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Azralith Zaurahel
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MessageSujet: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeJeu 13 Oct 2022 - 12:54

3ème ennéade de Favriüs
An 20 du XIème cycle
Quelque part à l'Est de Méthylène




L'obscurité était presque étouffante. Les roches aux tailles diverses et variées se tenaient parfaitement immobiles, légèrement éclairées par les rayons de la lune qui leur donnait un aspect sombre et inquiétant. Arborant désormais une teinte bleutée, le sable se déplaçait au gré du vent, formant parfois d’impressionnants monticules tels les vagues immobiles d'un océan figé dans le temps. Le paysage paraissait presque onirique, et son ivresse commençait à sérieusement atteindre celle qui y voyageait.

Azralith avait rapidement appris à se déplacer de nuit, la chaleur y était moindre, sa déshydratation également, sans compter que ses yeux écarlates y voyaient aussi bien qu'en plein jour. Mais la teinte particulière de cet endroit, cette frontière si subtile à l'horizon entre le sable et le ciel de la nuit avaient commencé à altérer son esprit.

Elle avait l'impression d'être dans un autre monde, un passage hors du temps, infini, inaltérable. Elle arpentait sans relâche cette terre qui jamais ne semblait se terminer. Peut être était-elle morte ? Peut être ne s'en était-elle pas rendu compte ? Déshydratée, desséchée dans un coin perdu au milieu du désert, peut être son esprit était-il condamné à arpenter ce monde bleu pour l'éternité ?

Azralith leva un instant la tête, observant le ciel, noyant son regard dans l'immensité étoilée qui s'offrait à elle. Elle en avait presque le vertige. L’œil d'Elda se trouvait toujours derrière elle, seule et unique certitude qu'elle avait désormais de se déplacer dans la bonne direction. La lune paraissait énorme, c'était comme si elle grandissait, nuit après nuit. Elle finirait par l'attirer en l'air, par l'absorber toute entière, déchirant son âme et lui offrant le repos éternel.

Le paysage ne changeait jamais si bien qu'elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait ni de combien de jours de marche il lui resterait avant de pouvoir enfin retrouver la civilisation. Qui pouvait savoir, des ennéades ? Des mois ? Elle mourait bien avant, ça c'était une certitude.

La drow baissa à nouveau la tête et le regard sur le sol devant elle, lâchant un soupir. Cette douleur, permanente et lancinante dans ses jambes était bien la seule chose qui semblait réelle. Et le constat était bien simple, elle était à bout de force. Épuisée par ces nuits répétées de marche et ces jours de sommeil bien souvent trop courts, nageant en permanence dans le stress d'être réveillée par un prédateur, un groupe de Zurthans ou les assassins envoyés par le Puy. Pire encore, sa blessure récente au niveau des côtes semblait s'être infectée, accompagnée de sueurs et de maux de tête. Elle semblait fiévreuse mais Azralith avait volontairement écarté cette possibilité, tomber malade au beau milieu du désert était bien la dernière chose dont elle avait besoin.

La dame noire s'arrêta un instant en observant la présence d'une plante à quelques mètres devant elle. Il s'agissait d'une flore extrêmement simple, semblable à un petit buisson, et elle poussait seule, complètement isolée sur ce petit lit de roches. Azralith en avait déjà croisé auparavant avec à chaque fois cette même apparence simpliste. Cela remontait à combien de jours déjà ? Elle n'arrivait pas à s'en souvenir, tout était trop flou.

Une fois arrivée à son niveau, la sombre s'écroula au sol, s'allongeant sur le dos.

Ph'dos helothanninin linoin ichl?
(Toi aussi tu voyages vers l'ouest ?)


Ses yeux rouges étaient fixés sur ses petites branches, éclairés d'une lueur presque malicieuse.

Usstan gumash xun dos l'bel'la d'valmen uns'aa, ka dos daewl.
(Je pourrai te faire l'honneur de m'accompagner, si tu le désires...)


Un sourire se dessina sur son visage et Azralith ouvrit ses bras pour enlacer le buisson, fermant les yeux tandis que sa chair frissonnait face à ce contact rugueux et piquant. Mais son épuisement était tel que le sommeil vint la cueillir avant qu'elle ne s'en rende compte, son esprit plongeant dans des ténèbres poisseuses dont elle ne pouvait espérer s'extirper si facilement.


***


Un grognement fut la première chose qui s'échappa de sa gorge alors que ses muscles endoloris se réveillaient petit à petit. La proximité épineuse du buisson devint une gêne plus qu'un réconfort et la drow s'en extirpa avec des mouvements hasardeux et engourdis. Ses yeux s'ouvrirent avec difficulté face à une lumière étincelante alors qu'elle se rendit compte qu'elle s'était endormie au milieu de nul part, sans se cacher et sans aucune mesure de sécurité pour son sommeil. L'épuisement commençait à lui faire faire des erreurs, et chacune d'elle pouvait s'avérer mortelle.

La chaleur avait recouvré ses droits, les rayons du soleil lui brûlaient la peau, contrastant particulièrement avec la morsure douce et tiède de la nuit. Le vent soufflait plus fortement qu'à l'accoutumée, déposant ce sable irritant partout où il le pouvait et ayant presque recouvert le corps de la drow pendant la nuit. Le bruit des bourrasques étouffait presque le pépiements des oiseaux qui résonnait au loin.

Des oiseaux ?

Soudainement complètement réveillée, Azralith se redressa en un bond, scrutant les alentours. Elle se trouvait au même endroit que la veille, mais elle pouvait pourtant clairement percevoir des chants d'oiseaux dans le lointain. Animée d'une énergie nouvelle, la dame noire s'épousseta un instant avant de reprendre sa progression avec un rythme bien plus frénétique qu'auparavant.

Ce fut après la traversée de quelques dunes qu'elle trouva un promontoire rocheux sur lequel se percher. Elle avait là une vue imprenable sur la petite vallée en contrebas, et quelle vue ! Un fleuve imposant coupait le désert en deux avant de rejoindre une gigantesque crique et de se déverser dans l'océan. Le bleu salé de ses vagues tranchait avec un ciel à l'azur impeccable, sans la moindre trace de nuages. Et surtout, aux abords du fleuve et de la côte, une ville avait poussé sur le sable, telle une extension de l'immense palmeraie qui se trouvait un peu plus au nord. Des bâtiments pierres qui s'élevaient vers le ciel, surplombant une marée d'étalages recouverts par des voiles blancs, le tout entouré de solides murailles.

Un rire nerveux s'empara d'Azralith alors qu'elle contemplait ce paysage. Elle avait réussi, elle avait survécu au désert. Elle s'écroula alors au sol, se tordant de rire, toute la pression et le stress qui s'étaient accumulés cette dernière ennéade semblaient comme soudainement s'évaporer.


***


Méthylène n'était clairement pas aussi imposante que ses sœurs, bien moins parée de joyaux et de luxure dégoulinante. Véritables portes du désert, la ville était particulièrement en proie aux attaques des Zurthans, en témoignaient les dégâts clairement visible à l'extérieur des murailles et les têtes plantées sur les piques à son entrée. Mais pour le voyageur esseulé, cette ville était une merveille, un joyau au milieu du désert aride et monotone.

Une fois arrivée aux portes, deux gardes humains s'enquirent de l'identité d'Azralith, toisant l'étrangère avec un brin de méfiance.

Une voyageuse. J'aimerai rester quelques temps ici et...

Son regard se posa un instant sur les têtes exsudant de pus et de sang séché.

Je suis également en mesure de vous aider contre les Zurthans si le besoin s'en fait sentir.

Les deux gardes restèrent silencieux. Et pour cause, la dame noire avait mauvaise mine. Sa sempiternelle fourrure sombre surplombait ses épaules et son dos, mais le reste de son corps était à peine recouvert de quelques morceaux de tissus pour lui apporter un tant soi peu de pudeur. Sa peau était recouverte de cicatrices et par endroit de petites plaies, anciennes comme plus récentes. Elle avait réussi à enlever le plus gros de la crasse sur sa peau dans le fleuve, mais il fallait admettre qu'elle avait un aspect de sauvageonne.

Et une drow recrachée par le désert avait peu de chances d'entretenir de bonnes relations avec le Puy. Donner asile à un ennemi d'Elda n'était sans doute pas le désir profond des gens qui vivaient ici.

Les deux hommes s'échangèrent un mot si bas que la sombre ne parvint pas à en comprendre le sens puis ils se tournèrent à nouveau vers elle.

Vous tombez bien, on a besoin de tous les bras possible en ce moment. Suivez nous, on va vous montrer où vous pouvez être utile.

Azralith serra les dents. Elle n'aimait vraiment pas ça. Mais quel choix avait-elle actuellement ? A contrecœur, elle décida donc de leur emboîter le pas, pénétrant ainsi pour la première fois dans cette cité qui se dressait fièrement face au désert. Elle savait que les villes de cette région étaient régies par le troc et une économie particulièrement complexe. Sans argent, elle ne valait pas plus que l'esclave moyen. Mais la dame noire avait un avantage, ses compétences martiales et son corps de drow puissant et particulièrement tenace. Elle estimait parvenir à trouver un contrat de mercenariat comme un bon début.

Mais, et après ?

Désormais échappée des griffes du désert, cette question n'en devenait que plus nécessaire à répondre. Comment parvenir à laver sa réputation et à retourner au Puy ? Elle s'était toujours dit qu'une occasion se présenterait et qu'elle n'aurait qu'à improviser, mais si ce n'était pas le cas ? Et si des assassins finissaient par lui tomber dessus ? Des inquiétudes que la drow allait devoir reléguer à plus tard car lorsque les gardes se placèrent l'air de rien devant et derrière elle, elle comprit que la situation allait déraper.

Un violent coup lui percuta soudainement l'arrière du crâne, malheureusement pour les hommes pas suffisant pour l’assommer, mais elle tomba tout de même au sol. Sonnée, elle n'eut pas le temps de réagir avant qu'une botte recouverte de terre ne se plaque alors sur son visage et sa mâchoire.

T'en fais pas, t'auras pas besoin de tes dents là où tu vas.

La douleur et la colère se répandirent dans le corps de la drow tel un torrent inarrêtable, un grognement sourd s'échappant de sa gorge alors que son regard écarlate agressif se posa sur le garde qui l'immobilisait au sol.

Y'a des tas de bourses qui seraient prêtes à s'délier pour avoir une drow s'étouffer sur leur queue.

Il avait frappé avec la poigne de son épée et il s'apprêtait à le faire à nouveau. Azralith ferma les yeux un instant se demandant pourquoi le destin s'acharnait avec tant de passion sur elle. Était ce là l’œuvre d'Uriz ? Le Père des Batailles avait il seulement vu dans cette ruelle puant la pisse, ce lieu abandonné des dieux ? Mais alors que le sang commençait à battre lourdement aux oreilles de la drow, une certitude se mit à résonner dans son crâne, un serment qu'elle s'était déjà maintes fois répété au cours de sa traversée du désert.

Pas aujourd'hui.

Elle attrapa soudainement l'homme au niveau de sa jambe et tira de toutes ses forces pour le faire basculer en arrière. Lorsqu'il s'écrasa au sol, elle se redressa, faisant face au deuxième garde qui s'apprêtait déjà à l'attaquer. La sombre se cambra autant que possible, la lame fendant l'air là où se trouvait sa poitrine une seconde auparavant. Sa main vint alors se saisir de la chevelure courte de l'homme avant de lui fracasser le visage contre le mur en pierre. Il émit un hurlement étouffé, lâchant son arme. Les humains étaient si peu résistants à la douleur.

Elle écarta alors son visage du mur avant d'y faire percuter son crâne, encore et encore. Les craquements et les hurlement laissèrent rapidement place à un bruit humide alors que la boite crânienne se brisait telle une soupe visqueuse dans sa main. Azralith lâcha alors le macchabée et centra son attention sur le deuxième garde. Il s'était déjà relevé et il était bien plus proche qu'elle ne l'avait espéré, son épée courte traversant déjà la faible distance qui séparaient les deux adversaires.

La drow leva alors les bras pour se protéger, la pointe de l'épée transperçant la paume de sa main gauche et ressortant de l'autre côté. Elle lâcha un grognement, toisant son adversaire avec un regard qui semblait animé d'une lueur surnaturelle, son visage déformé par la colère. Elle se jeta sur lui en poussant un hurlement de rage qui tenait plus de l'animal que de la drow, utilisant tout son poids pour le faire à nouveau basculer en arrière. Elle n'eut alors aucun mal à trouver sa gorge et à y planter ses dents, enfonçant ses crocs autant que possible dans cette chair.

Le garde se débattit, tentant d'enfoncer ses ongles dans la peau de la drow  Elle tira alors de toute ses forces, sentant les tendons céder et les muscles craquer alors qu'elle déchirait les chairs, arrachant soudainement un morceau de sa gorge dans une énorme gerbe de sang.

Elle se tenait à quatre pattes tel un animal sur le corps agonisant de son adversaire, grognant la bouche pleine de sang et toisant de près son visage paniqué qui s'éteignait petit à petit. Elle resta ainsi un moment, haletante, tandis que la rage et l'adrénaline s'évaporaient petit à petit de ses membres. La dame noire entreprit alors de s'asseoir, recrachant les morceaux de sa bouche et retirant l'épée qui était toujours plantée dans sa main. La douleur commençait à se faire sentir, elle déchira alors un morceau de tissu pour en recouvrir sa main.

C'est là qu'elle se rendit compte qu'elle tremblait. Elle était prise de vertiges, presque nauséeuse et ses muscles épuisés étaient en train de tétaniser. Son corps était à bout de force, elle ne pouvait se permettre de lui demander de fournir des efforts supplémentaires.

Azralith lâcha alors un profond soupir, assise dans cette ruelle au milieu des corps désormais sans vie des deux gardes. Elle venait à peine de retrouver la civilisation que le sang coulait déjà. Quelqu'un pouvait arriver à tout instant mais elle n'en avait cure, elle resta prostrée ainsi, sa main valide tenant celle désormais meurtrie.

Une bruit, une ombre soudaine, les yeux de la drow se tournèrent vers une silhouette qui venait d’apparaître.

Une silhouette qui souhaitait visiblement ne plus se faire discrète.
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Eiriztraena Deäl'Honn
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeSam 15 Oct 2022 - 17:51

Ah ! Methylène ? Ses… Ses quoi déjà ? Cette ville était-elle aussi vide que ça ? Eiriztraena ne mémorisait jamais ce qui pouvait singulariser une cité vaanie d'une autre, pour peu qu'il y'en avait. Au final, les rues étaient toujours sales d'une ville à l'autre, et l'on ne pouvait manquer de rencontrer un type louche… sauf dans les quartiers riches bien sûr, où tout était aux antipodes du reste de la cité. Methylène n'échappait pas à la règle et, pire encore, le désert Zurthan se situait à quelques bornes… probablement ce qu'elle détestait le plus au monde. Et c'est généralement lorsqu'elle devait s'y rendre qu'Eiriz', à son grand désespoir, venait à Méthylène pour s'en servir de point de départ.

Fort heureusement, la Garde Silencieuse n'aurait pas à fouler le sable zurthan aujourd'hui… sauf si Tesso lui avait prévu une nouvelle mauvaise surprise. Elle avait quitté Thaar quelques jours plus tôt, sillonant les villes côtières du Sud de l'Itri'Vaan. Elle y rencontrait certains agents et contacts de la Doth'ka, récupérait certaines informations ou objets utiles, et repartait pour la cité suivante. Ashaï, Qirya, Selymonte, Magasque et, terminus du périple, Methylène. Ce n'est pas dans ces villes que le réseau de la Doth'ka était le plus étendu, mais il l'était suffisamment pour avoir quelques rapports cette partie de l'Itri'Vaan et le Désert Zurthan. Nombreux étaient les imprudents qui s'y perdaient dans des circonstances troubles. Cela ne serait pas un problème fort handicapant si ces sauvages du désert ne s'en prenaient pas aux Puysards.

