Visite diplomatique sur fond de toile intriguante [PV Alicia / Adélina]

Je n'ai plus eu à me pomponner pour une visite depuis quelques mois. Endeuillée, je n'avais pas grand chose à faire pour m'apprêter. Une robe noire, une coiffure simple et le tour était joué. Cela m'avait manqué... Mes fiançailles étaient ce dont j'avais besoin pour me décider à reprendre le cours de ma vie laissée en suspens depuis la mort de ma mère. Alors, avec l'aide de Magdeleine, j'ai retiré toutes mes tenues sombres de mon armoire et, sous les conseils d'Elyanna, je l'ai garnie de nouvelles tenues plus adaptées au statut de femme que celui d'enfant que j'avais auparavant. Elle a eu la gentillesse de m'éviter les décolletés qu'elle affectionne et qui me mettent mal à l'aise. Mes vêtements sont plus dans la distinction et la dignité dont j'essaie de faire preuve malgré mes béquilles, ce qui me demande donc le double d'effort comparé à d'autres femmes de mon âge ou de mon rang.

Ce jour-là, je me tiens auprès de mes frères et sœurs. Thorus, mon tout nouveau père, est près de moi. Nous échangeons un sourire alors qu'il remarque que j'ai soigné mon apparence. J'ai choisi une robe raffinée aux teintes gris perle encadrant un blanc éclatant. Pour ma coiffure, j'ai ressorti ma collection d'épingles que j'aime tant et que j'avais rangé par souci de simplicité pendant mon deuil. Magdeleine m'a fait un chignon très élaboré et elle a inséré à l'intérieur une sorte de chaîne fine et ornée de quelques pierres claires, le tout se distinguant très nettement dans ma chevelure sombre.
Je remarque que même Magnus s'est fait beau et cela étire quelques sourires amusés entre mes sœurs et moi que seules nous savons interpréter. Entre mon infirmité et nos leçons de jeune fille, nous avons passé tellement de temps ensemble que nous nous connaissons par cœur et nous nous comprenons sans avoir besoin de mots. Et, même si je dois avouer que j'éprouve un peu plus de difficultés avec Magnus et Thorne, nous sommes une fratrie très unie. C'est la vision qu'aura sans doute la demoiselle que nous nous apprêtons à accueillir lorsqu'elle arrivera.

Tandis que nous attendons, je me penche vers Thorus pour lui demander discrètement lequel des hommes qui nous entourent est le régent de Terrefière. Il me l'indique d'un regard accompagné d'une très brève description. Dès que je l'ai identifié, je fais mine d'observer les autres visages de l'assistance puis je e tourne à nouveau vers la route. J'aimerais m'entretenir avec cet homme mais ce n'est pas le moment... Et en même temps, je me dis que peut-être Marc-Aurèle voudrait me présenter lui-même à ses gens, à commencer par celui qui le remplace en son absence. J'ignore comment celui-ci prendra la nouvelle... Celle de découvrir que c'est une femme très jeune et totalement inexpérimentée qui le privera à terme de sa fonction auprès de son Seigneur. Il y aura toujours besoin d'un régent, certes, mais bien moins qu'avant...
Finalement, mon frère me tire de mes pensées alors que du mouvement s'annonce devant nous. Je me redresse imperceptiblement, je lève le menton légèrement plus haut et je conserve une posture qui se veut digne de la petite sœur du Comte. On m'a fait comprendre que cette rencontre avait un enjeu de taille et je tiens à faire honneur à Magnus.

Coiffure:

