Des écus et des souverains [Magnus]

Arcamenel, VIIIe ennéade de Verimios, An XIX, Cycle XI
Arétria-la-ville, Comté D'Arétria, Péninsule

Sachez que je me méfie des gens de votre espèce et je ne vous ferais pas confiance avant de vous avoir en face de moi. Mais si j’ai pu essayer de négocier avec les nains de Kirgan, je peux essayer d’avoir une entrevue avec une femme de l’Ithri-Vaan.


La missive l’avait presque fait sourire. Oh le pauvre, si seulement il savait… Faire confiance à un Prince Marchand était probablement la pire erreur que l’on pouvait faire. Même les Vaanis ne se faisaient pas confiance entre eux. Alors imaginer un Nordien, qui plus est, un Arétan donner sa confiance sans garanti à la Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz aurait été probablement la plus grossière erreur qu’aurait pu faire le Comte. Néanmoins, le pauvre bougre avait au moins une chose à son avantage, outre qu’une possibilité d’étendre ses imports et ses commerces, Maralina n’avait pas d’autres idées en tête, outre que faire un léger détour avant d’aller à sa destination finale. Après tout, étendre sa présence que cela soit en cachette ou aux yeux de tout dans le Nord avait toujours été un de ses buts. Si elle avait réussi à Oesgard, elle ne voyait pas pourquoi elle ne réussirait pas ailleurs et lorsqu’elle avait entendu parler des déboires du Comte d’Arétria avec Gaubert, mais aussi son comté, son attention s’était tournée vers la porte qui venait de s’ouvrir, attendant avec impatience le moment d’y mettre son pied. Ce moment était finalement arrivé… On disait que les coffres du Comte étaient vides, et s’il y avait une chose que Maralina avait, était des souverains…  


Le voyage avait été long, mais un arrêt à Arétria permettait au moins à la Princesse de faire un arrêt avant de s’arrêter à Thanor. À sa grande surprise, lorsqu’elle mit son pied à terre, une escorte l’attendait de pied ferme pour assurer sa sécurité jusqu’à Arétria-la-ville. Les arétans semblèrent un peu déstabiliser par la Vaanie. Il fallait dire que ce n’était pas réellement une surprise. Si on l’avait décrit comme l’une des plus belles femmes de Miradelphia dans le passé, son attitude – et surtout son assurance – était digne de la royauté. Pour les nordiens qui ne la connaissaient pas, elle était probablement une créature vile et dégoûtante, dépourvue de classe, et pourtant la Princesse de la Chair était totalement l’opposé. Elle avait beau contrôler les catins et les bordels, on ne connaissait pas réellement d’homme qui avait pu passer la nuit avec elle. Oh – ils existaient définitivement! Après tout on ne s’entourait pas de cinq enfants seuls! Mais on ignorait – du moins pour la majorité d’entre eux – qui était les chanceux qui avaient réussi à attirer l’attention de la Vaanie. Tout ce que l’on savait c’est que la Princesse de la Chair était extrêmement difficile à conquérir.


