[Haut-Temple d'Uriz] C'est le temps de l'apé-drow!

Julas, Première ennéade de Verimios, An XIX, Cycle XI

Là, dans les profondeurs de l’Elda, un trio avançait d’un pas décidé, fendant la foule d’Ilythiiris qui ne tentèrent guère de bloquer le passage aux trois personnages masqués. Il fallait dire que la vue de celle qui était en tête avait au moins un effet des plus surprenant. Un mélange d’admiration, de dégoût et de jalousie alors que les prunelles rougeâtres dévoraient le trio enveloppé d’étoffe sanglante. Tout le monde était silencieux. Quelques murmures se faisaient entendre ici à là. Tous savaient qui elle était. Ses cheveux recouverts de tissu rougeâtre, la chaîne ornée de barbelé qui ornait la taille fine… Le visage recouvert d’Onous'Delab... Les doigts torturés recouverts de griffe acérée… Si cela n’était pas assez pour identifier la figure, il fallait dire que l’instrument qui ornait son bras gauche ne laissait rien au hasard. On pouvait voir le lien métallique pulsé en même temps que la flamme qui habitait Kiel Elamshinae, se refermant un peu plus sur la chair en lambeau, torturé par des traitements que peu semblait prêt à affronter. L’Obok Yatharil leur faisait honneur de sa présence, alors qu’elle s’engageait rapidement vers la chambre magmatique.


Bol d’Jiv’elgg était aveuglé par un instinct qui cherchait à vaincre l’homme.
Et quel pathétique effort!
Tu savais que cela n’irait pas loin.
Elle l’a toujours su.
La reine était aveuglée par l’ambition et sa portée était limitée et vaine… Même le créateur l’a laissé tomber…
Par l’ambition…
Elle et l’architecte…
Une ascension tellement vaine.


Et les voix continuèrent ainsi. Encore et encore ses doigts se crispèrent alors qu’elle l’entendait, elle.


Tu as adoré une puissance supérieure. Quelque chose qui est au-delà de leur compréhension. Au-delà de ce qu’ils peuvent imaginer. Enveloppe-toi dans mes hurlements et libère ce qui est scellé par la peur et l’ignorance.


Sans attendre, l’Obok Yatharil s’enfonça dans la chambre magmatique sans que l’on ne l’arrête. Il fallait dire que sa quête avait rapidement fait le tour du Puy, laissant sur son passage des interrogations, mais aussi un certain renouveau. Cela faisait très longtemps que le temple de Kiel n’avait pas été aussi occupé. D’innombrables soldats, insatisfait de la dernière bataille de Naélis, étaient venus au temple pour s’engager dans l’Orthae Dek’za. Non-seulement pour satisfaire le visage hurlant, mais aussi le père des batailles. Tout savait que l’Elda devait se relever.


Au bout de quelques minutes, le trio arriva finalement au Haut-Temple d’Uriz. Le temple creusé à même la roche était assez impressionnant, voir imposant, mais l’Obok Yatharil était loin d’être impressionnée. Sans jeter un regard à la structure, cette dernière entra rapidement dans l’immense anti-chambre, s’avançant rapidement vers l’autel ou un énorme brasier illuminait la pièce. Kha’linas s’arrêta devant ce dernier, penchant légèrement la tête sur le côté alors que ses prunelles vides fixaient les lueurs orangées qui virevoltaient devant elle.


Tu sais ce que tu as à faire…
Sois ils sont avec nous…
Soit ils sont sur notre chemin…
Tu es son instrument…
Sa volonté…


Au bout de quelques secondes, l’Obok Yatharil se retourna, fixant un ilythiiri qui se trouvait – malheureusement pour lui – non loin d’elle. Son bras déformé se tendit, avant que les griffes qui ornaient ses doigts lui firent signe de s’avancer. Inutile de demander qui il était… Son accoutrement ne laissait rien au hasard. Kha’linas Do’ath se trouvait en présence d’un prêtre d’Uriz. Peut-être que Diltree Xaran sortirait de sa torpeur, et viendrait la rejoindre dans sa quête… Mais pour le moment, l’individu devant elle ferait l’affaire.


« Dis-moi… Es-tu affamé? »


Un sourire carnassier vint orné le visage sous le masque. Après tout, il y avait une place pour l’eldéen dans la guerre qui se préparait. Une place bien spéciale si ce dernier était intéressé. Après tout, la guerre n’était que le début.

Perché sur un petit muret du temple, comme une gargouille de chair et d’os sur lequel les flammes projetaient des ombres difformes, Syrkrar'lltran avait observé avec attention l’arrivée de l’élue de Kiel au sein du temple du père. Il avait été silencieux et immobile dans un premier temps. Le torse nu gravé du seul symbole d’Uriz et quelques mèches blanchâtres devant ses yeux qui semblaient vides, il se contentait d’observer le comportement de celle que l’on disait bénie de la maitresse des souffrances, ce, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’adresser directement à lui. Alors il s'était animé et avait souri.

