Lame et bonheur ne font qu'un | Aegden & Gaedrath

Favriüs, Oglicos de la deuxième ennéade, premier mois d'automne
Atelier du majestueux et grand Gaedrath Sosa

Peu d'elfes en Alëandir, maîtres de l'artisanat et la forge sylvaine, dépasser le stade Maître de la Forge, déjà assez éprouvant en difficulté, pour atteindre le rang des Tamin Dolan. Atteindre un tel stade demandait des années d'efforts, et chacun d'entre eux se voyait couronné de mérite et d'un grand pestige. Ils ont atteint ce stade grâce à leur travail acharné. Mais un elfe récalcitrant n'y voyait aucun mérite. Seulement un concours de circonstance et des baisses en revues pour les qualifications d'un Tamin Dolan, à présent. Par quel autre façon aurait-il pu en devenir un ? Incapable. Gaedrath, comme à peu près tout les jours depuis sa naissance, se trouve être morose et dénué de charme. Plusieurs ennéades au côté du charmeur et bavard intarissable Cìrion n'aidèrent en rien à changer l'état d'esprit du forgeron.

Et au final, cela n'aurait probablement rien changé du tout. En ce jour, Gaedrath l'artisan espérait accueillir promptement le commandant des armées royales Aegden, à qui il avait fait attendre une ennéade en trop pour récupérer sa lame. Il fallu le prévenir que l'épée prendra du retard, et qu'il lui faudrait revenir dans une dizaine de jours. Et il fallu entendre précisément onze jours. Onze jours en trop, des jours pour rattraper le retard notable prit par le forgeron, suite à une deuxième commande venue à l'improviste. Heureusement, Cìrion n'avait pas forcément besoin de lui. Pas qu'il serait utile à n'importe qui de toute manière. La lame d'Aegden était fin prêt, aiguisée depuis peu et reforgé d'un nouvelle acier étincelant. La marque d'une virgule posé à l'envers et à l'horizontale se cachait à la rencontre du poignée comme signature.

Elle brillait d'un nouvelle éclat sous l'artisanat de Gaedrath Sosa qui en regardant le résulta, se permit un petit sourire aux lèvres. Quel merveille. Et cela sortait de sa forge ! Sa forge à lui ! Il serait le premier étonné. Un parfait équilibre du poignée et de la lame, elle était un tantinet plus fine ainsi que longue. Le Tamin Dolan faillit se faire une entaille stupide en se permettant quelques moulinets disgracieux au sein de son atelier. Il lui fallait à présent simplement attendre qu'Aegden arrive pour prendre sa commande. Aujourd'hui, ou demain...

Ou probablement jamais.

-Heru Gaedrath ?

Le soleil s’apprêtait à atteindre son zénith dans le ciel lorsque le soldat était apparu sur le perron de l’atelier du Tamin Dolan. Loin de sembler impatient au vu des retards du forgeron, il avait au contraire l'air détendu, voir même d’excellente humeur ce jour-là pour une raison échappant sans aucun doute à son interlocuteur. Un fin sourire ne quittait pas ses lèvres et par ailleurs, il ne portait même pas d’uniforme cette fois-ci mais une simple tunique bien plus passe partout. Et bien entendu il ne portait aucune arme à sa ceinture.

-J’espère que je ne te dérange pas dans un de tes travaux. Fit-il. J’ai cru comprendre que tu avais été bien occupé ces derniers jours.

Il avait bien reçu le message quant au délais du forgeron, et à vrai dire lui aurait donné quelques jours de plus s’il n’avait pas craint se retrouver de nouveau prit dans tellement d’affaires qu’il n’aurait plus eut le temps de récupérer son arme avant un moment. Il avait prit son temps pour venir, ne serait-ce qu’une demie journée pour être certain de laisser de la marge au Tamin Dolan. Après tout, il avait beau tenir à son épée, il se débrouillait très bien sans ces quelques ennéades précédentes et ne souhaitait pas imposer une quelconque forme de pression à l’artisan.

Lui, paradoxalement avait tout son temps aujourd'hui, alors il attendit sagement la réponse, les mains dans son dos. Une partie de lui se demandait d'ailleurs bien quels projets avaient pu tant bouleverser l'organisation du forgeron... il était curieux de savoir quels autres exploits il pouvait accomplir, l’artisan de la lance d’acier Odelin qu'il avait admiré la dernière fois.

"C'est bien moi." Répliqua une voix familière, avec dans ses mains étendu face au commandant, une plate d'acier et de cuivre fixée sur son fourreau noir.

Beaucoup plus calmes et douces sont les journées à présent, et moins tumultueux sans la présence de Cìrion. Gaedrath ne s'était pas tant fait d'avis de son congénère pour l'instant. Lorsqu'il trouva le temps de se plonger sur ses projets beaucoup plus personnels, l'artisan reprit ses travaux sur l'épée qu'il devait de reforger. Mais il ne restait pas grand chose à faire, au final, seulement quelques peaufinement et broutilles qui, probablement, n'aurait fait aucune différence à Aegden. Mais pour lui, cela avait plus d'importance qu'une lame bien aiguisée pour un guerrier. Ou des archives et chroniques rangé en ordre pour un érudit.  