Le trajet avait été long. Très long et avait été loin d’être le plus tranquille, ce dernier ayant été rallonger par quelques rencontres impromptues, mais le fait que le Comte avait déployé des hommes supplémentaires pour accueille la délégation de Lodiaker était des plus appréciées, surtout après les événements qui avaient presque décimé sa garde, mais grâce à l’intervention du Seigneur de Terrefière les événements furent rapidement contrôlés. Adélina lui devait énormément, et lui serait à jamais redevable. Malgré tout, Clervie s’était bien remise du choc ainsi que de sa légère blessure, les troupes du Comte étaient rapidement arrivées et un messager avait rapidement été envoyé à Alonna pour demander des gardes supplémentaires pour le voyage de retour. Repoussant doucement les rideaux pour observer discrètement la ville qui s’ouvrait devant ses yeux, ses doigts gantés détonnant avec le lourd tissu de velours, alors qu’une foule de curieux tentait de voir la fameuse rose de Lodiaker. « J’ignore si cela est une bonne idée. » Clervie soupira en déposant son point de croix sur le côté. « Vous le savez que vous vous faites des idées. » Adélina laissa tomber le rideau alors qu’elle lança un regard amusé vers sa camériste. « Disons que je n’ai guère entendu de belles histoires au sujet du Comte. » Clervie étouffa un rire avant de lui jeter un regard taquin; « Ne vous fiez pas aux ragots. Vous savez pertinemment ce que les gens disent sur vous. » Adélina eut un sourire, bien sûr qu’elle le savait. Les gens pensaient qu’elle n’était que cette petite damoiselle sotte, ils ne voyaient guère les épines de la rose, mais elle attendait le bon moment, et cette couverture était parfaite.


Adélina laissa s’échapper un soupir alors que le carrosse s’arrêta. Elle put reconnaître le brouhaha de ses chevaliers qui s’activaient. « De quoi j’ai l’air? » murmura la jeune femme à sa camériste alors qu’elle replaçait les pièces métalliques de son corset. « Parfaite! » La jeune femme eut un sourire, alors que la porte s’ouvrait. La damoiselle sortit gracieusement du carrosse, lâchant doucement la main du héraut qui l’avait aidé à descendre avant de balayer du regard la délégation qui se trouvait devant elle. C’était à croire que l’ensemble d’Arétria était venu à sa rencontre. Une chose bien curieuse puisque les arétans avaient participé à la chute de sa famille. La rose de Lodiaker redressa la tête, alors qu’elle rencontrait le regard de ce qui semblait être le Comte. Son habillement bleuté détonnait avec les cheveux blancs de l’homme. Décidément, un homme mûr. Sans attendre, elle s’approcha d’un pas confiant vers ce dernier, la longue traîne de sa robe en taffetas de soie gris virevoltait légèrement sur le sol. La damoiselle de Lodiaker s’arrêta à quelques pas du Comte, avant de faire une révérence. Penchant légèrement la tête vers le bas, alors que sa jambe droite se déplaçait légèrement vers l’arrière. Des mouvements des plus gracieux, exécuté à la perfection, avant que la jeune femme ne relève son regard azuré vers son hôte.


« Votre Grandeur. » commença-t-elle avant de faire un léger sourire. « C’est un réel honneur d’avoir reçu votre invitation, et je vous remercie sincèrement pour cet accueil digne d’une figure importante. » C’était bien vrai, on aurait presque dit que ce dernier attendait le roi en personne. Après tout, elle n’était qu’une dame, certes venant d’une maison lourde d’histoire, mais elle était bien loin de la royauté. Sans s’en rendre compte la jeune femme replaça doucement sa capeline sur ses épaules avant de déplacer son regard sur les personnes qui entouraient le Comte. Son regard azuré s’arrêta sur une jeune femme en béquille avant de lui faire un léger sourire avant de retourner vers le Comte. « Votre famille je suppose? Me feriez - vous l’honneur de me les présenter? » Requête tout à fait bénigne, mais qu’il en dirait beaucoup sur le Comte.

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Si les murmures s’étaient intensifié du côté des Arétans, c’était un silence surpris qui avait envahi les Alonnais. À un tel point que la rose de Lodiaker se demanda si elle avait bien entendu. Venait-il de lui demander pardon? Certes, les Arétans avaient participés à la guerre civile en Alonna. Cette même guerre qui avait fait perdre le titre de Baron aux Lourbier. Mais qu’un Comte le fasse aussi ouvertement, devant toute sa cour alors que l’usurpatrice n’était nulle autre que sa suzeraine. Adélina avait entendu parler des fresques du Comte d’Arétria, après tout, la bataille entre l’ancien Comte d’Odélian et ce dernier avait certainement fait le tour de la péninsule! Mais disons qu’elle n’avait jamais pensé qu’il irait si loin. Définitivement cette rencontre serait des plus intéressantes…  La jeune femme échangea doucement un regard avec Clervie, avant que la camériste reporte son regard au sol.