Eiriztraena sillonnait les rues à la recherche de ses contacts et de quelque chose suffisamment intéressant pour redonner une lueur à cette journée monotone. Rien n'y faisait. Pas même un spectacle médiocre ou un commerçant avec un produit sortant de l'ordinaire ne s'offrit à la Sombre qui traçait sa route en traînant des pieds telle une vagabonde. Chaque rue se montrait aussi ennuyeuse que la précédente… à moins que.

S'arrêtant net comme si elle venait de retrouver des souvenirs perdus depuis des décennies, Eiriz' tendit l'oreille. D'abord hésitante, elle plissa les yeux, craignant que tout ceci ne soit que le fruit de son imagination alourdie par l'ennui. Elle se glissa alors dans une des ruelles étroites sur le côté, esquivant le brouhaha de la foule pour s'octroyer un silence somme toute relatif.

« Je ne suis pas folle ? »

Non, elle ne l'était pas. La Drow avait bel et bien entendu des bruits étranges, comme des cris, bien qu'elle peinait à les localiser et qu'ils se faisaient de moins en moins audibles. Cela ne lui suffisait même pas pour conjecturer la situation. D'ordinaire, elle n'y aurait prêté aucune attention. Or, aujourd'hui, elle s'emmerdait beaucoup trop pour ne pas se joindre à la fête avant qu'elle ne se termine. Eiriztraena s'avança prudemment, guettant la ruelle adjacente à chaque intersection pour ne pas tomber nez-à-nez avec un guetteur, pour peu qu'il pourrait quelque chose face à elle. Elle prit le chemin à gauche au deuxième croisement, d'où elle entendit de nouveaux bruits, ceux d'un combat. Au bout de l'allée, la Sombre trouva une zone plus élargie, tout de même discrète et vide.

Elle assista à une scène des plus divertissantes puisqu'il s'agissait d'une rixe entre une Drow et deux gardes de la ville… ou tout du moins deux types qui en portaient l'uniforme. L'un était déjà mort ou inconscient lorsque Eiriztraena s'appuya contre le mur pour les observer de loin. L'autre était à terre, en train de se faire dévorer par ce qui ressemblait plus à une hyène qu'à une drow, puisqu'elle arracha sa chair à pleine dent. Cela suffit à le terrasser. Néanmoins, plutôt que de détaler précipitamment pour fuir d'éventuels renforts, la Drow victorieuse resta immobile, comme si elle venait de succomber à ses blessures.

« La fête semble déjà terminée. »

Eiriztraena était frustrée. Ce n'était jamais agréable d'arriver en retard à un spectacle, même lorsqu'il était mauvais. Pourtant, celui-ci aurait pu être amusant. Jetant un bref regard par-dessus son épaule, la Garde Silencieuse s'avança vers les lieux de la bagarre sanglante, fredonnant avec désinvolture comme si rien de grave ne s'était passé ici. Elle évita précautionneusement les mares de sang, se penchant dans tous les sens pour examiner la Drow qui n'avait pas moufté. De loin, elle n'avait pas fait attention à sa chevelure noire, ni à ses vêtements en lambeaux. Sa blessure à la main n'était la plus récente parmi beaucoup d'autres.

« Pas mal ! » fit enfin Eiriz' après un long silence, pointant du doigt les deux cadavres tour à tour. Un large sourire aux lèvres, elle fit mine de s'éloigner, levant les mains. « Oh, pardon ! Je ne voulais pas t'interrompre pendant ton repas. »

Enjambant une autre flaque de sang, Eiriztraena s'approcha de l'autre cadavre, lui assénant un coup de pied pour s'assurer qu'il était bien mort. Son visage était si maculé de sang que l'on ne pouvait plus distinguer ses traits. Elle ne s'était pas contentée d'un seul coup sur celui-là. Elle avait fracassé son crâne jusqu'à ce qu'il n'en reste que des copeaux. Brutal, mais efficace.

« Tu n'as jamais pensé à devenir gladiatrice ? T'as peut-être le potentiel pour devenir une légende ? »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 16 Oct 2022 - 0:33


Une drow. Son corps particulièrement élancé était recouvert de vêtements sombres, oscillant sans doute entre l'armure de cuir et la tenue de voyage. Les traits de son visage, ses yeux et sa chevelure partiellement attachée correspondaient tous parfaitement aux canons de beauté eldéen et si son accoutrement avait été plus opulent, il aurait été quasiment impossible de la distinguer de l'élite féminine du Puy. En comparaison, la dame noire faisait particulièrement peine à voir. Mais son apparence n'était clairement pas son problème le plus urgent.

Sa main valide glissa lentement vers l'une des épées au sol tandis qu'elle toisait la nouvelle venue. Elle n'avait quasiment aucune chance de l'emporter, mais elle refusait de mourir sans combattre. Les ténèbres semblaient se rapprocher et elle pouvait presque sentir la morsure glaciale des P'leik s'insinuer dans la réalité, lui chatouillant les jambes et menaçant de l'emporter à tout instant. Sa respiration s'accéléra alors à nouveau et une sensation désagréable s'empara de tout son être, une sensation qu'elle n'aurait jamais penser ressentir dans ses derniers instants.

Elle avait peur.

Elle avait peur de mourir, peur de voir sa braise s'éteindre dans cette ruelle remplie de merde avant d'être enfermée à tout jamais dans le froid glacial. Elle s'y était pourtant préparée, elle s'était déjà imaginé mourir de bien des façons. Pourquoi était-elle donc pétrifiée maintenant qu'elle se trouvait devant les portes des geôles de glace ? Un souvenir lui revint alors, celui d'une noyade, celui d'un blasphème.

Était-ce donc là toute l'étendue de sa force ? Elle qui se voulait puissante, tenace et déterminée, était-elle condamnée à perdre toutes ses convictions, à ne devenir rien de plus qu'un chiot apeuré lorsque la cloche sonnant l'ultime absolution se mettait à retentir ?

Pas mal !

La voix soudaine eut l'effet d'un sceau d'eau froide sur Azralith qui regarda avec surprise l'autre drow continuer sa tirade. Elle resta ainsi hagard pendant un instant avant de reprendre pleinement conscience de la situation. La nouvelle venue affichait un comportement excentrique, observant avec intérêt les cadavres des deux hommes. Lorsque sa question se mit à retentir dans la petite ruelle, Azralith posa sa main ensanglantée au niveau de son front et ferma les yeux. Un son rauque se fit alors entendre. La dame noire riait.

Elle aurait pu mettre sa réaction sur le dos de la fièvre et de l'épuisement, mais elle savait pertinemment que la stupidité et l'ignorance n'y étaient pas étrangères. Et c'est là, secouée par ce rire nerveux incontrôlable, qu'elle réalisa l'étendue de sa frustration, cette pulsion de vengeance, cette envie de reprendre ce qui lui revenait de droit, ce désir ardent de faire brûler sa braise d'un éclat incandescent et de faire hurler sa chair jusqu'à l'inconscience. Sa dévotion paraissait bien faible en comparaison.

Elle releva alors la tête, plongeant son regard dans celui de l'étrangère et laissant un sourire carnassier lui étirer le visage.

Une légende ? Peut être... Le jour où les ennemis du Puy connaîtront mon nom et qu'il sera synonyme de leur extinction prochaine.

Elle ne savait rien de cette inconnue, mais elle ne semblait pas lui être hostile et actuellement c'était tout ce dont elle avait besoin. Ses phrases lui revenaient d'ailleurs en tête et maintenant qu'elle avait les idées plus claires, le comportement de cette drow l'intrigua. Azralith se redressa avec un grognement, s'étirant un instant pour soulager ses muscles meurtris.

Elle s'approcha alors de son interlocutrice qu'elle surplombait sans grande surprise, mais la dame en question n'en possédait pas moins une taille impressionnante comparée à la plupart de ses congénères féminines. Désormais bien plus proche, il était également aisé de constater que l'inconnue devait porter une attention toute particulière à son hygiène, son visage étant quasiment dénué de toute imperfection.

Azralith ne put s'empêcher d'effectuer son geste rituel, prenant délicatement une mèche de cheveux dans ses mains, constatant avec jalousie la beauté de cet éclat d'ivoire.

Veinarde.

Lâchant la mèche et se remémorant soudainement avec un brin de honte de l'état décharné de son apparence, la dame noire passa sa main sur ses lèvres pour en enlever le plus gros du sang et des morceaux de chairs. Un brin de coquetterie qui semblait bien ridicule pour une créature aussi bestiale.

On me nomme Azralith, descendante de la lignée Zaurahel.

Elle aurait pu inventer un autre nom, mais ce n'était guère dans sa nature, et quelque chose dans l'attitude presque désinvolte de cette drow la poussait peut être à tort vers un embryon de confiance. Sans compter qu'elle lui rappelait fortement le Puy, raison pour laquelle la dame noire gravitait autour, penchant légèrement sa tête alors qu'elle continuait de la scruter, peut être un peu trop.

À qui ais-je donc affaire ?
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 16 Oct 2022 - 20:03

Eiriztraena ne retint pas un sourire face au cran dont cette Drow faisait preuve. Bien qu'elle s'était posée la question, il ne semblait plus y avoir de doutes possibles sur ses origines. À part si elle était une excellente comédienne, mais très rares étaient ceux qui pouvaient se faire passer pour des Eldéens, même parmi les Doebens. La détermination, la sauvagerie, le refus de la mort et de la fatalité… N'importe qui aurait crié grâce devant Eiriz', même si elle n'était pas menaçante. Pas cette Drow qui se releva seule, malgré ses blessures.

Les deux Ilythirii se toisèrent pendant quelques instants. Eiriztraena était plus petite que sa congénère, moins musclée également, ce à quoi elle n'était plus habituée depuis qu'elle fréquentait l'Itri'Vaan. Ceci dit, il était probable qu'elle ne soit pas la seule femme à être ainsi dépassée, même au Puy. Cela suffit à apaiser son petit ego meurtri par cette situation devenue beaucoup trop rare pour elle. Ce n'est pas comme si l'autre puysarde n'avait pas ses propres complexes. Eiriz', bien que surprise par la manière dont elle s'emparra de l'une de ses mèches, la laissa faire. Elle devait bien admettre qu'elle serait incapable de troquer sa chevelure pour une plus grande taille.

« Vraiment ? »

Quelles étaient les chances pour qu'elle rencontre une Prima Sanguis dans une telle situation ? Qui plus est une Zaurahel, certes au mauvais cheveu, recherchée pour quelque chose dont Eiriz' ne se souvenait plus, bien que cela n'avait guère d'importance. Elle ne manquait pas d'une certaine audace pour lui donner son nom aussi facilement, même si elle ne se doutait sûrement pas qu'elle faisait face à l'élite de la Doth'ka. Peut-être qu'Eiriztraena ne vivait que trop dans le secret pour s'étonner que d'autres n'aient pas le même réflexe. Après tout, cela faisait des siècles qu'elle endossait une ribambelle de noms aléatoires pour se protéger. Pour la première fois depuis longtemps, Eiriztraena hésitait à mentir. Après tout, elle n'était pas dans une situation aussi désespérée qu'Azralith. Elle savait pertinemment que cela pouvait lui porter préjudice… ou pas.

« Ça ne devrait pas être ta priorité. » répondit Eiriz', le visage aussi souriant que grimaçant. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'éluder la question : c'était devenu quelque chose de trop naturel. « Il faut dégager de là, et soigner tes blessures. Je connais un type qui peut le faire sans trop poser de questions. »

De plus, s'il s'agissait de vrais gardes, il était probable que d'autres ne viennent les chercher, quitte à cadriller la ville. Et, quand bien même ils étaient des imposteurs, ce n'était rarement une bonne idée de traîner des pieds sur les lieux du crime. Eiriztraena ne s'inquiéterait outre mesure si elle avait de quoi acheter le silence d'un témoin ou d'un guetteur. En revanche, elle n'avait pas grand chose sur elle pour ce faire. Et les tuer n'était pas bon pour les affaires, les siennes comme celles des Drows.

« Suis-moi, la cavalerie peut arriver d'un instant à l'autre. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 16 Oct 2022 - 21:50


Évidemment. C'était presque une seconde nature chez les drows de se tortiller ainsi, de dissimuler la vérité comme si de rien n'était, il en avait été de même pour le prêtre d'Uriz. Mais posséder cette information ne changeait de toute manière pas grand chose à la situation d'Azralith, qu'elle soit une criminelle recherchée dans cette région ou même carrément membre du Triumvirat le constat restait le même, elle avait besoin de son aide. Qu'elle cherche à l'emmener dans sa planque pour la découper ou qu'elle soit sincère, la dame noire n'avait nul part ailleurs où aller.

Elle se plongea alors un instant dans ses réflexions, cherchant un sobriquet pour qualifier l'inconnue, quelque chose de positif mais qui sonnait idéalement particulièrement ridicule. La drow était en quelque sorte un symbole d'espoir, mais elle exsudait également de cette aura si caractéristique du Puy, ardente, volcanique. Une torche ? Un flambeau ? Ssussun.

Parfait.

Je te suis, Ssussun.

Elle ne put retenir un léger rictus tandis qu'elle lui emboîtait le pas. Elle lança un ultime regard en arrière aux cadavres qui jonchaient le sol, adressant une prière silencieuse au Créateur.

Les deux femmes regagnèrent alors les allées bien plus bondées de Méthylène, marchant à nouveau sous un soleil de plomb qu'Azralith commençait sérieusement à ne plus supporter. Cette chaleur agressive et éclatante était bien loin de celle plus réconfortante et chaleureuse du Puy, cette lave magnifique dont il était toujours aussi agréable et reposant d'en observer les écoulements.

Elle lâcha un soupir. Le Puy lui manquait bien plus qu'elle ne voulait l'admettre. En comparaison, cette cité lui paraissait bien fade et bien trop remplie d'humains à son goût. Peut être changerait-elle d'avis si elle venait à poser les yeux sur Thaar ou ses autres sœurs bien plus opulentes, mais pour le moment Méthylène était à peine plus mémorable que cette verdure crasseuse et blasphématoire d'Anaeh.

Elle recentra alors son attention autour d'elle, constatant que la plupart déviaient légèrement de leur trajectoire pour ne pas croiser celui des deux drows. Ssussun, grande et élancée, et Azralith, imposante et ensanglantée. Quand on ne savait pas d'où elles sortaient, mieux valait ne pas attirer leur attention. Mais d'autres au contraire posaient leur regard sur elles, animés d'une lueur curieuse, inquiète ou parfois indéchiffrable.

La dame noire ne put retenir un grondement sourd. Elle n'appréciait guère être observée telle une bête de foire. La marche avait à nouveau réveillé ses blessures et ses muscles endoloris, le soleil lui tapait sur le système et les gens tout autour également. Ainsi, pour se calmer, Azralith reporta son attention sur sa collègue, notant qu'elle ne semblait pas le moins du monde dérangée par son environnement.

Elle se déplaçait avec aisance, ses mouvements trahissant une agilité et une souplesse maîtrisées qui correspondaient parfaitement à sa corpulence. La dame noire passa alors sa main valide sur sa mâchoire, se demandant à quoi pouvait bien ressembler le tracé des muscles et ses éventuelles cicatrices sous cette tenue sobre. En terme d'apparence, elle était l'exact opposée de Syrkrar, la lutte éternelle entre l'ordre et le chaos.

Brisant le silence, la voix d'Azralith s'éleva soudainement.

Ça t’arrive souvent d'aider les drows perdues dans les ruelles ?

Elle marqua une légère pause, ses oreilles pointues se dressant soudainement, à l’affût de la moindre réaction de sa partenaire.

Ou alors c'est la performance qui t'as plu ?

Ssussun avait forcément une motivation, un intérêt à lui venir en aide et elle finirait par l'apprendre tôt ou tard. Elle suspectait fortement que cela soit en lien avec ses compétences martiales, bien qu'elle n'ait pourtant guère eu l'occasion de voir Azralith au meilleur de sa forme se battre avec un réel équipement et sa claymore favorite. Elle aurait pu massacrer ces deux hommes comme s'il avait s'agit d'enfants armés d'épées en bois.

