On m'avait promis un buffet [Maralina]

2ieme enneade de Karfias

Lani Zayam était ce qu'on appelait un homme qui avait réussi. Du petit troupeau de chameau que lui avait légué sa vieille mère il avait fait une force commerciale qu'il fallait reconnaitre. Il possédait maintenant navires, comptoirs et surtout un nombre impressionnant des animaux du désert qui faisaient sa réputation. Evidemment, sa richesse était loin d'égaler celles de princes marchands, mais peu à peu, il étendait ses affaires. Il était vieux maintenant, et il était improbable qu'il ne fasse jamais parti lui même du conseil.

Toutefois, il avait pavé la voix que ses enfants emprunteraient. Il les avait préparé, il devait faire en sorte que tous sachent l'importance de ses affaires tout comme l'étendue de ses moyens. C'était pour cela que, lorsque le spectacle de semailles de sang s'était achevé, il était apparu pertinent d'organiser, au prétexte de l'anniversaire de sa compagnie, une petite fête pendant laquelle le gratin de Thaar pourrait socialiser.

Après avoir pris la parole et offert une tribune à quelque uns des plus habiles orateurs de la capitale Vaani, Le maitre de maison avait depuis plusieurs heures déjà laisser ses invités à leurs activités. Vins et mets coulaient à flot et autant de conversations que de soupires s'échappaient des nombreuses alcôves isolées par rideaux et moucharabieh. Le marchand n'avait pas lésiné à la dépense, et, dans la vaste demeure, des lieux avaient été aménagés pour satisfaire des plus avouables aux plus sombres désirs de ses invités. Monsieur Zayam n'avait pas rencontré autant de succès en jugeant ceux avec qui il faisait affaire. Au contraire, l'homme était réputé pour sa discrétion et sa capacité à garder les mystères de ses partenaires, car il était de ceux qui pensait qu'un secret éventé perdait toute sa valeur.

Lorsque la championne de Thaar avait reçu l'invitation, c'était d'abord l'étonnement qui l'avait saisi, suivie par un intérêt certain. Le spectacle des semailles avait été un grand succès et apparemment ses conséquences ne se limiteraient pas à la part des revenus qu'elle était parvenue à négocier avec le prince marchand Diolando Vega.

***

Shyn'tae évoluait avec grâce entre les invités, un verre de vin entre ses doigts ornés des griffes d'argent que lui avait offert Krish Al'serat il y avait maintenant plusieurs années.  Dans ses cheveux couleur de neige coiffés avec raffinement, les lauriers d'or qu'elle avait remporté de haute lutte pendant les jeux de Thaar reflétaient la lumière.

La robe qu'elle avait choisi de porter ce soir là tenait plus du bijoux que du vêtement, révélant sa peau noire parcourue des conséquences de ses combats comme de ses erreurs, de ses punitions comme de ses récompenses.  Sa coiffure laissait libre son cou orné d'un collier rigide simple et élégant, la marque au fer rouge du C'nros aussi visible qu'aurait été celle d'un esclave. Un bracelet d'or blanc, celui qu'avait autrefois porté la Triumvir Viconia, ornait son bras gauche, d'autres, plus fins et discrets, à son poignet. Sa robe elle-même, bustier asymétrique de soie noire dotée d'un profond décolleté, mettait tout autant en valeur sa poitrine que des jambes fines qu'une paire de sandales à talon haut nouées haut sur ses mollets visait déjà à rendre interminables.

Autour de sa taille, un corset retenait le fourreau de l'épée emblématique de la sorcière en plus de révéler une taille exagérément fine. D'autres bijoux élégants ornaient sa tenue comme

Droite et féline, la demoiselle venait de se séparer du dernier imbécile qui n'avait pas su la distraire. Ses oreilles ornées de pendentifs fins s'agitaient, suivant les derniers éclats de conversation alors qu'elle ondoyait entre les meubles, les convives et les serviteurs. Elle savait pertinemment pourquoi elle était là, objet à la mode dont la présence accroitrait le prestige du Maitre de maison. Mais l'homme avait été de bonne conversation, particulièrement lorsque la drow avait réussi à conduire leur discussion jusqu'au sujet du commerce, art à propos duquel il s'était révélé à la fois intarissable et source d'un savoir encore inconnu d'elle. Elle avait eu bien plus de conversations qui avaient débouché sur des opportunités d'affaire assez intéressantes pour mériter d'être examinées. De plus, plusieurs fois déjà, elle avait été amené à partager avec des dindes pressées d'être vues avec la championne l'origine des bijoux qu'elle portait. La boutique de Modeste recevrait sans aucun doute la visite de nouvelles clients.

Si on ajoutait à ca le bon vin et la présence d'un buffet en apparence inépuisable, c'était le début d'une soirée pleine de potentiel.