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 Oulerique de Pierrelumière

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Enguerrand l'Outremer
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Enguerrand l'Outremer


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MessageSujet: Oulerique de Pierrelumière   Oulerique de Pierrelumière I_icon_minitimeMer 2 Sep 2020 - 8:50


Fin sixième ennéade de Karfias, an 18:XI
Quelque part aux alentours d'Asphilie

La fuite en avant des Hommes du Roi avait au moins du bon : la redécouverte d'anciennes caches leur avait octroyé plus de richesses à dilapider, ou à garder pour rentrer au pays. L'Outremer, lui, en avait profité pour récupérer un vieux trophée qu'il avait toujours voulu retrouver. C'était l'écu d'un chevalier médian, un homme qu'il avait vaincu en combat singulier durant les mois d'hiver qui avaient vu sa compagnie ravager les villages des terres de la Ligue laissées sans protection. Il n'avait jamais su quel titre prestigieux il pouvait bien porter, ni quelles terres lui servaient à arborer si belle armure, en revanche le pendard lui avait lancé son nom comme pour satisfaire son ego chevaleresque. Toujours est-il qu'il avait gardé l'écu en souvenir, et qu'à présent, l'Outremer le portait toujours en bandoulière.

C'était une de ces matinées frisquettes. La compagnie s'était déjà éveillée depuis les aurores, toujours poursuivis par le fantôme des cavaliers langecins. Fort heureusement, le froid reculait, et déjà la neige semblait fondre à certains endroits. Ils descendaient plus au sud, et la saison ici était plus douce qu'en Missède à cette période. Ce n'était pas plus mal : les gars avaient besoin d'un temps moins maussade pour éviter de penser à la suite des événements. Il leur fallait passer les péages de Papincourt et se rendre à Pharembourg. Et sans les économies de leurs planques, ils n'y arriveraient guère.

Pourtant, le sort semblait jouer en faveur de l'Outremer. Celui-ci, par ce matin humide, distinguait au loin la silhouette de Firmin le Coureur, leur éclaireur le plus rapide. Parti à la base chercher des coins possibles pour se ravitailler à la faveur de la nuit dans les poulaillers, le routier revenait avec des nouvelles intéressantes.

- Des festivités, tu dis ?

L'Outremer était dans sa tente avec le Firmin, le Mesquin et l'Archidiacre, tenant une espèce de conseil de guerre autour d'un godet de picrate.

- Comme j'vous dis, répondit-il. Le seigneur de Papincourt fait donner une grosse fête pour son mariage, avec des troubadours, des combats, des danses et tout ça...

L'Archidiacre offrit un regard interloqué à l'Outremer.

- En quoi ça nous concerne, Enguerrand ?

Le chef des mercenaires avait une de ces lueurs sournoises dans le coin de l’œil, de celles qu'il arborait furtivement dans son regard à chaque fois qu'une idée de génie lui passait la cervelle.

- Tu l'as entendu toi-même, Bernardin ! Des festivités ! Des largesses ! C'est le moment idéal pour s'introduire en Scylla !

Le Mesquin et l'Archidiacre s'offrirent un commun regard d'incompréhension, se sondant l'un l'autre pour trouver la réponse à leur question. L'Outremer les y aida en se resservant un verre de rouge.

- Réfléchissez mes gueux... Un hôte qui se marie est un hôte généreux. Il se doit d'être magnanime et courtois devant les dieux, pour s'attirer leurs faveurs en vue de son alliance !

L'idée commençait à prendre plus de corps dans les esprits des lieutenants. Mais le Mesquin, fronçant les sourcils, objecta tout de même :

- Mais comment tu veux qu'on en profite ? On est des peigne-culs pour les gens comme ça. Au pire on passera pour ce qu'on est : une bande de guerre, des écorcheurs venus rapiner la Brande.

Enguerrand souriait de plus belle. Là, Bernardin en était sûr : le vieux rusé avait une idée. Et vu la taille de son rictus, une idée bien couillue. L'Outremer prit une rasade de vin avant de se relever, marchand autour de la table et de ses fidèles confrères.

