Au bout de l'attente

Tahiro, IIIe ennéade de Verimios, An XIX, Cycle XI
Alonna-les-trois-murs, Alonna, Péninsule

Cela faisait si longtemps qu’il était parti. Si longtemps qu’elle avait pu passer la main sur son visage. La baronne soupira en regardant par la fenêtre, serrant doucement le pendentif orné d’un saphir. Elle ferma les yeux un moment, les rouvrant après quelques secondes pour finalement se retourner vers le bureau finement décoré. Elle avait beau pensé que cela n’était le début de leurs nouvelles vies, mais elle le sentait si loin et se sentait si vide lorsqu’il n’était pas à ses côtés. Qu’ils le veuillent ou non, le jeune couple avait passé au travers d’innombrable épreuves, et ils n’en n’étaient sorti que plus fort, plus soudée. La Damedieu leur avait ouvert un chemin – pas nécessairement le plus facile – mais un chemin qui les mènerait définitivement loin. Adélina s’approcha doucement de son bureau, avant de s’asseoir doucement sur le fauteuil recouvert de velours. Là, d’innombrable requête, invitation semblait éparpiller. Il fallait dire qu’elle n’avait pas arrêtée depuis la prise du trône baronniale. Des noirelfes avaient étés aperçu en Alonna. Non pas que ce fut une grande surprise vue l’incapacité de son successeur de faire quoi que ce soit pour l’Alonnan et les témoignages du groupe de chevalier Néerite qui s’était arrêté à Lodiaker. Mais elle avait pris rapidement la menace au sérieux, envoyant des troupes au nord ainsi qu’à l’est afin de protéger le territoire. L’Alonnan était l’une des premières défenses si des envahisseurs arrivaient de l’Arduram. Pour le moment, tout allait bien, mais elle se doutait bien que cela n’était guère de bon augure. Adélina soupira de nouveau avant de jeter le parchemin devant elle, clairement ennuyée. Qu’es qu’elle aurait aimé avoir son mari auprès d’elle pour partager ces tâches.  


Elle se releva rapidement, s’apprêtant à retourner à la fenêtre alors que la porte de la pièce s’ouvrit en fracas. Un homme entra rapidement, l’individu se saisit la poitrine, tentant tant bien que mal de reprendre son souffle alors qu’Adélina haussa un sourcil reconnaissant l’un de ses conseillers. Soucieuse qu’un événement tragique soit arrivé, elle fit un pas vers ce dernier, l’air inquiète. Avait-on repéré de nouveaux noirelfes?¸


« Que se passe-t-il? » Demanda-t-elle d’un ton relativement calme – du moins si l’on considérait la vitesse à laquelle battait son cœur.

L’individu se redressa soudainement, tentant de prendre la parole alors que son souffle ne s’était toujours pas calmé.


« Votre honneur….pfff….Le Baron… pfff… est dans la ville. Il devrait arriver au palais dans quelques minutes…. Pfff »


Son cœur sembla s’arrêter pendant un moment, avant qu’un sourire ne vienne illuminer ses lèvres. Sans attendre la jeune femme se mis en marche, cela ne prit qu’une seconde avant qu’elle ne s’engage dans le couloir, faisant virevolter les tissus de sa robe bleutée derrière elle. La rose traversa les couloirs d’un pas rapide, alors que certains serviteurs la regardaient d’un air intrigué. Cela faisait déjà plusieurs ennéades que la jeune femme avait emménagée dans le château d’Alonna-les-trois-murs, mais personne ne l’avait vu aussi agitée.


Au bout de quelques minutes, la baronna atteignit finalement son but, poussant les portes qui menaient au grand hall. Elle s’arrêta un moment, balayant la salle du regard, avant que son mari ne se retourne finalement vers elle, un air légèrement troublé. Il s’arrêta net à son tour lorsqu’il vit la baronne, alors qu’un sourire vint orné ses lèvres. Sans attendre, Adélina se mit à courir, avant de se jeter dans les bras de Théodoric. Ce dernier l’attrapa sans mal, avant de la faire tournoyer, comme il l’avait fait lors de leurs retrouvailles à Diantra. Il la déposa finalement au sol, avant d’encercler doucement son visage de ses mains pour l’embrasser. Faisant fi, des autres personnes présentes, qui eux d’ailleurs, semblait trouver ce spectacle charmant. Mettant doucement les mains à plats sur l’armure de Théodoric, leurs lèvres se séparant finalement, la jeune femme releva son regard azuré vers les émeraudes de son mari, alors que ce dernier replaçait doucement une mèche derrière son oreille.


