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| Une main secourable | Solange & Aurel | |
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Aurel Fribourg d'Escault
Humain
Nombre de messages : 205 Âge : 37 Date d'inscription : 18/05/2017
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 39 ans (981) Taille : 1,82 m Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Une main secourable | Solange & Aurel Mer 30 Mar 2022 - 21:08 | |
| Huitième ennéade Automne, Bàrkios 19:XI
Depuis quelques jours déjà, le petit groupe est arrivé en ville. Et ce jour-là, ils ont enfin eu une réponse du palais. Demain, la Comtesse est attendue pour une entrevue avec le Régent, Louis de Saint Aimé. Une assez bonne nouvelle... mais qui a affecté l'humeur de la Dame. Assis sur son lit, Aurel ne dort pas encore quand tout le monde a déjà sombré depuis un moment. Il est adossé au mur qui sépare sa chambre de celle de sa protégée. En fait, il n'y a que cela qui les sépare tout court... car leurs couches sont mitoyennes. Il s'en est aperçu dès le premier soir, "grâce" aux cauchemars de Solange. Et ils sont quotidiens. Cela devient presque un rituel pour lui. Chaque nuit, il se réveille, tend l'oreille pour s'assurer que ce n'est rien de plus que des rêves, attend qu'elle s'apaise et se recouche. Il a choisi de ne pas intervenir, estimant ne pas être le mieux placé pour se faire son confident. Il a lâché un peu de lest après l'attaque de l'assassin avant de reprendre sa position initiale. Mais, cette nuit-là...
Le Seigneur de Lantenes écoute à travers la paroi. Ses hommes se réveillent les uns après les autres et le trouvent sur son matelas, dos au mur, une jambe pliée, le bras posé sur son genou. Son masque de rudesse est écorné. Tout comme eux, il a mal au cœur de la sentir aussi en souffrance. Et plus encore dans son cas alors qu'il la veille presque chaque nuit depuis leur départ de Lantenes et alors qu'il se trouve si près d'elle. Ses soldats se regardent, sans savoir quoi faire. Ce n'est certainement pas à eux d'intervenir. Et Aurel réalise soudain que Coline doit être exactement comme eux en cet instant. Alors il ferme les yeux dans un soupir de résignation. Il doit renoncer à maintenir cette distance entre eux, au moins jusqu'au terme de ce voyage et de cette affaire. Aurel s'extirpe de son lit sans un mot mais sous le regard presque soulagé de ses hommes. Il se rend dans le couloir où il trouve le garde en faction devant la porte de la Dame. Ce dernier est un peu surpris de trouver son maître là et, lorsque celui-ci fait mine de vouloir poser sa main sur la poignée, il lui indique qu'elle fait "juste" un cauchemar. Sans doute pense-t-il qu'il veut s'assurer qu'elle n'est pas en danger mais il a vérifié lui-même avant de refermer sans intervenir. Le Seigneur pose sur lui des yeux qui en disent long sur sa connaissance de la situation et sur le fait qu'il ne tolèrerait pas qu'il l'interrompe encore. L'homme recule alors d'un pas, baissant les yeux face à l'autorité de l'ancien Général qui entre finalement dans la pièce avant de refermer derrière lui.
Coline aussi est surprise de le voir entrer et fait mine de vouloir se lever mais il l'arrête d'un geste. Elle se rassoit donc sur son lit et se contente de regarder dans rien dire. Aurel tourne alors son regard vers le lit où se trouve la jeune femme agitée par tant de tourments qu'elle a réveillé tous deux qui l'accompagnent alors qu'elle est incapable de sortir de ses propres songes. Il s'avance lentement. Arrivé près de sa couche, il plie le genou afin qu'elle ne s'éveille pas en trouvant une haute silhouette masculine dans l'ombre qui l'entoure. Il se sait imposant d'une certaine manière et la nuit ne permettrait pas à la dame de l'identifier immédiatement. Alors que seules ses épaules dépassent de la surface du lit, il appelle la jeune femme de sa voix grave, la rendant aussi douce qu'il en est capable.
-Madame...
Il répète sa tentative et, la voyant infructueuse, il tend un bras jusqu'à parvenir à prendre sa main. Il la serre avec délicatesse et l'appelle encore. Il faut qu'elle se réveille. Et elle a confiance en lui, non ? Sa présence peut-elle suffire à retrouver son calme ? Ils le sauront bien assez tandis que son expression rigide est pour une fois teintée d'une sincère compassion.