Oubliant presque l'espace d'un instant sa douleur, une lueur quasi joueuse s'illumina dans le regard écarlate d'Azralith.

Je ne t'en tiendrais pas rigueur Ssussun, il est normal d'être si facilement impressionnée.

Une vague de chaleur bien plus intense que d'ordinaire se répandit alors soudainement dans son corps. Un vertige particulièrement puissant la força à s'accroupir à l'ombre d'un bâtiment, tentant de paraître aussi sereine que possible alors qu'elle sentait une violente nausée monter en elle. Elle plaça sa main valide au niveau de sa bouche, ne pouvant retenir un bruit peu ragoutant alors qu'elle tentait de lutter autant que possible contre ses violentes contractions d'estomac. Fort heureusement pour elle, il était vide. Seule une bile acide remonta dans sa gorge qu'elle ravala rapidement.

Elle tenta de dissimuler autant que possible ses tremblements, réalisant à quelle point la chaleur aggravait son état et à quel point elle avait terriblement soif. Mais sa fierté était bien trop importante et la dame noire se releva à nouveau sous le soleil, forçant un sourire à sa collègue.

J'ai un peu trop forcé sur le dernier combat on dirait.

Elle resta alors muette, continuant sa lutte silencieuse et priant intérieurement pour que la distance restante à parcourir soit courte. Elle manqua d'ailleurs de percuter Ssussun lorsque cette dernière s'arrêta soudainement face à l'entrée d'un bâtiment tout à fait similaire aux autres.
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMer 19 Oct 2022 - 20:46

Eiriztraena pouffa en entendant le sobriquet que lui octroya Azralith. Elle avait de l'humour pour une femme qui avait frôlé la mort. De l'humour et de l'imagination. Mais « Ssussun » adorait cela, bien plus que ne pouvait le laisser paraître son rictus espiègle.

Quittant les lieux du crime sanglant, les deux Drows regagnèrent les rues plus bondées pour espérer se fondre dans la masse, malgré leur physique plutôt singulier. Malheureusement, les passants ne cessèrent de les observer tels des bandits dont il fallait absolument éviter de croiser le chemin. Les multiples blessures d'Azralith suscitaient curiosité et crainte, et il valait mieux être à l'abri lorsque les cadavres des gardes seront découvert. Le guérisseur se situait au bout de la grande rue, mais la Garde Silencieuse préférait éviter de se presser, de peur de paraître encore plus suspect. Elle veillait également à ce que personne ne remonte la piste des deux Drows, bien que le sang laissé par celle qui était blessé devait se perdre sous la foule.

Dans un premier temps, Eiriz' ignora Azralith, comme si elle ne l'avait pas entendu. Pourtant, elle ne faisait que penser sa réponse, comme si elle faisait face à une énigme difficile à déchiffrer. À dire vrai, Elda lui manquait tout autant que ses habitants. Les seuls eldéens qu'elle côtoyait de près étaient des agents infiltrés qui faisaient tout pour ne pas le laisser paraître. Le Puy avait beau être un nid de vipères, elle le préférait largement à celui qu'était l'Itri'Vaan. Azralith était la première véritable eldéenne qu'elle croisait ici depuis des lustres. Cela lui changeait des faibles et des impies qu'étaient ces éphémères vaanis.

« Peut-être que si j'avais une rose, je te l'aurais donnée pour célébrer ta victoire. » fit Eiriz' d'un air taquin. « Mais, comme tu as été franche avec moi, je t'en dois un minimum en retour : je dois bien admettre que tu m'intrigues… un petit peu. »

Son Sang, les raisons de sa présence ici, son physique… Qu'Eiriz' refuse de le reconnaître devant elle, Azralith n'était pas une Drow ordinaire. Une Prima Sanguis ne pouvait se permettre de l'être. C'était les leçons que devait retenir Eiriztraena entre deux coups de fouets assénés par son géniteur. Bien entendu, ses propres intérêts et ceux des Deäl'Honn entraient en ligne de compte. C'est bien pour cela qu'elle ne tuait jamais bêtement une cible, pas avant d'avoir calculé ce qu'elle pouvait lui apporter tant qu'il vivait encore. Tout du moins, c'est le calcul qu'elle opérait quand la cible était d'une importance particulière.

Derrière la Garde Silencieuse, Azralith faiblissait toujours plus. Bien entendu, elle ne lui fit pas l'affront de vouloir l'aider. Qu'elle s'arrête un instant, et Eiriztraena la tirera par les cheveux ; qu'elle s'écroule, et elle lui donnera un coup de pied, à défaut de pouvoir la flageller. À choisir entre les vertiges d'un effort intense et les cents coups de fouet, on n'hésitait pas longtemps. C'est ainsi qu'Eiriz' avança sans se préoccuper de l'état d'Azralith, s'arrêtant devant le bâtiment abritant du guérisseur. Elle en fut d'ailleurs bousculée par sa nouvelle amie.

« Hé ho ! » gronda la Deäl'Honn, lui assénant un léger coup de coude pour l'éloigner d'elle. « On est arrivé. Et tu as survécu. Chapeau. » Elle lui tapota la joue comme s'il s'agissait d'une bête domestique. « Ma très chère hyène… Non pas que je déteste ça, mais, afin de ne pas attirer l'attention, évitons de trop lui parler d'Uriz, d'Elda et de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. »

Comme les gens d'ici n'aimaient pas les Eldéens, et qu'Eiriz' n'aime pas se faire remarquer, elle préférait éviter de clamer haut et fort qu'elle venait du Puy. Elle avait ses secrets à protéger, après tout.

Les deux Drows entrèrent dans le bâtiment somme toute modeste. Le guérisseur était un vaani relativement âgé, le cheveu gris et dégarni, une barbiche tout aussi grisâtre, et un monocle sur le nez. De sa voix rocailleuse, il accueillit les deux Drows, non sans une forme d'appréhension face au physique impressionnant d'Azralith, ainsi qu'à ses blessures. Sans pour autant poser de questions, il convia la drow aux cheveux noirs à prendre place sur le lit pour qu'il examine ses plaies et les soigner en conséquence. Eiriz' resta en retrait, silencieuse, attendant patiemment que le médecin fasse son œuvre. Une fois les blessures d'Azralith traitées et pansées, Eiriz' le paya, non sans rajouter au bout pour acheter son silence, notamment pour prévoir l'éventualité que les gardes ne viennent lui poser des questions.

« Bon ! Tu ne mourras pas aujourd'hui ? Contente ? » s'exclama-t-elle, alors qu'ils sortirent de chez le guérisseur. « Enfin… je pensais que ça suffirait mais tu ressembles toujours à une esclave en caval. » Elle se mit à côté d'elle et lui asséna un coup de hanche amical. « Alors ? C'est quoi la seconde étape ? »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeJeu 20 Oct 2022 - 20:26


Une hyène hein ? Azralith laissa apparaître un très léger rictus tandis que sa compagne lui tapotait la joue comme à un animal. C'était donc ce que Ssussun avait trouvé pour lui renvoyer la balle. Mais cela ne dérangeait aucunement la dame noire, bien au contraire. Sans compter que les hyènes bien que charognards, n'en restaient pas moins tout aussi féroces et dangereuses que les plus grands fauves, et en particulier les femelles.

Un sourire plus franc éclaira alors son visage tandis qu'elle écoutait d'une oreille distraite les recommandations de Ssussun. Cette dernière était rentrée dans son jeu avec une facilité déconcertante, elle semblait taquine et un brin tactile, sans oublier cette aura eldéenne dont elle dégoulinait. Restait à voir ce qu'elle attendait d'elle, mais il y avait de fortes chances pour voir là naître une relation qu'Azralith prendrait particulièrement plaisir à entretenir.

Elle reporta alors son attention sur la bâtisse avant d'y pénétrer, ne sachant réellement à quoi s'attendre. Le guérisseur qui s'y trouvait était un vieil humain, les rides propres au vieillissement caractéristique de sa race apparaissaient sur son visage et ses cheveux avaient visiblement perdus leur teinte d'autrefois. Azralith serra les dents, réalisant que même les cheveux humains blanchissaient plus facilement que les siens.

Lorsque la drow imposante s'avança à son tour au centre de la pièce, le vaani afficha une légère inquiétude. Cette réaction rassura grandement la dame noire. Certes, elle appréciait observer la crainte dans le regard des humains, mais dans ce cas précis, elle était soulagée de se savoir entre les mains d'un homme que l'âge n'avait pas désensibilisé à la peur.

Elle fut invitée à s'allonger sur le lit et elle ne se fit pas prier. Il n'était pas particulièrement confortable ou moelleux mais il était sans grande surprise bien plus agréable que le sol rocheux ou ensablé du désert et la dame noire apprécia son contact bien plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre. Elle laissa alors un faible grognement s'échapper de ses lèvres tandis que son corps et ses muscles endoloris hurlaient de plaisir, relâchant toutes ses tensions et ses épaules qu'elle avait gardé contractées sans s'en rendre compte.

Ses paupières se fermèrent d'elle même tandis que le guérisseur s'affairait à son œuvre, retirant les bandages gorgés de sang séché et les morceaux de tissus Zurthans recouverts de terre et de sable. Elle ressentit une légère douleur alors qu'il traitait ses nombreuses plaies, lui faisant lâcher un grognement de satisfaction. S'avérant non seulement très largement supportable, cette douleur était également particulièrement agréable car Azralith la savait bénéfique. Et sa chair meurtrie par le voyage appréciait toute sensation quelle qu'elle soit, frémissant sous le contact acide de certaines pommades.

Elle ouvrit les yeux alors qu'il s'occupait de sa main ensanglantée, la nettoyant et la désinfectant avant de fermement serrer la blessure sous des bandages propres. Il s'enquit alors d'une autre plaie au niveau de sa poitrine mais il sembla hésiter, jetant un coup d’œil à l'imposante drow. Cette dernière lâcha un soufflement du nez avant de faire un signe approbateur de sa main valide. Les humains et leur pudeur...

Ses mains étaient habiles et ses mouvements trahissaient l'expérience. Tout vaani pouvait-il être, Azralith appréciait particulièrement ceux qui savaient être efficaces dans leur profession et qui accomplissaient sans complications le travail qu'on leur demandait. Il aurait fait un bon esclave au Puy, il aurait pu vénérer le panthéon drow tout en travaillant pour aider à accomplir la Guerre Sainte. Quel gâchis d'existence que de pourrir dans une ville mineure des vaanis à recoudre les victimes des Zurthans.

Il décolla alors soudainement le tissu qui recouvrait sa blessure sur la partie droite de son abdomen, là où la pointe d'un javelot s'était enfoncé dans sa chair. Sans grande surprise, comme l'avait compris la dame noire, la plaie s'était infectée. Une couche de pus peu ragoutante recouvrait une croûte molle qui n'avait pas eu le temps de se former et sa chaire à vif s'était payée le luxe d’accueillir des visiteurs. Deux larves blanches y avaient élu domicile, gigotant soudainement maintenant que leur cachette avait été découverte. L'équipement des Zurthans était vraiment si mauvais que ça ?

Le guérisseur s'empressa de les retirer sans afficher la moindre expression de dégoût. Au vu de son âge avancé pour un humain, il avait déjà dû voir bien pire. Il lui donna également une décoction au goût passable ainsi que de l'eau, ayant certainement dû remarquer quelques signes physiques de déshydratation sur le corps de la drow.

Lorsque la séance fut terminée, Azralith s'arracha non sans regret du lit et observa Ssussun s'occuper du paiement. Mais à sa grande surprise, cette dernière ne réclama rien en échange. Une fois les deux femmes sorties du bâtiment, la dame noire ne pu cacher sa surprise en constatant que cette aide semblait réellement avoir été bénévole. Elle n'avait guère l'esprit à jouer à la paranoïa, aussi, décida t-elle de partir du principe qu'elle avait vraiment réussi à attiser sa curiosité.

Voilà qui était particulièrement intéressant, les prunelles écarlates d'Azralith s'illuminèrent d'une lueur nouvelle alors qu'elle les posait sur sa compagne, croisant les bras suite à sa remarque.

Je ne te ferai même pas le plaisir de paraître peinée.

Ssussun se rapprocha alors d'elle et lui donna un coup de hanche avant d'en recevoir un autre en retour. La suite ? Azralith se passa une main sur la mâchoire, pensive. Elle aurait aimé pouvoir offrir quelque chose en échange à sa compagne mais il lui fallait de l'argent. Pour ça, elle pouvait trouver de quoi faire tomber quelques têtes, mais elle avait besoin d'une arme. Et pour cette arme, il lui fallait de l'argent. La sombre se massa les tempes en constatant déjà à quel point elle haïssait cette région et ce mode de vie pervers où l'argent régissait absolument tout.

Fort heureusement pour elle, elle avait déjà trouvé quelque chose qui valait bien plus que tout ce que Méthylène pouvait lui offrir, du moins elle l'espérait. Et cette nouvelle trouvaille allait sans aucun doute bientôt comprendre que « la Hyène » pouvait s'avérer très possessive envers ce qui lui plaisait.

La dame noire posa un doigt sous le menton de sa compagne, la forçant à lever la tête pour plonger son regard dans le sien.

La prochaine étape, c'est toi Ssussun.

Elle lâcha son menton et afficha un sourire énigmatique avant de poursuivre.

Je ne compte pas m'éterniser dans cette ville, et quelque chose me dit que toi non plus. Cette cité n'est pas faite pour les eldéennes comme nous.

Un lancé de hameçon soudain, et pour tout dire, Azralith n'était pas certaine de son coup. Mais peut être que l'appât fonctionnerait, qui pouvait bien savoir ?

J'ignore ce que tu comptes faire ni où tu souhaites aller, mais je t'y suivrais... Pour le moment. Si combat il y a, je serais ton alliée. En fait, je serais ton alliée en toutes circonstances tant que tes envies ne rentreront pas en conflit avec le panthéon sombre.

Elle se rendit compte un peu tard que Ssussun se dirigeait peut être vers le désert et la dame noire n'avait pas franchement l'envie d'y retourner. Il était également tout simplement possible que sa collègue souhaite conserver la discrétion de ses activités et qu'elle refuse, peut être que la franchise d'Azralith jouerait un tant soit peu en sa faveur. Dans tous les cas, rien ne coûtait d'essayer. Elle avait déjà fait une partie du voyage avec un drow et elle appréciait tout particulièrement la compagnie d'un autre eldéen à ses côtés alors qu'elle foulait une terre qu'elle ne connaissait que bien trop peu.

Elle pencha la tête sur le côté, ses mèches noires envahissant son champ de vision.

Ne savais-tu donc pas que les hyènes sont des créatures très sociables ?
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 23 Oct 2022 - 1:47

Quelle décontraction ! Eiriztraena avait perdu cette habitude de côtoyer des gens sans peur ni pudeur envers elle. La plupart la fuyaient ou la craignaient, d'autres n'étaient tout simplement pas réceptifs. Ceux avec qui elle opérait depuis longtemps s'étaient habitués à ses petits jeux, suffisamment pour s'y prêter, mais ils n'étaient pas très nombreux. Pas assez pour la satisfaire, en tout cas. De plus, elle ne les avait pas revu depuis un certain temps. Quoi qu'il en soit, Azralith était bien la seule à se comporter ainsi d'une manière aussi naturelle et spontanée depuis bien longtemps.

« Hmmmm… » fit Eiriz', pensive, les yeux plissés. Un sourire se dessina alors sur son visage. « C'est bien la première fois que je vais regretter de ne pas être missionnée en mer ou dans le désert. »

Si, dans son état, Azralith n'avait pas nécessairement eu le temps d'anticiper un plan très ficelé, Eiriztraena devait bien admettre qu'elle ne savait pas trop quoi faire d'elle non plus. Il était plus aisé de se précipiter telle une héroïne au secours de la veuve et l'orphelin que de leur trouver une utilité précise. La renvoyer au Puy pour y être châtiée par sa famille était une solution simple, pour sûr, mais était-elle la bonne ? Ce serait certainement cruel pour celle qui semblait lui confier sa vie pour les prochains jours, même si la Garde Silencieuse n'était pas contrainte de s'en soucier. L'emmener à Thaar paraissait être la solution alternative la plus évidente, mais pour y faire quoi ? Une chienne de garde ? Peu reluisant, comme avenir. Dans tout cela, Eiriztraena ne savait pas trop ce qui pouvait se cacher derrière cette confiance aveugle qu'elle semblait lui accorder. Tous les eldéens ne sont pas doués pour ce genre de jeu de dupes, mais beaucoup l'étaient.