Mais revenons à nos moutons, le trajet entre Lunn et Arétria se fit relativement rapidement et sans anicroche. Il fallait dire que l’escorte du Comte ainsi que les nombreux miliciens d’Uldal’Rhiz qui accompagnaient les Irohivrah auraient dissuader n’importe quels brigands qui auraient pu vouloir tenter quelque chose. Les armures argentées semblaient refléter la blancheur de la neige qui jonchait le sol.  Et lorsque le groupe arriva finalement à Arétria, la demie-elfe eut l’impression que tous les regards étaient ancrés sur elle. Faisant fi des murmures, elle et sa suite entrèrent rapidement d’un pas déterminé. Ils arrivèrent rapidement à la salle du trône. Large en pierre, la Vaanie ne put s’empêcher de penser que l’architecture arétannes étaient réellement ennuyant. Ou était la luxure, le marbre? Définitivement, elle avait l’impression d’être en Oesgard. Ses miliciens s’arrêtèrent au milieu de la salle, ainsi qu’un jeune homme et un elfe, tandis que la Princesse Marchande s’avança de son pas félin vers le Comte. Son regard bleuté sur l’homme aux cheveux argenté, alors que les pans de sa robe semblaient flotter derrière elle. D’innombrables bijoux ornés de pierres précieuses ornaient son cou fin alors que le doré mettait son teint hâlé en valeur. Si sa tenue était légèrement plus sobre que ce qu’elle portait généralement, il fallait dire qu’elle détonnait énormément avec celle des autres Nordiennes. Décadente, fait de riche velours et de dentelle noire, mais la fente laissant entrevoir les longues jambes de la Vaanie.  Maralina s’arrêta devant le piédestal, faisant face à l’homme grisonnant qui se trouvait devant elle alors qu’on la présentait à son hôte. N’hésitant pas à briser la glace, la Princesse prit rapidement la parole.  « Votre Grandeur » commença-t-elle, un léger sourire aux lèvres alors que ces prunelles se fixaient sur le vieil homme. Enfin… vieil… Magnus de Terresang devait être dans la cinquantaine? Disons que ce n’était pas ce dernier qui était l’aîné parmi eux. La Princesse Marchande devait bien être le double de son âge, pourtant elle semblait au maximum dans la vingtaine. Un des nombreux avantages à avoir du sang elfe! Relevant doucement le menton, la Vaanie reprit rapidement la parole dans un péninsulaire presque parfait si ce n’était qu’un léger accent. « Je tiens à vous remercier pour votre hospitalité et la sécurité que vous avez déployé pour notre arrivé. D’ailleurs, si je peux me permettre… » dit-elle en faisant un léger signe de la main droite. Le garçon, qui jusqu’ici était resté derrière elle, s’approcha de la Princesse Marchande avant de s’arrêter à ses côtés alors que la Princesse reprenait la parole; « Puis-je vous présenter mon fils aîné, Lukas Irohivrah. » Le garçon, bien conscient de l’entraînement qu’on lui avait donné comme page du Marquis de Langehack, exécuta une révérence digne d’un chevalier, avant de faire un pas pour se tenir derrière sa mère, droit et fier. Si le Marquis ou quiconque dans la cour portait attention au garçon, ils auraient tous l’impression d’avoir déjà vu cet enfant quelques parts… Sans réellement porter le doigt dessus.

Maralina haussa un sourcil alors qu’elle vit les serviteurs s’approcher avec un trône. Sans attendre, ils le déposèrent bruyamment au sol, semblant heureux de se débarrasser du lourd fardeau qu’ils avaient. Un léger sourire sembla apparaître sur les lèvres de la Princesse Marchande. Le tableau qui se dressait devant elle était si comique, presque irréel. De tous les gens de la péninsule, Magnus de Terresang était définitivement la dernière personne à laquelle elle aurait pensé ouvrir des négociations. Sainte-Berthilde avec Serramire était l’un des derniers bastions où elle n’avait pas réussi à étendre son réseau, certes elle était présente en Oesgard, mais cela s’était réalisé qu’avec l’aide de Brohan. Si elle avait réussi à faire plier bien des hommes, celui-là serait particulièrement amusant à voir aller. La discussion finirait de deux façons, soit avec un traité commercial avantageux ou soit avec une déclaration de guerre. Deux énormes egos dans la même pièce pouvaient être extrêmement dangereux, et la Princesse de la Chair se doutait bien que ce dernier ne mâcherait pas ses mots. Mais la vaanie savait qui était la personne la plus dangereuse dans cette pièce, et ce n’était guère le comte. Elle pouvait lire en lui comme un livre ouvert. Il ne voulait pas la voir… mais il était désespéré… « La route fut particulière. Disons que nous avons rarement l’occasion de voir la neige et cela nous a retardé un peu plus que prévu. Mais sinon, je vous remercie pour les hommes que vous avez dépêchés pour assurer notre protection sur vos routes. Cela fut grandement apprécié. » Surtout qu’apparemment les bandits pullulaient dans ce Comté… Mais cela, elle le garda bien pour elle afin de ne pas insulter trop son hôte. « Un verre de vin serait bien apprécié après ce long voyage, mais sinon, peut-être pourrions-nous aller directement aux faits et discuter d’une potentielle entente commerciale ? » La Vaanie eut un léger sourire alors qu’elle baissa doucement le menton vers le sol pour planter son regard azuré dans celui du Comte. « Je crois que vous êtes aussi occupé que moi, et je ne voudrais pas prendre plus de temps que vous avez. » En réalité, elle ne voulait pas s’attarder en Arétria trop longtemps, après tout, cela n’était qu’un arrêt avant d’atteindre son prochain objectif et elle savait que trop bien que Magnus ne la voudrait pas plus longtemps que nécessaire dans les parages.