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Dim 3 Avr 2022 - 14:11 | |
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Comme d'ordinaire, elle s'était mise au lit.
Solange d'Escault avait appris à redouter le soir, et la nuit qui se levait. Constamment fatiguée du fait de ses insomnies, elle vivait avec terreur l'envie de s'endormir, cet instant où ses yeux se fermaient malgré elle, où les mots de son livre se brouillaient devant ses yeux d'onyx.
Pourtant, chaque jour, elle accomplissait le même rituel. Après le repas, elle s'isolait avec sa servante, se laissait coiffer, déshabiller, en essayant de songer à autre chose, toujours bien cachée derrière un paravent - bien que personne n'osât entrer, évidemment. Puis elle se laissait mettre en chemise de nuit, avant de gagner son lit. Elle signifiait alors son congé à la servante, Coline ; consentait à laisser éteindre la bougie, de peur de provoquer un incendie.
Là, elle restait droite sur son lit, les yeux grands ouverts. Parfois, elle se levait sans bruit, s'approchait de la fenêtre pour lire, mais se rappelait alors l'assassin qui avait tenté de forcer sa fenêtre, peu avant d'arriver à Diantra. Alors, comme un fantôme, elle retournait dans son lit, et priait, priait longuement, pour honorer la Mère, mais aussi pour éloigner le sommeil. Jusqu'à ce qu'il l'a rattrape, et que les cauchemars reviennent.
Et ce soir-là, ils étaient particulièrement cruels. Sans doute amplifiés par son entrevue auprès du Régent qui aurait lieu le lendemain, ses démons semblèrent renforcés. A l'heure où la lune était au plus haut, Trois-Doigts et les autres, tous les autres bandits étaient là. Ils la guettaient dans la forêt, déchiraient sa robe en hurlant de rire. Les énormes singes dansaient autour du feu tandis qu'on la contraignait à manger un morceau de chair sanguinolente, qu'elle passait de bras en bras, comme une poupée désarticulée. Elle voyait sa fille disparaitre à jamais, happée par des mains inconnues.
On la pressait de partout. La comtesse sentait leurs mains, leur haleine chaude et putride sur sa nuque. Elle volait encore une couverture, cherchant désespérément un peu de chaleur, revivant encore et encore, comme enfermée dans une salle de torture, les sévices qui lui avaient été infligées. Elle hurlait, hurlait pour appeler à l'aide, appelant Eran désespérément ; tout en sachant qu'il faisait partie de ses tourmenteurs.
Puis sa voix l'interpella doucement. Il saisit sa main, comme pour la sauver de ces rondes infernales, de cette danse de cadavres portant les traits communs aux Prademont ; et finalement, la voix se fit plus forte. Le contact sur sa main fit s'évanouir lentement les monstres qui peuplaient ses songes, et elle entrouvrit finalement lentement les yeux.
Dans l'obscurité, la jeune femme crut tout d'abord à l'apparition d'Eran. Un instant, elle se demanda s'il était un fantôme, si son esprit s'était échappé des geôles de son amie Louise de Fernel pour venir se venger - mais la voix était si douce que son cœur lui souffla qu'il ne s'agissait pas de la tuer. Au bout de quelques secondes, la voix lui parut familière. Ce n'était pas le bandit qui l'avait escorté durant tant de jours, mais le seigneur de Lantenes. Mais ses yeux semblaient plus doux, presque inquiets, dépourvus de cet éclat glacé, bien que courtois, qui la toisait parfois.
Son cœur battait la chamade. Son souffle, encore erratique, ne s'affola pas de cette situation incongrue. L'esprit encore embrumé, la noble péninsulaire ne semblait pas avoir retrouvé complètement ses esprits ; et les joues trempées de larmes, elle esquissa un sourire.
Ce rêve était plus supportable que les autres, au moins.
- "Messire de Lantenes..."
Sa voix n'était guère plus qu'un murmure.
- "Merci de les avoir fait fuir, ils étaient trop nombreux... et je ne pouvais pas les combattre. Messire Aurel, le soleil arrivera t-il bientôt ...? Je voudrais me réveiller, et ne plus jamais dormir. Croyez-vous que Néera m'accorderait cette prière..?"
