Brannor
Elfe
Nombre de messages : 64 Âge : 38 Date d'inscription : 16/03/2021
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 853 Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: La famille [Solo] Lun 21 Fév 2022 - 1:58 | |
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2ème jour de la deuxième ennéade de Barkios. 19:XI
Ils y étaient enfin, Quatrième Saison offrait ses charmes à leurs regards. Épuisé par le voyage, aucun de ses compagnons ne semblait vraiment apprécier à sa juste valeur l’étonnant spectacle donné par la cité de pierre. Brannor manqua se tordre le cou en observant les colosses qui en gardaient l’entrée. Il vivait en ce monde depuis plus de 800 ans, mais s’émerveillait toujours autant devant ses splendeurs. Il ne connaissait rien de cette cité et il avait vraiment envie d’en apprendre plus, mais il n’était pas là pour ça. Avant toute chose, il devait retrouver sa sœur.
Brannor abandonna rapidement ses compagnons de voyage pour se lancer dans sa quête. Se rendre jusqu’ici d’était que la première étape. Il devait maintenant retrouver Gaïliel sans avoir la moindre idée de l’endroit où la trouver et Quatrième Saison n’était pas exactement une petite ville. Il cherchait l’équivalent d’une aiguille dans une botte de foin. Il commença par poser des questions aux elfes qu’il croisait. Après tout, sa sœur ne vivait ici que depuis quelques années en plus d’être à un stade avancé de grossesse. Il espérait que ces deux détails suffiraient à limiter les options. Brannor y consacra plusieurs heures sans résultat. Il ne restait plus que quelques heures avant le coucher du soleil et il envisageait trouver un endroit où passer la nuit lorsqu’il tomba sur une piste prometteuse. Quelques questions supplémentaires et il aboutit devant une maison. C’était la quatrième porte à laquelle il frappait. Chaque fois, il devait surmonter l’embarras de ne pas être au bon endroit et trouver une explication satisfaisante pour son erreur.
Il répétait déjà ses excuses lorsqu’il entendit des bruits de pas de l’autre côté de la porte. Elle s’ouvrit et une tête délicate en passa l’ouverture. Son regard croisa celui de sa sœur et toute pensée quitta son cerveau. Il la cherchait depuis des heures, mais s’était convaincu qu’il ne la trouverait pas ici. Brannor était donc très étonné de voir ses spéculations être contredites et d’avoir, en fait, réussi à la retrouver. Un silence embarrassé tomba, chacun fixant l’autre sans savoir quoi dire. Le visage de Gaïliel avait l’expression de ceux qui croient avoir devant eux un fantôme et la vérité n’en était pas loin.
« Allô » Souffla Brannor, à défaut de trouver d’autres mots plus appropriés. Le simple fait de parler lui demandait deux fois plus d’effort qu’à l’habitude, comme si sa langue s’était transformée en plomb.
« Qui est-ce ? » Demanda une voix masculine depuis l’intérieur de la maison, une voix que le médecin reconnaissait bien. Un instant plus tard, le visage de son frère apparaissait derrière Gaïliel. Ses sourcils froncés se soulevèrent dans une expression qui aurait pu être comique dans un autre contexte. Toute la famille serait donc réunie. Brannor n’avait pas imaginé que ça se passerait ainsi, mais ce n’était peut-être pas plus mal.
« Brannor? Mais que fais-tu là ? » Duinor posa une main sur l’épaule de leur sœur comme s’il devinait sans voir son visage les émotions qu’elle vivait présentement. Des deux, c’est elle qui avait le plus mal vécu les événements. Elle fut la première à lui tourner le dos. Duinor s’était accroché plus longtemps, essayant de le faire sortir de ce tourbillon infernal qui l’attirait par le fonds avant de lui tourner le dos. Il y a très peu de choses à faire pour quelqu’un qui ne veut pas être aidé.
« J’ai appris pour Gaïliel alors j’ai décidé de venir. » Il hésita. « Je vous dois une explication à tous les deux, si vous acceptez de m’écouter. »
Il pouvait voir le ventre rebondi de sa sœur sous sa robe. La naissance était pour très bientôt. Voyant ou s’attardaient les yeux de son frère, elle y posa la main d’un geste maternel. Sa sœur avait toujours été très jolie, mais la grossesse la rendait plus rayonnante encore.
« Il ne reste que quelques ennéades à attendre avant de lui voir le bout du nez. » Confirma-t-elle, l’ombre d’un sourire fleurissant sur ses lèvres. « Entre, je vais préparer le thé. »
Au moins, elle acceptait de l’écouter. Brannor se sentait comme s’il allait s’effondrer sur place et pleurer tant son soulagement était immense, mais il parvint à rester debout et à conserver ce qui lui restait de dignité.
« Où est ton mari ? » Brannor s’était attendu à le voir mais, apparemment, ils n’étaient que tous les trois.
« Il est absent. Il devrait être de retour demain. »
Quel genre de mâle laisserait ainsi sa femme sur le point d’accoucher ? L’indignation monta en lui. Brannor avait élevé Gaïliel comme si elle était sa fille. Il était donc particulièrement protecteur envers elle. Néanmoins, il ravala son commentaire. Il n’était pas en position pour dire quoi que ce soit, lui-même étant complètement absent de sa vie durant les dix dernières années. Cela dit, un simple coup d’œil en direction de son frère confirma qu’il partageait ses sentiments. Au moins, Duinor était là.