La vaanie regarda le Comte alors qu’il faisait signe au serviteur d’apporter des rafraîchissements. Sans remercier le nordien qui lui donna un verre de vin, la demie-elfe n’eut même pas eu besoin de faire tournoyer le vin dans le gobelet qu’elle sut à quoi elle avait affaire. Maralina eut un léger sourire avant de rendre la coupe à un serviteur. Inutile de boire ce qu’on lui avait servi. Son nez ne l’avait jamais trompé, et le breuvage qu’on lui avait servit était plus près du vinaigre que d’un merlot. Néanmoins, elle écouta attentivement le Comte alors qu’il lui mentionnait d’ores certaines conditions. Il n’y avait pas à dire, les rumeurs étaient vraies. Ce dernier était encore plus rustre que les osgardiens avec qui elle avait eu affaire. La demie-elfe observa les alentours, observant les réactions des personnes présentes dans la pièce, tentant de déchiffrer qui avait réellement convaincu le Comte de l’inviter, puis, elle le vit, lui. « Peut-être que la personne qui vous a réellement convaincu vous rappellera que les hommes prudents savent toujours se faire un mérite des actes auxquels la nécessité les a contraints. » Les prunelles azurées se déplacèrent doucement pour rejoindre celle du Comte. Puis, elles se relevèrent rapidement pour croiser celles de l’homme qu’avait regardé le Comte il y a quelques secondes. Inutile de faire les présentations, l’air de famille ne laissait personne indifférent.


Un léger sourire vint éclairer ses lèvres alors que son regard se porta alors vers son – ô combien charmant hôte. « Mais si vous désirez passer sans détour, alors, allons-y. Cela m’épargnera de perdre mon temps. » Elle croisa doucement sa jambe, dévoilant ces dernières, parfaitement hâlées, à travers la fente de sa robe avant de prendre une nouvelle fois la parole. « J’ai entendu dire que vous aviez besoin de fonds. Votre Comté a souffert pendant les dernières années, et je suis prête à investir dans ce dernier. Dépenser cet argent comme vous le voulez – cela m’importe. Mais en échange vous me laissez prendre possession des bordels dans votre Comté. » Elle pencha sa tête sur le côté avant de prendre son sérieux. « Bien entendu, je m’attends qu’avec cette généreuse contribution, aucun noble ou seigneur locaux ne viennent entraver mes affaires et que mes établissements soient libres de taxes pendant les dix prochaines années. » En soit, c’était une affaire assez généreuse. Très généreuse même, ce n’était pas la première fois qu’elle investissait dans un comté ou un Marquisat, et elle était bien au courant de la somme que cela lui demanderait, mais les affaires de Sol’Dorn lui avaient donné un fabuleux coussin pour investir ailleurs. « Qui plus est, nous pouvons même parler d’un comptoir d’importation Vaanie. Notre vin en vaut la peine. » Dit-elle en haussant les épaules, avec un air las, retournant son regard vers le serviteur qui avait toujours sa coupe de vinaigre sur son plateau. Peut-être comprendrait-il le message et lui apporterait un autre breuvage qu’elle pourrait apprécier.