Puis le Comte introduit sa – très nombreuses familles et un nom attira son attention. Alicia, future Dame de Terrefière. Ainsi donc la jeune fille était fiancée à nul autre que son sauveur? Elle avait de la chance d’avoir un homme aussi dévoué à ses côtés. Silencieuse, la jeune dame se promit de venir lui parler un peu plus tard durant le banquet. Magnus continua alors à présenter sa famille. C’était presque amusant de voir à quel point les frères se ressemblaient tous les uns des autres. « C’est un plaisir de vous rencontrer. J’espère avoir l’occasion de faire connaissance pendant la soirée. » répondit-elle finalement à l’ensemble de la famille avant d’incliner doucement la tête. Puis elle acquiesçât de nouveau alors que le Comte l’invita à entrer. Sans attendre, elle le suivit au travers de la haie d’honneur formée par les gardes alors que le peuple, curieux, semblait s’être réuni pour rencontrer les visiteurs. Définitivement c’était un spectacle bien différent de ce qu’elle s’était attendu. Pourquoi le Comte déroulait ainsi le tapis rouge pour une simple damoiselle la titillait. Il avait définitivement une idée en tête, et il tentait de l’amadouer. Dommage pour lui, elle était peut-être jeune, mais était bien loin d’être sotte et elle jouerait le jeu aussi longtemps qu’il le faudrait. Au bout de quelques silencieuses minutes de marche, le Comte se retourna finalement vers cette dernière avant de lui demander comment s’était passé son voyage.



Adélina perdit soudainement son sourire, devenant soudainement très sérieuse avant de reprendre la parole; « Disons bien, du moins jusqu’à que l’on arrive à la frontière avec la Malelande. Notre carrosse a malheureusement été attaqué par des brigands. » Épargnant quelques détails importants, notamment le fait que les bandits avaient été engagé pour la faire disparaître, la jeune femme continua; « J’ai perdu quelques hommes pendant le combat, mais des renfort d’Alonna devrait arriver avant mon départ. Qui plus est, Votre Grandeur. Je vous suis énormément reconnaissante. Car sans l’aide d’un de vos vassal, je crains que nous ne pourrions avoir cette discussion aujourd’hui. » Son regard bleuté se retourna vers le Comte avant de continuer; « Il se trouve que le Seigneur de Terrefière m’a sauvé et aussi organisé mes hommes pendant l’attaque. Je lui dois la vie. »

Adélina eut un sourire, avant de s’arrêter portant son regard sur le Comte. « Ne vous en faites pas Votre Grandeur. Cet événement n’était aucunement de votre fait, et je ne peux vous en tenir rigueur. Je vous suis simplement reconnaissante d’avoir un vassal aussi courageux qui n’a pas hésité à venir à notre aide. Je vous dois, et lui doit, énormément, et pour cela je vous suis définitivement redevable. » La damoiselle se remit à marcher un sourire innocent aux lèvres. Cette conversation était définitivement des plus singulières. Un Comte qui la recevait comme une reine, lui demandant pardon devant l’ensemble de son Comté, il voulait définitivement quelques choses, et la rose de Lodiaker devait avouer qu’elle était passablement curieuse de voir l’offre du Comte. À son âge, ce dernier n’allait probablement pas lui demander de l’épouser, ce qui était rassurant en soi… Mais ne sait-on jamais. La jeune femme adorait lire les gens, tentant de découvrir quel était réellement leurs intentions. La marche se conduisit pendant un moment, alors que d’innombrable citadins semblaient s’être réuni pour tenter d’attraper le regard de l’invité.