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| | | Aurel Fribourg d'Escault
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Dim 3 Avr 2022 - 16:52 | |
| Aurel est d'abord un peu surpris d'entendre la dame parler d'assaillants et de combat. Il ne sait pas ce qu'elle a vécu exactement depuis son enlèvement mais elle en est visiblement très affectée. Puis son masque de rudesse se fissure encore un peu plus alors qu'elle lui pose deux questions. Il faudrait ne pas avoir de cœur pour ne pas être touché par cette supplique d'une femme désespérée et mortifiée. Comment lui répondre ? Il ne peut pas lui avouer que le jour ne se lèvera pas avant plusieurs heures... Il devine d'avance sa réaction. Cependant, s'il ne peut pas se résigner à lui dire la vérité, il comprend l'origine de son souhait. Elle a peur. Peur de son passé autant que de son futur. Elle a besoin d'un cadre rassurant, d'une situation pérenne, d'une sécurité... Pourtant, dans tous ces tourments, elle n'est pas effrayée par l'homme sombre et distant qu'il est. Elle garde sa main dans la sienne. Elle lui sourit alors que ton visage est encore noyé de larmes. Elle se confie à lui à cœur ouvert.
Le Seigneur de Lantenes prend un instant de réflexion puis, dans un soupir, il se redresse pour venir s'asseoir près de la dame, un pied toujours par terre et une jambe pliée à l'horizontal. Il tire un peu sur sa manche et s'en sert pour essuyer ses joues avec une certaine délicatesse. Puis il repose sa main sur celle qu'il tient et qu'il n'a pas lâché depuis le début, la conservant ainsi dans un cocon protecteur.
-Vous pouvez dormir, Madame. Je veille.
Oui, il veille. Il veille depuis toujours, de l'autre côté du mur. Il veille depuis la première nuit, celle où il l'a entendue rêver. Il veille comme cette fois où un homme a pénétré dans sa chambre et qu'il a été le seul à l'entendre. Il est resté discret par respect et parce que sa place n'était pas aux côtés de Solange... Mais il l'a toujours protégée. A ses yeux, c'est un devoir. Il sait que ses mots, en cet instant, à travers sa voix de miel et ses gestes doux, peuvent être mal interprétés et tromper la jeune femme sur ses motivations mais comment faire autrement ?... Il ne peut pas la laisser seule dans la tourmente. S'il n'intervient pas, jusqu'où pourraient la mener ses cauchemars ? Pourrait-elle les supporter sans soutien ? Il n'en est pas certain et il ne peut pas se contenter de rester distant quand il la sait en train de sombrer...
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| | | Solange d'Escault
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Mar 5 Avr 2022 - 11:01 | |
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L'impression de flotter dans un rêve étrange s'atténua. Le contact de sa manche sur ses joues mouillés ne la fit pas sursauter, mais la ramena doucement à la réalité.
La comtesse d'Odélian le regarda s'installer près d'elle, alors que la peur s'insinuait lentement, à nouveau, dans ses entrailles. Un bref coup d’œil à la servante couchée lui indiqua qu'elle ne pouvait espérer aucun secours de sa part ; et elle se savait aussi entourée par les hommes de Lantenes. Elle était seule. Vulnérable.
Pourtant, il tentait de la rassurer, à sa manière. Il veillait sur elle, lui demandait de se rendormir ; mais c'était impossible. Avec un homme si près d'elle, la jeune femme ne pouvait pas baisser sa garde, mais, afin de ne pas froisser son protecteur - pouvait-elle se le permettre, alors que même son époux la voulait morte ? - elle se contenta d'acquiescer, en hochant la tête.
Sa main était rugueuse, douce et sèche, et ce fut qu'après qu'elle se rendit compte qu'elles étaient enlacées. C'était un petit geste tout simple, qui lui rappela brusquement le pauvre serviteur dont elle avait eu la mauvaise idée de s'amouracher. Et elle sut, intuitivement, que le seigneur de Lantenes ne lui ferait pas de mal. Pas comme ceux qui l'avait souillé de leurs mains crasseuses. C'était un homme civilisé, droit, en qui elle voulait croire. Ne serais-ce que quelques minutes.
- "Je suis désolée d'avoir fait du bruit. Je me contrôlerai mieux, la prochaine fois. Merci de faire tout ce chemin avec moi...C'est une épreuve que m'impose Néera. Elle veut me punir, alors je dois... tenir bon. Il le faut. Voulez-vous prier avec moi?"