Il n’y a pas à dire ces dires avaient capter l’attention du Comte. Ce dernier renversa rapidement sa coupe, avant d’ordonner à ses gens de partir. Aucunement dérangée par cet excès de – disons – rage, la demie-elfe s’étira tel un félin avant de se caller légèrement dans le trône, un sourire amusé aux lèvres, alors que Magnus demandait aux vannis de partir également. Ces derniers regardèrent la princesse qui leur fit un léger signe du bout des doigts avant de sortir, amenant avec eux Lukas, qui sortit non sans lancer un regard inquiet à sa mère. Cette dernière lui lança un clin d’œil complice avant de se retourner vers le Comte et un autre homme qui lui ressemblait énormément. Ce dernier tenta de tempérer son frère, ce qui sembla fonctionner puisque ce dernier reporta son regard sur la Princesse, ayant l’air de tourner dix millions de scénarios dans sa tête. Silencieuse, la vaanie supporta son regard, un léger sourire aux lèvres. Patiente, elle écouta la discussion entre les deux hommes sans les interrompre, portant attention aux moindres détails, aux moindres intonations. Si son expression resta relativement amusée, ce n’est que la dernière phrase du Comte qui la fit changer d’expression, semblant soudainement ennuyée avant qu’elle ne laisse échapper un claquement de langue pour montrer son ennui.


Laissant soudainement son trône, la jeune femme s’avança de son pas félin vers les deux hommes, avant d’observer Thorus de la tête au pied. Puis, sans dire quoi que ce soit d’autres, elle se mit à marcher autour de lui, comme une lionne devant sa prochaine proie. « Inutile de faire les présentations, le lien était assez facile. » Dit-elle avant de s’arrêter devant Thorus. Un nouveau sourire vint orner ses lèvres, alors que son regard se fixait sur ce dernier. « Je ne vous prends pas pour un idiot messire. » Continua-t-elle, avant de tourner la tête vers Magnus. « Mais ne faites pas l’erreur de me prendre pour une débutante. De nous tous, vous n’êtes pas l’aîné malheureusement. » Retrouvant soudainement un air sérieux, la Princesse retourna s’asseoir sur le trône avant de regarder silencieusement les deux hommes devant elle. « J'ai peut-être l'air jeune, mais cela fais plus d'un siècle que mon souffle habite cette terre et j'ai vu beaucoup plus que ce que vous pourriez imaginer. » Il fallait dire que les origines elfiques avaient de quoi aider à conserver son apparence... « Votre famille lointaine ne se joignera définitivement pas à cette affaire. La raison est simple, si l’un d’entre eux venait à me trahir ou à vous trahir, je peux vous garantir que la justice arétanne serait une salvation pour ce dernier. » Oh oui, on ne trahissait pas la Princesse de la Chair sans souffrir un terrible sort. « Mais voilà ce qui va se passer. Dans les prochaines ennéades, un bordel Vaanie ouvrira ses portes à Arétria-la-ville. Cela sera mon seul bâtiment officiel. Les autres seront repris sur les prochaines années par un réseau déjà organisé qui connaisse leurs affaires et qui sont, je vous le garanti, des plus discrets et surtout, ils ne sont pas vaani. Ce n’est pas la première fois que je gère ce genre d’opération et mon nom est peu associé à ce domaine en péninsule, bien que j’en contrôle une part assez importante. Mais pour faire preuve de bonne foi, j’accepte que l’un des votre se joigne à mon organisation, et s’en occupe avec la tête dirigeante que j’ai choisie. Cela vous donnera accès aux secrets et autres qui se promènent sous les draps. »