Ils arrivèrent finalement à la citadelle arétanne, et c’est à ce moment que le Comte lui annonça qu’un dénommé Ulric la conduirait à ses appartements. Elle baissa doucement la tête, faisant une nouvelle révérence avant de remercier son hôte. « Cela sera avec un grand plaisir. » Sans attendre, l’arétan conduisit la jeune damoiselle à ses appartements. Une aile assez chaleureuse, mais qui était typiquement arétanne. Disons que l’on n’avait pas la finesse du sud, mais la damoiselle de Lodiaker était loin de leur en portée rigueur. Cela ne prit que quelques minutes avant que Clervie ne s’approprie les appartements, dirigeant les serviteurs qui déchargeaient ses coffres, avant de préparer la tenue de soirée de la jeune femme. Elle l’aida à se nettoyer, à coiffer ses longues boucles brunes avant de l’aider à mettre la robe audacieuse de la damoiselle. Une robe violette, ornée de fine broderies roses et de pierre rosée. L’encolure légèrement échancré et le col bateau mettait en valeur sa silhouette fine, alors que cette dernière entrait finalement dans la salle à manger du château. Là de longues tables ou d’innombrables personnages plus colorés les uns que les autres semblaient être installées, et la damoiselle rejoignit rapidement le Comte qui l’installa près de lui.  


Les serviteurs se hâtèrent de déposer la nourriture, un banquet relativement rustique, mais qui faisait amplement l’affaire, et c’est au moment que les rires commencèrent à emplir la salle que la jeune damoiselle décida de finalement satisfaire sa curiosité. Se retournant légèrement vers le Comte, cette dernière ouvrit la conversation; « Je vous remercie de votre invitation et de votre accueil, Votre Grandeur, mais je dois avouer que tout cela me surprend. Je me doute bien que vous vouliez discuter d’un sujet bien particulier en me mandant, et je vous prierais de satisfaire ma curiosité. » Une belle entrée de jeu, alors qu’elle lui demandait tout simplement qu’est qu’il lui voulait pour tenter de l’impressionner autant…

Adélina ne put s’empêcher de hausser un sourcil lorsque Magnus prit la parole. Une raison secrète et un intérêt commun? Décidément ce voyage, aussi risqué qu’il soit, en valait définitivement la peine. Elle avait repris la seigneurie il y a de cela à peine que quelques ennéades et voila qu’elle se retrouvait propulser dans une quelconque intrigue. Et à voir la réaction du Comte cela devait être particulièrement important, car ce dernier n’avait même pas retourné le regard pour lui répondre. Au contraire il fixait un jeune homme qui semblait avoir à peu près son âge. Adélina baissa doucement le regard, un léger sourire aux lèvres, alors qu’elle semblait regarder un point devant son assiette. « Vous savez comment aiguiser ma curiosité, Votre Grandeur. »

֎ Musique d’ambiance ֎

Des musiciens semblèrent finalement faire leurs apparitions, jouant des airs entraînants au grand plaisir des convives. Un groupe fort talentueux qui plus est, de nombreux couples se dépêchèrent au bout des tables pour danser. Les robes virevoltaient pendant que certains couples s’amusaient sur la piste de danse, une occasion bien rare pour certains. D’autres arétans semblaient beaucoup plus occupés à savourer l’alcool local au grand déplaisir de leurs partenaires alors qu’elles tentèrent d’entraîner leurs maris pour une danse. Si certaines femmes semblaient réussir, d’autres avaient définitivement lâché la chose, préférant bouder alors que leurs maris vidaient le contenu de leurs choppes avant de laisser s’échapper un renvoi des plus impressionnants. La scène amusa la damoiselle, qui ne manqua pas une seule seconde les actions des invités. Puis, une voix vint finalement la sortir de ses pensées; « M’accorderiez-vous cette danse Ma Dame? » Adélina tourna la tête, l’air surprise, alors qu’on venait de la sortir brutalement de ses pensées. C’était le jeune homme que Magnus ne lâchait pas du regard depuis le début de la soirée. « Oh… oui bien sûr. » Elle se leva gracieusement, avant de donner sa main à l’homme qui la prit sans hésitation. Adélina jeta un discret coup d’œil au Comte, se demandant s’il avait arrangé cette mascarade avant de suivre l’homme.