« Et tu n'as pas peur que je ne sois pas si digne de confiance que cela ? Que ça t'amène dans tous les endroits les plus louches de l'Itri'Vaan ? » demanda-t-elle finalement d'un ton malicieux, ne manquant pas de tirer la langue. « Tu as déjà eu droit à un aperçu, tu sais. Même si, cette fois-là, tu as mangé le type en question. »

Eiriztraena avait beau lui poser la question, elle savait pertinemment qu'Azralith la suivrait quoi qu'elle dise et quoi qu'il arrive. Elle était seule dans un pays qu'elle ne connaissait pas, et dans lequel elle n'avait aucun contact. Elle n'était, de toute façon, pas assez peureuse pour craindre ces endroits louches, quels qu'ils soient. Peut-être qu'Eiriz' se méfiait trop de sa sincérité ou de ses réelles intentions, si jamais elle en avait sur ces terres qu'elle découvrait à peine. Pour une fois qu'elle rencontrait quelqu'un dont la personnalité lui était agréable, pourquoi ne pas lui accorder le bénéfice du doute ?

« Hmm hmm… c'est que certains essaient d'expliquer, s'ils peuvent en placer une entre deux stéréotypes débiles. » répondit la Drow au cheveu blanc, dont le visage s'éprit d'un nouveau rictus. Taquine, elle ne manqua pas de tapoter l'épaule de sa nouvelle amie du poing. « En tout cas, tu as l'air de bien connaître ton sujet. Plus que je ne l'aurais imaginé de prime abord. »

Nombreux étaient ces prédateurs appréciés par les Drows pour leurs qualités mais détestés par les autres pour leurs défauts. Les agents de la Doth'ka ne le savaient que trop bien, eux qui prenaient régulièrement l'araignée pour exemple. Ce n'était pas pour rien que son réseau était comparée à une toile, dont ses assassins étaient le dard meurtrier. Toutes ces créatures valaient mieux que le jugement étroit que certains se contentaient de dédaigneusement leur accorder, si l'on prenait la peine de les étudier plus précisément.

« Bon, bon. Tu as gagné. Si tu tiens tant à m'accompagner… » soupira Eiriztraena, comme si elle avait secrètement espéré le contraire. Même si ce n'était pas forcément le cas, elle ne savait toujours pas où cette histoire la mènerait. « J'ai une course à terminer ici d'abord. Après, on pourra quitter cette ville de malheur pour des jardins plus verdoyants. »

Toute l'ironie de parler de verdure pour deux Drows qui avaient grandis dans l'ombre et les flammes d'un volcan, dont une qui venait de traverser le Désert Zurthan. Mais le monde serait bien fade sans sa petite dose de dérision. Dérision dont se délectait constamment la membre de la Doth'ka.

« Par contre… » fit cette dernière, grimaçant de dégoût en examinant la “tenue” de sa nouvelle protégée, qu'elle désigna d'un geste dédaigneux. « Il n'y a rien qui va là. Alors, ce n'est pas comme si on allait te chercher ton prochain mari, je te l'accorde, mais je requiers un minimum d'efforts. Et je ne suis sûre de ne pas être la seule. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 23 Oct 2022 - 15:01


Digne de confiance ? La confiance était une denrée bien trop rare pour les drows, un luxe qu'ils ne pouvaient généralement se permettre de s'offrir. En tout cas c'est ce qui en ressortait toujours, c'est ce que tout le monde aimait faire croire. Mais chaque eldéen qui se respectait possédait fatalement quelques liens forts dans son entourage, la seule différence c'est qu'ils se devaient de les dissimuler, afin que jamais ils ne soient découverts. Azralith avaient bien connus quelques camarades auxquels elle avait accordé sa confiance. Mais ils avaient été tués. S'en seraient-ils montrer digne s'ils avaient vécu plus longtemps ? Elle ne le saurait jamais.

Dans tous les cas, Ssussun semblait hésiter, comme si elle essayait de repousser le moment où elle allait devoir accepter. A moins qu'elle n'ait été une actrice extrêmement douée, ne voyait-elle donc pas en cet acte la preuve de sa sincérité ? N'importe qui se serait jeté sur l'occasion sans même réfléchir, cherchant à revendre la dame noire ou à la faire travailler comme esclave.

Et après réflexion c'était peut être sur ce sujet précis que Ssussun hésitait. Que faire d'elle ? Mais au final, ce n'était point important. Si elle finissait comme esclave, elle en profiterait pour mieux connaître les environs avant de s'échapper. Chaque problème sur sa route n'était qu'une épreuve de plus qu'elle devait surpasser si elle voulait un jour retourner dans les flammes ardentes du Créateur. Mourir ? Ça, il en était hors de question.

Sa compagne accepta finalement, confirmant par la même ses suppositions en affirmant qu'elle souhaitait quitter cette ville. Elle ne s'était pas exprimée sur son appellation d'eldéenne, elle ne l'avait pas réfuté non plus. Azralith décida d’interpréter cela comme une réponse silencieuse, une réponse positive.

Bien ! Ses chances de survie venaient d'augmenter et elle se payait en plus le luxe de pouvoir voyager en agréable compagnie. Après sa traversée du désert, elle n'avait aucune envie de négocier contrats et servitude avec des vaanis, la présence enjouée de Ssussun leur était infiniment préférable. La dame noire s'étira alors de tout son long comme pour fêter cette petite victoire, mais elle se sentait étonnamment euphorique. Peut être que la solitude qui avait suivi son évasion et le choc d'avoir perdu son foyer avaient pesé sur sa conscience bien plus qu'elle ne l'aurait admis.

Ignorant ses muscles endoloris, elle se pencha soudainement en avant et plaça ses mains sur les côtes de sa compagne avant de la soulever dans les airs comme s'il s'agissait d'un enfant turbulent. Elle afficha un grand sourire, l'effort donnant une dimension physique à son euphorie et lui permettant de l'expulser de son système.

Étrange... Je te pensais plus légère.

Elle la reposa au sol avant de reculer de quelques pas, prévenant une éventuelle rétribution physique. Mais ce qui s'ensuivit fut peut être plus tranchant encore. Lorsque Ssussun désigna sa tenue en affichant une expression emplie de dégoût, la dame noire se regarda d'un air presque penaud. Elle n'était guère dérangée par le fait que son corps soit ainsi exposé, il était le fruit de son labeur et de son travail. De sa puissance et de sa robustesse qui conservait pourtant une touche féminine, émergeait une fierté personnelle. Mais elle devait bien avouer que des morceaux de tissus arrachés à des cadavres Zurthans, ça ne lui donnait pas une esthétique particulièrement agréable à l’œil.

La dame noire haussa les épaules, une lueur malicieuse s'illuminant dans son regard.

J'essayais simplement de ne pas te faire de l'ombre. Mais si tu y tiens tant que ça...

Elle lui tapota l'épaule avant de reprendre la marche dans la même direction que lorsqu'elles étaient arrivées.

Et tant que c'est toi qui payes !


***


Le marché de Méthylène faisait pâle figure comparé aux descriptions qu'on avait pu faire à Azralith des plus grands bazars de Thaar, mais la foule qui y était rassemblée permettait néanmoins de se rendre compte que la ville n'était pas qu'une simple oasis, mais bien une part intégrante de l'économie vaanie. Quelques fumets appétissants s'échappaient par volutes dans les airs ça et là, rapidement recouvertes par l'odeur puissante du sel marin provenant du port un peu plus loin.

Des voyageurs ou des marchands itinérants tentaient tant bien que mal de se frayer un passage au travers de la foule avec leur dromadaire, les bêtes imposantes étant souvent harnachées avec de multiples sacs et victuailles en tout genre. La plupart des étalages étaient surplombés d'une nappe blanche pour protéger les produits et les vendeurs des rayons directs du soleil. Le brouhaha était envahissant, chacun tentant d'appâter le client à sa manière et de recouvrir de sa voix forte celle du voisin.

Au milieu du chaos, Azralith avait jeté son dévolu sur un marchand de fourrures, souhaitant échanger celle qu'elle avait sur elle contre une autre de meilleure qualité. Qu'importe les conditions ou le climat, elle ne se séparait d'ordinaire jamais d'une couche de pelage sur ses épaules et son dos, et sa tenue favorite était bien malheureusement restée au Puy.

Elle déposa alors la fourrure de Ralir sur l'étalage. Cette dernière avait bien mauvaise mine, elle avait été découpée par des outils rudimentaires et les poils crasseux à sa surface, victimes d'un manque d'entretien, avaient partiellement brûlés sous le soleil de plomb du désert. La dame noire n'avait que peu de notions de marchandage, mais elle était pourtant bien consciente que tenter de troquer cette fourrure contre une autre revenait à de l’escroquerie.

Le marchand Vaani lâcha un soupir avant d'effectuer un signe dédaigneux de la main d'un air las.

Dégagez cette immondice de là, je ne m'abaisserai pas à traiter avec des esclaves.

S'abaisser ?

Le sang d'Azralith ne fit qu'un tour. Elle aurait pu négocier autrement, offrir son aide pour quoi que ce soit, mais les paroles du marchand et cet air d'indifférence qu'il affichait fit rapidement bouillir son sang. Il n'était qu'un pauvre mortel dans une ville miteuse du désert, il était minuscule, frêle, elle aurait pu broyer son crâne d'une seule main.

Elle se retint d'ailleurs avec difficulté de le faire, se penchant de toute sa hauteur sur l'étalage et frappant violemment le bois avec son poing, montrant les crocs.

La peur, là voilà. Elle venait de s'immiscer sur le visage du Vaani, réalisant qu'elle le tuerait bien avant que les gardes ne puissent lever le petit doigt.

C'est ainsi qu'elle repartit sans frais supplémentaire avec une fourrure toute neuve. Elle avait voulu éviter de profiter davantage de la générosité de Ssussun, mais elle n'avait pour autant pas prévu d'avoir recours à l'intimidation. Qu'importe la méthode, seul le résultat comptait, et elle observa avec un regard brillant sa toute nouvelle acquisition.

Avant son exil, la dame noire portait généralement sur elle son armure, mais quand ce n'était pas le cas, elle avait recours à une tenue plus décontractée et aérée, tenue qu'elle avait essayé un tant soit peu d'imiter avec quelques achats ici et là. Se dirigeant vers l'entrée d'une ruelle, toujours suivie par sa compagne, elle entreprit de retirer les lambeaux de tissus Zurthans recouvrant son corps, les lâchant sans grand intérêt sur le sol.

Entièrement nue excepté les quelques bandages qui recouvraient ses blessures les plus profondes, elle se vêtit alors des vêtements propres, appréciant fortement le contact du tissu frais glissant le long de sa peau, contrastant sans grande surprise avec la morsure moisie de sa tenue précédente. La fourrure lui recouvrait les épaules, attachée de part et d'autres par deux chaînes dorées avant de descendre en une longue cape tout le long de son dos. Quelques lanières de cuir recouvraient ses bras et le haut de son torse, la moitié basse d'une toge lui enserrait les côtes et les hanches avant de venir recouvrir partiellement ses longues jambes.

La tenue dans son ensemble était sombre, de la même teinte que sa chevelure de jais, sa peau grise était clairement apparente en de multiples endroits. Elle avait même d'ailleurs entreprit de se coiffer légèrement, ses mèches chaotiques partant vers l'arrière de son crâne pour les plus disciplinées. La Hyène s'était déguisée, mais la bestialité dont elle exsudait ne pouvait être pleinement dissimulée et cette aura sauvage et bestiale lui collait encore solidement à la peau. Sa tenue semblait même presque l'amplifier, et c'était sans doute pour cela que la dame noire l'appréciait tant.

Reportant son attention sur Ssussun, elle écarta légèrement les bras.

Ça te va mieux comme ça ? On pourrait presque croire à une véritable Prima Sanguis pas vrai ?


Dernière édition par Azralith Zaurahel le Mar 25 Oct 2022 - 11:06, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeLun 24 Oct 2022 - 16:15

« Ou bien je n'ai tout simplement pas envie que tout le monde te voit comme ça, qui sait ? » rétorqua Eiriztraena, imitant le sermon d'un compagnon jaloux et possessif, avant de hausser les sourcils et de cligner de l'œil avec toute son espièglerie. « Hé ! Pas de folie hein, je n'ai pas parlé de vêtements de luxe. De toute façon, on n'en trouvera pas à ta taille. » renchérit-elle en éclatant de rire. « Allez viens. »

Eiriztraena mena Azralith au marché, celui-ci situé près du port de la ville. Comme dans toutes les autres cités de l'Itri'Vaan, les étals des maraîchers avoisinnaient les bouchers, les poissonniers, les couturiers, les tanneurs, les forgerons et bien d'autres. Nul doute que ces marchés seraient plus agréables à parcourir si les odeurs ne se mélangeaient pas de manière aussi abrupte, et s'ils étaient mieux agencés. Ceci dit, même sans cela, il était rare qu'Eiriz' n'y trouve quelque chose qui pouvait susciter un intérêt particulier. À travers la Doth'ka, elle avait trouvé le moyen de s'approcher de types, parfois (souvent) étranges, capables de lui fournir des produits d'une qualité supérieure. Par la force des choses, ce n'est pas les cimeterres qu'elle voyait là qui feraient son bonheur.

Alors qu'Azralith s'arrêta devant l'étal d'un marchand de fourrure, Eiriz' ne put s'empêcher de lui taper le haut du crâne du bout des doigts. Pas de folie, avait-elle prévenu. Ces fourrures, non pas qu'elles étaient hors de prix pour elle, valaient leur pesant d'or. Mais, la Drow aux cheveux noirs s'entêta, et c'est seule qui se dirigea vers l'étal du marchand, Eiriztraena restant en retrait. Néanmoins, elle ne manqua pas une miette du spectacle qui se jouait devant elle. Elle ne retint pas de rire lorsqu'elle se défit de sa propre fourrure miteuse pour la proposer au marchand. Ce dernier l'envoya évidemment paître, mais, la hyène fit son grand retour sur scène. Après avoir mangé deux gardes, voilà qu'elle intimidait maintenant les honnêtes gens. Le marchand ne s'essaya à aucune résistance, et Azralith fila avec l'un de ses produits sans demander son reste. La peur est palpable chez les éphémères.

« On commence par dévorer les gardes, maintenant on extorque les marchands. Ce n'est pas parce que j'ai exclu les produits de luxe j'espère ? » gronda Eiriz', qui rejoignit Azralith un peu plus loin. Elle lui asséna un léger coup de coude sur les côtes. « Si j'avais su que tu y tenais tant, je t'aurais au moins proposé d'aller à la chasse, ou d'en voler une discrètement. Ce n'est pas moins cher mais c'est plus amusant. Vilaine hyène… »

L'extorsion de marchands était une activité lucrative jusqu'au jour où l'on tombait sur celui qu'il valait mieux ne pas arnaquer. En Itri'Vaan, avec les activités des Princes Marchands et leur contrôle sur les activités commerciales, Eiriz' se montrait toujours d'une extrême prudence avant de menacer un marchand, quel qu'il soit, sous peine de tomber sur l'un de leurs protégés. Pour protéger son identité et la couverture de ses frères de la Doth'ka, elle ne pouvait se permettre de se montrer impulsive. Elle ne risquait certainement pas grand chose à Methylène, mais un risque mineur n'en était pas moins un risque.

