D'un même Souffle, une Promesse [ Mariage - libre]

1 ière énnéade de Favrïus
an 20:XI
Alëandir

Le matin se levait à peine sur Alëandir.

Les rayons du soleil venaient déjà doucement frapper la pierre immaculée de l’immense cité. Çà et là, la vie commençait tout doucement à reprendre dans les rues parmi les arbres et les pierres. Il régnait une excitation nouvelle, joyeuse, dans la douce quiétude du printemps.

Aujourd’hui, on célébrait la vie.
Aujourd’hui…Aujourd’hui était un jour béni.

-Comment te sens-tu ?

Assit sur un petit muret au beau milieu d’un élégant jardin, Malgelir observait son ami faire face à son reflet dans un miroir en pied. Aegden s’efforça alors de longuement souffler avant de lui répondre, comme pour prendre le temps de réfléchir à cette si simple question.

-Nerveux… ? Répondit-il, un rire dans la voix. Qui l’aurait cru. J’ai…Hâte aussi.
-Elle doit certainement penser la même chose que toi à l’heure qu’il est.

Les deux fiancées n’avaient pas vraiment respectée la tradition qui préconisait aux jeunes gens de ne pas se voir pendant neuf longues journées. Leurs sentiments n’avaient déjà que trop été éprouvés par le manque et l’absence et ils ne pouvaient se résigner à laisser passer une occasion si rare d’être ensembles. Pourtant, ils s’étaient tout de même accordé de se séparer l’espace de la dernière matinée qui marquait la fin de leur vie de fiancés pour celles de mari et femme. C’était l’occasion des derniers préparatifs, des dernières attentes, avant d’enfin embrasser le futur. Pourtant, ça semblait déjà être une éternité pour le soldat.

C’était un sentiment étrange que de se sentir ainsi agité alors qu’ils s’étaient déjà tout donnés. Leur amour n’était plus à prouver et avait même été déjà couronné du suprême cadeau qu’était leur fils. Et pourtant… Aujourd’hui ils se donnaient une dernière et non moins immense promesse, celle qui n’avait pas pu franchir leurs lèvres, celle de leur éternité commune. Ensemble quoi qui leur arrive et quel que soit le temps qui pourraient venir les séparer, tout cela ne serait jamais plus que temporaire, leur souffle ne faisant plus qu’un.

Machinalement Aegden vint refermer une dernière petite boucle dorée à sa taille. La tenue confectionnée à sa mesure par les tailleurs lëandrins était splendide. D’or et de rouge comme le voulait la tradition, elle était un délicat mélange de simplicité et du raffinement caractéristique d’un habit aussi important. Une tunique pâle venait ceindre sa taille et mettre en valeur sa silhouette élancée forgée par la dance et le combat, tandis qu’au-dessus il portait une demie cape aux couleurs du Beau-Seigneur. Le tout était finement brodés au fil d’or de motifs végétaux qui n’étaient pas sans très subtilement rappeler les peintures qui parcouraient sa peau lorsque son regard avait pour la première fois croisé celui de sa promise, un jour lointain sous un soleil étranger. Le reste des parures qu’il portaient était elles aussi de l’or traditionnel. Unique et discret rappel de son rang de soldat, son épaule libre était ceinte d’une spalière d’apparat délicatement forgée et évoquant à leur tour quelques branches végétales. Sa main qui resterait libre portait un soleil, qu’on retrouvait aussi sur la tiare à son front. Avec sa chevelure de feu, relevée en une complexe tresse, le soldat semblait flamboyer.

Soudain, quelques pas pourtant discrets retentirent dans leur dos et le futur marié se retourna pour accueillir l’elfe qui lierait bientôt sa main à celle de sa femme. Un sourire de connivence s’échangea et ce fut comme si sa nervosité s’envolait et s’enflammait en même temps. La présence du prêtre d'Arcamenel achevait de donner un gout de réel à cet instant étrange et presque flottant.

