Ce sont les voix... [Solo]

Calimehtarus, Troisième ennéades de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Temple de Kiel, Sol’Dorn, Ithri’Vaan

Trouve-les… Cette voix! Encore et toujours présente. C’était la seule qu’elle entendait clairement, la seule qui, depuis quelques ennéades prenait de plus en plus de place. Le murmure qui se révélait dans les moments les plus importants. Elle ne la connaissait que trop bien. C’était elle qui la guidait, elle qui lui murmurait les tourments à faire subir aux victimes. Kha’linas leva la tête, fermant les yeux pendant une seconde, écoutant attentivement les murmures. Sa main se crispa une nouvelle fois, comme à chaque fois que la puissante voix revenait. Les artéfacts, ils devraient être à toi. Toi seule, aurait pu mener à bien la mission. La prêtresse inspira profondément, se laissant bercer par le murmure, mais ce dernier semblait loin d’avoir terminé sa rhétorique.  Retrouve ce qui est perdu et tu pourras les guider. Ces prunelles vides se rouvrirent avant qu’elle ne se mette à fixer le mur, l’air impassible. Cela faisait plusieurs ennéades déjà qu’elle la guidait, elle les avait toujours entendus ses murmures, mais il n’avait jamais été aussi présent que depuis quelques ennéades. C’était cette voix qui lui avait demandé d’aller jusqu’à Erlem, d’accompagner les ilythiiris dans leur quête. Puis la voix s’était soudain rétractée, lui demandant d’aller chercher les artéfacts perdus par la créature de Kiel, ce qu’elle avait fait sans hésiter. Imaginant que ces murmures venaient exclusivement de la Maîtresse des Souffrances.  


« Guider qui? » murmura-t-elle. Tu sais très bien qui. Le regard vide se porta sur sa jambe droite. Une chaîne ornée de barbelé caressait doucement la peau cendrée, laissant des traces rougeâtres sur son passage. Elle se souvenait si bien de la première fois qu’on lui avait infligé ce tourment. Elle se souvenait des larmes qui était tombé la première fois. Et maintenant… plus rien… que le vide. Que l’absence de toutes émotions, de toutes excitations. Elle serra un peu plus sur la chaîne, alors que le métal s’enfonçait un peu plus dans sa peau. C’est seulement à ce moment-là que tu pourras ressentir quelques choses. Je sais qu’elle te manque… Je sais que tu la recherches. Elle ferma les yeux avant de lâcher un soupir. C’était inutile. Elle ne ressentait rien. Gul’Uss lâcha la chaîne qui resta toujours figée dans sa chair avant de poser ses mains sur le sol de pierre froid. Elle inclina la tête, rendant hommage à Kiel, avant de murmurer; « Je suis désolé, maîtresse. Je suis incapable de vous satisfaire. »


Ne fais pas la sote!


La voix résonna dans sa tête, agressive, colérique. Et elle était loin d’avoir dit son dernier mot; Tu sais très bien comment satisfaire! Tu es la favorite. Agis comme tel! Les yeux vides se rouvrirent alors qu’un sourire des plus mauvais sembla orné son visage, comme si l’envie était à nouveau revenue et c’est à ce moment précis que les portes de la chambre s’ouvrirent, laissant place à un haut-prêtre. Ce dernier s’arrêta net, n’osant pas faire un pas de plus pour découvrir le visage découvert de l’Obok yatharil. Il inclina son visage masqué, avant de se racler la gorge et briser le silence;


« Suliss, le Da’re de Sol’Dorn nous a amené un blasphémateur. Désirez-vous vous en occuper? »


Kha’linas se releva, la chaîne toujours figée dans sa jambe. Puis, redressant la tête devant l’effigie du visage hurlant. « J’arrive. » Ce dernier n’attendit pas plus longtemps. Il tourna rapidement les talons avant de sortir de la pièce. Lorsqu’elle entendit le bruit des lourdes portes se refermer derrière elle, son sourire sembla s’agrandir; « En effet, je sais exactement quoi faire. » murmura-t-elle avant d’attraper son masque. Gul’Uss l’attacha rapidement, avant de poser faire un dernier salut à sa déesse. Kha’linas allait tout lui donner ce soir, et la pauvre victime n’avait aucune idée dans quoi il était tombé…