Sans faire plus de vagues, les deux Eldéennes s'avancèrent vers un autre étal, lequel présentait des vêtements plutôt simples et solides, de toute sorte et de toutes les couleurs. Comme les prix étaient beaucoup plus abordables, et ne désirant pas se montrer plus tatillonne, Eiriztraena laissa Azralith choisir ce qui lui plaisait. Si cela pouvait lui éviter de se faire traiter d'esclave… Ce n'était jamais agréable, surtout pour un Prima. Cela dit, pour en arriver là, il fallait tout de même traverser bon nombre de péripéties. Bien qu'elle avait connu nombre de situations et de missions difficiles, Eiriz' n'avait jamais été dans un si mauvais état qu'Azralith actuellement.

Une fois leurs emplettes terminées et le marchand payé, les deux noirelfes s'en allèrent pour trouver un endroit plus tranquille. Quittant l'avenue principale, elles s'isolèrent dans une ruelle, dans laquelle se déshabilla Azralith pour enfiler ses vêtements neufs. Sa compagne l'observa faire sans rien dire, appuyée contre un mur, impatiente. Allez savoir pourquoi elle tenait tant à voir le rendu final. À moins qu'elle ne souhaitait juste qu'elle se dépêche pour pouvoir repartir rapidement.

« C'est un bon début. » concéda Eiriztraena qui s'approcha pour réajuster la fourrure sur ses épaules et épousseter sa tenue. « Au moins, plus personne ne pourra dire que tu ressembles à une esclave. Si ça peut sauver des vies. » renchérit-elle, contractant ses mâchoires pour ne pas éclater de rire. « Il me faut encore récupérer quelque chose et, si t'es toujours partante pour me suivre on ne sait où, on peut partir d'ici demain. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMar 25 Oct 2022 - 13:13


Il était particulièrement vrai que l'obtention de la fourrure aurait pu se faire en d'autres circonstances, mais l'idée de retourner chasser la faune locale ne l'enchantait guère. Et bien qu'elle avait fait cela par pure impulsion, à voir Ssussun réagir ainsi, il était aisé de comprendre que répéter la même tentative d'intimidation ne semblait pas être une très bonne idée. La dame noire ne connaissait que peu de choses sur cette région et ses codes, et même si elle se fichait pas mal de la réputation qu'elle pouvait y avoir, se faire des ennemis dangereux n'était en aucun cas un bon placement d'avenir.

Elle lâcha un grognement lorsque sa compagne réajusta et épousseta sa tenue, la braise écarlate de son regard la fixant intensément. Ssussun se comportait étrangement familièrement avec elle, mais était-ce là une preuve d'affection quelconque ou se contentait-elle simplement de vérifier le bon état de celle qu'elle souhaitait revendre ou utiliser comme monnaie d'échange ? La revoilà qui revenait au galop, cette paranoïa envahissante, celle dont tout drow ayant grandi au Puy se retrouvait fatalement pourvu.

Et pourquoi cela pouvait-il lui être si important de connaître les véritables intentions de sa compagne ? Se sentait-elle à ce point esseulée qu'elle avait désespérément besoin de savoir si sa sympathie apparente était franche ou factice ? La seule vue d'un éldéen lui faisait-elle désormais tourner la tête à tel point qu'elle en perdait toute convenance sociale ?

Envahie d'une pulsion soudaine, Azralith attrapa sa compagne par les épaules et la plaqua contre le mur le plus proche, son visage montrant les crocs s'arrêtant à un souffle du sien. Elle fixa ses yeux comme tentant d’apercevoir se qui se cachait derrière, tentant d'observer sa braise et de comprendre qui elle était réellement. Son regard se baissa alors sur cette peau grise, ces lèvres sombres et cette mâchoire anguleuse. La peau douce, tendre et dépourvue d'imperfection de son cou et ces vêtements sombres qui déjà lui rendaient cette chair inaccessible.

L'éclat argenté d'une dague se fit également remarquée. Ssussun avait réagi avec une vitesse impressionnante, la lame était dirigée vers la dame noire, prête à perforer sa cage thoracique à tout instant. Elle se mit alors à grogner bruyamment, replongeant son regard dans celui de sa compagne. Elle s'approcha encore un peu, suffisamment pour que la pointe de l'arme s'enfonce légèrement dans sa peau, avant de tout lâcher.

Elle s'éloigna alors de quelque pas, libérant Sussun de son étreinte et reprenant pied dans la réalité. Perdue, déboussolée, sur une terre hostile et étrangère, ayant frôlé la mort à de nombreuses reprises pendant son périple, elle se rendit compte à cet instant précis à quel point elle était sur les nerfs. La présence de sa sauveuse était apaisante par bien des aspects, mais la Bête était blessée et loin de chez elle, et ses instincts sauvages en devenaient imprévisibles.

Elle espérait cependant ne pas l'avoir froissée, car elle ne comptait pas la lâcher.

Évidemment que je suis partante, comme si j'allais te laisser gambader toute seule dans le coin.

Elle se dirigea vers l'entrée de la ruelle, secouant l'une de ses mains d'un air dédaigneux.

Et plus vite nous quitterons ce trou puant, mieux je me porterais.

Elle se pencha alors légèrement avec un sourire, parodiant clairement une révérence.

Après vous, ma dame.
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeJeu 27 Oct 2022 - 2:22

Soudainement, alors qu'elle s'apprêtait simplement à quitter la ruelle, Eiriztraena se retrouva plaquée contre le mur par Azralith. Totalement prise au dépourvue, elle fut incapable de réagir sur l'instant. Non seulement sa compagne avait agi spontanément, mais, en plus de cela, il ne s'agissait visiblement pas d'une blague. Ou alors, elle était de très mauvais goût, et son autrice en parfaite comédienne. Dans les deux cas, cela ne plaisait pas à la Garde Silencieuse qui dégaina sa dague et la pointa sur le thorax d'Azralith, visiblement ivre d'une colère dont l'origine était toujours inconnue. Elle qui était si joueuse et réceptive, il était curieux de la voir s'emporter ainsi, comme si Eiriz' l'avait agressée ou insultée. Cette dernière ne montrait aucun signe de peur, ni d'inquiétude, même lorsqu'Azralith tenta de l'intimider. Un geste de plus et elle rejoindrait Teiweon plus tôt qu'elle ne l'aurait espéré.

La Drow aux cheveux de jais finit par la relâcher, se sachant perdante sur ce coup-là. Pourtant, si elle désirait passer à autre chose comme si de rien était, ce n'était pas le cas de sa victime qui ne comptait pas se laisser abuser aussi impunément. À son tour, bien que d'une manière moins brutale, Eiriztraena poussa sa compagne contre le mur, la main sur sa poitrine, où sa dague pointait quelques secondes plus tôt. Le froid plat de cette lame menaçait désormais la gorge d'Azralith. Elle comprendra néanmoins qu'il s'agit là plus d'un avertissement que d'une vendetta.

« On va la faire simple : je ne vais pas poser de question, ni même chercher à savoir ce qu'il s'est passé dans sa tête à ce moment-là. » dit Eiriztraena, sa voix sombre et grave, aux antipodes de sa chaleur et de son ironie habituelle. « Je vais te laisser le bénéfice du doute pour cette fois, parce qu'on va dire que… je ne suis pas si facile que ça. Ceci dit, j'espère bien que c'est la dernière fois que ça arrive, car ma patience a des limites. » Sur ces mots, Eiriztraena relâcha Azralith, rengainant sa dague. Son regard pourpre demeura cependant figé sur ceux de sa compagne. « Si les choses sont maintenant claires… »

Et il valait mieux qu'elles le soient. Non pas qu'elle craignait cette drow sortie de nul part, Eiriz' n'appréciait pas être ainsi attaquée. Encore que, s'il s'agissait d'une plaisanterie, elle aurait certainement acceptée de jouer le jeu. Or, ce n'était pas le cas. C'était bien là la limite qu'elle voulait fixer entre l'amusement et l'agression, car il était fort probable qu'Azralith n'ait pas très aimé cette dague sous la gorge non plus. Les deux femmes étaient désormais quittes. Du moins, c'est ce qu'espérait Eiriz'.

Rejoignant l'avenue jonchée des étals du marché, les deux Drows reprirent leur chemin à travers la foule. Ssussun, comme l'avait surnommée Azralith, devait rencontrer un dernier contact, niché dans l'un des nombreux entrepôts du port. Comme ils devaient écourter au maximum leurs échanges pour éviter les soupçons, elle pouvait bien laisser sa nouvelle hyène l'accompagner. Il était même probable qu'il ne lui donne qu'un petit bout de parchemin sans prononcer le moindre mot. Quoi qu'il en soit, Eiriz' le retrouva dans son entrepôt. Parfaitement dans son rôle, l'espion de la Doth'ka ressemblait à un doeben assez soigné, et prenait soin de cacher tout ce qui pouvait le relier au Puy. En apercevant sa sœur des ombres, il désigna, avec sa plume qu'il tenait dans les mains, une grande caisse, derrière laquelle se cachèrent les deux Drows. Quelques instants plus tard à peine, le contact les rejoignit, donna un petit paquet à Eiriz' et repartit aussitôt. Cette dernière ne traîna pas plus longtemps et quitta l'entrepôt à son tour.

« Si tu veux que j'étanche ta soif de curiosité, ce ne sont malheureusement pas des richesses. En tout cas pas comment tu voudrais les imaginer… » fit Eiriztraena à Azralith, qui devait se poser bien des questions. Elle secoua le paquet, comme pour lui prouver que rien ne cliquetait. « Mais, c'était la dernière chose que j'avais à faire ici avant de repartir. Enfin, ça c'était avant de te trouver, bien évidemment. » Elle rangea son paquet dans sa saccoche, les yeux rivés vers la mer, au dessus de laquelle le ciel s'assombrissait. « J'imagine que madame se fiche bien de faire du tourisme et qu'elle préfèrerait un bon bain chaud et dormir sur un lit ? »

À dire vrai, Méthylène n'était pas la cité des plus intéressantes. Ce n'était certainement pas plus mal qu'Azralith ne soit pas encline à visiter les lieux. Eiriztraena ne pouvait que la comprendre, malgré ses sarcasmes. La première fois qu'elle avait débarqué à Thaar, et cela remontait à de nombreuses années en arrière, elle se fichait bien de la ville. Elle avait préféré se terrer dans une auberge pour se remettre de ce long voyage avant de se mettre au travail. Et elle n'était pas venue à pied, sans armes ni argent, nue dans le désert, contrairement à cette Drow qu'elle venait d'adopter.

Comme elle fréquentait beaucoup trop la plèbe ces derniers temps, Eiriz' s'abstint d'amener Azralith dans l'une des auberges miteuses de la ville, peuplées de brigands et de gens louches. De plus, elle craignait que sa compagne ne cherche les ennuis dans ces endroits où les bagarres éclataient bien trop rapidement. Elle avait déjà dévoré un garde et extorqué un marchand, il était préférable de rester discret pour la fin de la journée. C'est pour cela qu'Eiriztraena trouva un endroit plus branché et plus calme, sans pour autant être luxueux. Si Azralith savait se tenir, malgré son physique atypique, il ne s'y passerait pas grand chose. Cette fois-ci, c'est la chevelure blanche qui s'avança pour s'adresser au commerçant.

« De… une chambre pour deux, pour une seule nuit, avec de quoi se laver si possible. Merci. » demanda-t-elle, ne retenant pas un sourire narquois. L'aubergiste s'exécuta une fois que la Drow lui donna la somme dûe, et cette dernière se tourna alors vers sa compagne. « Si je te laisse sans surveillance, tu vas faire des bêtises, je commence à te connaître. » expliqua-t-elle, élargissant son sourire telle une enfant fière de sa farce. « Et puis, je vais te paraître radine mais… ça me coûte moins cher comme ça. Je n'avais même pas prévu de passer la nuit ici, au départ, et encore moins un compagnon de voyage. Si ça peut de nous éviter dehors à Qirya ou je ne sais où, ça m'arrangerait. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeJeu 27 Oct 2022 - 16:44


Oui, maintenant qu'elle sentait le contact froid mais familier de l'acier contre sa gorge, il lui semblait assez évident qu'elle l'avait mal pris. Fini les jeux, les faux semblants, cette intonation nouvelle qui parvenait difficilement à contenir son venin, c'était bien une eldéenne dans toute sa splendeur qui faisait désormais face à Azralith. Cette dernière aurait pu se réjouir en un sens car, même si son geste avait été impulsif, il lui avait permis d'éclaircir légèrement le personnage qui lui faisait face. Et elle semblait dangereuse, ce qui en soi n'était guère une surprise, un drow qui ne l'était pas était un drow mort.

La dame noire repensa alors au prêtre rencontré dans le désert et à sa poigne brûlante sur sa gorge. La scène avait été quasiment la même, le jeu laissant place à la colère, à la rage et à un combat qu'elle avait perdu. De toute évidence et même sans connaître ses capacités, si combat il devait y avoir contre Ssussun, elle ne pouvait en sortir victorieuse.

L'imposante drow serra les dents. Il en était ainsi pour les faibles et les perdants, et même pour elle qui avait cultivé sa force et sa puissance martiale d'aussi loin que ses souvenirs puissent remonter. Elle avait perdu contre son frère, tous les autres n'étaient que des charognards s'acharnant sur un combattant déjà à terre. Elle ne pouvait s'empêcher d'y voir là la vengeance du Créateur pour cet écart commis durant sa jeunesse. Ou peut être était-ce pour cette peur qui l'envahissait à l'approche de la mort ?

Mais qu'importe le nombre d'épreuves que le Père des Batailles pouvait lui envoyer, elle résisterait. Qu'importe le nombre de charognards maltraitant une exilée à bout de force. Qu'importe les supplices infligés par les serviteurs du visage hurlant. Elle leur montrerait à tous, elle allait s'élever à une telle puissance que rien d'autre que la crainte et l'appréhension ne l'entourerait, et elle arracherait alors leur braise encore chaude de leur corps brisés. Elle deviendrait l'incarnation physique du Créateur, de sa rage destructrice, de sa puissance sauvage et primitive et rien d'autre que le sang de ses adversaires ne saurait alors étancher sa soif.

La dague quitta soudainement sa gorge et ses muscles crispés se détendirent légèrement. Ssussun rengaina son arme et sa compagne lâcha un soupir, reprenant pied dans la réalité. Le pire dans tout cela, c'était qu'en vérité, Azralith aimait profondément son peuple. Elle était ambitieuse certes, quel drow ne l'était pas, mais elle souhaitait tout autant accomplir l'Eda Vengeur que de voir les siens s'épanouir. Elle n'avait pas cette nature sournoise et insidieuse à manipuler dans l'ombre, elle était franche, brutale et aimait à penser qu'elle était pourvu d'un certain sens de l'honneur. Elle rechignait même à prendre la vie des siens, si cela ne s'avérait pas nécessaire.

Elle observa d'ailleurs Ssussun s'éloigner vers le marché, lui emboîtant le pas rapidement.

« Et après, c'est moi qu'on traite de hyène hein ? » rétorqua-t-elle en arrivant à sa hauteur. « J'ai pas... Je voulais pas faire ça, c'est juste que... » Elle hésita un instant avant de poursuivre. « J'ai du mal à saisir pourquoi tu fais tout ça pour moi. » Et c'était la vérité, mais elle avait l'impression que les mots étaient bien plus stupides que ses pensées. « Boh, laisse tomber. »

Elle n'avait jamais été très forte pour exprimer correctement ce qu'elle ressentait, mais Ssussun avait fait preuve d'une gentillesse particulière à son égard et elle avait ressenti le besoin d'au moins essayer. Elle voulait également éviter que l'incident avec le prêtre ne se reproduise, un incident qui n'avait été provoqué au fond que par sa propre colère. Sa plus grande alliée mais aussi devenue particulièrement instable et dangereuse depuis le début de son exil.