Bientôt ce serait l’heure.

croquis de la tenue:

Un long soupir s'échappe d'entre les lèvres de Sirthaliel. Derrière une tenture de fortune placée là afin de conserver un peu de mystère, elle discerne la petite foule qui s'est amassée aux alentours de l'Harmalaïca. Les voix chantantes et les rires joyeux viennent jusqu'à elle qui attend, patiemment, que son heure vienne. Et c'est plus effrayant que ce qu'elle pensait... Quelques années plus tôt, elle était résolue à finir ses jours seule, œuvrant au service de la communauté, sur deux flancs différents. Ses journées étaient rythmées par son office, les mondanités et la chasse. Bien des aspects de la vie et du monde n'avait aucun attrait pour elle. Et aujourd'hui...

Aujourd'hui, il habite sous les frondaisons. Elle est mère d'un petit garçon jovial et curieux. Elle œuvre afin de devenir professeur de l'Académie de magie. Et la voilà sur le point de se marier... Une union célébrée pour l'éternité alors que son cœur s'est éveillé au cours d'un spectacle atypique et qui aurait dû n'être qu'une belle anecdote de sa vie. Elle s'en étonne encore... de la façon dont les évènements de sont succédés et de la conclusion de tout ceci.

Des pas s'approchent derrière elle. Andrea sourit à sa fille. Lui aussi s'est fait beau pour ce grand jour. Fidèle à ses principes, il s'est cependant adapté aux mœurs locales afin de lui plaire. Il porte une robe d'homme aux tons rouges, largement échancrée sur le devant. Sur sa peau sont peints des motifs floraux en or.
Il n'a rien à dire. Sirthaliel a hérité de son don pour lire dans le regard des autres. Elle sait qu'il la trouve magnifique. Et qu'il lui souhaite tout le bonheur du monde. Elle répond à son sourire. Il embrasse sa joue. Puis il quitte le secret du linge blanc pour rejoindre la foule. Elle reste seule, aux côtés de la prêtresse qui s'est occupée d'elle durant toute sa grossesse, pendant son accouchement et depuis la naissance d'Elben. Une musique s'élève dans les airs... Le moment est venu.

Les pans des rideaux improvisés sont écartés, dévoilant de part et d'autre du grand arbre les deux époux et le prêtre qui les accompagne. Sirthaliel est vêtue d'une longue robe blanche ornée de nombre de broderies d'or fin représentant feuilles, branches et fleurs. Elle est recouverte sur le buste et les bras d'un voile transparent, lui aussi ornés sur tout le pourtour. Ses cheveux sont relevés avec légèreté pour former une sorte de chignon au désordre calculé. Juste au-dessus trôle un superbe bijou tout en feuilles d'or et en perles de nacre et d'émeraude, seule touche de couleur dans sa tenue si savamment étudiée.

Au pied de l'Harmalaïca, les deux futurs époux se retrouvent après seulement quelques bien longues heures de séparation. Ils s'arrêtent à moins d'un pas l'un de l'autre. La jeune femme ne dit rien. Elle détaille la tenue de celui qui sera bientôt son mari. Elle lève une main et suit les motifs dessinés sur l'épaule d'Aegden du bout du majeur. Puis elle étire vers lui un sourire touché et amusé. Elle a compris la discrète référence à cette soirée qu'elle se remémorait un instant plus tôt. Ses doigts glisse ensuite jusqu'à retrouver ceux de son compagnon et les entremêler aux siens. Puis elle se tourne afin de faire face aux prêtres qui les attendent patiemment.

La robe (à imaginer avec des motifs plus elfiques):

La coiffure:

Brannor inspecta une dernière fois sa tenue et la trouva tout à fait correcte. Ce fut pourtant compliqué de s’en procurer une nouvelle pour le mariage. Rien de ce qu’il possédait déjà était approprié pour le mariage et il en était venu à ce consta seulement quelques jours plus tôt grâce à son frère Duinor venu fouiller dans ses placards à sa propre initiative. Cela avait commencé par une simple conversation durant laquelle les deux frères avaient révélé être invités au mariage du commandant à l’instar des autres habitants de la ville. Le fait que le commandant se mari n’avait rien d’anodin. Peu soucieux de sa garde-robe, Brannor avait assuré à son frère qu’il trouverait bien quelque chose à se mettre pour le grand jour. Duinor le connaissait bien, alors il avait décidé de prendre lui-même les choses en main et ce fut pour le mieux, car le médecin se serait probablement présenté vêtu comme s’il se préparait à aller au lit.