Les portes se refermèrent sur les pleurs, coupant ainsi les ignobles pleurnichements du blasphémateur. Le pas déterminé, Gul’uss s’avance vers sa victime, laissant ses pas résonner dans la voute. Elle monta les quelques marches pour rejoindre l’hybride attaché à une table de marbre noir avant de se mettre à marcher autour de ce dernier. Oh oui… La main droite de la prêtresse se crispa, Fais-le hurler. Donne-moi ce moment. Gigotant sur la table, l’hybride tentait tant bien que mal de bouger ses membres attachés à l’autel. Ses yeux bandés par un morceau de tissu tachée commençait à s’alourdir avec le poids de ses larmes. La panique semblait s’emparer de ce dernier, le faisant complètement perdre la raison. Son corps nu tremblait sous les assauts du froid, les extrémités commençant à prendre une nuance bleutée. L’Obok Yatharil de Kiel se tenait debout, silencieuse, ses prunelles vides étudiant sa proie. Elle adorait ce moment. Ce pré-rituel qu’elle avait instauré. Un moment, seule, avec sa victime tremblotante. La sombre avança silencieusement vers ce dernier, alors que les yeux se promenèrent sur le sacrifice, tentant de déterminer la faiblesse de ce dernier. Que pourrait-elle bien lui faire? L’écorcher vivant? Après tout lui enlever chaque centimètre de peau pour faire exploser son cœur semblait une façon des plus poétiques d’honorer le visage hurlant…

C’est à ce moment précis que les grandes portes s’ouvrèrent à nouveau, avant que de nombreuses figures masquées entrent dans la chambre. Les prêtres de Kiel se placèrent en cercle autour de la victime, alors qu’un Grand-Prêtre approcha avec une dague sur un coussin, il s’arrêta près de l’Obok Yatharil, avant de baisser doucement la tête, tendant la dague vers Kha’linas. La prêtresse prit doucement la dague avant de faire glisser doucement son doigt torturé sur la lame, laissant un filet rougeâtre sur l’acier. Elle mit sa main sous la lame, avant de la lever vers la statue du visage hurlant. Brisant finalement le silence;


« jhal wun oloth nind doer areion.
Nixm'io nym'uer dosst ul'nusst.  
Nixm'io plynn dosst chath, ulu nindol Quarval-sharess dos shlu'ta naut ortelanth
Nixm'io lassrinn dos.  Tangis' elghinn  h'ros ser dos maglust
Areion nindol oloth dos orn muth ilta, wun nindol keeshe k'jakr beat ukt xukuth.
Rilbol whol ilta.  
Ori'gato lil' ul'nusst mrimm uns'aa»

«Mais dans les ténèbres, ils traversent.
Elle entendra votre cri.
Elle prendra ta flamme, à cette déesse tu ne peux pas prier
Elle va vous briser. Même la mort ne peut pas te séparer
À travers cette obscurité vous la trouverez, dans ce poignard battait encore son cœur.
Tout pour elle.
Laissez le cri nous guider.»


Les prêtres répétèrent les paroles de l’Obok Yatharil. Phrase par phrase, les mots résonnèrent dans le temple en cœur. Faisant frissonner la victime. Une fois la prière terminée, la prêtresse fit un pas vers la victime avant que ce dernier ne se mette à sangloter; « Non, ce n’est pas possible. C’est un cauchemar…» Gul’Uss s’arrêta net, avant de murmurer; « Ce n’est pas un cauchemar, mais la cruelle vérité, où tout devient vrai. Tu recherches le contrôle, un moyen de t’en tirer. Mais tu n’as pas appris ce que tu devais; bannir ta peur.»