Les autres convives laissèrent volontiers la place au jeune couple qui s’arrêtèrent au centre de la pièce. L’arétan se mit rapidement à mener la danse alors que le groupe reprenait un autre air un peu plus joyeux. « Je crains que je n’aie pu saisir votre nom, Messire. » Le jeune homme eut un petit rire avant de prendre à son tour la parole; « Rathord de Sorosd, Seigneur de Wenden. » Adélina répondit par un sourire. Inutile de dire que son nom lui était connu, après tout cela était le lointain cousin de l’ancien Comte d’Arétria. Il la fit tournoyer une nouvelle fois, avant de lui prendre doucement la taille, s’approchant doucement de son oreille pour murmurer; « Vous êtes peut-être une Lourbier mais vous ne semblez pas être aussi dangereuse que la dame sanglante. » Sourire toujours aux lèvres, la jeune femme posa doucement la main sur le torse de son partenaire de fortune, lui permettant de garder une certaine distance protocolaire avec ce dernier avant de lui répondre; « Il faut croire que certain Lourbier sont différents. » Les musiciens finirent leurs balades et les convives ne purent s’empêcher d’applaudir le talentueux groupe. Adélina se joints aux autres, non sans lancer un regard au dénommé Rathord. Ce n’était pas un regard mauvais, ou espiègle, non plutôt un regard légèrement défiant, après tout la réplique de ce dernier était toute sauf agréable. Sans attendre, la jeune femme tourna les talons pour retourner vers l’estrade alors que Rathord lui dit; « Mais je n’ai guère fini de vous parler! »


« Moi, si. » Dit-elle sans se retourner ce qui sembla amuser quelques convives bien bourrés.

Le reste de la soirée se passa sans autre événement majeur. La damoiselle de Lodiaker regagnant rapidement son siège, et curieusement aucun autre nobliau tenta de s’approcher de cette dernière. Par peur? Ou par un ordre quelconque? Peu importe… disons que les événements qui s’étaient passés sur la piste de danse l’avaient considérablement refroidi. Alors qu’elle se dirigeait vers ses appartements après avoir remercié le comte, l’un des gardes l’interpella et lui demande de le suivre, seule. La jeune femme échangea un regard avec Clervie, avant de lui faire un signe de tête. Elle s’engagea alors dans les couloirs avec le garde et ils marchèrent pendant un certain moment. Silencieux, ce dernier refusa de lui donner une quelconque bride d’information, se contentant de saluer les autres gardes qui semblaient bloquer les différents couloirs et escalier dans lesquels ils s’engageaient. Adélina ne put s’empêcher de sentir la nervosité la gagner. Que se passait-il? Finalement, le garde s’arrêta devant une porte et l’ouvrit. Devant son hésitation, ce dernier lui fit un signe discret d’entrer dans la pièce, et la jeune femme s’y engagea. Son regard azuré balaya la pièce avant de s’arrêter sur le Comte qui se trouvait tout près de l’âtre de la grande cheminée. Elle n’eut même pas le temps d’ouvrir que ce dernier s’excusa pour la petite mise en scène qu’il venait de lui imposer tout en mentionnant que certains arétans était des vautours. Adélina haussa un sourcil. Elle aurait bien voulu confirmer la chose après sa rencontre avec le Seigneur de Wenden, mais elle avait l’impression que ce n’était pas pour cela qu’il l’avait invité dans ses appartements.


Le visage de la jeune femme sembla soudainement se refermer alors que le Comte lui posait la question. « Vous me demandez ce que je pense de votre Marquise? » commença-t-elle l’air intriguée. Était-ce un piège quelconque? Après tout elle était la suzeraine de Magnus, celle à qui il devait allégeance.  Mais les déboires qui les avaient entourés s’étaient échappés un peu partout en péninsule et la damoiselle était bien au courant des derniers événements. Adélina déposa doucement la coupe sur le meuble avant de se diriger doucement vers la porte, tentant d’entendre un bruit quelconque. Avait-il un espion dans la salle? Adélina se devait d’être prudente, car cette conversation pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour elle. Au bout de quelques secondes la jeune femme se retourna vers Magnus, avant de rejoindre ce dernier. Maintenant qu’à un souffle de ce dernier, la damoiselle murmura; « Vous me demandez réellement ce que je pense de la femme qui a pris le titre qui me revient et qui a tenté de d’éliminer le reste de ma famille? » Son regard brillait d’une lueur bien différente de ce que son interlocuteur aurait vu jusqu’à maintenant. Il aurait bien du mal à reconnaitre l’innocente jeune femme qui s’était présentée à sa cour. Adélina eut un sourire, avant de secouer doucement la tête. Avait-elle besoin d’en dire plus? Magnus comprendrait. Il comprendrait la rancœur qui grugeait le cœur de la jeune femme malgré ses paroles quelque peu vagues. Ce n’était un secret pour personne, les Brochants et les Broissieux faisaient tous en leurs pouvoirs pour se débarrasser des Chtolls et des Lourbier. Et la veuve noire avait presque réussi… Elle était une peste pour la baronnie, une calomnie qui avait fait en sorte que la fière Alonna avait perdu son indépendance… « Je suppose que mon sentiment est partagé. » renchérit-elle alors que son regard azuré se levait pour rencontrer celui du Comte.