« Tu as l’air à moitié décent. C’est bien. »

Brannor tourna la tête vers son frère. Il était effectivement décent dans sa tenue élégante d’un rouge très froncé qui contrastait avec celle de Duinor dans les teintes de bleus.

« Je peux en dire autant de toi, mon frère. »

Le caporal sourit.

« Dans ce cas, je suppose qu’à nous deux, nous sommes totalement décents. »

L’aîné haussa un sourcil.

« Je me demande ce que penserait notre sœur de celle-là. »

« Sans doute rien d’élogieux. On y va ? »

++++++

La foule s’était rassemblée près de l’harmalaïca devant lequel les époux allaient bientôt prononcer leurs vœux. Brannor se tenait près de son frère. Il était heureux pour son ami Aegden, mais ne pouvait s’empêcher d’éprouver une pointe de nostalgie. Il avait aimé quelqu’un lui aussi et s’il n’avait pas agi comme un idiot, il aurait prononcé des vœux similaires devant probablement le même prêtre. Il ne voulait pas s’attarder sur ce qui aurait pu être, mais le contexte faisait remonter les souvenirs sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit.

« Tu penses à elle, n’est-ce pas ? »

« C’est si évident ? »

« Selon ce que tu m’as raconté, le contraire serait étonnant. Est-ce que tu l’aimes encore ? »

Brannor garda le silence un moment avant de répondre.

« Non, mais je me souviens de l’avoir aimé. Je suppose que ça ne fait aucune différence. »

« Ne t’en fais pas, ton tour viendra bien un jour. Un peu de patience. Un mariage est l'occasion idéale pour rencontrer de nouvelles personnes. »

« Ne sois pas ridicule, je suis bien trop vieux pour ça. »

Duinor le regarda du coin de l’œil.

« Mais pourquoi cette obsession sur l’âge ? »

« Ce n’est pas vraiment le moment d’en parler. » Siffla Brannor entre ses dents. Comme pour confirmer son propos, l’elfe devant eux se retourna en leur lançant un regard désapprobateur auquel les deux frères répondirent avec un sourire contrit.

« On s’en reparle plus tard. » Murmura Duinor dès qu’il se fut retourné.

« Tais-toi »

La marié et son époux avaient fait leur apparition, tous deux resplendissant et respirant le bonheur. Leurs mains liées, le prêtre prendrait bientôt la parole.

Après une courte et pourtant trop longue attente, ce fut finalement l’heure de l’instant qui occupait toute ses pensées depuis neuf longues journées.

Il y avait un peu de monde réunit là, sous l’Estel. Des amis, des connaissances de l’un et l’autre…Même parfois quelques inconnus curieux d’assister à ce bref moment d’euphorie. En s’avançant le premier, accompagné par l’adepte d’Arcamenel, Aegden n’eut qu’un bref regard vers ce peuple qu’il aimait certes, mais qui aujourd’hui était bien le seul jour où il était le cadet de ses soucis. A la place, il adressa plutôt un bref clin d’œil discret a son fils, sur les genoux d’Andrea qui répondit par un rire joyeux et battit des mains, prêt à applaudir un moment de liesse qu’il ne comprenait pourtant pas encore.

Et puis, lorsque que son propre chemin se termina, elle apparut et jamais plus son regard ne s’en détacha. Il n’eut, comme toujours, pas besoin de mots pour lui signifier à quel point il la trouvait splendide et plus encore dans sa robe de mariée. Son regard parlait pour lui aussi bien que s’il avait hurlé ses pensées. Soudain, ce fut comme s’il réalisait à peine que ce qu’ils vivaient n’allait plus souffrir d’aucune sorte de retard. Ils étaient bel et bien là, face à face. Alors, le plus simplement du monde il lui offrit un sourire tendre, mais fier. Cette elfe qu’il aimait tant, bientôt il serait son mari. Cette pensée l’emplissait alors d’une joie sans pareille.

