3e jour de la 6e ennéade de l'an 18 du XIe cycle
cryptes du château des Prademonts
2 heures du matin
Les Ténèbres. Les Ténèbres et un froid glacial. Dehors et dedans. Aucun chant d'oiseau ni de femme dans ces profondeurs obscures. Nul cancrelat ni poussière sur le sol du mausolé. Dans la chambre mortuaire, trois cerceuils, dont un vide. Deux de mâles rempli des espoirs évaporés de la lignée, et un vide rempli de promesses non avenues. Autour d'eux, des bougies finissent de se consumer, dans une mare de cire à demi figée, répandant des odeurs d'herbes fraîches pour masquer celle de pourriture.
Trois Prademonts dans leur cerceuils de pierre, attendant d'être installés dans les niches respectives qui seront scellées pour l'éternité.
Une bougie vacille, puis une deuxième. Dans un silence presque de mort, un homme s'avance. Ce n'est que le vétéran muet de la garde de Charles qui vient se recueillir sur les tombeaux, entre deux rondes, parce qu'il est de faction cette nuit. Posant sa torche dans le support à l'entrée, il ne laisse dans la pièce que les ténues lueurs des bougies. Cela sera suffisant pour accomplir son rituel. Sans attendre, il se dirige vers le plus prestigieux des cerceuils. Celui de Gaubert de Prademont. Sortant une boite place de sous sa cape et la déverrouillant, l'homme la dépose sur la tombe de Sulpice. Nous pouvons voir que la boite est cirée à l'intérieur et à moitié remplie de sel de mer.
Bandant ses muscles, il pousse alors le lourd couvercle du catafalque qui fait un bruit épouvantable mais qui se bouge assez bien, n'étant pas encore scellé. L'odeur de pourriture qui monte fait froncer le nez de l'homme qui est quand même habitué à des odeurs semblables. Mais il n'a pas le temps d'attendre. Il atteint l'objet de sa convoitise, déshabille la zone du cadavre sans attendre, tailladant l'étoffe gelée du bout de la lame, avant de couper prestement la partie convoitée de l'anatomie. Non sans un peu de mal, les chairs étant raidies par le froid. Replacant tout de même les plis du pourpoint pour que rien ne paraisse, l'homme prend son trophé et le met dans la boite. Le sel permettra un transport plus facile et une conservation accrue des chairs. Un petit tour d'une clef qui disparait dans un de ses gants, et le voilà en train de replacer le couvercle du tombeau, de prendre son butin et de quitter les lieux, puis le Château en toute discrétion, manifestement sur ordre express de l'Intendant à la Justice Royale. La vie d'un messager est ainsi faite.
Ainsi le garde aura le temps de rallier Seram, d'envoyer par pigeon une lettre avec le sceau des Prademonts avec la minuscule clef ainsi que la boite verrouillée et scellée du même sceau des Prademonts, contenant le trophé, par bateau à qui de droit.
Il se fait une empreinte du même sceau, qu'il cache dans le double fond de sa cassette, avec celui de Fernel, recopié avec un art certain. Il n'en n'aura sûrement jamais l'occasion de s'en servir, mais on ne sait jamais.
Une fois ses tâches accompli, il réserve la barge qui les ramènera tous, les patrons, leur escorte et lui, à Diantra. Délicatesse suprême même si ce n'est pas compris dans le prix, il réserve une place supplémentaire pour le messager blessé qui a besoin d'être rapatrié. Sa partie de boulot est faite... Maintenant, à partir de Diantra, ca sera du service à la carte.
Charles retrouvera la chevalière de son cousin dans une des poches de son pourpoint, juste avant de monter sur le navire.