La Vaanie se retourna finalement vers Thorus, avant de baisser la tête sur le côté. « Et non, je ne fais pas cela pour l’argent, car soyons honnête, ce n’est pas ce qui me manque. Mais il se trouve que nous avons plus d’un ennemi en commun. » Dit-elle en se retournant vers le Comte. « Si Gaubert de Prademont en était un, votre suzerain en est un autre. » Maralina eut un léger sourire, semblant se rappeler le trophée dans sa bibliothèque, avant de continuer ; « Et il me fera grand plaisir de travailler sous le nez de Louis de Saint-Aimé. »

« Je suis peut-être Vaanie, Votre Grandeur. Mais il y a deux choses qui m’importent réellement ; ma famille et mes affaires. Parlez aux personnes qui se sont alliées à moi, et tous vous diront la même chose; ceux qui sont fidèles à mes affaires sont toujours récompensés. Cependant, ceux qui me trahissent ou menace les deux choses qui m’importent réellement… » Elle eut un léger sourire, Magnus serait suffisamment intelligent pour faire l'équation. « Terrible accident qui s’est abattu sur l’ancien Comte d’Odélian n’est-ce pas ? » Dit-elle, le regard fixé sur le Comte, alors que son doigt finement manucuré traçait les motifs qui ornaient les accoudoirs du trône. Oh, elle n’admettait rien, mais il comprendrait. L’on pouvait être un brigand, un Comte, ou même un Prince Marchand, personne ne pourrait se cacher de la colère de la Princesse Marchande. Si cette dernière vous avait dans sa ligne de tir, il était inutile de tenter de l’éviter, vous tomberiez. Elle n’avait pas la force, mais son esprit était bien sa force. Elle fit un rapide signe de la main, concédant la requête de Magnus. « Mais un contrat par écrit me va également. Si cela peut vous sécuriser, je n’ai rien à cacher. »


Maralina haussa un sourcil, toujours avec cet air amusé. « Je vous l’ai dit. Je suis ici pour narguer votre suzerain. Celui-là même qui m’as si gentiment demandé de faire de l’air non seulement quand je lui ai fait une faveur, mais aussi quand Thaar avait désespérément besoin de la péninsule. » Mais le regard de la Princesse sembla soudainement s’illuminer, comme si cette dernière venait d’avoir une idée. « De mémoire, ce dernier ne vous a guère défendu devant le dramaturge qu’était Gaubert de Prademont. Choix assez pathétique pour connaître le personnage. » Elle s’arrêta un moment avant de jeter un rapide coup d’œil à Thorus. « Et à voir la situation financière d’Arétria, il est facile à voir que ce dernier refuse de vous apporter une quelconque aide. » Maralina se leva finalement pour rejoindre Magnus, s’arrêtant à un pas de ce dernier, et supportant le regard de cet homme qui la dépassait d’au moins une tête. « Mais vous semblez avoir une idée en tête. Peut-être effectivement, que nous pourrions nous occuper de quelques têtes dérangeantes. Je vous suis toute ouïe. »

Il n’y avait pas à dire, le Comte l’avait définitivement comprise. Preuve qu’ils partageaient des secrets communs. Pour être honnête, elle avait complétement oublié que Dante lui avait envoyé une main, mais ce n’était définitivement une surprise vu ce qu’elle avait reçu. Néanmoins, sa remarque sembla avoir attisé la colère des deux frères, puisque les langues se délièrent rapidement. Ainsi, donc, Louis voulait envoyer sa catin au comte pour faire une soi-disant justice. Elle eut un léger rire amusé lorsque Thorus le lui mentionna avant de s’arrêter net en attendant la dernière phrase de ce dernier. Elle aurait pu sentir sa peine à des milles à la ronde. Patiemment, elle attendit que le Comte finisse sa tirade avant de se tourner finalement vers le frère cadet. « Je suis désolé pour votre perte. » Dit-elle à Thorus, le plus sérieusement du monde. Une lueur de tristesse s’empressant de couvrir son regard. « J’ai moi-même perdue mon mari de manière brutale il y a quelques ennéades. » Elle secoua la tête comme pour se débarrasser de ces sentiments, avant de se retourner finalement vers le Comte, l’air sérieuse. « De moyens financiers et humains… Les travaux de l’ombre… » Elle regarda ses ongles pendant un moment, avant de se retourner vers Magnus. « Disons qu’en effet, ce sont des choses que je peux facilement vous donner ou organiser en soi. Uldal’Rhiz n’as pas d’armée officielle. Mais disons que j’ai assez de mains pour prendre ce que je veux. Ne suffit de voir ce qui s’est passé à Hanning ou à Qiryah. » Dit-elle d’un air las, comme si prendre deux cités vaanies était la chose la plus banale au monde. « Mais la question se pose, si je m’allie à vous… Qu’est-ce que j’y gagnerais ? »

