Onya

-Elben.

Aegden était à genoux près du berceau de son fils. Il l’appelait doucement tandis que le bébé pleurait à chaudes larmes depuis de longues minutes.

-Elben. Répétait-il doucement.

Il tendit sa main vers le nourrisson pour attirer son attention. Se faisant, il appuya sans le vouloir sur le bois du berceau qui bascula légèrement. Les petites clochettes suspendues au dessus teintèrent et cette fois les pleurs eurent l’air de s’amenuiser un peu. Le nouveau-né fixa son père de ses grands yeux à la fois bleus et gris. Il avait l’air d’hésiter entre continuer à pleurer ou imiter l’expression du grand elfe à ses côtés. Les mouvements du berceau cessèrent et le choix d’Elben fut fait. A nouveau quelques pleurs réveillèrent une maison normalement endormie à cette heure.

-Je vois.

Avec un précaution extrême, Aegden libéra l’enfant de sa prison de bois, le berçant tout doucement dans ses bras. A nouveau les pleurs cessèrent lentement pour laisser place à un Elben dévisageant son père. Tous deux se ressemblaient un peu tout en ayant des traits bien différents. Le nourrisson avait visiblement hérité de traits de ses deux parents : une peau très claire, des cheveux probablement foncés et des yeux d’une couleur oscillant entre gris et bleus. Une de ses toute petites menottes voulu attraper une mèche de cheveux roux penchée sur lui mais sans succès.

-Doucement Onya. Un babillement arracha un rire discret à l’officier. Oui c’est bien à toi que je parle.

Aegden s’était mis à faire quelques pas dans la chambre en tenant son enfant contre lui. En général, le bercer ainsi le calmait assez pour qu’il se rendorme facilement. Il s’approcha de la fenêtre donnant sur le pan de rivière qui bordait la maison. Le soleil se levait à peine et teintait le ciel de pourpre et d’orange. Les rayons se reflétaient sur l’eau calme. Le spectacle avait capté l’attention erratique du bébé qui fit comprendre à son père qu’il voulait être rapproché de l’ouverture en tendant ses petits bras dans cette direction.

-C’est beau n’est-ce pas ? L’elfe tint quelques seconde l’enfant de manière à ce qu’il puisse admirer le paysage, avant de le récupérer dans le creux de ses bras, en sécurité.

Si le nouveau-né ne comprenait certainement pas la portée de ce que le soldat pouvait lui dire, ce dernier pensait que sa voix posée faisait tout de même du bien à son fils puisqu’il ne pleurait plus et se contentait de le regarder et probablement l’écouter. En même temps, Aegden continuait toujours de le bercer tendrement, témoignant à sa manière tout l’amour qu’il pouvait lui porter. C’était son fils. Son premier et unique enfant à lui, un elfe qui n’aurait jamais cru avoir la chance et le temps de créer une famille.  

Lorsque le couple avait finalement compris que Sinieth était enceinte, la joie avait étreint le cœur du soldat mais il avait fallu attendre la première fois où il tint dans ses bras son bébé qui poussait alors ses premiers cris pour réaliser  qu tout cela était bel et bien réel. Cela faisait à présent plus d’une énnéade mais chaque jour était comme comme une nouvelle réalisation de la chance qu’il avait.

- Tout ça c’est ta maison. Continua-t-il. Toute cette grande forêt et même plus loin. L’elfe parlait d’une voix douce et calme, laissant ses pensées filer devant le magnifique spectacle qui s’étendait devant eux. Quoi qu’en réalité le jeune père avait certainement plus d’yeux pour l’enfant qui le fixait toujours en gonflant les joues que le paysage qu’il avait déjà admiré mille fois. C’est là que tu vas grandir et t’épanouir. Je serais toujours là pour t’y aider et te protéger, Elben. Je te promets que je ne laisserais rien ni personne te faire le moindre mal. Jamais. Son index se posa sur la poitrine du petit elfe qui s’en saisit après une hésitation, ses sourcils se haussant tout grand. Quand tu seras grand, il faudra que tu n’oublies jamais ça, et que tu le garde tout au fond de ton cœur, d’accord ? Même quand je serais très très loin de toi, tu seras pour toujours ma plus grande fierté onya. Le nourrisson ne pouvait comprendre pourquoi mais les prunelles de l’elfe adulte brillaient de bonheur et de tendresse. Le dos de sa main vint caresser le crane du nouveau-né dont les yeux luttaient pour ne pas se fermer à présent. Dors maintenant, ferme tes yeux. Ada veille sur toi.

Après qu'il fut de nouveau dans les bras de Maurquimellë, Aegden garda longtemps le bébé contre lui. Le soldat savait que tôt ou tard le devoir le séparerait à nouveau de son fils. Il avait besoin de l’étreindre tant qu’il le pouvait. Il avait besoin de graver dans le souffle du petit garçon à quel point il était aimé et le serais toujours peu importe ce que le futur leurs réservait. Il avait besoin que dans les moments où il ne serait plus là, Elben sache sans douter que son père ne l’abandonnerait jamais. A tel point qu’au matin définitivement installé, la mère de l’enfant put, s’il elle le cherchait, le trouver gazouillant tranquillement encore dans les bras de son père endormis. Ses doigts minuscules avaient enfin réussi à atteindre quelques mèches rousses avec lesquelles il jouait joyeusement.

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