Il fut invité à s’asseoir au salon où il resta un moment avec son frère. L’ambiance était inconfortable. Ni l’un ni l’autre ne savait exactement quoi dire. Durant le voyage, Brannor avait longuement réfléchi aux explications qu’il souhaitait donner. Il avait répété les mots à plusieurs reprises avec l’espoir de pouvoir parler sans difficulté, mais maintenant qu’il était là, c’est comme si son cerveau et sa bouche refusaient de collaborer. Ils s’échangeaient des regards sans oser briser le silence, mais c’est finalement le cadet qui parla le premier.
« Tu as l’air bien… » Un sillon se creusa entre ses sourcils. « Je sais que tu as réintégré l’armée. Je t’ai vu, mais… »
« J’aurais dû venir te parler avant. » Le coupa Brannor. « Mais j’avais des choses à travailler de mon côté. Je vais tout vous expliquer. »
Gaïliel revient avec un plateau avec théière et tasses qu’elle déposa sur une petite table. Elle prit le temps de les servir avant de s’installer. Brannor regarda sa tasse et les volutes de vapeur qui s’en échappaient.
« Par où commencer… »
« Le début, c’est généralement une bonne façon de commencer. » Répondit sa sœur avec un sourire.
« Le début, oui. Alors, ça remonte à plusieurs années. Je ne sais plus exactement quand ça a commencé, mais… »
Il parla. D’abord avec difficulté et l’impression que rien de ce qu’il disait ne faisait de sens. Puis, prenant de l’assurance, il s’exprima avec plus d’aisance. Les vannes étaient ouvertes. Il leur raconta tout depuis le moment où il commença à réaliser que quelque chose n’allait pas avec lui jusqu’à l’épisode avec Valindra. Il eut beaucoup de mal à parler d’elle, car son rejet marqua le point de non-retour pour Brannor. Il l’avait profondément aimé et ça ne s’oublie pas entièrement.
« J’étais convaincu que c’était terminé. J’allais mourir et je ne voulais pas que vous assistiez à cette fin. J’avais encore l’image de notre mère sur son lit de mort et j’ai tout fait pour vous mettre à l’écart. C’était stupide, tellement stupide, mais à ce moment-là, j’avais la certitude que c’était la chose à faire. Finalement, je ne suis pas mort. Je me sentais mal, misérable, et je voulais que ça cesse, mais je continuais à me réveiller le matin, inlassablement. J’ai cru que c’était une sorte de punition, que je devais continuer à vivre tout en me sentant mort de l’intérieur… Je craignais de sortir de chez moi. J’étais physiquement incapable de franchir le seuil de la porte. Puis, j’en ai eu assez. Je devais faire quelque chose. J’ai fini par sortir de la maison. J’ai fait une rencontre étonnante qui a tout changé, mais qui m’a surtout rappelé ce que je faisais avant et l’impact que j’ai laissé sur beaucoup de gens. Je te le présenterai un jour, mon frère. C’est l’elfe qui t’a sauvé la vie. Je suis étonné d’avoir eu la force de venir ici, mais j’avais une bonne raison. J’ai manqué tellement de choses... Et, pour ce que ça vaut, j’en suis désolé. »
Ni Duinor ni Gaïliel n’avait parlé. Ils avaient écouté Brannor en silence, leur visage ne montrant aucune émotion particulière. Il faut dire que le médecin avait tout fait pour ne pas les regarder. Après un moment de silence, c’est Gaïliel qui parla en premier.
« Je vais retourner à Alëandir et parler avec cette Valindra. Elle va avoir ma façon de penser. » Sa voix tremblait d’indignation. Et sa réaction aurait touché Brannor s’il n’avait pas su que ce n’était pas juste une façon de parler et qu’elle était bel et bien capable de mettre sa menace à exécution.
« Non ! Non, tu ne feras pas ça. Ça ne changera rien de toute façon. »
« Mais ce n’était pas une façon de te traiter ! Elle avait tout à fait le droit d’avoir des doutes sur ses sentiments, mais ça n’excuse pas son attitude. Elle ne te méritait pas. »
« Je me demande de qui tu as hérité une telle franchise… » Commenta Duinor qui ne cachait pas son sourire. Même Brannor ne pouvait réprimer son amusement.
« Merci Gaïliel. »
Celle-ci sourit, puis se leva pour enlacer son frère aîné.
« Tu as aussi agi comme un idiot. Tu aurais dû nous faire confiance et nous parler. Nous t’aurions aidé. Tu n’avais pas à traverser ça tout seul. Je suis contente que tu sois là »
Elle déposa un baiser sur le sommet de son crâne, un geste qui lui fit monter les larmes aux yeux.
« Merci. » Répéta-t-il dans un souffle avec l’impression qu’un poids énorme venait de tomber de ses épaules. Il avait ressenti la même chose avec Aegden la première fois qu’il lui avait parlé. Il ne s’était pas senti aussi libre depuis très longtemps. « J’ai besoin d’un endroit où dormir. Tu as un peu de place pour ton grand frère ? »
« Oui, mais tu devras partager la chambre avec Duinor. Vous êtes tous les deux un peu grands pour le berceau du bébé. »
« Ça va, j’aurais dormi sur le toit s’il n’y avait pas eu de place ailleurs. »
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