« Tu m’as manqué. » murmura-t-elle avant que sa main ne retrouve la joue du langecin.
« Et toi donc. » dit-il alors que sa main retrouva celle de son épouse. Il lui embrassa doucement le bout des doigts, avant de caresser doucement sa main.


Cela n’avait définitivement pas été facile, toutes ses nuits sans lui, tous ses événements sans son support, mais ils avaient passé au travers, et le voilà, là, en chair et en os devant elle. Sans attendre elle se jeta dans ses bras une nouvelle fois, fermant les yeux et savourant son étreinte rassurante. Son odeur lui avait tellement manqué! Sans le vouloir, un sourire vint illuminer ses lèvres alors qu’elle savourait ce moment bien spécial. Théodoric la serra dans ses bras, posant son visage dans les cheveux de sa femme, semblant se remémorer son parfum, se rappelant le contact de sa peau sur la sienne. Au bout de quelques minutes, les deux tourtereaux se séparèrent enfin, et le regard de la jeune femme se porta au sol, là où elle sentit une présence tournoyer autour d’elle. Sans attendre, elle se pencha doucement, grattant rapidement le crâne de Pongo, alors que le chien sauta sur elle pour demander un peu plus d’attention. Ce qui fit rire la jeune femme.


« Alors on ne dit pas bonjour à son cousin préféré? »


Le regard bleuté se porta sur Aubry qui s’approcha, les bras ouverts.


« Toujours aussi fanfaron à ce que je voie! »
« C’est de famille, Votre Honneur! » répondit-il avant de prendre sa jeune cousine dans ses bras. Puis, semblant reprendre son sérieux, il la relâcha avant de se retourner vers Théodoric, « Je ne vous dérangerais pas longtemps. Je suis certain que notre oncle attend un rapport détaillé. Mais avant toute chose. »

Aubry, sortit s’agenouilla rapidement devant le couple baronnial, avant de reprendre la parole;


« Je n’ai jamais douté en vos capacités, et je vous accompagnerais jusqu’à mon dernier souffle. Moi, Aubry Lourbier, Chevalier de Lodiaker, vous fait serment d’allégeance, à vous, Théodoric de Langehack et Adélina de Lourbier, légitime Baron et Baronne d’Alonna. »


Adélina échangea un regard avec son époux, avant de faire un signe à son cousin.


« Nous n’avons jamais douté de ta loyauté, Aubry. Maintenant relève toi. »


Théodoric eut à son tour un sourire, avant d’échanger un regard avec son épouse.


« Au repos chevalier, après toutes ses ennéades sur les routes, il est temps de prendre congé. »


Aubry s’inclina, sourire aux lèvres, alors qu’un serviteur ne s’approche de ce dernier, lui faisant signe pour le conduire à ses appartements. Une fois, que ce dernier ne quitte la pièce, Adélina retourna son regard vers Théodoric, lui lançant un sourire.


« Bienvenu chez vous, Votre honneur. »

Théodoric eut un sourire, avant de tendre doucement son bras à Adélina.

« Alors faites-moi découvrir notre nouveau chez-nous. »

L’alonnaise eut un sourire, avant d’attraper doucement le bras de son époux. Il était temps de bâtir leur futur, leur propre dynastie.

Elle ne saurait dire combien de temps elle avait attendu ce moment, ou même combien de fois elle l’avait imaginé. Serrant doucement le bras de son époux, la jeune femme posa doucement sa tête sur l’épaule de ce dernier alors qu’ils s’enfonçaient dans les couloirs du château d’Alonna. Elle ferma les yeux une seconde, envoutée par son odeur et sa présence avant que Théodoric ne rompe finalement les rêveries de son épouse.


« Je dois avouer que tu n’as pas quitté mes pensées une seule fois. Je sais que cette quête était d’une importance capitale, mais elle a probablement été la plus difficile que j’ai faite jusqu’à maintenant. »


Adélina ouvrit doucement les yeux alors qu’un sourire vint orner ses lèvres.