Le Tamin Dolan leva enfin les yeux pour regarder son interlocuteur, souriant et de bien bonne humeur. Même avec une simple tunique, il paraissait beaucoup plus élégant que Gaedrath ne le serait jamais. Ce qui, malencontreusement, avait de quoi rembrunir la personne en question.  

"Aucun dérangement de votre part, ne vous inquiétez pas. Votre visite me fait d'ailleurs plaisir. Il voulu lui sourire, mais se ravisa. "Elle est comme neuve! Je vous laisse la joie de sortir de son fourreau la lame et regarder pas vous-même mon art sur l'épée.

Il déposa la lame et le reste de l’attirail recouvrant la lame et une partie du poignée, sur le meuble devant lui, qui les séparait. Gaedrath redoutait la réaction du commandant des armées royales, se demandant au fond de son être si cela allait suffire à le satisfaire. Si Aegden sortit du fourreau la lame, il aurait le pouvoir de contempler la même lame qu'il donna le mois dernier à Gaedrath. Seulement, elle était raccourcie pour ne pas gaspiller de l'acier, et elle a, à présent plus de longueur lorsque l'artisan se mit à travailler les finitions. La marque du forgeron était subtile, au-dessus de la poignée. Fait étrange, l'épée semblait chaud, presque brûlant.

Sans plus attendre, Aegden acquiesça à la proposition du forgeron. Tirant la lame de son fourreau, il en observa le fil, tenant l’épée à la verticale. Posant les doigts de sa main libre contre le plat de la lame, il les ôta presque immédiatement, par réflexe.

-Elle est chaude. Fit-il remarquer, une pointe d’interrogation dans la voix.

Ne s’arrêtant cependant pas à ce détail, il recula légèrement pour s’éloigner de son interlocuteur. Une fois certain qu’il ne risquait pas de le blesser par inadvertance, il fit tourner l’épée dans sa main. Son poids avait très légèrement changé mais l’équilibre de la lame avait visiblement été conservé. Une fois qu'il y serait de nouveau habitué, le soldat ne doutais pas de l'efficacité de cette nouvelle épée.

-C’est un travail remarquable. Quoi que je n'en doutait pas.

Le soldat finit pas cesser son manège, retrouvant le regard du forgeron avec le même léger sourire et rengainant soigneusement l’arme.

-J’aimerais te remercier Heru Gaedrath. Cette épée compte beaucoup pour moi et tu as pris de ton temps pour la réparer et la rendre comme neuve. Si jamais tu as besoin d’un service à l’avenir, n’hésite pas je te le rendrais. Il ajouta avec un moue mi figue mi raisin. Je n’ai pas beaucoup de temps mais on ne sait jamais.

Gaedrath passa sa main par dessus son épaule et se gratta nerveusement le dos, tandis qu'Aegden pointa le fait que l'épée soit chaude. L'artisan gardait en secours pourtant une explication simple et efficace de préparé, et croisa ses bras contre sa poitrine avant de répondre aux interrogations.

"Je l'ai réchauffé plus tôt pour la rendre un peu plus malléable pendant un court instant, afin d'y apporter de légère modifications. Des détails ne me plaisaient pas, de simples broutilles." Il secoua par la suite la main.

Après avoir porté la lame sur la paume des deux mains, il usa sa magie afin de faire chauffer la lame jusqu'à ce qu'il rougit et assez et que ses mains se mettent à lui brûler. L'épée, après plusiuers révisions catastrophiques et d'indécisions, se trouva être par son jugement d'une médiocrité absolue, et si Gaedrath refusait de recommencer le travail à zéro, il espérait que quelques changements suffirait à le satisfaire. Un travail hâtif, qui facilement aurait pu tourner au désastre s'il commençait à négliger les tâches. Mais même après avoir refait quelques détails de la lame, il se trouvait être non satisfait par son travail. Quel médiocrité, tu vas gagner la pire réputation de la cité à ce rythme.

"Vraiment ?" Les yeux de Gaedrath s'illuminèrent et il parut surpris. Quoique presque imperceptible, sa voix était troublé pendant un minime instant.

Il n'avait pas réalisé la pire immondicité d'Anaëh comme il s'était torturé à penser durant les dernières heures. Au contraire, Aegden semblait plus que satisfait. Certes, il ne sautillait pas de joie et se mettait à montrer un tel enthousiasme, mais ce fut plus qu'il ne comptait espérer. Gaedrath se permit de se tenir droit, raide comme une tige, fixant droit devant lui le torse d'Aegden. Puis comme regarder longuement la poitrine du commandant après un moment faisait naître un début de gêne dans l'air, il releva les yeux jusqu'à lui.