Les deux femmes arrivèrent à destination, opérant alors dans une discrétion qu'Azralith ne comprenait pas complètement. Elle se garda bien cependant de poser la moindre question car si sa compagne ne souhaitait déjà pas lui donner son nom, ce n'était pas pour lui expliquer le détail de ses activités. Elle fut étonnée d'ailleurs que Ssussun la garde à ses côtés, elle s'était attendu à être laissée à l'extérieur, peut être était-ce dans l'éventualité d'un danger ?

Le paquet l'intrigua quelque peu, la transaction eut lieu sous ses yeux et elle avait l'impression d'assister à un dialogue muet. Mais elle savait pertinemment qu'elle n'aurait aucune réponse et au final, cela ne la regardait guère. Elle observa cependant avec des yeux ronds sa collègue secouer le paquet, se demandant si ce qui se cachait à l'intérieur était comestible. Mais fort heureusement pour celle que l'ennui et l'inaction commençaient déjà à gagner, il était désormais temps de trouver un endroit pour la nuit.

Ce fut donc avec un bien meilleur entrain qu'elle suivit sa compagne vers une auberge. Les lits devaient y être déjà bien petits pour Ssussun, alors elle n'imaginait même pas pour elle. Mais elle s'en fichait éperdument. L'idée de dormir sur autre chose que du sable et de la roche la faisait déjà saliver.

La douce mélodie d'un barde situé à l'entrée la fit légèrement sourire. Elle appréciait particulièrement ce genre de représentations, plus encore avec une bonne boisson forte et épicée et en agréable compagnie. Mais quelques notes de musique était déjà suffisantes pour l'apaiser, stimulant son imagination et ses rêves. Elle se rappela avoir maintes fois interprété un bruit sauvage dans le désert et l'avoir transformé en un orchestre, une véritable symphonie qu'elle seule était capable de percevoir.

Une fois à l'intérieur, Azralith croisa les bras en attendant que Ssussun règle la chose avec le propriétaire des lieux.

« Des bêtises hein ? » Ce fut à son tour d'afficher un sourire narquois. « Si tout ce que tu souhaitais c'était de partager ma couche, tu aurais pu le dire depuis le début. » Elle posa alors la main sur le crâne de Ssussun, frottant ses cheveux. « Tu n'as pas besoin de te justifier, si j'ai décidé de te suivre c'est pas pour me vexer dès que tu fais quelque chose. »

Elle passa à la suite de l'aubergiste dans l'escalier suivie de sa compagne, le maître des lieux leur indiquant leur chambre et la salle d'eau tout juste préparée, Azralith se dirigeant vers cette dernière sans attendre. Elle se baissa légèrement pour entrer dans la petite pièce sans fenêtre dans laquelle trônait au centre une baignoire ronde en bois recouverte d'un drap. Une délicate vapeur s'élevait dans les airs, maintenant les lieux dans une chaleur accueillante. La dame noire aurait plus que volontiers pris un bain brûlant, mais ses bandages avaient été récemment changés, et la plupart de ses plaies étaient encore fraîches.

Elle se déshabilla alors, s’emparant d'une éponge et fixant avec regret la surface fumante du bain qui semblait presque la narguer. Entre le désert et son emprisonnement, elle ignorait totalement à quand devait remonter son dernier véritable bain. Elle entreprit alors de se laver, frissonnant lorsque l'eau chaude, savonneuse et parfumée, se mit à mordre sa peau à pleine dents. Elle poussa un profond soupir alors qu'elle retirait la crasse que son court passage dans le fleuve n'avait pas réussi à enlever, dodelinant de la tête alors qu'elle entendait la mélodie étouffée du barde qui se trouvait au rez de chaussée.

Elle attrapa un chantepleure pour se rincer, le remplissant d'eau propre avant de le suspendre au dessus de sa tête, l'eau s'écoulant naturellement sur ses cheveux puis sur le reste de son corps. Mais ce dernier lui glissa soudainement des doigts, percutant le haut de son crâne avant de chuter vers le sol. Elle tenta de le rattraper, mais ce dernier ne semblait pas décidé à se laisser faire, propulsant soudainement de l'eau sur le visage et dans les yeux de la dame noire qui lâcha un grognement de surprise, manquant de perdre son équilibre.

Le chantepleure tomba alors au sol, roulant un instant avant de s'immobiliser sous le regard ardent et enragé de l'imposante drow. Voilà bien un ennemi qu'elle ne pouvait vaincre, car elle en avait terriblement besoin. Mais rien ne l'empêchait de le faire souffrir. Elle leva son pied avant de le faire retomber violemment sur l'ustensile, appliquant une force telle qu'il se mit à émettre un craquement ô combien satisfaisant. Mais son talon passa soudainement à travers, broyant le chantepleure sous la puissance de sa jambe. La dame noire écarquilla les yeux en réalisant ce qu'elle venait de faire, récupérant les morceaux du vaincu et les dissimulant sous une serviette propre, comme si elle cachait un cadavre.

Une fois essuyée et rhabillée, elle sortit de la petite pièce, ses cheveux ébouriffés offrant un spectacle encore plus chaotique qu'à l'accoutumée. Regardant rapidement à droite et à gauche, elle se dirigea alors vers la chambre qui avait été désignée par l'aubergiste. La porte grinça à son ouverture tandis que la drow en observait l'intérieur.

Une petite table avec deux chaises traînait dans l'un des angles de la pièce, faiblement éclairées par une bougie à la lueur vacillante et par la faible lueur du crépuscule qui passait par deux fenêtres. Le lit s'avéra bien plus imposant qu'elle ne l'avait pensé, des draps fins et colorés le recouvrant. Elle avait presque l'impression qu'ils l’appelaient, qu'ils la suppliaient de venir se rouler à l'intérieur, de s'y enfoncer pour ne plus jamais en sortir.

Le regard d'Azralith se dirigea alors vers l'une des fenêtres ouverte et sur Ssussun qui s'y trouvait, sa longue chevelure blanche désormais libérée lui descendait jusqu'en bas du dos. Elle se rapprocha alors, posant son avant bras sur le crâne de sa compagne et observant la palmeraie toujours clairement visible pour les yeux écarlates des deux femmes.

« J'aurais préféré des bâtiments à l'éclat pourpre ou de la lave en fusion, mais va falloir que je me contente de ça pendant un moment je pense. »
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeVen 28 Oct 2022 - 18:20

« Tiens, tiens… drôle de conclusion que tu nous tiens là. Heureusement que tu ne t'es pas changée ici, alors, sinon tu m'aurais sauté dessus. » rétorqua Eiriz' en haussant les sourcils d'un air étonné mais amusé. Elle croisa les bras, se laissant aisément caresser les cheveux. « Remarque, ceci expliquerait pas mal de choses, finalement. » renchérit-elle, posant l'index sur le menton pour prétendre penser. « Hm hm… D'un autre côté, je crois que j'ai très souvent fait cet effet là. Ce doit être les cheveux blancs. »

Eiriztraena prit une mèche de ses cheveux, et la fit basculer vers l'arrière telle une grande dame de la mode et de l'élégance. Son sourire n'avait disparu de son visage alors que les deux femmes montèrent rejoindre leur chambre. Azralith n'attendit pas plus longtemps pour partir faire sa toilette dans la salle de bain qui se trouvait en face. Pendant ce temps, la Garde Silencieuse inspecta la chambre de part en part. Trop précautionneuse, elle avait bien trop souvent été fouettée pour ces détails qu'elle avait pu manquer durant son apprentissage. Désormais, elle ne laissait plus rien au hasard. Dans la plus miteuse des chambres d'une auberge peu fréquentable comme dans la plus luxueuse pièce d'un hôtel. Les rideaux, les murs, les draps, les meubles, les dessous du lit, le plafond, tout y passait, comme si n'importe quoi pouvait la mettre en porte-à-faux dans cette pièce banale.

Elle termina son affaire peu de temps avant le retour d'Azralith, l'attendant les bras croisés, appuyé contre le mur, le regard perdu par la fenêtre. La grande Drow la rejoignit, bien qu'il n'y avait malheureusement pas grand chose à admirer. Effectivement, la vue qui s'offrait à elles n'étaient pas des plus captivantes. La nostalgie s'immisça alors entre deux Drows qui ressentaient un certain manque du pays. Elda n'avait rien à envier de ces villes vaanies, et leur était supérieur sur tous les aspects. Il n'y avait aucun doute la dessus.

« Tu sais, cela fait longtemps que je traîne régulièrement en Itri'Vaan et… il n'y a rien à faire, le Puy finit toujours par me manquer. » soupira Eiriz' en haussant les épaules, avant d'asséner une tape sur le dos de sa compagne. « Mais, qui sait ? Peut-être que tu parviendras à trouver un charme à toutes ces villes. »

C'était bien là tout le mal qu'elle pouvait lui espérer, surtout si un retour imminent au Puy était aussi compromis que pouvait le penser Eiriztraena. Cette dernière s'apprêtait à quitter la chambre avant de subitement s'immobiliser. Se retournant vers Azralith, elle la fixa d'un air interrogatif. Puis, s'approchant doucement, elle se mit à renifler tel un limier et à l'inspecter comme si elle voulait vérifier qu'elle s'était bien lavée et qu'elle n'avait rien fait d'autre. Elle la savait capable de faire une connerie. Un type qui la regarde de travers, ou même qui cherche à se rincer l'œil (sinon plus). La Drow aux cheveux noirs ne paraissait pas capable de contrôler ses griffes et ses crocs.

« Mince alors. Ça fait bizarre. Tu ne sens plus la charogne ni la crasse. J'en conclus que tu n'as tué ni mangé personne. » fit-elle, s'efforçant de garder un semblant de sérieux, alors qu'elle lui prit une mèche de ses cheveux de jais pour les examiner. « En théorie, pour m'en assurer, je devrais vérifier la salle de bain… ou te fouiller, mais, dans ce cas, j'ai peur que tu ne tombes encore plus amoureuse de moi. » Elle relâcha sa mèche, tournoyant l'index au dessus de sa tête pour désigner sa chevelure, avant de sortir une brosse de sa saccoche pour la lui donner. « Si tu étais une hyène de chair et d'os, je me serais peut-être chargée de te brosser moi-même, mais j'imagine que tu peux le faire. Je vais prendre commande en bas, il y a intérêt à ce que ce soit fait d'ici que je revienne, car, moi, je ne mange pas avec n'importe qui. »

Non sans une révérence imitant celle des dames de la cour péninsulaire, Eiriz' laissa Azralith seule pour prendre commande auprès de l'aubergiste. En bonne Eldéenne, elle demanda un plat riche et des plus épicés, et un alcool très fort, bien qu'il était fort probable que cela demeure fade pour deux Drows issues des Prima Sanguis. Ces humains n'avaient pas le goût des bonnes choses. Mais, Azralith, du moins l'espérait Eiriztraena, appréciera peut-être la petite attention, du moins la tentative. C'était malheureusement une de ces choses auxquelles elle devra s'habituer ici-bas. Seuls les établissements tenus par des Drows proposaient parfois des plats et des alcools forts dignes d'Elda, mais ils n'étaient pas aussi répandus que ces vulgaires auberges humaines. Ceci dit, après un long périple dans le désert, nul doute qu'elle se ficherait bien du goût, d'abord préoccupée par l'idée d'enfin se sustenter correctement.

Une fois sa commande terminée, Eiriztraena remonta avec un plateau de belles pièces de viande fumante, l'odeur des épices parvenant néanmoins à lui titiller les narines. Comme tous les autres humains, l'aubergiste ne s'était pas privé de garnir les plats de quelques légumes. Quant à l'alcool, il ne s'agissait que d'un rhum brun banal. En somme, ce repas était plutôt simple, bien qu'il était plus riche que les deux Drows n'auraient pu l'espérer. C'était toujours cela de pris.

« Je voulais commander des humains rôtis, mais tu te doutes bien qu'ils n'ont pas ta viande préférée sur leur carte… même si c'est meilleur cuit que cru. » fit Eiriz', une fois rentrée dans la chambre. Elle posa le plateau sur la table, tirant les chaises pour s'asseoir. « J'espère que tu ne vas pas trop détester les repas de la région. La première fois est très difficile. Mais bon… il faut bien manger. » Sourire aux lèvres, elle suivit Azralith du regard jusqu'à ce qu'elle s'asseoit. « Hé beh dis donc ! Tu commences à ressembler à une femme. Moi qui croyait que je ne serai pas une bonne mère… Il faut croire que je me suis découvert un nouveau talent. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeSam 29 Oct 2022 - 0:20


Du charme ? Elle en doutait fortement. Certes, elle était curieuse de voir à quoi pouvaient réellement ressembler les différentes villes vaanies, mais de là à les apprécier ? Seule Thaar l'intriguait réellement, elle avait entendu nombres de descriptions à son sujet, certaines particulièrement fantasques. Il y avait aussi le cas de Sol'Dorn, et Azralith espérait pouvoir un jour contempler toute la puissance et la grandeur de la cité drow sans avoir à craindre pour sa vie.

Au final, les édifices naturels étaient pour le moment bien plus mémorables que les constructions humaines, elle se remémora la petite oasis et la beauté onirique et enivrante du désert plongé dans la nuit. Une beauté sauvage, farouche, qui surplombait en tout point celle de l'anaeh. Cette contrée verte impie transpirant la magie elfique et la perfidie putride de Kerhel.

Des souvenirs de cet enfer à l'éclat émeraude surgirent alors, elle entendit à nouveau le son des cors de guerre, cette bannière du premier Ost s'élevant au dessus des rangs, annonçant la charge sanglante à venir. Cette terre gorgée de sang et recouverte de cadavres et de morceaux de chairs arrachés et broyés, cette végétation oppressante désormais vêtue d'un linceul écarlate...

Azralith cligna des yeux, sortant de sa rêverie en constatant que Ssussun s'était rapprochée d'elle et la reniflait. Elle ne put s'empêcher d'arquer un sourcil en la voyant examiner l'une de ses mèches.

« Je ne suis pas réellement une bête sauvage... Tu en as bien conscience ? » Elle devait bien avouer qu'en ces terres étrangères, elle perdait sa patience bien plus rapidement qu'à l'accoutumée. Mais à entendre les mots de sa compagne, l'on aurait pu croire à un monstre sanguinaire désormais lâché en liberté. Quoi que... A bien y réfléchir, elle appréciait la comparaison. « Qu'est ce que ça ferait de toi sinon, une zoophile ? »

Lorsque Ssussun lui donna sa brosse à cheveux, la dame noire l'attrapa du bout des doigts et la regarda comme si l'on venait de lui confier un cadavre de rat en décomposition. Il s'agissait là d'un ustensile particulièrement saugrenu, permettant d'opérer un rituel auquel elle ne s'adonnait quasiment jamais. Quel intérêt ? Personne n'appréciait la teinte de ses cheveux, et ce n'était pas ça qui lui permettrait d'avoir un quelconque avantage au combat.

Lorsque Ssussun quitta la pièce, la dame noire ne put s'empêcher de lâcher un grognement. Elle avait la désagréable sensation que l'on essayait de la domestiquer, ce qui ne lui plaisait guère. Lâchant un soupir, elle consentit néanmoins à faire un effort pour sa compagne, au grand dam de la brosse qui se retrouva rapidement mêlée à un chaos capillaire des plus désastreux.

Azralith afficha une grimace tandis qu'elle tirait de toutes ses forces sur l'ustensile qui peinait à faire son travail correctement. Plusieurs touffes se retrouvèrent par ailleurs prises au piège, arrachées de leur crâne porteur. L'exercice s'avéra finalement bien plus physique qu'elle ne s'y était attendue et y voyant une forme de défi, la dame noire entreprit alors de défaire le moindre de ses nœuds. Sa chevelure de jais retombait sur sa fourrure et le haut de son dos, et ses mèches, conservant néanmoins leur entropie habituelle, se retrouvèrent bien plus ordonnées qu'elles ne l'étaient d'ordinaire.

Elle lâcha alors la brosse au sol, victorieuse.

Un doux fumet annonça l'arrivée de sa compagne et rappela soudainement à l'imposante drow à quel point elle était affamée. Elle rejoignit Ssussun à la table, observant avec des yeux ronds les diverses pièces de viande qui se trouvaient sur le plateau. La chaise grinça, exprimant son mécontentement lorsqu'elle se posa dessus.