« Nous le savions que cela serait difficile, mais nous avons travaillé chaque jour nos devoirs respectifs, et nous voilà finalement ensemble. Pour toujours. Toi et moi. »


Théodoric baissa son regard vers son épouse avant de s’arrêter. Ses mains se déplacèrent sur le visage de son aimée pour l’attirer vers lui. Il l’embrassa de nouveau tendrement, profitant de cette occasion pour caresser doucement la peau si douce d’Adélina. Elle avait raison, ils avaient passé au travers, et n’en n’était que sortit encore plus fort. Sa main se déplaça à la taille de sa femme, l’attirant un peu plus vers lui. Jamais il n’avait rencontré une femme telle que la rose de Lodiaker, elle le complétait, et avait l’impression que sans elle, il manquait d’air. Il se rappelait la première fois qu’il l’avait vu à Cerulyse, se rappelait d’avoir pensé qu’elle était de toute beauté et plus le temps passait, plus il se rendait compte qu’il ne s’était jamais senti aussi confortable avec une autre femme. Théodoric savait qu’il avait besoin de l’avoir sinon il ne savait pas s’il pouvait vivre. Il avait besoin d’elle, comme un poisson avait besoin d’eau pour vivre et lorsqu’elle lui avait finalement avoué ses sentiments à son tour, il s’était senti en paix, comme s’il avait trouvé l’endroit où il passerait le restant de sa vie. Sans attendre, le jeune homme se pencha pour passer un bras sous les genoux de la baronne, posant l’autre à sa taille, et la souleva. Adélina passa doucement ses bras autour du cou de son mari en riant, alors que ce dernier reprit finalement la parole;


« Montre - moi nos appartements. »


Un regard amusé traversa les prunelles d’Adélina alors qu’elle pointa une large porte. Des gardes ouvrirent rapidement ces dernières, laissant le couple baronnial entrer dans leurs appartements. La pièce était grande, et finement décorée. D’énormes peaux d’animal ornaient le sol de pierre, alors qu’un feu crépitait dans la cheminée. Théodoric déposa doucement Adélina au sol. Cette dernière attrapa la main de ce dernier avant de l’entraîner dans la chambre. Elle s’arrêta près d’une table basse et commença rapidement à enlever l’armure de son mari.


« Je me suis dit que tu voudrais peut-être prendre un bain après toutes ces ennéades de voyage. »

« Seulement si tu viens avec moi. »


Adélina haussa un sourcil, d’abord surprise, un sourire vint rapidement éclairer ses lèvres rosées, alors que les serviteurs sortirent rapidement de la pièce. Son regard se porta au sol avant de remonter vers les prunelles émeraude du baron.


« Avec plaisir. »


Théodoric ne cacha guère son sourire, portant doucement sa main sur la taille de son épouse pour la rapprocher de lui. Leurs lèvres se touchèrent une nouvelle fois alors que les doigts du baron s’affairaient à délacer son corset. Il ne semblait plus l’être timide depuis qu’ils étaient mariés, et cela avait au moins l’effet de plaire à la nouvelle baronne. Elle se souvenait encore de leur premier baisé à Langehack et de son air mortifié après avoir réalisé ce qu’ils venaient de faire. Disons que cela avait changé rapidement après leur mariage à Diantra. Les jours suivants avaient été extrêmement chargés en émotion. Sachant que les nouveaux mariés se séparèrent à nouveau – Théodoric – étant champion du tournoi, s’était engagé pour aller retrouver le roi, tandis qu’Adélina, elle, rentra en Alonna pour prendre soin de son patelin – avait passé la majorité de leurs temps ensemble, flânant dans Diantra, ou passant leurs temps dans le petit manoir. Des journées passées à apprécier la présence l’un de l’autre malgré les innombrables événements qui grondaient à l’horizon. Théodoric défit finalement le dernier lacet qui retenait le jupon de la baronne avant de lui rompre leur baisé. Il posa son nez contre le front de sa belle, avant de sourire, parfaitement heureux.