La Princesse eut un léger rire avant de s’étirer à nouveau dans sa chaise, comme si la conversation qu’ils venaient d’avoir avait été des plus banales. « Pour le moment, vous n’avez rien que je veux. Mais je suppose que cela changera lorsque vous aurez Sainte-Berthilde et j’ose espérer qu’à ce moment j’aurais gagné assez votre confiance pour discuter affaires. » La demie-elfe se releva rapidement avant de s’arrêter devant le Seigneur Arétans. « Alors, commençons par le plan que vous avez mis en place… Et nous parlerons des bordels de Sainte-Berthilde lorsque vous aurez votre nouvelle couronne. » Elle tendit la main vers ce dernier, l’air soudainement sérieuse. « Je sais pertinemment que vous ne me faites pas confiance. Mais je vais vous laisser l’opportunité de vous informer sur ma personne. Tous vous diront la même chose. Ceux qui me sont loyaux sont généreusement récompensés. » Ce n’était pas un mensonge, après tout, la dame de la chair travaillait avec les mêmes collaborateurs depuis des années. Presque tous vivaient dans de conditions plus que confortable maintenant. N’avait qu’à penser à son assassin qui maintenant était à la tête d’un marché et vivait dans un luxueux manoir à Thaar. « Demandez à l’ombre. » chuchota-t-elle pour que seul ce dernier ne l’entende, son regard azuré fixant intensément le péninsulaire. « Il vous dira jusqu’ou il est monté à mes côtés. » Elle avança sa main vers l’arétans. « Alors considérez ma participation à vos besoins de conquête comme un cadeau. Avons-nous un marché, Votre Grandeur? » Après tout, regarder ce spectacle à lui seul serait assez pour la Vaanie. Un spectacle grandiose...

Maralina éclata de rire alors que le Comte lui répondait. C’est qu’il était brillant le bougre ! Il fallait croire qu’elle l’aimerait plus qu’elle le croyait. Il n’était point dénudé d’intelligence comme les autres ! La princesse de la chair essuya une larme qui venait perler le coin de son œil. Décidément, la soirée lui apportait son lot de rebondissement, son voyage était tout sauf ennuyant. « Touché » répondit-elle avant de baisser sa main. Son regard azuré toujours planté dans celui du comte, elle eut un léger sourire en coin avant de reprendre la parole ; « Je vous aime bien, Magnus. Décidément, vous m’avez surpris. » Mais ce n’était rien comparé à la bombe que le frère de ce dernier venait de lui lancer. Lui laisser Lukas ? La princesse marchande se crispa soudainement, alors que son visage devint rapidement sérieux. Elle regarda le dénommer Thorus d’un air suspicieux et écouta attentivement sa proposition… Maralina savait que trop bien que son fils voulait continuer son apprentissage de chevalier. « Vous parlez comme si votre sœur et mon fils n’étaient qu’une vulgaire monnaie d’échange… Mais vous ne savez pas ce que la présence de mon fils à votre cour aura comme impact. » Après tout, la vaanie avait un plan en tête, et laisser son fils dans une cour où elle n'avait pas de yeux ou d’oreille, aucune marche de manœuvre ne l’enthousiasmait guère.