"Je... je n'ai fait que ce que vous m'avez requit de faire, vous savez... bafouilla t-il,"je n'ai guère grand chose à vous demander... enfin, une chose, peut-être, mais ce serait... quoi que non, oubliez. Vous êtes libre de tout service à rendre, Heru, je ne saurais vous forcer à faire quelque chose, vous qui doit être déjà très occupé en tant que commandant des armées royales.

Le forgeron semblait un peu mal à l’aise et Aegden se demanda un instant s’il ne devait pas simplement le laisser tranquille et cesser de le déranger. Ou devait-il insister au moins une fois ?

Il jeta  par ailleurs un bref coup d’œil sur sa tunique, chassant l’éventuelle poussière responsable de l’air fixe du forgeron quelques secondes en arrière. Il avait un peu de mal à comprendre ce qui pouvait tant déstabiliser son interlocuteur. Après tout il lui avait rendu un fier service jusqu’ici…

- Si je te le propose c’est que j’en ai l’envie. Répondit-il donc un peu hésitant quoi que certain de ses propres paroles. Tu ne me force à rien du tout Gaedrath. Ses bras vinrent finalement se croiser sur son torse. Ton temps est aussi précieux que le mien, ça me semble normal de te rendre la pareille si je peux le faire.

Et il se fichait bien de son rang en cela. Ça n’avait strictement aucune valeur ici, il espérait que le forgeron en soit conscient. En plus désormais il était curieux de savoir ce qui avait failli traverser les lèvres de l’elfe brun. Etait-ce si terrible pour hésiter autant ?

-Enfin, quoi qu’il en soit, c’est toi qui voit. Ajouta-il quand même, ne voulant pas lui forcer la main pour autant. Je suis content de t'avoir confié mon épée.

Oh, misère ! Quel tentation de demander ! Mais il ne pouvait, ce serait trop... Ce serait beaucoup trop, et Gaedrath ne pensait pas avoir la force de supporter un refus. Encore moins de se recouvrer de ridicule. Après tout, cela n'avait guère d'importance pour lui, un simple petit envie qui n'avait nullement besoin d'être comblé. Du moins, essayait-il de se convaincre avec amertume. Gaedrath se redressa et du faire de son mieux pour paraître noble face à Aegden, puis il reprit parole.

"Ce n'est rien." Rétorqua le forgeron sur un ton qui pointait le fait de ne pas insister. "Je n'avais qu'en tête envie de vous demander si vous pourriez m'entraîner aux armes. Ma formation militaire commence à se détériorer."

Celle qu'il reçu durant son - court - temps à l'armée d'Alëandir, il y a quelques siècles. Période qu'il ne préférait pas se rappeler ou mentionner des souvenirs profondément enfouis. Même cinq années n'avaient suffit à Gaedrath pour ne pas se tailler les doigts avec sa lame. Il savait les faire, mais l'arme en main, on assisterait à un spectacle pittoresque.

"Moi de même, Heru. Oh, j'ai presque oublié. Le fourreau est vôtre." Gaedrath désigna le fourreau en cuir noirci qui abritait la lame puis s'inclina. Après une poignée de secondes interminable à attendre le départ d'Aegden, si celui-çi comptait partir d'ici, il se retourna et poussa un soupir.

-Si tu veux que je t’entraine, je le ferais.

Aegden a l’air sincèrement surprit, autant par la réaction du forgeron que par ce qu’il avait tant honte de demander. Il était un lancier et il n’était pas instructeur. C’était donc rares que les elfes se tournent vers lui pour ce genre de demande. D’un autre côté, ça le touchait qu’on lui prête cette confiance.

-En revanche, je dois te prévenir. Ajouta-t-il en récupérant l’épée et la glissant à sa ceinture. Je ne ferais pas de toi un combattant d’élite parce que je n'en ai pas les capacités et je ne peux pas te promettre d’être absolument régulier du fait de mes devoirs. Sachant ça… Il sourit. Eh bien ce serait un honneur d'au moins t'enseigner les bases.

Après tout s’il avait réussi à mettre les naëlisiens les plus réticents au travail, entrainer un elfe ayant déjà une bonne idée de ce qu’était une arme serait sans doute bien plus simple. Et puis quelque part, un forgeron qui savait se servir de ses armes en plus de les forger, il trouvais ça plutôt rassurant...

-Tu sais quoi ? Retrouve-moi demain matin sur le terrain d’entrainement. On verra en détail ce que je peux faire.

Gaedrath semblait hésitant voir mal à l’aise, alors il lui laissait le choix à demi-mots. Peut-être n’oserait-il finalement pas venir le lendemain, Aegden ne pouvait pas le savoir, mais le forgerons restait maître de ses décisons. Le commandant n’entrainerait pas un elfe qui se pensait pris au piège. Et si finalement, il venait, peut être serait-ce le début de quelque chose de positif.

-Je te laisse travailler à présent, je t’ai déjà pris assez de temps.

Un signe de la main, un hochement de la tête comme dernier remerciement, et il tourna les talon pour enfin le laisser en paix.