Par un bel après-midi d'hiver | Aerianna & Sauveur

3ème jour de la 2ème ennéade
Hiver, Karfias de l'An 18:XI

Depuis plusieurs ennéades, les murs de la grande demeure d'Aerianna raisonnaient parfois de sons insolites. Des sons prenant parfois la forme d'un rire, d'un pleur ou d'un babillage. Pas que d'un d'ailleurs... Car les jumelles Hadjaoui agissaient rarement l'une sans l'autre. C'était le propre de ce type de relation fraternelle : leurs deux fillettes étaient inséparables, même lorsqu'elles se chamaillaient.

Les petites avaient toutes deux des caractéristiques physiques que l'on ne pouvait prêter qu'à leur mère, à commencer par leurs cheveux roux et ondulés. En revanche, elles avaient les yeux de leur père et leur teint était un mélange de ceux de leurs parents. Le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'elles étaient magnifiques. Mais Sauveur concédait qu'il n'était sans doute pas le juge le plus impartial pour apprécier la beauté de ses enfants. Quel père digne de ce nom trouverait sa progéniture laide ?

Les deux petites étaient très différentes l'une de l'autre et cela se remarquait déjà alors qu'elles n'avaient encore qu'un an et demi. Elles portaient d'ailleurs bien leurs prénoms... Sagesse était la plus posée des deux. Elle ne cherchait pas tellement à se déplacer pour le moment, même si elle parvenait à marcher si on lui tenait les mains. En revanche, il suffisait de lui donner un jouet un peu complexe et elle pouvait passer vingt minutes dessus pour tenter vainement de le réussir. Liberté, en revanche, préférait de loin courir partout et s'était déjà pris plusieurs gamelles. Mais rester tranquillement dans un coin à feuilleter un livre, ce n'était pas son truc. Elle jouait plutôt à empiler des cubes pour mieux les faire tomber après, ce qui la faisait beaucoup rire (et faisait râler sa sœur si jamais elle participait à la construction ou qu'elle se trouvait sur la trajectoire du jouet en pleine chute).
Les petites ne restaient jamais plus de quelques jours mais cela donnait une ambiance nouvelle à la demeure à chaque fois. Sauveur reconnaissait que c'était du travail, des tracas et un rythme assez particulier entre les siestes, les changes, les bains et les repas mais il ne regrettait pas cette vie pour autant. Et puis, les enfants grandissaient si vite...

Alors que ce serait bientôt l'heure de la sieste, l'Hadjaoui avait opté pour faire un petit temps calme. Pour cela, rien de mieux qu'une histoire. Mais Liberté ayant du mal à tenir en place, il fallait ruser pour faire en sorte qu'elle reste avec lui et ne parte pas courir à travers la pièce. Aussi, il mettait en scène les récits des livres qu'il lisait, faisant de grands gestes, jouant de sa voix pour la rendre plus sonore ou plus ténue en fonction de ce qu'il se passait, invitant les filles à tourner les pages lorsqu'il en avait besoin. Cela marchait assez bien mais devait peut-être lui donner un air un brin ridicule vu de l'extérieur. Un homme grand et large comme lui en train de lire une histoire pour enfant à la manière d'un conteur improvisé...
A la fin de l'histoire, Gesse se leva, prit le livre que son père venait de lire et le ramena dans la petite étagère qui servait de bibliothèque, sans même que l'on ait eu besoin de le lui demander. Pendant ce temps, Lili lui sautait dessus, imitant le monstre poilu qu'il avait tenté de jouer. Sauveur la rattrapa tout en tournant son regard vers sa fiancée.

-J'étais comment ? Impressionnée, hein ? Demanda-t-il d'avance tout fier de sa prestation qu'il savait d'une qualité médiocre comparé à un comédien. Mais autant s'en amuser...