La menotte féminine vint  tout doucement se glisser et quérir la sienne et il se contenta de la porter une brève seconde à ses lèvres avant de laisser, enfin, le prêtre officier.

Face à face, les regards liés, leur paume furent à leur tour réunies. Le chant qui s’était plus tôt éteint devint alors une louange de leur amour passé et surtout à venir. Leur histoire commune, et bientôt éternelle. La tresse traditionnelle fut maintenue au-dessus de leurs mains jointes et vint la première question, auquel le soldat répondit sans ciller, suivit de la magicienne.

-Fils, toi qui porte ton cœur haut devant les Dieux,
Fils, toi que Kÿria observe aujourd'hui en ces lieux.
Fils, toi qui demande l'appui d'Arcamenel le Barde.
Ce souhait est-il guidé par ton seul vouloir?

-Istenin laden

La réponse avait été faite haute et forte. Avec la même fierté que depuis qu’il l’avait accueillie à ses côtés. Ce choix il le faisait libre, heureux. Devant tous.

« Fille, toi qui porte ton cœur haut devant les Dieux.

Fille, toi que Kÿria observe aujourd'hui en ce lieu.

Fille, toi qui demande l'appui d'Arcamenel le Barde;

Ce souhait est-il guidé par ton seul vouloir ? »

-Istenin laden

Alors la tresse sacrée fut posée sur leur poignets et l’homme continua sa louange.

Un petit sourire amusé effleura d'ailleurs les lèvres du soldat lorsque vint le couplet évoquant la possibilité, un jour, de voir leurs mains caresser le front d'un enfant. Car, bien évidemment, l’habile serviteur du Barde avait légèrement modifié son discours et parlait bien d’un second enfant. La Déesse avait été malicieuse et n’avait pas attendu ce moment sublime pour les bénir du cadeau suprême mais peut-être ne serait-il pas le dernier. Seul l’avenir le leur dirait.

-Aegden, promettez-vous à Sirthaliel, de lui rester fidèle ? Promettez-vous de joindre votre cœur au sien et d'unir votre Souffle au sien dans la confiance, le respect et l'amour constant ?

- Je le promets. Ce serment je le porte en mon cœur.

-Sirthaliel, promettez-vous à Aegden, de lui rester fidèle ? Promettez-vous de joindre votre cœur au sien et d'unir votre Souffle au sien dans la confiance, le respect et l'amour constant ?

- Je le promets. Ce serment je le porte en mon cœur.

C’est à peine si l’elfe entendit le reste des paroles des deux prêtres qui suivirent tant son cœur se mit à battre fort. Il leur restait un serment. Le dernier, alors que les huits cordons étaient tour à tour noués.
Leur regard qui ne s’étaient pas quittés se comprirent.  Leurs mains libres vinrent imiter leurs jumelles et se mêler aussi, puis d’une seule voix, ils prononcèrent ce vœu, apprit par cœur, rêvé une nuit, puis rêvés tant de jours depuis.

Rhoenîn no lîn, gurenîn no lîn . Athra'cuilemen ada thar'i fern. Si adh an-uir.

Alors, de nouveau les paroles de la prêtresse de Kÿria se perdirent dans le flou de leurs émotions communes. Avec tendresse et pourtant avec une certaine ferveur, il vint poser ses doigts à l’angle de son joli visage aussi ému que le siens sans doute. Avec une douce hâte, leur lèvres se retrouvèrent enfin, comme ne voulant plus se quitter. Enfin.

Aujourd’hui était un jour béni.

Aujourd’hui…Aujourd’hui ils étaient mari et femme.