Ils étaient incapables de dire combien de temps ils avaient passé dans l’eau chaude. S’embrassant, s’unissant à nouveau. Profitant d’un moment qu’ils avaient attendu trop longtemps. Théodoric la serra un peu plus dans ses bras, son menton sur l’épaule de son épouse. Son nez dans le cou de son aimée, il ferma les yeux, heureux et apaisé. Pas une seule pensée négative n’entra son esprit. Pas une seule pensée pour les épreuves qu’il venait de traverser. Qu’un bonheur pur qui comblait son cœur. Pas une seule fois, il avait regretté d’avoir demander sa main, pas une seule fois, il n’avait regardé en arrière se demandant s’il avait pris la bonne décision. Adélina était exceptionnelle, elle réussissait à lui réchauffer le souffle au plus profond de l’hiver nordien. Relevant finalement le regard vers son aimée, il eut un léger sourire alors qu’il croisa son regard, la serrant un peu plus contre lui dans l’eau chaude. « Je voulais que tu te sentes comme à la maison. Que tu sois aussi heureux que je le suis quand tu es avec moi. »


Le sourire de Théodoric s’étira, et sa réponse ne tarda pas.


« Je suis déjà l’homme le plus heureux quand je suis avec toi. Peu importe où nous soyons. Tu es mon existence, et je t’aimerais jusqu’à mon dernier souffle. »


La jeune femme eut l’impression que son cœur fondait comme neige au soleil. Elle était bien consciente de la chance qu’elle avait. Passer le reste de sa vie avec un homme qui l’aimait, qui la respectait… Un souffle tellement comparable au sien. C’était probablement le plus fabuleux des cadeaux que la Bienveillante lui avait accordés, et elle chérirait définitivement ce mariage avec le plus grand respect. Elle chérirait chaque moment, chaque petite parcelle de leurs vies communes, et ce, même s’il semblait stupide ou frivoles.


« Qu’as – tu en tête pour les prochaines ennéades? »


« Passer le plus de temps possible avec toi? » répondit-elle tout simplement avant de caresser doucement sa joue de son pouce. Adélina eut un léger sourire avant de reprendre; « J’aimerais aussi que l’on passe un peu de temps à Val-Néera. Avec les événements des derniers mois il me semble important que nous saluions la Damedieu. » Théodoric ne fit qu’hocher la tête– nul besoin de rajouter quoique se soit. Puis reprenant un air plus sérieux, la jeune femme se détacha légèrement de son mari avant de continuer; « Il y a une autre chose qui me tracasse… » répondit-elle alors que le langecin se redressa dans l’énorme baignoire, prenant à son tour un air des plus solennelle.


« Il y a quelques mois, nous avons reçu des prêtre néerites. Ils nous ont dit qu’ils avaient été attaqués par des noirelfes en Oesgard. » L’expression de Théodoric se referma alors que la baronne continua; « À l’époque, j’avais envoyé un message à Alonna et au Baron d’Oesgard, mais mes conseillers m’ont renseigné que ma missive n’avait pas été prise au sérieux… Pendant ta quête, on m’a rapporté que des enquêtes de noirelfes avaient eu lieu dans les villages qui côtoie la Sirilya et l’Arduram. Si des gens croient que se sont que des groupes de brigands de la Dross, j’ai peur que cela soit beaucoup plus sérieux… » Théodoric, qui ne l’avait toujours pas interrompu, repris finalement la parole; « Quelles actions ont été mise en place jusqu’à maintenant? »


« J’ai envoyé des soldats dans les villages, pour protéger les alonnais. Mais ils n’ont rien trouvé. Cela ne semble que des attaques de bandits pour le moment. »


Théodoric fit un rapide signe de la tête, avant de reprendre; « Tu as bien fait, laisse les soldats patrouiller le fleuve, si d’autres attaques viennent déranger nos frontières, nous réagirons en conséquence. »
Adélina fit un rapide oui de la tête, se disant que depuis qu’elle avait accéder au pouvoir, tout ce qu’elle faisait était de se battre. Se battre pour sa survie, se battre pour Lodiaker, se battre contre sa belle-sœur… Peut-être se battait-il pour un monde qui n’existerait pas. Peut-être que peu importe ce qu’il ferait il y aurait toujours un champ de bataille.  Mais elle n’hésiterait jamais à prendre les armes pour défendre ce qu’elle aimait.