La jeune femme ne réagissa pas alors que le Comte s’approchait d’elle. Son visage neutre, alors que les grandes prunelles bleutées soutenaient le regard de l’homme mûr, elle ne laissait aucune émotion s’échapper. Le contraire du Comte au final! D’ailleurs, son sourire n’avait rien d’invitant, et le fait que ce dernier venait de lui révéler que l’étage était vide n’aidait rien. Dans quel merdier s’était-elle encore fourré? Ce ne fut que lorsqu’elle entendit la seconde réplique du Comte qu’elle sembla légèrement se détendre. Si le langage utilisé était quelque peu rustre, elle ne pouvait reprocher la réplique du Comte. Les innombrables batailles qui avaient opposé les Lourbier et les Broissieux étaient bien connu dans le Nord de la péninsule. Adélina lui suivit du regard alors que ce dernier se reculait finalement pour aller s’asseoir dans l’un des fauteuils. Elle avait entendu parler de la mort de Gaubert de Prademont, après tout, elle avait rencontré son cousin, Charles qui avait pris sa place, il y avait quelques ennéades de cela. N’empêche que le destin avait été particulièrement favorable au Comte! L’un meurt à la main de son frère, son cousin prend sa place et son ennemi échappe à une mort certaine… Adélina haussa un sourcil, toujours en regardant Magnus; « N’empêche que les dieux vont bien les choses parfois… » Une réplique assez vague, qui ne voulait rien dire au préalable, mais qui réconfortait quelque peu la damoiselle. Était-ce une façon du Comte de la mettre en confiance? Lui donner le doute qu’il y est un lien entre ce dernier et la tragique mort du Comte? Peu importe, car il y avait une cible beaucoup plus importante, ou du moins, trois cibles importantes…


« Les Broissieux ne sont rien d’autres que des déchets de la société. La veuve noire va probablement tuée le cerf et faire comme la dernière fois. Le mettre sur mon dos… » Elle s’approcha doucement du Comte avant de s’arrêter devant lui, son regard toujours fixé dans le sien; « Ou sur le vôtre… »  Après tout, les histoires de cœur de la Broissieux était bien connu. Le baron qui meurt alors que sa très chère femme part pour un voyage dans le sud… Son deuxième mari qui meurt assassiné, apparemment par son oncle… Elle avait probablement tué celui-là aussi, et rien n’était plus facile que de passer le blâme sur votre ennemi lorsque vous contrôler les cartes. Adélina s’assis finalement devant le Comte, avant de reprendre la parole; « Qu’avez-vous en tête? »

La jeune damoiselle écoutait attentivement la mise en scène du comte, car oui, s’était ce que c’était. Il se plaisait bien à illustrer ses propos, utilisant les biscuits qu’il avait sortit d’une grande armoire avant de jeter sa coupe dans le feu qui virevoltait dans l’âtre. Il fallait dire que le Comte était bon acteur, se plaisant à mettre l’emphase sur ses paroles d’une façon des plus dramatiques. À moins que ce dernier la crût trop jeune et se voyait comme un professeur pour la jeune damoiselle. Impassible, la jeune femme ne laissa aucune émotion surgir de son visage. Elle connaissait très bien la technique du Comte, et son père lui avait énormément appris tout au long de sa jeunesse. Après tout, l’art de la guerre est basé sur la duperie, c’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait feignez l’incapacité, la passivité ces dernières années. Pendant ce temps, ses ennemis se tournaient vers d’autres ennemis, ce qui lui laissait le temps de parfaire et de placer toutes ses cartes correctement. En revanche, il fallait avouer qu’elle n’avait pas entrevu la possibilité de la carte que le Comte venait de mettre devant elle. S’allier? À lui? Et bien! Pour être une surprise, cela en était bien une. La jeune femme eut un léger sourire avant d’acquiescer.