Petit à petit, elle reprenait son empire sur elle-même, bien que Solange n'ait pas pensé à son encolure de chemise qui lui découvrait un peu l'épaule, qu'elle n'ait pas bougé de son lit. Il était si proche - même son mari n'était jamais restée si proche d'elle, après l'avoir étreint.
- "Quand je n'arrive pas à dormir, je pense à Elisabeth. Ma fille mérite tous les sacrifices."
Elle eut un petit rire, baissa les yeux.
- "Vous avez dû connaitre.. bien des batailles, vous aussi."
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| | | Aurel Fribourg d'Escault
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Mer 6 Avr 2022 - 21:48 | |
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Les émotions qui ont commencé à se dessiner sur le visage d'Aurel ne le quittent pas alors que la dame s'accable de tous les maux... Elle s'excuse de l'avoir réveillé, lui promet l'impossible, se croit punie par la Damedieu... Et il ne comprend pas. Il ne comprend pas comment elle peut penser tout cela et comment elle peut se croire aussi fautive. Qu'a-t-elle fait de mal ? A sa connaissance, rien. Elle ne lui a que peu parlé de ce que son mari a fait ou de ce qu'elle a vécu mais il peut aisément imaginer et combler certains vides dans son histoire par son attitude et ses non-dits. Il ne peut pas être tout à fait sûr d'avoir raison mais il ne croit pas beaucoup se tromper sur la personne qui se trouve sous ses yeux. A moins d'être la meilleure manipulatrice ou la comédienne la plus douée du monde, Solange est un être doux et dotée de bienveillance. Mais sa gentillesse la perd en cet instant où elle veut porter la responsabilité de tout ce qui est arrivé.
La question sous-entendue de la Dame n'est pas pour le mettre à l'aise mais il n'en montre rien et il sait comment la contourner aisément. Il ne tient pas à parler de son passé qu'il n'a évoqué dans sa totalité qu'avec une seule personne. Aurel n'est pas quelqu'un de bavard ni d'expansif, il n'aime pas parler de lui. Pourquoi ? Lui-même ne le sait pas et il estime que c'est une bonne chose dans le cas présent. Il n'imagine pas que le fait de discuter d'autre chose est justement une façon pour la dame de ne plus penser à ce qui la tourmente. Au contraire, il tient à lui faire passer certains messages.
-Tout soldat a ses fantômes, Madame. Et il sait ce qu'est de vivre avec la culpabilité.
Il aborde le sujet, non pas pour parler de lui mais pour revenir sur ce sentiment qui semble tant la hanter. Il existe plusieurs sortes de culpabilité mais l'ancien officier en connaît un certain nombre, personnellement ou par ses frères d'arme. Parfois, elles sont justifiées. Et d'autres...
-Je ne connais peut-être pas tous les éléments de cette affaire mais je ne crois pas que la Damedieu ait la moindre raison de vous punir. Parmi tout ce qu'il s'est passé, quel acte auriez-vous pu commettre qui justifierai un tel châtiment ? Et ne me dites pas que vous êtes une mauvaise épouse quand c'est lui qui est un mauvais mari. Songez à ce qui motive vos actions et ce qui justifie les siennes. Lorsque vous avez découvert ses crimes, vous avez aspiré à la justice. Et quand il l'a compris, il a voulu sauver sa vie au dépend de la vôtre. Et votre enfant dans tout cela ? Quelle considération a-t-il eu pour elle ? Je n'en ai peut-être pas l'air, Madame, mais j'écoute ce que vous dites et je vous observe. Et quand je pense à votre histoire, je vois un égoïste et une femme de cœur. Vous risquez votre vie pour ce en quoi vous croyez. De Prademont n'a pensé qu'à la sienne. Si quelqu'un doit perdre le sommeil à cause de ses actes, c'est lui. Certainement pas vous.
De son petit coin de chambre, Coline ne peut qu'entendre la conversation qui se tient devant elle. Elle a toujours su que son Seigneur était quelqu'un d'intelligent et de bon, même si ce n'est pas l'impression qu'il donne de prime abord. Il a fallu du temps à tout Lantenes pour s'en rendre compte. Mais, cette nuit, en l'entendant parler ainsi à cette Dame qui souffre tant, elle réalise à quel point elle et les autres habitants de la seigneurie sont encore loin de le comprendre vraiment... Tout ce qu'elle espère, c'est que ses mots raisonneront dans l'esprit de la jeune femme comme ils raisonnent dans le sien.
