Du sud au nord [Harald]

Cela avait pris un certain temps à la missive pour arriver à destination. Il fallait dire que le chemin était rarement fait par les Qeslac de la Princesse d’Uldal’Rhiz. Nul besoin de dire que le message avait dû transiter par de nombreuses venues avant de se rendre à son destinataire du Nord. Un messager avait remonter jusqu'à Thanor avant qu'elle ne soient envoyé par corbeau pour Kirgan. D’ailleurs, la Princesse n’avait aucune garantie que ce message se serait rendue sans réellement révéler son contenue. Ainsi mieux ne valait pas trop en révéler, malgré le fait que la difficile épreuve qui lui faisait face était bien plus importante que le secret qu’elle avait garder pendant toutes ses années. Non pas qu’elle espérait reprendre le Marquisat qui – théoriquement – devrait être sien, mais pour combler la blessure béante qu’on lui avait laissé à elle, mais aussi à son fils aîné. Se tourner vers les humains étaient définitivement hors de question.  Après tout, ces derniers avaient prouvé leurs inefficacités dans toute cette enquête. La confiance était brisée, et la Princesse Marchande se doutait bien qu’elle ne reviendrait pas de sitôt, et ce même avec un nouveau roi.


Et c’est dans cette optique que la missive fut écrite, une missive qui, pour une première fois n’était pas teintée d’ironie ou de manipulation. Une missive honnête, qui demandait qu’une seule chose. Enfin, deux missives – une en oliyan écrite pas la Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz. Son écriture fine, reconnaissable, était suivie d’une deuxième, identique, mais dans la langue de son receveur.

***

Kÿrianos, Ie ennéade de Verimios, An XIX, Cycle XI
Cité de Thaar, Ithri’Vaan

À sa Majesté, Harald Barbe-Sanglante, Grand-Roi du Zagazorn



Votre Majesté,


Je suis consciente que cette missive doit vous sembler des plus surprenantes et peut-être vous semble-t-elle déplacé, mais je vous prierais de la lire en son entier avant d’établir un jugement.


Nul besoin de dire que nos chemins sont différents et je n’ose imaginer ce que vous pensez de ma personne. Bien que je sois une alliée depuis plusieurs temps de Marzaban Ambreroc, je me doute bien que cela n’est guère une quelconque rédemption à vos yeux. Mais cette missive vous est adressée non pas par la Princesse Marchande aux titres interminables, mais par une mère, une veuve qui voudrait retrouver un semblant de paix pour elle-même, mais aussi pour ses enfants. Après tout, l’on ne connaît pas le sens de la perte, parce qu’on ne peut le comprendre que lorsque l’on aime quelqu’un plus que soi-même.  Si nos chemins sont particulièrement différents, il y a au moins une chose que vous et moi pouvons être en accord, est l’importance de notre descendance dans nos vies.


J’aimerais vous en dire plus dans cette missive, mais malheureusement, il m’est impossible de le faire pour protéger ces derniers. Si vous le permettez, j’aimerais vous rencontrer en personne afin de vous poser une question. Une seule question qui m’apporterait les réponses qui apaiseraient ma famille. Bien entendu, nous pouvons trouver un arrangement quelconque pour dédommager votre temps. Je ne crois pas qu’un quelconque arrangement commercial ne soit possible vu les liens ainsi que les arrangements existants entre nos deux factions, mais un dédommagement financier sera définitivement possible.



Dans l’attente de votre réponse,

Maralina Irohivrah
Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz et des Septs-Monts, Membre du conseil de Thaar, Protectrice de Qiryah et Propriétaire des compagnies Irohivrah

Elenwënas, 4ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver.
Cité de Kirgan – Capitale du Zagazorn.
An XIX | XI.

Beaucoup de choses se déroulaient au Zagazorn. L’étude des Engeances avait connu un tournant peu prévisible… La couronne Elfique et Naine tentaient un rapprochement avec la royauté Péninsulaire… Et l’hiver ralentissait bien des travaux sur l’Ungordrinin. Et pourtant, personne, non, personne ne se serait attendu à voir arriver une missive directement venue du lointain Estrevent.

Et encore moins une missive portant le sceau d’une autre puissance que celle des Mille-Caves, d’ordinaire seul et unique interlocuteur du Zagazorn dans cette partie du monde. Harald, curieux, lu la missive dans le secret de son bureau et son contenu fut… Déconcertant.

La Princesse-Marchande d’Uldal’Rhiz désirait poser une question à nul autre que le Grand-Roi du Zagazorn, une question qui, d’après elle, serait salvatrice pour elle-même, mais aussi pour sa famille.

Harald n’avait peut-être pas une grande habitude des us et coutumes de ceux du Sud, mais il savait une chose : si une terre était effectivement souillée par les complots, les trahisons, le blasphème et l’impiété… C’était bel et bien l’Ithri’Vaan. Alors, que se cachait-il derrière tout cela ? Pourquoi chercher quelque chose aussi loin sur ce continent, en allant voir le souverain d’une terre aussi lointaine de la sienne que les peuples étaient différents l’un de l’autre ? Et surtout… Pourquoi Harald, et non point la tête pensante des Mille-Caves, qui était aussi un Nain ?

Harald ne saurait trop comprendre le sentiment ressenti en cet instant, mais d’aucun le nommerait ainsi : la suspicion. Non, définitivement non, cette Princesse-Marchande n’aurait jamais la confiance du souverain de tous les Nains. Alors que faire…

Qu’est-ce que la Princesse-Marchande la plus puissante de tout l’Ithri’Vaan, pourrait bien vouloir au souverain d’un royaume lointain, qu’elle n’aura jamais rencontré ? D’autant que les Mille-Caves sont dirigés par nul autre qu’un allié privilégié de Maralina alors… Pourquoi une missive si nébuleuse ? Au parfum si retors ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Harald était… Perplexe.

Elenwënas, 4ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver – XIX | XI.

Maîtresse Maralina de la cité d’Uldal’Rhiz,

Il est rare qu’une missive Estréventine parvienne jusqu’aux lointaines cités du Zagazorn. La vôtre fut assurément mystérieuse, quand bien même votre message semblait critique.

Néanmoins, bien que la notion de votre puissance ait passée mes frontières, vous devez savoir, j’en suis certain, que les Mille-Caves demeurent notre interlocuteur privilégié. Vous devez aussi savoir que les Mille-Caves seront les plus à même de répondre à vos interrogations, quelles qu’elles soient.

Puissent les divinités vous venir en aide.

Harald Brise-Os, dit Barbe-Sanglante,
Grand-Roi du Zagazorn.