« Profites-en, ça ne durera guère. » Répondit-elle à sa compagne. « Et n'espère pas m'approcher avec d'autres artifices de coquetterie, je risquerai de mordre. Non pas que ça te déplairait... »

Même si elle ne parvenait pas entièrement à cerner sa compagne, Azralith appréciait cependant réellement cette humeur bondissante qu'elle semblait conserver avec elle en permanence et ce petit jeu qui s'était rapidement instauré entre elles. Une fraîcheur exquise et inattendue qu'elle accueillait à bras ouverts. A quand remontait le dernier repas qu'elle avait pu partager avec ne serait-ce qu'une connaissance amicale ? Elle ne parvenait même pas à s'en souvenir.

Hostilité, haine, mépris, il était rare de lire autre chose dans le regard des drows qu'elle côtoyait d'ordinaire. Peu importait l’entraînement, les efforts, la douleur endurée, peu importaient même les résultats, rien ne suffisait. Elle s'était alors renfermée, se forgeant dans la recherche toujours perpétuelle de l'excellence, de la puissance, cherchant à faire briller d'un éclat incandescent son sang Zaurahel, prouvant à tous sa légitimité. Ah ! Ça aurait sans doute pu marcher en Péninsule, mais tout ce que cela lui apporta au Puy fut une puissante haine fraternelle qui lui arracha sa liberté.

Et désormais elle se trouvait assise dans cette auberge vaanie, immobile, la mine sombre, tentant d'entretenir un tant soi peu sa relation avec ce qui pouvait très bien s'avérer être une actrice formidable. Elle balayait tout le temps ces pensées noires, mais elles finissaient immanquablement par revenir. Un parasite qui lui gravitait autour en permanence, peur, colère, stress, nostalgie, leurs vrilles insidieuses s'insinuant dans son crâne, contrôlant ses pensées, ses émotions, parfois même ses actes.

Mais fort heureusement pour elle, elle en était pleinement consciente et elle n'avait pas l'intention de laisser son frère continuer de la torturer impunément alors qu'il se trouvait bien loin. Elle vivait et elle pouvait le jurer sur le nom du Père des Batailles, elle continuerait de vivre chaque instant avec une telle intensité et une telle passion que même la mort ne serait pas suffisante pour lui infliger le moindre regret.

Envahie d'une énergie nouvelle, Azralith s'empara du rhum vaani et porta la bouteille à ses lèvres, laissant le liquide s'engouffrer dans sa gorge sans retenu. Le goût était fade, presque exécrable, bien loin des merveilleuses notes d'une bonne liqueur de Shyk'na. Mais la dame noire poursuivit sa descente, finissant presque la moitié de la bouteille avant de reprendre bruyamment sa respiration. Le taux d'alcool y était plutôt faible et c'était une bonne chose car l'imposante drow malgré sa corpulence, était bien moins résistante à ses effets que ses congénères.

« Je le savais ! » S'exclama-t-elle en posant violemment la bouteille sur la table. Elle afficha un grand sourire, quelques gouttes coulant du coin de ses lèvres. « Je pensais que t'avais quand même un petit peu plus de respect pour moi que d'essayer de m'empoisonner avec de la pisse de chameau ! » Elle s'empara alors soudainement d'un morceau de viande que Ssussun s'apprêtait à manger. « Tiens, pour la peine. »

Elle mordit à pleine dents dans cette chair croustillante à l'origine inconnue, savourant cette sensation exquise et ce léger piquant des épices vaanies à sa surface. C'était loin d'avoir la force et le caractère d'une viande humanoïde, mais la cuisson avait été particulièrement bien maîtrisée et ça changeait des insectes suceur de sang du désert. Elle ne s'était pas attendu à un tel assaisonnement dans un plat humain, mais à bien y réfléchir, c'était sans doute là l’œuvre de sa compagne.

« Ça, c'est mieux. » Dit-elle en gigotant un instant le morceau de viande à moitié dévoré avant de reprendre sa dégustation. « Et épicé en plus. Je vois que quelqu'un a pensé à moi. » Elle engouffra rapidement le reste, passant un doigt sur ses lèvres avant de s'essuyer. « Je m'attendais à pire honnêtement, mais j'imagine qu'il est aisé de surpasser la saveur d'un lavascar grillé. »
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeDim 30 Oct 2022 - 2:03

« Oooh ? On n'aime pas se pouponner ? Mince alors, moi qui pensait te faire découvrir les merveilles du rouge à lèvres et des fards à paupières. Je suis très désappointée. » répondit Eiriz', non sans une pointe d'ironie malgré la certaine réalité de ses propos. « Si jamais tu changes d'avis, préviens-moi. Si ça peut m'éviter des coups de crocs… »

Le maquillage, la coiffure et bien d'autres activités dites “féminines” faisaient partie de son travail. Non pas qu'elle prenait cette peine quotidiennement, Eiriztraena savait très bien qu'elle ne pouvait y couper, notamment lorsqu'elle fréquentait des endroits où luxe et élégance se côtoyaient de près. Il était difficile de s'en approcher, et donc de les espionner, si l'on ressemblait à un esclave ou un mendiant. Azralith ne prévoyait probablement pas de fréquenter ces mêmes personnages, et, vu son allure, il était peu probable que les arts occultes de la coquetterie aient fait partie de son enseignement. Sauf si Tesso avait trouvé sa nouvelle prodige.

Était-ce seulement le cas ? Probablement pas. Les adeptes de Tesso comme les espions de la Doth'ka endossaient un rôle dans un but précis. Ils infiltraient tout ce qui pouvait l'être pour récupérer quelque chose d'utile, qu'il soit matériel ou non. Pour ce faire, il fallait savoir ne pas se faire remarquer. Dès lors, Azralith partait perdante d'office. Les géants ne faisaient pas de bon espions. Ils ne faisaient pas toujours de bons soldats, soit dit en passant. Puis, même si elle pourrait incarner un autre personnage, il fallait le faire pour une raison, chose qui semblait lui manquer pour l'instant.

Pourtant, Eiriz' se posait mille questions à son sujet. Comme s'il lui manquait une seule chose pour bien la cerner. Elle était une mosaïque dont il lui manquait une pièce, disparue, volée, ou simplement égarée pour compléter l'œuvre. Nul doute qu'avec l'aide de ses réseaux, elle pourrait retrouver cette pièce manquante, mais ce n'était pas possible pour l'heure. Peut-être même qu'elle pourrait y parvenir sans. Peut-être même qu'elle cherchait un détail où il n'y en avait pas. Mais, Eiriztraena ne pouvait croire qu'une Prime Sanguis puisse être totalement banale, qui plus est une Zaurahel.

Devant elle, Azralith attrapa soudainement la bouteille de rhum pour l'avaler quasiment cul-sec. C'est à ce moment-là qu'Eiriz' fut ravie que cette auberge ne proposât pas de boissons plus fortes. L'alcool déliait les langues, et elle n'était pas sûre de vouloir confier ses secrets. Elle n'avait que trop appris à bien les protéger, à tel point que plus personne n'était, à ses yeux, digne de les connaître. Il suffisait de confier un seul secret à la mauvaise personne pour qu'elle se retrouve en mauvaise position. Cela ne lui était jamais arrivée, et elle désirait au plus profond d'elle-même ne pas la vivre.

« Hé ! Oh ! » s'exclama-t-elle, alors qu'Azralith lui chaparda son morceau de viande qu'elle allait manger. « Et si j'avais voulu t'empoisonner, j'aurais commandé un jus de fruit, ou même de l'eau. » Elle tapota sa tempe avec l'index, comme pour prouver sa créativité. « Oh… si j'avais su… rien que pour voir ta tête j'aurais dû essayer. »

Cela aurait été cruel, mais amusant. Rien n'était plus drôle qu'un Eldéen découvrant l'alimentation d'un humain. Les fruits et légumes, parfois amers, parfois sucrés, et ces alcools tels que le vin et la bière. Eiriztraena elle-même était passée par là, très souvent chariée par ses supérieurs qui, eux, s'y étaient habitués avec les années. Désormais, elle tenait sa petite revanche. Du moins, elle aurait pu l'obtenir, mais elle n'était pas assez cruelle ou malfaisante pour cela. De toute manière, Azralith allait forcément devoir s'y confronter. Qu'elle accélère le processus ou non n'y changeait pas grand chose.

« Quelqu'un a pensé à toi ? Tu crois que le tenancier t'aime bien ? » demanda Eiriz', feignant l'innocence en mangeant sans se préoccuper de la réaction de sa compagne. « Hé ! Peut-être que, grâce à ça, il ne nous fera pas payer le dessert. » ajouta-t-elle avant d'éclater de rire. Ce mensonge n'avait aucune chance d'aller plus loin, de toute façon. « Remarque, je plaisante mais il ne sait pas encore que tu es adepte des morsures. Il a encore de quoi rêver. »

Les deux Drows terminèrent leur repas, Eiriztraena faisant même l'effort de manger les légumes les plus épicés. Cette dernière devait bien admettre que l'assaisonnement était plutôt bon, et que ce repas est loin d'être le pire qu'elle avait pu mangé en Itri'Vaan. La bouteille de rhum, elle, était déjà vide depuis un moment. Mais, comme il était fade et banal, Eiriztraena ne le regrettait pas, tout comme Azralith. Il avait au moins conservé sa qualité de digestif.

« Ne t'inquiètes pas tant, d'ici qu'on arrive à Thaar, on aura le temps de découvrir les merveilles de la gastronomie locale. » railla Eiriz', appuyée contre le dossier de sa chaise, la tête légèrement basculée vers l'arrière. Elle se redressa d'un coup, comme si elle venait d'avoir une grande idée du Cycle. « Du poisson ! Tu vas pouvoir manger du poisson ! Comment ai-je pu oublier ça ?! Rah, suis-je bête… »

Décidément, Eiriztraena était complètement passée à côté. Était-elle si peu cruelle ? Ou si peu créative ? Peut-être un peu des deux ? Ou n'était-elle pas capable d'en faire preuve si cela ne lui apportait rien en particulier ? Elle avait intérêt à se rattraper dans les prochains, sans quoi elle risquait de paraître faiblarde, ou pire.

« Enfin… j'imagine qu'on a enccore le temps pour ça. Hm ? Il y a tant de choses que tu dois découvrir sur ce merveilleux pays… »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeLun 31 Oct 2022 - 11:47


Ssussun y mettait tant d’énergie ! A l'écouter parler, on aurait presque pu croire qu'Azralith se trouvait ici de sa propre volonté. Peut être était-ce justement là son intention, peut être souhaitait-elle aider à sa façon en favorisant l'oubli, ayant sans aucun doute pu deviner les circonstances qui avaient mené la dame noire dans cette situation. Si tel était le cas, Azralith lui en était reconnaissante. Car sa compagne, bien qu'ayant montré qu'elle possédait un côté venimeux, ne semblait pas tarir de petites attentions généreuses. Et c'était sans compter ses nombreuses aides, les soins, les vêtements, le repas, la chambre.

En d'autres circonstances, on aurait pu y voir les gestes attentionnés d'un jeune homme en mal d'amour tentant de séduire la dame de son cœur. Et dans le cas présent, Azralith soupçonnait que Ssussun était simplement une eldéenne ravie de pouvoir partager la route avec une camarade. Une véritable aubaine pour l'imposante drow qui remercia silencieusement les deux défunts garde pour lui avoir permis de la rencontrer.

Et en dehors de cette générosité opulente, elle appréciait ce caractère, ce petit minois narquois et cette dangerosité sombre qui se dissimulait en dessous. Cette attitude nonchalante qui la traitait en permanence comme une bête sauvage qu'elle venait d'adopter, mais sans réelle méchanceté, toujours avec cette lueur pétillante dans son regard.

« C'est que tu parviendrais presque à me donner hâte. » Déclara Azralith qui n'osait jouer plus que de raisons avec les pieds de sa chaise gémissants au moindre de ses mouvements. « Et je vois que tu as l'intention de me garder un moment, la hyène a fait son effet on dirait. » Elle se leva alors, s'étirant un instant avant de fixer Ssussun du regard, affichant un léger sourire. « Merci. »

Chose étrange que de formuler un remerciement sincère. Ils s'avéraient tellement souvent sans saveur et cachant un prétexte dans la société drow qu'ils n'avaient quasiment plus aucune valeur. Une habitude, un réflexe de courtoisie, tout au plus. Sans compter qu'il s'agissait d'un aveu de faiblesse, de la nécessité d'une aide et de la gratitude de l'avoir reçu. Et les eldéens n'appréciaient pas franchement la faiblesse. Mais dans le cas des deux femmes, la barrière était sur le point d'être franchie.

Car dormir dans un même lit était déjà en soi un signe assez flagrant de confiance. Il était malheureusement impossible de maintenir sa vigilance pendant le sommeil. Le corps se retrouvait désormais sans défense, à la merci du premier venu mal intentionné. Il en devenait si aisé de prendre la vie même du plus redoutable des guerriers. Ssussun lui faisait donc suffisamment confiance pour se montrer vulnérable à ses côtés. Chose qui était d'ailleurs valable dans les deux sens.

« En tout cas, tu m'as l'air sacrément bien accoutumée à la vie locale ma chère. » Rétorqua Azralith qui se saisit d'une main de sa compagne avant d'y déposer un baiser avec un sourire, toujours dans la parodie de l'étiquette péninsulaire. « Ne serais-tu pas au final une simple Doeb qui se croit Eldéenne ? J'en serai profondément déçue si c'était le cas... » Elle tira alors sur son bras pour la relever, lui faisait directement face. « Mais si tu restes collée à moi, j'en déduis qu'il te reste un minimum de bon goût. »

La dame noire fléchit subitement un genoux, passant un bras derrière les jambes de Ssussun et l'autre dans son dos, la soulevant soudainement pour la porter comme une princesse. Ses muscles étaient toujours endoloris, mais l'effort fourni n'était guère difficile, sa partenaire était grande mais très légère.

« Vous souhaitez vous rendre quelque part Dame Ssussun ? » Interrogea Azralith qui affichait un large sourire, une lueur malicieuse dans le regard, avançant de quelques pas vers la porte. « Je me demande la réaction qu'auront l'aubergiste et les autres humains en vous voyant ainsi... »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeVen 4 Nov 2022 - 21:10

« La hyène qui n'est pas si sauvage, visiblement, oui. » fit Eiriz' en penchant la tête sur le côté d'un air étonné. « Pourquoi tant de sentimentalisme, si soudainement ? »

Bien qu'elle lui avait sauvé la vie, l'avait habillée, nourrie et logée, Eiriztraena ne s'attendait pas à ce simple remerciement, et surtout pas maintenant. La conversation semblait trop légère pour y glisser le mot “merci” de manière parfaitement sérieuse. Puis, nombreux étaient les ingrats, au Puy d'Elda comme en Itri'Vaan. Certes, Eiriz' n'agissait pas toujours (pour ne pas dire jamais) de manière inintéressée, mais cela n'empêchait jamais celui ou celle qu'elle aidait de faire preuve de gratitude lorsque l'opportunité se présentait. D'un autre côté, Azralith, dans sa situation, n'avait que cela à lui témoigner. Si elle était riche, elle l'aurait sûrement payée avant de tourner les talons. Cependant, si elle était riche, elle ne se serait pas retrouvée dans cette situation.

Les deux Drows avaient pris l'habitude de jouer entre elles, de s'amuser sans se donner la peine, du moins en apparence, de discuter honnêtement. Ce n'était d'ailleurs pas dans l'habitude des eldéens, car cela devenait trop rapidement perçu comme un signe de faiblesse. Ce n'était pas quelque chose d'envisageable au Puy. Ils devenaient si durs et orgueilleux que des simples mots tels que “merci” ou “de rien” paraissaient creux, comme s'ils n'existaient sans réel but. Cela avait ses qualités comme ses défauts, selon la situation.

