Préserver l'Héritage

L’aube était à peine levée. Ardamir dormait encore, bruissant d’une douce quiétude. Les forges ne ronflaient pas encore. Les apprentis et les maitres profitaient encore de leur sommeil réparateur, avant la journée de labeur qui s’annonçait.

Seule une silhouette s’activait depuis quelques dizaines de minutes déjà. Il agissait vite et efficacement. Personne ne devait le voir, personne ne devait se douter de ce qu’il tramait.

Souplement, ses mains vinrent boucler les dernières sangles de ses fontes avant qu’il ne se glisse au dehors de l’atelier silencieux. Il eut un regard en arrière. Même sa muse ne savait que vaguement qu’il devait s’en aller, mais ni où, ni quand.

***

Le soleil est haut dans le ciel lorsqu’enfin il s’arrêta au sein d’une petite clairière. Le forgeron n’est plus habité par la hâte, au contraire, ici ses gestes sont tranquilles, alors qu’il n’y a que l’œuvre pour témoin.
Doucement, il dépose à ses pied le fardeau qu’est sa lourde sacoche et, à genoux, il en sort un coffre de bois et une carte sur laquelle l’endroit est annoté avec précision.

Bientôt, un trou est creusé et il y place le coffre avec une déférence presque religieuse.
Ensuite, au-dessus, il plante une toute petite graine, fille de l’arbre forge qui grandit au lörn.

Un jour il l’espérait, cet arbre serait grand et rugissant, symbole de leurs précieuses forge. Et au creux de ses racines se tiendraient le contenu inestimable du coffret : les outils véladrien qu’il avait forgé de ses propres mains, en guise de renouveau de leur tradition. Et si les dieux le voulaient, ils reposeraient là pour l’éternité. Hêdirn ne comptait pas garder seul ce secret : lorsqu’un nouveau Toer Tamindal venait à s’élever, il lui transmettrait pour qu'il le conserve, et le transmette à sa suite.

Ainsi si par malheur les erreurs du passé venaient à ressurgir, jamais plus leur héritage ne viendrait à disparaitre.