« Ni ce que votre sœur va voir à mes côtés. Je ne suis pas noble, ne suis pas de sang royal. Je suis Princesse Marchande et l’on n’atteint pas mon statut sans se salir les mains. Que cela soit avec les nains ou les puysard. Tout est différent en Ithri’Vaan et elle ne peut surtout pas parler de ce qu’elle verra. Est-ce réellement ce que vous voulez pour votre sœur? » Car soyons honnête, la Vaanie n’était guère une enfant de cœur. On avait tenté de l’assassiner d’innombrables fois, elle avait conquis deux territoires par la force, faisant exploser l’un des palais de son adversaire. Non, être Vaanie était un jeu totalement différent de ce qui se jouait en péninsule. Ils prenaient cela beaucoup trop à la légère. Puis voyant que Thorus ne semblait pas réagir à son avertissement, la Princesse Marchande posa son regard vers Magnus, l’interrogeant silencieusement pendant une seconde, avant de continuer. « Et si vous prenez mon fils dans votre cour, vous devez savoir que j’aurais mes yeux et mes oreilles à votre cour. Je ne laisse pas l’héritier d’Uldal’Rhiz sans protection. Qui plus est, il y a une condition des plus importantes. » Elle s’approcha de Magnus, s’arrêtant à un souffle de ce dernier et plantant son regard dans le sien. « Que vous le protégiez… Dans quelques ennéades, l’identité de son père sera révélée… et il y aura du grabuge. Beaucoup de grabuge. Êtes-vous réellement prêt à affronter cela ? » Elle resta silencieuse un moment, avant de reprendre;  « Car son père n'est nulle autre que Griffon de Langehack. »

Voyant son hôte rire à gorge déployée aurait pu l’insulter, mais elle n’en avait que cure de ce que ce dernier pensait. Cela ne venait prouver ce qu’elle savait déjà sur lui. C’était un arétan. Un nordien. Les complots et la logique n’étaient guère promus dans ce pays glacé. Toujours sérieuse, la vaanie recula d’un pas, son regard se tournant vers le frère du Comte qui n’avait rien d’autres que de confirmer ce que ce dernier avait dit. Ce ne fut que lorsqu’il se calma finalement qu’elle avança de quelques pas s’arrêtant à un souffle de ce dernier, elle l’observa pendant une seconde, laissant son parfum enrobé l’air, alors que sa tête légèrement relevée, elle plongea son regard dans le sien, posant doucement sa main sur son pourpoint. « Je suppose que cela est une façon d’exprimer votre ressentiment quant à mon mari ou ma famille. Ou peut-être que vous essayer de me provoquer. » Ses doigts se promenèrent doucement sur le tissu rugueux, ce qui sembla attirer son attention pendant une seconde. Maralina expira rapidement, alors qu’un sourire s’étira sur ses lèvres. « Vous pouvez tenter de me provoquer, d’allumer un brasier. Mais sachez une chose, Votre Grandeur… » La princesse marchande s’avança encore plus avant de bifurquer, allant murmurer à l’oreille du vieillard, comme si ce dernier était son amant ; « Je ne vous conseille pas d’être sur mon chemin lorsque je ferais tout brûler. » La vaanie se recula finalement pour descendre du piédestal. Elle s’arrêta au milieu de la salle avant de se retourner vers les deux frères ; « Alors nous avons un marché… » Son regard azuré se tourna de nouveau vers Magnus avant de reprendre la parole ; « Lorsque vous aurez trouvé vos yeux dans mon opération envoyer un pigeon à Thaar à l’intention de Khaled Neredras. Il s’occupera du reste. » Sans attendre une quelconque réponse, la vaanie sortie de la pièce, allant rejoindre ses gardes et son fils. Inutile de rester plus longtemps, elle avait ce qu’elle voulait.