« Ou alors je reste avec toi parce que je l'ai définitivement perdu, qui sait ? » la chambra Eiriz', alors qu'elle la laissait la toucher sans trop savoir où cela la mènerait. « Trop d'exposition au soleil peut nous faire tourner la tête. Et ça fait un moment que je travaille ici, tu sais. » Trop longtemps, aurait-elle pu ou du ajouter. « Tu le verras bien assez tôt… qu'est-ce que tu… »

Sans qu'elle n'ait eu le temps de comprendre ce qu'il se passait dans la tête de cette Drow aux cheveux de jais, Eiriz' se retrouva soulevée par cette dernière. Cette fois-ci, Azralith n'était pas agressive, elle ne faisait que poursuivre ce jeu des imitations de la Péninsule, de leur étiquette à la culture du chevalier servant. C'était bien la première fois qu'Eiriztraena se retrouvait dans une telle situation, mais l'ironie de la situation l'amusait plus qu'autre chose.

« L'aubergiste renoncera définitivement à l'idée de te séduire, tandis que les autres se demanderont ce qui se trame chez les Noirelfes… ou chez les Péninsulaires. » répondit-elle, avant de passer le bras derrière le cou d'Azralith pour pouvoir se redresser, approchant son visage du sien. « Je ne crois pas qu'ils soient au courant qu'il y ait des Drows parmi les chevaliers péninsulaires. » chuchota Eiriz' comme si elle voulait préserver un secret. « J'espère que tu n'es pas déjà une pentienne, hm ? Ce serait une trahison des plus graves, et… cela me briserait le cœur. »

Après avoir pris la même voix, Eiriztraena se débattit des jambes puérilement telle une adolescente prude et timide, à l'instar des péninsulaires. Elle bougonnait telle une enfant à qui on lui refusait ses caprices, alors même qu'elle faisait semblant de ne pas pouvoir lutter.

« Mais, je ne te pensais pas si romantique, dis-moi. » souligna Eiriz' qui tapota la tempe d'Azralith avec l'index. « Quelles autres surprises tu me réserves ? Hm ? Pas des mauvaises j'espère ? » fit-elle en plissant les yeux d'un air suspicieux. « Remarque, que pourrais-tu m'annoncer de pire qu'être pentienne… »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMar 8 Nov 2022 - 13:30


L'image d'un drow vêtu tel un chevalier péninsulaire s'insinua dans son esprit, le gredin accompagné de son écuyer parcourant les étendues verdoyantes, cherchant princesse à sauver, tort à réparer et chargeant sans vergogne ces moulins aux allures de monstres sanguinaires. Elle se demandait d'ailleurs si elle aurait la possibilité de parcourir de tels paysages au cours de son périple. Loin de la putridité de Kerhel, un paysage verdoyant et paisible, un frère proche du désert nocturne, mais rempli de vie.

La dame noire observa alors avec un sourcil levé cette parodie de caprice enfantin se déroulant juste dans ses bras. En d'autres circonstances, elle aurait pu trouver la scène gênante voir carrément repoussante, mais étrangement, venant de Ssussun, cela ne la dérangea pas réellement. Ça lui allait d'ailleurs peut être un peu trop bien, pensa-t-elle avec un rictus.

Romantique ? Voilà bien un terme que l'on avait jamais utilisé pour la qualifier. Était-ce ainsi que Ssussun percevait son comportement ? Se cachait-il sous cette couche débordante d'ironie et de sarcasme une âme sensible cherchant la proximité de son prochain ? Cela aurait pu expliquer bien plus facilement cet étonnant altruisme et lui donner un sens moins ordinaire.

Ssussun n'était guère lourde mais ses muscles endoloris peinaient à maintenir un effort même minime, Azralith déposa alors son fardeau au sol, se redressant et replaçant correctement sa fourrure.

« Si seulement tu savais toutes celles qui t'attendent... » Rétorqua-t-elle en frottant vigoureusement de sa main valide le haut du crâne de sa compagne comme à son habitude. « Mais tu comprends bien que les dévoiler ici en retirerait tout le plaisir. » Elle fit rouler son épaule gauche avec une grimace de douleur avant de se détourner, agitant sa main dans les airs. « Tu as accepté une hyène à tes côtés, il va falloir assumer. »

Elle contempla le lit d'un regard avide, son dernier effort lui ayant douloureusement rappelé l'état d'épuisement dans lequel se trouvait son corps. Elle passa délicatement sa main sur la soie colorée, frissonnant d'anticipation à l'idée de s'enrouler toute entière à l'intérieur, de sentir son contact contre sa peau nue.

Elle se déshabilla alors, laissant tomber au sol la fourrure, la toge et les lanières de cuir, plongeant la tête la première dans le lit. Un grondement accompagné d'un soupir s'échappa de sa gorge, son dos appréciant le moelleux du matelas qui contrastait tant avec la roche stérile. Elle gesticula un instant sous les draps avant de sentir le sommeil la rattraper, s'immobilisant alors dans une position des plus étranges, prenant la plus grande partie de la place sur le lit.

Elle n'eut pas le temps de laisser son esprit voguer au gré de son imagination et de ses pensées tumultueuses, les ténèbres la happaient déjà, l'engouffrant toute entière dans un repos dont elle avait terriblement besoin.
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Eiriztraena Deäl'Honn
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMar 8 Nov 2022 - 18:31

Eiriztraena regrettait presque d'être si tôt reposée sur le sol. Non pas que les bras d'Azralith pouvaient remplacer un bon lit, mais elle espérait pouvoir la titiller un peu plus dans cette situation. Néanmoins, elle ne pouvait qu'admettre que la colosse aux cheveux noirs avait raison. Dévoiler la surprise en retirait tout le plaisir, ou le malheur selon les situations. Elle n'avait plus qu'à espérer que ces surprises soient agréables, mais ce n'était pas forcément chose gagnée. Après cet épisode fâcheux dans la ruelle, Eiriz' pouvait-elle baisser complètement sa garde, au risque de finir dévorée par une Drow aux crocs acérés ? Aura-t-elle à chaque fois cette minuscule fenêtre lui permettant de réagir à chaque fois ?

Sans n'avoir eu une seule opportunité de comprendre ce qu'il se passait, Eiriztraena regarda, non sans étonnement, Azralith se déshabiller et se jeter dans le lit en toute hâte. Quelques secondes furent nécessaires à la Garde Silencieuse y penser. S'agissait-il d'une nouvelle farce, d'un leurre ou simplement du besoin de dormir ? Pouvait-elle vraiment s'allonger à côté d'elle sur ce lit sans risquer une très mauvaise surprise ? La solitude avait au moins cela de bon que l'on ne se souçait jamais de celui qui nous accompagnait. Quoi qu'Eiriz' n'ait jamais eu de problème à travailler en équipe, Doth'ka oblige, mais, cela ne l'empêchait jamais de veiller à ce que son allié n'aspire à la devancer. Non pas qu'Azralith ne cherchait à lui prendre sa place, d'autant plus qu'elle ne savait pas qui était sa compagne, mais cela ne la rendait pas plus prévisible.

Eiriztraena fit le tour du lit, s'approchant discrètement de la colosse allongée sous les draps. Elle l'examina sous tous les angles pour s'assurer qu'elle dormait, tendant l'oreille pour espérer l'entendre ronfler. Soit elle feignait le sommeil, soit elle dormait en silence. Quoi qu'elle aurait pu être capable de faire semblant de ronfler, donc cela ne prouvait rien. Les yeux plissés et les bras croisés, Eiriztraena regardait sa compagne dormir, mais quelque chose la tracassait. Finalement, elle refit le tour du lit pour se trouver à l'emplacement vide et, sans aucune forme de tact sans pour autant être brutale, elle se jeta sur sa compagne, la secouant par l'épaule.

« Hé ! Tu me dis si je t'emmerde ! » s'exclama-t-elle, une fois Azralith réveillée. Eiriztraena posa ses deux mains sur son épaule et y appuya sa tête. Elle prit un air enfantin et innocent. « On ne souhaite même pas la bonne nuit et les beaux rêves ? Où est passé ton esprit chevaleresque ? » gronda-t-elle, continuant néanmoins de l'agiter légèrement par l'épaule telle une petite fille trop collante et capricieuse. « Dame Ssussun ne souhaitait rien de particulier, mais elle ne voulait pas que tu l'abandonnes pour autant. »

Était-ce seulement une bonne idée que de troubler une hyène pendant son sommeil ? Eiriz' le saura bien assez tôt. Si son bras achève sa route dans l'estomac de la colosse, cela lui donnera une première réponse. Rares étaient les cas selon lesquels elle prenait des risques inconsidérés, mais, une force invisible, quel qu'il soit, l'avait poussé à tenter sa chance. La frustration ? La surprise ? Ou cette simple envie de s'amuser encore un petit peu ? Peut-être une combinaison quintescente de tous ces sentiments ? Une opportunité pareille ne se présentait pas tous les matins.

« Tu as insisté sur le fait que les hyènes étaient sociables. » renchérit-elle, souriante telle une enfant malicieuse feignant l'innocence, avant de plonger l'une de ses mains dans la chevelure d'Azralith. « Alors Dame Ssussun refuse que tu la laisses ainsi sans un mot. »

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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMar 8 Nov 2022 - 21:14


La lumière perçait à peine au travers d'un épais manteau de nuage, les pointes noires des plus haut bâtiments semblaient presque se perdre dans le sombre firmament, touchant du bout des doigts le domaine des dieux. La ville paraissait gigantesque, mais obscure, vide, dénuée de la moindre âme. En tout cas, en apparence. Car quand Azralith s'approcha d'une statue étrange au milieu d'un énorme escalier, elle eut l'impression d'être observée.

Cette ombre gigantesque, ailée, recouverte d'un voile qui rendait impossible la moindre description physique, cette ombre l'observait, ses deux yeux rouges transperçant la pierre elle même. Un frisson traversa la dame noire, car cette chose, quelle qu'elle soit, ne faisait pas partie de la Création. Et l'idée qu'une entité ne soit pas régie par les dieux était absolument terrifiante.

Elle sursauta lorsque quelque chose lui secoua soudainement l'épaule, ouvrant les yeux sur le plafond de la chambre. Elle tourna alors la tête sur la gauche pour constater que Ssussun avait fait de son épaule sa nouvelle demeure. La dame noire clignant des yeux pour se débarrasser de son engourdissement fut accueillie par un sermon, comprenant rapidement qu'il ne s'agissait aucunement du matin.

L'enfant capricieuse était de retour mais cette fois ci, l'ironie et le sarcasme semblaient s'être évaporés. Azralith contempla avec de grands yeux sa compagne, encore sous la surprise. Il fallait croire que son intuition n'était pas aussi perçante qu'elle ne le pensait. Elle avait vu en sa Ssussun une camarade de jeu, une eldéenne ravie de partager un peu de son temps avec une semblable, mais également une drow dangereuse, cachant sa réelle identité et ses actions derrière cette façade insolente.

Elle avait alors refusé de s'y attarder plus que de raison, par peur que la frustration ne génère un autre acte similaire à celui de la ruelle, refusant de n'être réduite qu'à une exilée en manque de compagnie, d'affection. Mais en voyant l'expression de sa compagne en cet instant, elle comprit que tous ses doutes et ses craintes n'avaient été que le fruit d'une paranoïa excessive et d'une volonté de paraître plus forte que nécessaire.

Lorsqu'elle sentit la main de Ssussun dans ses cheveux, la dame noire ferma les yeux un instant et lâcha un grognement de satisfaction. Cette simple démonstration d'affection contrastait tant avec ce qu'elle avait connu qu'elle ne put contenir sa réaction et moins encore cette sensation étrange qui l'envahissait. Cet apaisement que Ssussun provoquait si facilement en elle semblait décuplé en cet instant.

« Idiote » Dit-elle, gardant les paupières fermées. « Tu aurais pu le dire plus tôt. » Elle les rouvrit alors et passa l'un de ses bras autour de la taille de sa compagne, la ramenant près d'elle, pressant son corps svelte et élancé contre le sien pour l'enserrer dans son étreinte. « Dame Ssussun aura tout ce qu'elle veut si elle continue de traiter sa hyène de cette façon. »

Elle mordit soudainement la main de sa compagne qui la retira sur le champ, lâchant un petit rire en voyant sa réaction.

« Mais il est bien trop tard je le crains pour espérer m'apprivoiser. » Rétorqua-t-elle avant de l'enlacer davantage et de fermer les yeux. La fatigue et l'épuisement ne l'avaient pas quittés, mais elle avait une nouvelle priorité désormais. Elle adressa une prière silencieuse à la Voilée, la remerciant intérieurement pour avoir placé cette braise sur son chemin. « Est ce que ceci convient ? Ou est ce que ma Dame n'en est qu'au début de ses caprices ? »
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MessageSujet: Re: Pas aujourd'hui   Pas aujourd'hui I_icon_minitimeMer 9 Nov 2022 - 17:09

« Ce n'est pas comme si j'avais eu le temps. Tu t'es jetée sur le lit comme dans une fontaine à lingot d'or. » bougonna Eiriz' en grimaçant, alors qu'elle sentit la colosse passer le bras derrière elle. « Et puis… depuis quand on doit réclamer quelque chose entre nous ? Ts. »

Malgré la méfiance que l'une ressentait vis-à-vis de l'autre, ni Eiriz, ni Azralith n'avaient eu besoin de demander pour recevoir. Là était peut-être la raison d'une telle méfiance. Les Puysards n'étaient pas réputés pour leur générosité. L'Itri'Vaan n'était pas plus reconnu pour en abriter la pléthore. Difficile, ce faisant, de créditer quelqu'un d'une confiance aveugle lorsqu'il vous offrait gîte et soins, même sans contrepartie… souvent parce qu'il aspirait à réclamer un “remboursement” par la suite. L'argent n'était qu'un moyen parmi tant d'autres pour échanger, surtout en Itri'Vaan, et surtout pour quelqu'un comme un agent de la Doth'ka.

Eiriztraena retira immédiatement sa main lorsqu'Azralith essaya de la croquer. Nul doute qu'elle aurait pu la laisser faire, mais ses mains lui étaient trop précieuses pour prendre le risque d'en perdre l'usage. Un agent de la Doth'ka sans main ne valait pas mieux qu'un prêtre sans foi. Puis, quitte à garder la trace de morsure, elle préférerait qu'il s'agisse des crocs d'un kerkand ou d'un dragon plutôt que d'une Drow affamée. Pourtant, il existe certainement des situations où elle pourrait se demander lequel est le plus dangereux des trois.

Alors qu'Eiriz' s'apprêtait à se dégager de l'étreinte d'Azralith, cette dernière la resserra sans sommation.

« J'allais accepter de me contenter de ça, mais maintenant que tu proposes, j'hésite à en profiter ou non. Je suis face à ma conscience… » fit celle aux cheveux blancs, levant les yeux au plafond, l'index sur le menton d'un air pensif. Elle grogna et marmonna plusieurs fois des choses incompréhensibles avant de légèrement s'éloigner. « D'un autre côté, si j'en abuse, je vais finir dans ton estomac. » marmonna-t-elle, avant de s'agiter d'un air dégoûté. « T'as raison ! J'attendrai pour les surprises, et tu devras attendre pour les caprices. C'est bien mieux comme ça. »

Eiriztraena tapota le crâne d'Azralith du plat de la main, comme pour flatter une belle bête, et se dégagea du lit pour se relever. Elle prit les vêtements que la colosse avait jeté par terre pour les poser sur une chaise, et utilisa l'autre pour poser les siens, ainsi que sa ceinture, ses armes et ses bottes. Elle s'allongea sur le lit s'enroulant sur le peu de couette qu'Azralith n'avait pas avalé dans toute sa masse musculaire. Elle jeta un œil à sa compagne et, ne retint pas un sourire narquois.

« Bonne nuit ! À demain. » lui souhaita-t-elle en chantonnant comme si elle s'adressait à une gamine. « Fais de beaux rêves ! » conclut-elle, se retenant d'éclater de rire pour ne pas rompre le silence qui reprit son règne.

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