salua avec le respect que tout drow devait aux premiers serviteurs de leurs dieux sombres. "Pardonnez-moi, vous étiez là depuis longtemps? J'ai du mal à remarquer le temps qui passe lorsque je travaille les arcanes."
- Cela doit bien faire une heure en effet." Il laissa le visage de l'aspirante changer pour revenir sur son mensonge en affichant un rictus satisfait. "Non je vous embête, quelques minutes tout au plus."

Il se leva avec souplesse et s'approcha de Shyn'tae, gourde à la main, sans la quitter des yeux. Chaque cicatrice venait d'être appréhendée. A la manière dont ses oreilles frémirent, il sentit le malaise que provoquait ce regard. "Nul doute que votre Art est plus abstrait et joueur que le mien. Cette danse était plaisante." Le prêtre s'était approché jusqu'à la langue d'eau pour s'y agenouiller et remplir sa gourde. Elle le suivit du regard, sans que ses jambes ne fassent un pas, ni même un mouvement. Elle attendait la suite. Souffrant de la chaleur, il captura quelques poignées du liquide aqueux pour se rafraîchir le corps et le visage.

- Votre corps a connu moult douleurs Shyn'tae Vaen're. Pourtant, pas une fois durant ce périple vous n'avez réclamé mes talents. Vous êtes bien la première. Pourquoi ?"

La question pouvait paraître directe, voire inhabituelle de la part d'un Drow aimant jouer avec les mots, conséquence de l'irritabilité du voyage sans doute, pourtant elle était sincère. Moult de ses congénères aspiraient à devenir plus grands, plus forts ou simplement survivre à une blessure et c'est le prêtre qui était le plus doué pour répondre à leurs attentes pour le plus grand désarroi de ses supérieurs. Alors, pour se venger -si nous pouvons appeler cela une vengeance- ils lui envoyèrent la majorité des patients, le privant par la même occasion de temps pour étudier.

Le silence lui répondit d'abord. Elle l'observait toujours, son oreille droite se dressa, l'autre s'abaissant. Puis sa voix s'insinua prudemment entre les hautes façades de gypse. "Hum... Je ne vais pas si mal ?" La daedhelle hésita un instant avant de poursuivre, sentant confusément qu'elle était en train de s'enfoncer laborieusement. "Na'ri s'est occupée de ma joue. Vous pensez à quelque chose d'autre en particulier?"

Le guérisseur se redressa et posa de nouveau ses yeux sur sa camarade. Sa voix et ses expressions trahissaient son appréhension. Il lui tendit la gourde remplie que la drow saisit de la main droite, avant d'en boire une gorgée. "Merci." La fraîcheur de l'eau était une friandise dont elle profita avec grand plaisir avant de lui rendre l'objet.

- Votre bras, vos cicatrices, vos côtes et j'en oublie certainement d'autres." Ilm'ryn fit mine de compter sur ses doigts en énumérant les parties du corps de l'intéressée. Il lui était difficile d'envisager autant de manques et de ne pas y remédier. "Je ne cesserai sans doute jamais de voir des patients se glorifiant de leurs cicatrices jusqu'à ce que leur bouche devienne aussi sèche que ce désert. Pourtant, je trouve cela dommage. Je trouve dommage de gâcher cette merveille qu'est le corps immortel que nous habitons. Une cicatrice, qu'elle provienne de flammes ou d'une lame, reste une tâche informe et disgracieuse, brisant l'harmonie de votre peau.".

Il approcha la main de son propre visage, faisant glisser son pouce le long de la joue pour finalement entraîner la lèvre inférieure dans le mouvement. Le doigt rejoignit le poing serré reposant sous la joue opposée tandis que la lèvre reprit sa place dans un rebond sensuel. Les oreilles du prêtres se mirent à légèrement bouger et ses yeux trahissaient sa réflexion. La jeune drow l'observait avec étonnement, suivant des yeux le moindre de ses mouvements.

- Na'ri m'a parlé de vos souhaits plus personnels. Devrais-je les chasser de mon esprit ?" Les détails s'arrêtèrent ici... Pour le moment.