« Je n’aurais pas mieux dit. Qu’avez-vous planifié pour la veuve noire et sa famille? » Adélina porta doucement la coupe à ses lèvres, avalant doucement une gorgée – et regrettant rapidement son action. La pauvre damoiselle s’arrêta net avant d’avoir un air étrange, avalant difficilement la piquette que le Comte lui avait servie. Si elle n’avait rien dit, son expression était facilement lisible. Elle déposa la coupe sur la table devant elle, avant de reprendre la parole malgré le goût amer qui occupait toujours son palais; « Ma question est surtout ce que vous avez fait jusqu’à maintenant pour trouver des informations que l’on pourrait utiliser contre eux et qu’avez-vous en tête pour les détruire totalement? » Elle s’arrêta un moment, semblant reprendre sa contenance après la gorgée de l’affreux breuvage qu’on lui avait servie avant de continuer; « Il n’y a qu’un problème. »


La jeune femme leva rapidement les yeux vers le Comte. « Pendant toutes ces années, moi et mon père avons œuvrés dans l’ombre et je souhaite que cela continue. Je ne soumettrais pas mes gens à une autre guerre civile. Nous avons besoin de couvrir nos arrières, et pour cela il est important de faire des alliances. » Adélina s’arrêta un moment, fixant le Comte de ses prunelles azurés; « Les paroles vont et viennes, mais les alliances de sang restent et nous donnent un alibi pour nous couvrir. » Le visage grave de la damoiselle fixait le Comte avant de reprendre la parole; « Il se trouve que le Seigneur de Mesnu, Charles de Lourbier soit veuf. L’une de vos sœurs pourrait définitivement prendre se partie est devenir Dame de Mesnu et si notre opération réussit et que je prenne l’Alonnan, je pourrais être tentée de leur donner quelques seigneuries en plus, question d’étendre leur pouvoir dans l’Alonna. » C’était une proposition quelques peu risqué, mais au moins cela solidifierait l’alliance entre le Lodiaker et l’Arétria… Une alliance que personne n’aurait pensées possible. C’était un pari risqué, soit la Marquise verrait ce mariage comme un affront, mais si les cartes étaient bien jouées, ils pourraient certainement tourner cela à leurs avantages.

La jeune damoiselle ne répondit rien à la rhétorique du Comte. C’était évident que ce dernier n’avait aucun plan, aucune arme. Que des suspicions et des envies. Ce n’était pas un mal en soi, après tout, la jeune femme avait les informations, mais manquait de ressources, et le Comte avait ces ressources. Au moins, ce dernier confirma accepter un mariage, ce qui ne la rassurait par réellement. Un mariage n’était pas celui qui avait été proposé, et la jeune femme n’était pas très enthousiaste à l’idée que ce dernier propose une alternative qui l’impliquerait. Mais bon, elle laisserait le bénéfice du doute à l’Arétan. Si ce dernier voulait une alliance, il ne tenterait pas de la coincer… C’était un trop grand risque. Au bout de quelques secondes de silence, la jeune femme se releva gracieusement du fauteuil pour aller rejoindre Magnus devant l’âtre. Elle s’arrêta à une distance respectable avant de lever légèrement la tête pour croiser le regard grisâtre de l’homme qui lui fit face.


L’Alonnaise prit silencieusement la main du Comte avant de la serrer, scellant ainsi leur alliance, et puis cette dernière se permit finalement de reprendre la parole; « Pénélope de Broissieux EST une bâtarde. » Elle lâcha finalement la main de Magnus, le fixant de ses prunelles bleutées, avant de reprendre la parole; « Le baron était déjà mort lorsque Alanya a annoncé sa grossesse. Après un certain voyage dans le sud… Cela fait des années que la noblesse Alonnaise est au courant et pourtant cette dernière se fait étouffer par le Duc de Serramire aussitôt qu’on le clame un peu trop fort. » Elle s’arrêta un moment, tentant de se rappeler exactement où était aller la baronne à l’époque. « Peut-être qu’une visite dans le Sud pour trouver plus d’informations serait nécessaire. Qui plus est, le baron est mort rapidement. Trop rapidement pour un homme en bonne santé. Je m’occuperais de faire quelques recherches de ce côté. » Fixant le Comte d’un air neutre, cette dernière reprit soudainement la parole; « Vous voulez la briser? Il faut s’occuper de chaque facette. Que cela soit sa famille ou sa personne. Que cela soit en Alonna et à Sainte-Berthilde. Elle a probablement des secrets. Ne suffit que de chercher au bon endroit pour les découvrir. »