Sirthaliel écoute et suit cette cérémonie quelques fois répétée. Contrairement à ceux qu'elle peut désormais appeler ses frères et sœurs, elle a dû apprendre tout cela. Apprendre le déroulement d'un mariage, apprendre la symbolique cachée derrière chaque geste et chaque mot, apprendre ces phrases emblématiques qui sont si différentes de là d'où elle vient. Et tout cela dans une langue qu'elle ne connaissait pas il n'y a pas si longtemps de cela et qui, aujourd'hui, est devenue aussi naturelle pour elle que celle dans laquelle elle est née.
Ce pays, c'est le sien. Cette langue, c'est la sienne. Cette culture, c'est la sienne. Elle se sent paisible et chez elle dans ce monde où elle ne fait évidemment pas l'unanimité mais où elle se sent bien plus à sa place. Et si elle a tout quitté pour cela, elle ne l'a pas fait toute seule.

La jeune femme ne quitte pas son fiancé des yeux. Avec calme, elle répond au prêtre. Elle sent la corde sur sa peau et ce nœud qui se serre contre leurs poignets. Elle est tranquille, sereine, alors qu'elle se lie à tout jamais à cet homme. Les circonstances l'ont poussée à le rejoindre après quelques mois seulement mais elle n'a pas de doute quant au fait qu'elle en serait venue à tout quitter un jour ou l'autre, pour lui. Elle ne sait pas comment elle aurait procédé afin de ne pas ouvrir une brèche entre l'Ithri'Vaan et Anaëh mais elle aurait fini par venir vivre ici. Parce que son Souffle s'est éveillé au contact du sien. Au contact de cet elfe. De cet anedhel. De son pays.

Alors que la cérémonie pourrait se conclure, les deux époux restent pourtant là et les prêtres demeurent à leurs côtés. Debout face à face, main dans la main, ils se regardent l'espace d'un instant qui s'étire pourtant. La mystérieuse elfe, restée si tranquille jusque là, se sent soudainement chahutée par une vague d'émotions. Ses yeux brillent d'un éclat nouveau juste avant qu'ils ne prononcent cette phrase déjà partagée mais qui prend tout son sens en ce jour et en cet instant.

Devant les Dieux, ils se lient, jusqu'à la fin des temps.

La main non liée de Sirthaliel se glisse jusqu'à la nuque de son tout nouveau mari tandis qu'il l'embrasse avec une ferveur presque inattendue mais qu'elle accueille avec une joie non dissimulée, lui répondant d'un même écho. C'est à peine si elle perçoit les applaudissements qui naissent et s'amplifient près d'eux. Au pied de l'Harmalaïca, c'est une véritable liesse qui s'élève alors que les anciens fiancés sont devenus mari et femme. Elle ne s'en rend réellement compte que lorsqu'ils se contraignent à finalement s'arrêter. Leurs yeux se retrouvent et les silhouettes qui s'approchent d'eux attirent leur attention. Deux petites mains tendues réclament une étreinte, comme pour partager cet amour dont il est fait étalage. Elben quitte les bras de son grand-père pour ceux de ses parents et c'est à trois qu'ils profitent de l'instant présent pour quelques secondes encore. Quelques secondes avant que les félicitations commencent à être prononcées. Par Andrea d'abord. Puis par son amant, l'intriguant Zaahrian. Puis...

Brannor observa le reste de la cérémonie dans un silence respectueux. Il était sincèrement heureux pour son ami dont la joie se voyait clairement sur son visage. Il essaya de ne pas trop penser aux paroles de son frère. Il le connaissait assez bien pour savoir qu’il avait probablement une idée en tête. Il espérait simplement que ce mariage ne l’aurait pas trop inspiré. S’il s’était mis en tête de remédier au célibat de son frère aîné… Malgré la nostalgie qu’il éprouvait, Brannor avait définitivement fait une croix là-dessus. Il souhaitait se concentrer uniquement sur la médecine et sur l’armée avec, à l’occasion, l’écriture d’un livre. Ces choses l’occuperaient bien assez pour qu’il soit mal avisé d’ajouter une partenaire à l’équation.