- Il y aura des combats, donc un tournoi. Qui dit tournoi dit chevalier, et nous en avons justement un ici !

Le Mesquin et l'Archidiacre se regardèrent de plus belle. Enguerrand ménagea son petit effet, avant de soudain se ruer sur l'écu à ses pieds et le lever devant les trognes de ses lieutenants. Ils portaient certes des armes vieillies, mais des armes tout à fait reconnaissables. L'Outremer sourit.

- Recouvrons cet écu d'azur, voulez-vous ? Un écu tout d'azur, juste de l'azur. Je m'achète une meilleure monture que la vieille Rosalinde, et quelques pièces d'armure pour faire tapage. Je plaque mes étriers d'or en toc, et tout à coup, je ne suis plus Enguerrand l'Outremer... mais Enguerrand d'Outremer !

Le Mesquin partit dans un rire sardonique, se tenant les côtes.

- T'es malade ou quoi ? Ça marchera jamais ! Suffira que t'ouvres la bouche pour qu'on voit tout de suite que t'es un gueux !

L'Archidiacre, lui, n'en était pas si sûr. Il avait côtoyé certains chevaliers, lorsqu'il était encore au sein du culte. Il savait que dans cet ordre sacré mis sur un piédestal par beaucoup, les membres indignes et parvenus étaient légion. Il se tut donc pour l'instant, attendant la suite du plan de l'Outremer.

- Je ferai un sieur du plus bel effet, mon con. Il paraît que les gentilshommes apprécient les chevaliers mystérieux... moins encore que les dames ! ricana-t-il. Vous serez mes hommes d'armes, ceux avec lesquels je bats la Péninsule en quête de gloire et de prestige !

L'Archidiacre l'interrompit.

- Enguerrand, ce plan est complètement foireux.

Il ajouta, après s'être installé plus confortablement sur son siège, et avoir endossé un petit sourire amusé :

- Mais le pire dans cette histoire, c'est que ça peut marcher.

Le Mesquin n'en revenait pas. Bernardin, le sage, le cultivé, celui qui savait lire et écrire, soutenait une idée aussi tordue ! Il regarda tour à tour le prêtre et son chef, tombant des nues.

- Alors quoi, c'est ça le plan ? On se fait passer pour l'escorte d'un sire venu de nulle part, on participe à leur tournoi de merde et on rentre comme des seigneurs en terres scylléennes ?

Enguerrand acquiesça. Puis il compléta :

- Une partie seulement. Je peux pas faire rentrer tout le monde dans mon parti, ce serait bien trop soupçonneux avec les charrettes, les bourgeoises et leurs marmots. En plus, cinquante hommes c'est trop gros pour une bande au service d'un noble chevalier errant. J'ai besoin que toi, le Mesquin, tu mènes la partie la plus voyante du troupeau indépendamment de moi. Vous montrez pas vos armes ni vos cottes, faites-vous passer pour de la gueusaille venue voir le tournoi. On restera en contact via l'Archidiacre, mais j'ai besoin de lui dans mon parti. Un prêtre, ça fait toujours bon genre.

Bernardin se racla la gorge.

- J'espère quand même que tu sais ce que tu fais. De tous tes plans de margoulin, celui-ci est sûrement le plus ambitieux.

Enguerrand acquiesça en gloussant, puis envoya voler l'écu plus loin, prenant à nouveau son godet en main.

- Si on passe Papincourt sans incident, j'paye le bateau sur mes propres deniers au lieu de la collectivité !

Il se reprit une bonne gorgée de rouge, avant que l'Archidiacre ne pointe du doigt :

- Il te faudra t'entraîner à jouter dans ce cas, messire d'Outremer. Et tu vas devoir commencer dès aujourd'hui : l'heure tourne. Firmin a dit que les festivités commençaient dans une ennéade et demi !

Enguerrand avala bruyamment le contenu de sa bouche, réalisant soudain ce que cela impliquait. Jouter ? Ça ne devait pas être si difficile que ça...

Si ?
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