« Le Marquis? » La damoiselle resta interdite, se demandant si elle avait bien compris. Pendant un moment, elle sembla pensive, tentant tant bien que mal de se rappeler des brides d’information venant de son père et de son oncle. Elle savait pertinemment que ce dernier avait pris la possession du marquisat après la mort de Méliane, qui était d’ailleurs une très bonne amie de la Broissieux. C’était un pari risqué, mais qui valait peut-être la peine. « Pour être complètement honnête avec vous, j’en ai aucune idée. J’explorerais la piste et vous ferais savoir ce que je trouve. Il nous faut être prudent. J’ignore comment est la relation en Alanya et le Marquis. Je sais seulement que ce dernier a pris le titre de sa meilleure amie après sa mort. » Elle verrait, c’était une possibilité. Adélina fit rapidement le tour du Comte, l’air pensive avant de se réinstaller sur l’un des canapés. Silencieuse, son regard semblait fixer un point de la table basse alors que son esprit bourdonnait d’activitée. Comment approcher le Marquis? Quels étaient les probabilités de cette alliance? Elle ne pouvait pas aller voir ce dernier et lui dire que l’épouse du régent était une catin. Non… elle se devait d’être plus discrète. Adélina reporta finalement son regard vers le Comte avant de reprendre la parole; « Cet invité que vous parlez… Est-ce l’homme qui m’as invité à danser? Rathord de Sorosd? » L’alonnaise observa la réaction de Magnus avant de reprendre la parole; « Je peux tenter d’acquérir des informations venant de lui. Après tout, ce dernier semble convaincu que je ne suis guère une menace… »

L’alonnaise écouta les explications du Comte. Il semblait réellement que plus la soirée avançait, et plus les mots de ce dernier se rapetissaient. Et il fallait avouer que ce n’était pas nécessairement plus facile à comprendre. C’est pourquoi son visage inexpressif était concentré sur Magnus alors que ce dernier déblatérait, ne prenant la parole que lorsque souriait à la pensée que ce dernier se ferait avoir par la rose de Lodiaker.  « Très bien. » La jeune femme se releva de son siège, avant de faire une révérence vers le Comte pour finalement reprendre la parole; « Je crois que nous avons beaucoup de travail à faire. Si vous me le permettez, je me retirerais pour la nuit. Je suppose que nous arrangerons le mariage dans les prochains mois. Si l’une de vos sœurs souhaite venir dans le Lodiaker pour les préparatifs, elles sont les bienvenues. » Elle lui fit un léger sourire avant de lever légèrement le menton, comme fière; « Je crois que c’est le début d’une très importante collaboration, Votre Honneur, et je suis heureuse que vous m’accordiez votre confiance. » Sans rajouter quoique ce soit, la jeune femme se retira des appartements du Comte, là, où un garde la raccompagna discrètement à ses appartements. Le reste du séjour se déroula sans encombre, sans drame. La jeune femme tissa des liens avec sa future tante et le reste de la famille de Terresang, appréciant l’esprit et la détermination des sœurs du Comte. Puis un autre rapprochement aussi surprenant qu’imprévu se passa. Rathord de Sorosd revint à la charge, s’excusant des paroles qui aurait pu blesser l’alonnaise. Et bien sûr, la bonté sans précédent de la jeune femme ne put que pardonner l’homme, qui s’avoua très bavard, n’hésitant pas à raconter ses innombrables exploits – tout aussi chevaleresque les uns que les autres. Ils se promenèrent de longues heures dans le castel du Comte, parlant de tout et de rien. De leurs souvenirs d’enfance comme leurs espoirs futurs pour la péninsule ainsi que de leurs relations avec les autres membres de la noblesse. Définitivement, un atout pour l’intriguant complot qui se mettait en marche…

-Fin du Rp-