La cérémonie terminée, les invités pouvaient maintenant féliciter les mariés. Parmi les personnes présentes, il y en avait un qui se démarquait nettement du reste, le semi-elfe. Brannor avait entendu parler de lui, mais ne l’avait jamais croisé avant aujourd’hui. Il n’avait pas le souvenir d’avoir déjà rencontré dans sa vie des demi-sang. Il était plus petit que les autres mâles, mais de peu. Ses oreilles n’étaient pas aussi pointues et paraissaient presque ridicules dans leur immobilisme. Malgré cela, il possédait un visage intéressant, beau aux yeux de plusieurs sans doute, ainsi qu’une musculature plus forte que la majorité des elfes bien qu’elle soit loin de porter ombrage à celle du roi. En fait, ce qui frappa Brannor, c’est la personnalité que semblait posséder le semi-elfe. Dans cette foule, il était celui qui paraissait le plus… vivant ? Il n’arrivait pas à déterminer ce qui lui donnait cette impression, mais il y avait définitivement quelque chose chez cet inconnu le faisait paraître plus grand que nature. Peut-être qu’il sentit le regard de Brannor sur lui, car le semi-elfe tourna soudainement la tête vers lui et leurs regards se croisèrent. Le médecin ne bougea pas, étonné d’avoir été découvert. Après une brève hésitation, le blond sourit, un large sourire honnête et lumineux puis il se détourna vers son compagnon à qui il présenta son bras avant de s’éloigner, la tête penchée l’un vers l’autre dans une évidente complicité.

Brannor cligna des yeux, ramené brusquement à la réalité par son frère qui le poussait gentiment par en avant. Il se ressaisit, chassant de son esprit le semi-elfe et son sourire pour regarder les nouveaux mariés.

« Félicitation à vous deux. Ce jour a été longuement attendu n’est-ce pas ? » Il sourit. « Je vous souhaite tout le bonheur du monde. Il est grandement mérité. »

Il y eut un étrange instant de flottement entre les deux mariés alors qu'ils prenaient enfin la mesure de l'évènement. Face à face, c’était comme s’il savouraient l’infime instant. Et puis , au milieu de ce bonheur tout simple, une petite voix qu’ils connaissaient par cœur les rappela à l’ordre de ses babillages enfantins.

De ses gestes maladroit, Elben exigea d'être le premier à féliciter ses parents. Non plus deux, mais tous les trois partagèrent alors le bonheur qu’était leur petite famille. Et puis commencèrent à pleuvoir les félicitations des amis et proches de l’un et de l’autre. C’était un peu étrange pour Aegden et il se doutait qu’il devait en être de même pour sa désormais épouse, eux qui cherchaient rarement l’attention de leurs semblables. Pourtant, aujourd'hui était leur jour...Alors ils pouvaient bien y prendre goût l'espace de quelques instants après tout.

-Merci Brannor, Avait-il d'ailleurs répondu lorsque ce fut le tour du médecin. Ça nous touche.

Mais avant qu’il n’ajoute quoi que ce soit, quelques artistes d’Arcamenel s’étaient décidé à définitivement lancer les festivités. Un son de viole s’éleva dans les airs, accompagné rapidement d'autre instruments enjoués et le soldat offrit alors un éclatant sourire à sa bienaimée, serrant un peu plus les doigts de leurs mains liées.

-M’accorderiez-vous cette première dance Ninindis ? Lui souffla-t-il alors, une pointe de malice dans le ton de sa voix.

Ainsi avaient-il entamé l’histoire de leur couple, ainsi était-il bien naturel d’entamer leur vie d’elfes mariés..

traduction:

Sirthaliel ne savait plus vraiment où donner de la tête tandis qu'elle recevait les compliments de tant de personnes à la fois. Elle entendait son nouveau nom prononcé de toutes parts et tournait son regard pour ne trouver que des visages vaguement connus, voire pas du tout. Ceux qu'elle reconnaissait étaient les amis proches de son mari, les militaires qui lui rendaient visite en son absence, les voisins avec lesquels elle a pu sympathiser, ceux qu'elle a aidé avant de s'interrompre pour sa grossesse, les prêtres des cultes avec qui elle a eu l'occasion de collaborer et les mages avec lesquels elle travaille désormais. En fait, elle commence à connaître un certain nombre de gens... Mais pas autant que n'en compte la foule qui s'est rassemblée pour leur mariage et cette coutume qui fait de telles cérémonies des évènements publics la perturbe un peu.