Les rumeurs avaient fait son bonhomme de chemin, même aux oreilles du drow qui n’en avait d’habitude absolument rien à faire et les ignorait passivement. Une guerre sainte grondait et avec elle, l’espoir d’une douce vengeance. Enfin. Enfin, les enfants d’Uriz retrouvaient un peu de leur mérite plutôt que de se vautrer au fond du Vatna à attendre que les vermines du monde ne pullulent encore. Le prêtre d’Uriz faisait partie de ceux quelque peu frustrés par l’échec de la campagne naëlisienne et l’inaction qui s’en était ensuivie. Comment les fils et filles d’Uriz en étaient-il arrivés là ? Comment penser un seul instant être digne du Père en ne faisant rien pour attirer son regard ?

Mais voilà que les chose changeraient enfin. Alors, il descendit finalement de son perchoir et vint se placer face aux trois éldéens. Le prêtre fixa un instant l’affreuse chaine au bras déformé de celle qui avait parlé, constatant avec délice que tout cela était vrai. Kiel avait parlé. Il était donc grand temps.

-Par la vengeance, toujours. Répondit-il de sa voix rauque. Ordonne, Kiel Elamshinae, et je te suivrais.

Un rire se fit entendre en elle. Un rire profond, cruel qui aurait presque pu sembler cruel. La réponse de l’ilythiiri lui avait plu et elle ne se gênait pas pour le faire savoir. La main déformée de l’obok Yatharil sembla se crisper pendant une seconde alors qu’une voix semblait résonner dans sa tête.


Bois leur souffrance, leurs larmes. Je me languis de voir la douleur sur leur visage. Déchire leurs chairs, écorche-les de la tête aux pieds…


Les autres voix se joignirent à la demande de la maîtresse des souffrances, consciente que leurs murmures donneraient envie à Kha’linas.


Pends-les aux arbres…
Laisse leur chair se décomposer…
Leurs visages torturés par la douleur…
Ils seront tous apeurés…
Foudroyé par la peur…
Et ils hurleront son nom…


Le sourire carnassier sembla s’agrandir sous le masque alors que ses yeux s’ouvrirent finalement, fixant le prêtre devant elle. Le fait qu’un prêtre du père des batailles veuillent se joindre à elle en disait long. Elle savait que les eldéens étaient assoiffés de vengeance. Les immenses pertes de Naélis leur avaient laissé un goût âpre dans la bouche, ils étaient affamés de vengeance, affamée de réussite et le visage hurlant avaient choisi le bon moment pour reformer l’Orthae Dek'za. Le menton masqué s’abaissa légèrement alors que les prunelles vides fixèrent son interlocuteur. Elle avait l’impression de voir son excitation alors qu’elle avait effleurer l’idée des événements à venir. L’ilythiiri semblait affamé, et l’Obok Yatharil lui donnerait le repas qu’il voulait tant.  Sa voix monotone reprit la parole, comme si elle lui parlait de la chose la plus bénigne au monde.


« Et es-ce que d’autres te suivront? »


Simple question, qui pourtant était nécessaire. Les prêtres d’Uriz apporteraient un aspect un peu plus stratégique à la mission qui se préparait. Qui plus est, leurs bénédictions apporteraient un autre aspect à cette guerre divine. Il n’y aurait pas de siège, pas d’attente que du chaos, que de la terreur et de la souffrance. Une guerre bien différente s’annonçait. L’Orthae Dek’za n’était pas les osts eldéens, et la dernière fois qu’elle avait tenté une telle attaque, elle avait échoué lamentablement. Leurs buts n’étaient pas de prendre de cités, mais de détruire, corrompre tout sur leurs passages.


« Tiens-toi prêt. Nous partons dans quelques ennéades. Une poignée d’élus pour commencer, et d’autres nous rejoindrons alors que nous avancerons. Notre bataille se fera en plusieurs étapes. Pas d’attente, pas de négociation. Que du sang et des hurlements. »


La chaîne qui orna son bras sembla resserrer son étau sur la peau déjà torturée. Oh oui, les forêts brûleront, deviendront noires et maudites alors que les corps de la vermine se balanceraient à leurs branches. Cela sera définitivement une attaque des plus violente.


« Pour le moment, ils nous attendent en grands nombres. Nous attaquerons de plusieurs côtés et répandrons la terreur. »


Silence, alors que son regard vide semblait se remplir d’excitation.


« Es-tu toujours prêt à nous accompagner? Et si c’est le cas, qu’as-tu à apporter à la maîtresse pour faire partie des élus? »