Un sourire étrangement félin s'étira sur le visage de sa congénère, curieuse. Il y avait dans les mots du prêtre de Kiran quelque chose d'étrangement attirant et effrayant à la place pour la demoiselle. Un cocktail irresistible.
- Ne chassez rien, tout est possible... Vraiment tout, semblait affirmer son regard brillant d'audace

La réponse de la femelle provoqua un frisson en lui, un mouvement subtil qui courrait sur sa peau à une vitesse folle qu'il avait déjà disparu. Pourtant, il ne bougea pas, ou peu. Ils s'observaient avec une rare intensité. Là, sous l'astre de plomb, avec l'oasis pour seule source de fraîcheur, ils auraient pu se croire seuls au monde. L'idée plut au guérisseur. Se rappelant soudainement que c'était à lui de répondre, lui se ravisa, détourna le regard et déposa soigneusement la gourde sur une pierre à proximité puis, il s'approcha d'un pas en direction de sa camarade de voyage qui n'avait pas bougé d'un pas."Je vous l'accorde, tout est possible... Mais est-ce souhaitable ?". Le silence précèda un nouveau pas d'Ilm'ryn, les mètres s'étaient envolés et leurs regards se firent plus présents. Il leva sa main, lentement, pour l'approcher du ventre nu de Syn'tae. Son pouce s'autorise à braver l'interdit et vient effleurer une modeste cicatrice, il la sentit frémir.

Il s'arrêta, hésita puis, par doute, se retira de quelques centimètres. "Puis-je ?" dit-t-il enfin. C'était une journée pleine de surprises. On lui demandait l'autorisation de toucher à son corps. Evidemment Na'ri le faisait toujours, ou plus exactement, elle attendait que Shyn'tae lui demande. Mais hormi elle, quel autre drow avait-il consenti à faire cet effort?

- Certains pensent que les cicatrices que nous portons rendent hommage aux dieux sombre.... Que chacune d'elle raconte l'histoire d'une reussite, d'un echec, d'une épreuve. Qu'elles nous grandissent? En réalité tant de drows s'en fichent. Et j'ai vu quelques regards de pitié. Je pourrais vous raconter l'histoire de chacune d'entre elle, Ilm'Ryn.  Mais vous, qu'en pensez-vous?" La voix de Shyn'tae avait commencé par la neutalité, comme si elle récitait une leçon, avant de légèrement se teinter de sarcasme. Lorsqu'elle poursuivit, ce fut pensive. Les faire disparaitre... ce serait un peu comme entamer une nouvelle vie. La ditrown Da're me tuerait certainement si elle l'apprenait. Mais peut-être ne remarquerait-elle pas si l'une d'entre elle disparaissait. Elles sont si nombreuses.... Et si souvent sans interêt.

La notion d'hommage restait floue aux yeux du prêtre. Quelle ironie n'est-ce pas ? Un clerc, servant les dieux depuis tant de siècles reste circonspect face à l'hommage. Peut-être qu'on fond, cette idée était intrinsèque à chacun de nous et qu'en parallèle, elle se voulait universelle dans la société puysarde. Tout en glissant son regard sur chaque grain de peau de la guerrière, il se questionnait sur ces prêtres et ses soldats qui aimaient souffrir. Les Jumelles étaient bonnes en un sens. Ilm'ryn n'a jamais cru bon de sacrifier quelque chose de personnel à ses patronnes, peut-être parce qu'il n'était tout simplement pas prêt à renoncer à quelque chose qui lui est cher. Ou bien parce qu'il n'avait rien de réellement important à ses yeux qui servirait d'offrande aux déesses. Toutefois, des offrandes, il en fit. Des dizaines. Des dizaines d'esclaves plus ou moins nobles finissèrent leur vie d'une bien triste manière à l'image de ce pauvre bougre transformé en chair à saucisse il y a quelques jours. Finalement, c'était là son plus grand sacrifice personnel: son temps, si précieux, qu'il accordait à celles pour lesquelles il dévoua sa vie.

- Nous naissons avec deux bras et deux jambes, deux yeux et une bouche, un nez et deux oreilles. Pourquoi devrions nous nous séparer de ces dons ? Qui décréta que donner son fémur plutôt que celui d'un Elfe des cités plairait aux dieux ?".

Le guérisseur termina sa question et la laissa en suspend. Les réponses pouvaient être multiples et il ne prétendait pas connaître la bonne, l'universelle. Néanmoins, il cultivait la sienne et jusqu'à aujourd'hui, elle lui paraissait être la moins mauvaise.

Sous le regard avisé de sa congénère, il laissa tomber turban et haut blanc, rejoignant en ce sens l’apparente et non moins parodique nudité de Shyn'tae. Nulle ombre de cicatrice ne se targuait d'avoir vaincue sa peau, le grain était uniforme et s'étendait sans tâche, ni brûlure, même les égratignures n'avaient pas leur place. Une honte aux yeux de ses collègues.