Mais alors qu'elle flotte entre bonheur et désorientation, une voix attire son attention. Elle retrouve alors les traits d'Aegden et son air joueur tandis qu'il l'invite à danser. C'est comme si tout était fait pour lui rappeler cette soirée, à Thaar. Alors qu'elle était venue simplement admirer un spectacle d'artistes originaires d'un pays qu'elle admirait tant et trouvait si inaccessible... Alors qu'elle n'avait fait que les protéger de part sa seule prestance et la Déesse dont elle portait le symbole sur le visage. Alors qu'il avait voulu la mettre à l'abri sans pour autant interrompre sa prestation.
Sirthaliel lui répond d'un sourire amusé et mystérieux et tous deux se dirigent vers une zone un peu plus en contrebas, s'éloignant des racines de l'Harmalaïca dans lesquelles ils pourraient s'empêtrer. Ils commencent alors à danser, le plus naturellement du monde, sur le tapis de mousse, de feuilles de l'automne dernier et de fleurs qui commencent à émerger çà et là. Le voile de sa robe flotte avec légèreté autour d'elle, enveloppant parfois Aegden tandis qu'ils virevoltent ensemble. Leurs mains liées devraient les entraver mais il n'en ai rien. Ils en jouent, au contraire, du fait de ne pas pouvoir s'éloigner l'un de l'autre. Faisant mine de s'écarter, de se retrouver bloqués et de se retrouver finalement avec plaisir. Tournoyant en même temps là où elle seule aurait dû le faire, comme sur un pied d'égalité. Ne faisant plus qu'un, comme ce sera jusqu'à l'aube... et pour l'éternité.

-Qui aurait cru que, de quelques pas de danse, naîtrait Elben, Sirthaliel... et nous ? Cite-t-elle dans l'ordre, soulignant ce "nous" qui ne représente pas leur couple mais leur union éternelle. Merci... Merci d'être venu à moi ce soir-là. Merci de m'avoir abordée dans la rue ensuite. Et de ne pas avoir renoncé à moi en quittant Thaar.

Sa gorge se noue et ses yeux brillent d'un éclat différent. L'émotion la prend alors que, mariée depuis à peine quelques minutes, elle réalise soudain quelque chose de véritablement important. Elle sait que sa réaction a de quoi inquiéter son nouvel époux et qu'elle ne peut s'arrêter là dans lui fournir un peu plus d'explications.

-J'étais persuadée de ne pas pouvoir accéder à une meilleure vie que celle que j'avais. Parce que, même si je n'en étais pas pleinement satisfaite, j'avais trouvé comment lui donner assez de sens pour qu'elle ne soit pas vaine. Même si je ne m'y sentais pas totalement à ma place, je me croyais assez entourée et aimée pour ne pas souffrir de la solitude... Sans réaliser que cette affection n'était qu'une façade et que la génération suivante n'aurait peut-être pas autant de compassion. Il aura fallu que je m'en aille pour réaliser que je vivais dans le mensonge. Y compris ceux que je me faisais à moi-même... Et que... Tu m'as sauvée la vie, Aegden... De la meilleure des façons.

Une larme perle sur sa joue. Non pas de tristesse mais de reconnaissance et de joie. Sans lui, elle ne connaîtrait pas le bonheur qui l'envahit en ce moment-même.

-D’être venu à toi ? Le soldat souffla doucement, cueillant du dos de sa main la perle cristalline qui roula le long du visage de sa femme. C’est toi qui l’a fait, mon amour.

Il se mit à lui sourire de plus belle. Il était rare, même pour elle, de le voir aussi démonstratif de son bonheur. Il était ému lui aussi, elle pouvait aisément le voir à l’éclat de ses yeux clairs rivés dans les siens.

