Le temps suspendu [solo]

2 ième énnéade de Favrius, 20:XI
Alëandir - jardins

Il y avait une joyeuse musique qui résonnait ce jour-là au sein d’un petit théâtre de pierre rongé par la végétation luxuriante. Ce dernier faisait depuis toujours la joie de pas mal d’artistes, en devenir ou accomplis, n’ayant pas encore le temps ou l’envie de se mesurer à la foule de l’Amphithéâtre des Telïume.

Sous le charme des cordes enjouées d’une mandoline, il y avait un seul danseur qui enchainait pirouettes et acrobaties souples avec une impressionnante précisions au milieux d'un parterre d'herbes folles. Autour quatre autres elfes observaient, admiratifs, le couple du musicien et du danseur en parfaite harmonie, formant un ballet improvisé et se lançant l'un puis l'autre chacun de nouveaux défis. 

Voilà bien longtemps que le soldat n’avait pu s‘adonner à ce simple plaisir. Et rien qu’à voir l’air de pure sérénité qu’il affichait, on pouvait deviner à quel point cela lui avait manqué… Avant d'être soldat et meneur d'homme, il était artiste et danseur.

Il ne pouvait pas dire que les derniers temps avaient été les plus stressants qui soient puisqu’ils avaient vu s’accomplir, enfin, son propre mariage et son souffle en était encore bercé d'une douce joie. Cependant, malgré tout, les moment d’abandon total comme celui-là étaient restés rares. Là, ce n’était pas à son esprit de décider d’une tenue, d’un mot, ou de quoi que ce soit. Là, il était seulement vêtu d'un pantalon léger, pratique et sans fioritures et sans un mots, il laissait son souffle guider ses pieds nus et c’était tout.

Seulement, comme toujours, ce bref instant de sérénité suspendu devait cesser, tôt ou tard. Alors qu’il s’apprêtait à enchainer une énième vrille, la corde de la mandoline se stoppa soudain. Un rire ponctua alors l’étrange spectacle d’un tout petit elfe, vacillant encore sur ses jambes fragiles, échappant aux bras de son gardien temporaire pour partir à la recherche d’une étreinte de son père. Longtemps, trop longtemps, elle avait été interdite par cette étrange rituel d’adultes que le tout petit ne pouvait comprendre. Protestant contre ces règles contre nature, le voilà alors qui entamait son chemin jusqu’aux jambes de l'elfe roux qui l’observait faire autant que les autres, poings sur les hanches.

Finalement, l’enfant parvint à accomplir son terrible périple non sans quelques trébuchements trahissant l’extrême nouveauté de ses nouvelles capacités. Alors le danseur se mit à sourire, plia les genoux, et accueilli le petit acrobate qui se jeta finalement tout entier dans ses bras.

-On dirait que ton fils est déjà sur tes pas. Nous aurons bientôt une nouvelle recrue à initier. Rit alors l’elfe qui l’avait laissé échapper.

-Je crois bien. Aegden donna une tendre caresse sur le crâne de son fils. Qu’en dit tu Elben ? tu veux danser ?

-‘I’ta ! Cria-t-il en battant des mains. ‘I’ta !

Alors, délicatement Le soldat souleva son fils de terre et se contentant de tourner sur lui même, le fit virevolter dans les airs, sans qu'il ne quitte réellement la sécurité de ses bras. Elben éclata de rire, encourageant son père à répéter l’opération quelques fois encore avant de se voir déposer un baiser sur sa tempe et de retoucher terre.

-Assez pour aujourd’hui. L’elfe l’encouragea à retrouver les autres, en soutenant ses petits pas malhabiles d'une main, attrapant de l'autre au passage le haut de son vêtement laissé sur une pierre. On a encore le temps avant de devenir grand et fort.