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| | | Solange d'Escault
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Ven 15 Avr 2022 - 16:32 | |
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Les mots d'Aurel coulaient dans ses oreilles, lui offrait comme un baume étrange sur son cœur éprouvé. Le seigneur ne se montrait pas entreprenant, et s'il ne répondait pas à sa question, lui conférait un sentiment de sécurité étrange. Il y avait effectivement de la bonté dans ses paroles ; de la douceur aussi, bien que la Comtesse fut étonnée qu'il ait réfléchi si avant à la question.
Il était si bizarre de se sentir si bien, si apaisée, alors qu'un homme se trouvait à ses côtés, que tout le monde savait qu'il était avec elle - la présence de la servante était, malgré tout, comme le garant de son honnêteté. Rompre le contact avec sa main aurait été briser ce calme, cet état de bien-être temporaire, et la jeune femme eut la faiblesse de désirer le prolonger encore un peu.
De son autre main, elle froissa sa couverture, réussit à récupérer complètement son empire sur elle-même.
- "Il est vrai que je me sens coupable. Mon époux... a toujours eu de l'ambition. C'est un homme résolu, qui aime briller, qui aime aussi avoir les honneurs. Je sais ce que je lui voles, en agissant. Et pour lui, ce doit être lui ou moi. Lui, ou la fin du monde. C'est un homme courageux, mais il porte les démons en lui. Au début, je n'avais pas de preuves ; et j'avais aussi peur pour mon enfant. J'avais peur que mon père me croit associé à tout cela. J'avais peur que le Régent me croit associé à ces horribles meurtres. Mais ensuite, j'ai entrainé ma fille dans ce voyage dangereux... Je l'ai forcé à fuir à travers bois lorsque les bandits ont massacré mon escorte. J'avais si peur qu'ils ne lui fassent du mal, alors je leur ai ordonné de s'enfuir. Mais.. ma dame de compagnie a été tuée dans leur fuite, ainsi que ma servante. Seule la nourrice a survécu, et tout cela, c'est ma faute. J'aurai dû prendre de meilleures décisions. Mais je pensais, dans ma sottise, que je pourrais à moi seule protéger leur vie."
Solange soupira. Il était si difficile de se taire, et pourtant, elle se sentait ridicule de s'exprimer autant, de relater une partie de ce qu'elle ressentait. Ce n'était que la surface, mais la glace se fissurait de plus en plus - et Solange prit peur.
Elle rompit le contact avec son interlocuteur, lui offrit un sourire timide mais qui s'affermit rapidement.
- "J'accomplirai mon devoir jusqu'au bout. Je le dois à ces pauvres Souffles errants, et à la population d'Odélian. Ils auront justice, et je m'expliquerai moi-même face à mes vassaux. Vous êtes si bon, messire, que je ne peux m'arrêter de m'épancher. Mais je vous remercie infiniment de vos douces paroles, qui fortifie mon Souffle et ma résolution. Bien que les fantômes nous hanteront toujours, je vous souhaite infiniment de retrouver la paix... et si je puis vous y aider, en vous prêtant une oreille attentive, alors vous me trouverez sans peine, je vous en fais la promesse."
-Vous vous êtes cru seule, vous avez fait ce que vous pouviez.
Aurel se montre à l'écoute et compréhensif. Solange a visiblement besoin de parler et il n'y a que lui qui puisse jouer le rôle de confident en l'état actuel des choses. Elle aurait peut-être préféré une femme pour pouvoir s'ouvrir totalement mais elle ressent tellement le besoin de s'épancher qu'elle ne prête même pas attention à ce détail. Pourtant, après avoir ouvert la porte sur le cœur de ses tourments, la dame soustrait sa main de celles du Seigneur qui se retrouve surpris tant par son geste que par sa soudaineté. Qu'a-t-il dit ou fait pour qu'elle réagisse de la sorte ? Il ne le sait pas vraiment et les éloges qu'elle lui fait ne l'aide pas à y voir plus clair. S'il lui est si aisé de lui parler, alors pourquoi s'arrête-t-elle tout à coup ? Il se résout à ne pas avoir d'explication et, puisqu'il n'a plus besoin de se trouver si près d'elle, il recule un peu pour lui laisser plus d'espace. Peut-être que l'origine de son trouble réside dans leur proximité ?