-Il est vrai que certains basent la véracité de leurs exploits sur l'absence d'un œil ou d'un orteil. Parce que la vanité l'emporte sur le bon sens. Si je vous disais que je pouvais soigner votre bras et le rendre si fort que vous en soulèveriez une hache de guerre comment réagiriez-vous ? Le but n'est pas tant que vous vous mettiez à jongler avec des haches mais de vous permettre de cultiver votre plein potentiel pour vous permettre de vivre sans entrave".
- Je serais toute ouïe..."

Et en effet, les oreilles de la drow s'étaient tendues dans sa direction comme le regard d'un Morgal assoiffé vers une mare lorsqu'il avait évoqué l'idée.  Elle n'y croyait guère... Mais l'espoir l'avait quand même étreint. Une douleur fantôme fleurit, se répandit comme si mille insectes courraient sous sa peau dans son bras insensible, avant de s'évanouir en éteignant l'épaule. Cela arrivait parfois. Son souffle s'accéléra un instant, elle le cacha du mieux qu'elle put.

Il approcha de nouveau sa main, visant cette cicatrice qu'il effleura pour la seconde fois. Elle était petite, un centimètre à peine, une égratignure en somme. Le pouce glissa, lentement, il sentit les muscles de la drow se tendre sous son contact. Ses poumons se gonflèrent et ses oreilles frémirent. Une sensation de picotement chatouilla la sorcière, puis elle s'intensifia pour devenir désagréable. Un frisson la parcourut, son souffle un instant bloqué. La sensation se rependit, angoisse, alors que son corps se braquait en réflexe contre l'intrusion qui donnait la nausée. Elle fit de son mieux pour ne pas résister, pour s'ouvrir à la magie qui glissait en elle, cherchant à plier sa chair à la volonté du prêtre. Il la vit fermer les yeux, calquer sa respiration sur la sienne. là où il la touchait, ses nerfs s'illuminèrent de milles sensations contradictoires. Mais cela ne dura qu'une minute tout au plus avant que le doigt ne se retire, laissant une peau ébène, lisse au toucher. Puis, il ne dit mot, laissant le miracle s'exprimer. Il la dominait de sa taille, son regard doré la couvait et ses larges épaules protégeaient la frêle créature des rayons de l'Oeil. Il faisait chaud.

Elle mit quelques secondes pour rouvrir les yeux, les posant sur lui, son souffle lent. La peau qu'il avait touché était lisse, parfaite, aussi immaculée que si elle venait de naitre. Un frisson la parcourut. Ce n'était pas de la frayeur. Il y en avait qui detestait cette sensation de perte de contrôle, d'autres qui s'en accomodaient comme quelque chose de necessaire. Mais ce n'était pas ce que la sorcière ressentait. Le prêtre s'était immiscé en elle, avait dompté son corps pour le rapprocher très légèrement d'un idéal autre, d'un idéal qui ne lui déplaisait pas.

Les braises qui s'étaient éveillées au fond de son ventre étaient difficiles à nier. Les sommets de ses petits seins s'étaient dressés, et la magie comme le froid n'avaient rien à y faire.

- Hum.... Elle hésita, comme génée. Je... n'ai jamais eu grand respect pour ceux qui se marquaient au cours de rituels. Les veritables épreuves sont celles que le monde nous impose.
- C'est peut-être cela. Vous seriez mon épreuve." Le sourcil de la drow s'éleva, accompagné de son oreille pointue.


La main du mâle s'éleva pour rejoindre la gorge nue de l'aspirante, qu'il sentit se tendre un instant. A quel point pouvait-elle avoir confiance en ce prêtre?  Leurs yeux ne se quittèrent pas, il sentit le moindre battement, le moindre frisson de sa partenaire. Ses lèvres s'entrouvrirent pour inspirer lentement, furtivement ses incisives vinrent mordiller sa lèvre inférieure. Son corps était bien différent de tous ceux qui passèrent sous ses mains et sa magie. "Vous êtes une toile aux innombrables possibilités. Vous avez enduré tant de souffrances... Qu'êtes vous prête à faire par ambition Shin'tae Vaen're ? Quelles sont les limites de votre corps et de votre esprit ?"

La sorcière l'observait. Le risque était acceptable, jugea-t-elle. La curiosité, le goût du risque prenaient le dessus. Le silence s'installa, elle inclina a tête de coté, un mince sourire en coin à son visage. Il sentait les rouages de l'esprit de la sorcière tourner, évaluer les possibilité, se débattre peut-être entre désirs et contraintes.