Sa main se crispa alors que les murmures se firent à nouveau entendre. Elle sentit l’excitation bouillir dans ses veines, alors qu’elle s’approcha de sa victime alors que le silence devenait de plus en plus lourd. Les autres prêtres dévoraient la scène a travers de leurs masques ornés de joyaux, alors que la victime se mettait à hurler de nouveau. C’était pathétique. Au moins les ilythiiris étaient entraînés à ne pas craindre la souffrance. Cet hybride lui, était réellement une aberration.  Gul’Uss s’arrêta lorsqu’elle fut à un centimètre de ce dernier, avant de poser délicatement la pointe du poignard sur le torse du sacrifice. Ce dernier, se mit à hurler de plus belle alors qu’il put sentir l’acier froid sur sa peau. Kha’linas se mit à marcher, laissant la lame glisser sur le corps de l’hérétique avant qu’elle ne s’arrête à ses pieds. Puis, elle enfonça doucement la lame sur son talon alors que le liquide rougeâtre s’écoulait doucement sur la table de marbre noir. Ça venait de commencer.

Les portes se refermèrent derrière l’Obok Yatharil alors qu’elle entrait dans ses appartements. Une fois que la pièce soit à nouveau silencieuse, elle enleva doucement son voile et son masque, les plaçant d’une façon presque religieuse devant elle. Ses prunelles vides se levèrent sur l’effigie du visage hurlant avant de baisser doucement sur ses mains ensanglantées. Elle laissa s’échapper un petit rire satisfait alors qu’elle observait doucement le liquide rougeâtre glissé dans la crevasse de ses mains. Tu ne connais pas réellement quelqu’un jusqu’à ce que tu l’aies entendu demander grâce…


Les yeux vides se portèrent à nouveau vers le visage hurlant, répondant aux murmures qui résonnaient dans sa tête. « Je ne peux rien sentir… du moins jusqu’à ce qu’ils le ressentent, eux. » Une gouttelette rougeâtre s’écrasa sur la pierre froide alors que la voix résonna à nouveau; Leurs cris me font vibrer, ne ressens-tu pas cette énergie? Ne te sens tu pas en vie lorsque les pleurs résonnent?

Ils ont peurs…
Je les veux…
Je veux les entendre…

Tellement de voix, tellement de demandes qui résonnaient. Kha’linas ferma doucement les yeux en redressant le menton, tentant de déterminer laquelle venait de sa maîtresse. Puis ses doigts se crispèrent alors qu’elle entendit son rugissement; Tu sais quoi faire maintenant…


Gul’Uss ouvrit rapidement les yeux, faisant face à l’effigie, silencieuse. Son visage de marbre ne dévoilant aucune émotion. Ce n’était pas la première fois qu’elles les entendaient, mais c’était bien la première fois qu’elle entendait si aisément la maitresse des souffrances. Elle lui avait donné un nouveau but, une quête qui ne pouvait attendre, elle se devait de la satisfaire.


Sortant finalement de ses pensées, la prêtresse plongea ses mains brûlées dans une bassine remplie d’eau, laissant des traits rougeâtres s’entremêler avec le liquide cristallin. Ce fut à ce moment que les portes derrière elle s’ouvrirent à nouveau. Berg’il s’arrêta net, lorsqu’il aperçut les longs cheveux blancs de sa maîtresse, n’interrompant pas ses pensées. Il savait trop bien ce qui lui arriverait s’il voyait le visage de l’Obok Yatharil, et pour être honnête, il n’avait pas réellement envie de le voir. À voir le reste de son corps, on pouvait, avec raison, que son faciès était probablement aussi tragiquement détruit que le reste…


« Trouve moi des volontaires. Nous partons demain pour Thaar. »


Sa voix perça doucement le silence qu’il avait imposé et Berg’il ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils, l’air perplexe.


« Thaar? Mais pourquoi? »


Les doigts de l’Obok Yatharil se crispèrent un instant, et l’ilythiiri eut un sourire en l’apercevant.


« Je vois… nous serons prêt demain à la première heure, Suliss. »