-C’est toi qui a cherché à nous protéger sans savoir qui nous étions. Continua-t-il, sa main ne cessant de délicatement caresser sa joue. Tu as pris le risque de fréquenter l’étranger que j’étais. Tu as accepté tous mes secrets, pardonné tous mes mensonges. Il secoua la tête. Si je t’ai sauvé la vie d’une quelconque manière, tu n’es pas moins l’artisane de ton bonheur et du mien Sirthaliel. Et je veux que tu le sache, que tu en soit aussi heureuse que je le suis.  Et fière. Parce que je le suis aussi. Je suis fier. Fier d’être le père de ton fils. Fier d’être enfin ton mari.

Alors que leur valse avait naturellement cessé malgré la musique qui flottait encore dans les airs, Aegden embrassa tendrement son épouse, encore une fois, venant aussi poser leurs mains liées contre leurs cœurs battant à l’unisson.

-Je t’aime, aujourd’hui, demain, et tout l’éternité que nous partagerons. Cette phrase et ces mots touts simples mais si importants, prononcés dans un dernier souffle, il n'y eut qu'elle, et peut-être l'Estel étendant ses branches au dessus d'eux, pour l'entendre.

L'éternité...

En fin de compte, peu importe ce qui les a réuni. Le fait qu'elle ait voulu les défendre. Le fait qu'il ait voulu la protéger en retour... Ou un Dieu malicieux venu souffler à leur oreille ou guider leurs pas... Ils étaient là à présent, se couvant de regards amoureux, s'étreignant avec tendresse, s'embrassant avec douceur, le tout sous le regard de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, des prêtres, de l'Estel et de Kÿria. Sirthaliel serre ses doigts sur ceux de son époux. Des doigts qu'elle ne lâchera plus jusqu'à la fin de la nuit à venir, lorsqu'ils auront le droit de retirer leurs liens.

Tandis qu'eux ne dansent plus, d'autres rejoignent pourtant la piste de danse et commencent à tournoyer autour d'eux. La mysticiste ne leur prête pas la moindre attention. Ses yeux brillants pour mille raisons restent fixés sur Aegden. Puis, une main vient se poser sur sa joue afin de l'inviter à se pencher sur elle. Leurs lèvres se retrouvent, lentement, longuement, dans un baiser qu'elle prend de savourer comme s'il s'agissait du tout premier qu'ils partageaient.

Ainsi commencèrent les festivités pour un mariage qui s'était fait longuement désirer. A la viole vinrent se mêler d'autres instruments de musiciens qui n'étaient pas vraiment attendus mais qui étaient venus se mêler à la fête. Des tables se dressèrent pour disposer des mets salés et sucrés et permettre à tout un chacun d'y goûter. Tous, hormis le jeune Elben qui ne pouvait que croquer dans quelques gâteaux mous et mastiquer des légumes en purée. Les heures s'écoulèrent, le jour déclina. La prêtresse de Kÿria emmena l'enfant pour le ramener chez lui et le veiller tandis que les adultes profitaient de cette nuit de réjouissance.
Au plus fort de la fête, deux silhouettes s'éloignent de l'aura des lanternes, jusqu'à disparaître totalement. Les mains unies, ils marchent d'abord. Puis, le rire de la jeune femme s'élève entre les arbres et elle se met à courir, entraînant son compagnon à sa suite. Elle court avec prudence, soulevant un pan de sa robe afin d'éviter de s'empêtrer. Bientôt, la musique n'est plus qu'un lointain souvenir derrière eux et elle ne perçoit plus que le son de la forêt paisible qui les entoure. Elle continue néanmoins à avancer, comme insouciante. L'un de ses pieds est retenu par une racine, pas assez pour la faire tomber mais Aegden la rattrape malgré tout. De nouveau dans ses bras, son sourire n'a pas quitté son visage, comme si la perspective d'une chute ne l'avait pas effrayé un seule petit instant. Elle profite de cette proximité pour l'embrasser, encore, de façon plus appuyée qu'auparavant. Les doigts de sa main libre viennent plonger dans sa chevelure flamboyante, le décoiffant un peu.

-J'ai du mal à croire que ce soit enfin fait... Que nous soyons enfin mariés...