La main d'Ilm'ryn avait maintenu une légère étreinte sur sa proie qu'elle desserra au fur et à mesure de ses paroles. Son pouce -encore lui, le vrai héros de cette histoire- s'était levé pour titiller le creux situé entre la lèvre inférieure et le menton. Son regard, ses mimiques, son corps et les phéromones qu'elle dégage... Tout était plaisant, ce jeu était plaisant. Il y avait des décennies qu'il n'y avait plus joué... Ce voyage n'était finalement pas une perte de temps, Na'ri et Shyn'tae étaient pour le moins différentes. Les myriades de possibilités glissèrent dans son esprit avec une insolente évidence.

Elles sont tout bonnement parfaites.

Shyn'tae ferma les yeux, pris une profonde inspiration. Pourquoi ne pourrait-elle pas prendre ce dont elle avait envie? Un frémissement la parcourut, le souvenir de sa main ouvrant ses chairs, la sensation de ses doigts tirant l'os, la souffrance, si forte, étourdissante. La Ditrown Da're l'avait-elle vaincue? L'avait-elle soumise, de souffrances en cajoleries? Il sentit la bouffée de colère couler en elle et la lueur de rebellion dans son regard.

- Je l'ignore... finit-elle par répondre lentement. "Qui aurait l'audace... de prétendre avoir la réponse à cette question sans les avoir déjà atteintes ?" Finalement, elle s'anima, poussa légèrement sur ce pouce dont l'extremité titillait un peu trop audacieusement sa lévre.Yeux clos, elle poussa un peu plus en avant pour l'attraper entre ses dents, suffisamment fort pour qu'il les sente, pas assez pour qu'il ressente la douleur et provoquant chez la victime de cette affriolante morsure un frisson de satisfaction. Ses lèvres se refermèrent. Petite, si proche du grand drow, elle levait la tête, ses yeux entrouverts brillaient d'une lueur féline.

- Il y a deux choses qui me tiennent particulièrement à coeur. L'une d'entre elles est d'obtenir la connaissance nécessaire pour créer un être parfait aux capacités supérieures aux nôtres." Le rêveur retira délicatement son pouce de la bouche enflammée de Shyn'tae pour mieux se saisir de celle-ci avec ses lèvres. Sa langue se mit à jouer avec les lèvres entrouvertes de sa partenaire juste le temps que la sienne vienne la rejoindre tandis que sa main droite retrouva le chemin de la gorge de la danseuse. Elle n'y resta que quelques secondes, préférant faire glisser ses doigts et ses ongles le long du torse puis de la poitrine de l'intéressée qui se cambrait peu à peu comme si elle voulait lui l'offrir. Ses lèvres se séparèrent de celles de sa partenaire pour lui murmurer: "Laisses moi réparer ce corps et te rendre plus forte, offre moi cette chance et les Jumelles sauront y voir un acte de piété, aucun de tes supérieurs n'osera s'élever contre notre culte, tu seras la seule et unique décisionnaire".

Les rayons frappèrent le dos du prêtre de toutes leurs forces mais ne purent atteindre la délicate sorcière. Les gouttes de sueurs perlaient sur leurs corps et la proximité de ceux-ci n'arrangeait rien. Leurs visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres à peine, le souffle lent du mâle se dissipait sur l'oreille et le cou de la femelle. Sa main droite étant toujours posée sur la poitrine gonflée, c'est au tour de la gauche de se frayer un passage jusqu'au cheveux de Shyn'tae. Ses doigts jouaient avec les mèches tandis qu'il recula son visage pour que leurs regards se croisent de nouveau. Il y avait tant à lire dans chacun d'eux.

Le sourire en coin de la sorcière avait grandit en quelques instants. Se serait-elle attendue à pareille proposition... L'ironie de la situation la frappa. Un maitre mage avait voulu contrôler son esprit. L'Renor avait voulu contrôler ses actes et son avenir. Maintenant, Ilm'Ryn se proposait de la libérer pour lui offrir son corps. Pouvait-il vraiment le réparer? La drow fit de son mieux pour masquer la bouffée d'espoir qui s'était emparée d'elle. Pouvait-il vraiment réussir à lui rendre son bras? Que risquait-elle de perdre en échange? Le risque en valait-il la peine?

- Donnes-moi goût à ce monde que je dénigre tant". La façon dont-il prononça ces mots ne ressemblait pas -de près ou de loin- à un ordre, tout au contraire, son sourire narquois sous entendait une invitation, le ton, lui, supposait un défi et le regard, enfin, hurlait tout le désir de son être en cet instant. Le regard de la drow brillait en retour.