-Vous m'aidez déjà, Madame. D'après Lambert, vous n'avez pas échoué chez moi sans raison. Se serait un message des Dieux qui m'était destiné.
Si c'était vrai, alors comment se fait-il qu'il ne l'ait pas vu lui-même ? N'y était-il pas prêt ? Si oui, alors on peut douter du fait qu'il y ait véritablement eu un message. Car qui essaierait de changer quelqu'un qui n'y est pas préparé ? A moins que les divinités comptaient sur son ami pour le traîner dehors ? Ce ne serait pas impossible... Aurel sait comme il peut se montrer buté parfois et ce n'est pas pour rien que son amitié avec le chevalier fonctionne si bien. Il a besoin de quelqu'un qui lui dise aussi ce qu'il pense parfois.
- « Si je suis envoyée par les Dieux pour vous aider, alors tout cela semble logique. Nous avons chacun besoin de l’un et de l’autre. Dans nos positions, peu d’interlocuteurs osent nous parler sans détour. Finalement, ceux-là sont les seuls en qui nous pouvons avoir vraiment confiance. »
La comtesse garda le silence quelques instants. D’un geste rapide et nerveux, elle rajusta le col de sa chemise de nuit opaque pour cacher son épaule, déposa sa main sur la couverture. Elle n’avait pas l’habitude d’une intimité aussi profonde ; mais étrangement, la jeune femme n’en ressentait pas de honte, et ne se sentait pas gênée. Après tout, ils n’étaient pas seuls : mais cela avait aussi été le cas lors de sa nuit de noces, lorsque Gaubert avait assisté à ses premiers ébats avec son époux.
- « J’étais seule. Oui, c’est vrai, je me suis sentie très seule durant de longs mois. Vous devez connaître le même sentiment… y aurait-il une personne qui vous aurait trahi ? »
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| | | Aurel Fribourg d'Escault
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel Lun 18 Avr 2022 - 19:31 | |
| Aurel garde le silence quelques secondes. Il n'a pas envie d'en parler et, en même temps, Solange a peut-être besoin de savoir qu'il est en mesure de comprendre ce qu'elle ressent, même si l'objet de la trahison est très différent et même si cela n'a aucun lien avec le message que les Dieux veulent peut-être lui transmettre.
-De plus d'une manière. Affirme-t-il sans donner plus d'explications. Je suis un homme d'honneur. Dans ces conditions, il m'est difficile d'accepter que quelqu'un revienne sur sa parole sans raisons valables.
Il est certains cas où la nécessité contraint à dévier du chemin prévu et ils peut l'entendre dans la mesure où ces décisions respectent les valeurs de la chevalerie. Dans la trahison dont il a fait l'objet, rien ne justifiait ces changements, si ce n'était la soif de pouvoir et la duperie. Car il a été dupé, dès le début, et il a mis trop de temps à le comprendre. Même s'il l'a senti venir bien avant que le traître n'affiche pleinement son jeu.
-Mais c'est aussi la raison pour laquelle vous n'avez pas à douter du fait que j'irais jusqu'au bout, comme je vous l'ai promis. Et que vous n'avez rien à craindre de moi.
C'est au tour de la jeune femme de garder le silence. Elle aimait de plus en plus cet homme, cette solidité, cette constance ; et elle le rejoignait dans cette quête commune, dans cette obstination à accomplir son devoir jusqu'au bout. Bien qu'ils aient deux objectifs différents, deux histoires compliquées mais toutes aussi étrangères l'une à l'autre, ils avaient en commun l'honneur chevillé au corps - et c'était bien ce qui inspirait la confiance qu'elle éprouvait en sa présence.
- "Je ne vous connais pas bien, messire Aurel. Mais j'ai toujours vu en vous, dès notre première rencontre, un homme droit et honorable. Je suis heureuse de constater que la vilenie et l'inconduite ne vous a détourné de votre chemin. N'est-ce pas le plus important ? Ne pas se perdre soi-même, voilà, parfois, le plus difficile."
Le sommeil gagnait lentement la noble dame. Il était vrai que près du seigneur, ses défenses, ses angoisses se faisaient plus faibles - peut-être même que les cauchemars la fuiraient. Peut-être même qu'elle pouvait se permettre de le laisser monter la garde, de le laisser veiller sur elle.
Néera ne l'avait-Elle pas placé sur son chemin dans ce dessein ?
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| Sujet: Re: Une main secourable | Solange & Aurel | |
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