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| [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] | |
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Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Sam 30 Mar 2024 - 20:59 | |
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Cinquième jour de la première ennéade de Karfias, de l'an VII    Lorsque l'horizon dévoile enfin une nouvelle ligne, l’espoir s’insinue dans les cœurs et les visages encore hagards s'illuminent. Da, que les Dieux soient loués ! Les derniers moments d’angoisse cèdent la place aux soupirs de soulagement et l’on entend, ici et là, quelques orémus adressés en direction de ces Cieux dépourvus du moindre péril. Miracle ! Signe divin ! Ne sont-ils point devenus des revenants échappés des abîmes ? Nul n'aurait osé espérer que ce navire, ayant bravé la traîtresse Eris durant la dernière infernale nocte, serait parvenu jusqu'à destination. Les souvenirs sont encore assez vifs et douloureux pour que tous se remémorent lorsque, captif des vents déchaînés et des vagues menaçantes, la Bastilla a frôlé maintes fois le naufrage, au risque d'engloutir ses occupants dans les abysses d'où l'on ne revient que rarement... Par miracle ou bonne fortune, la petite coque de noix s'en est tirée et l'aube a fini par poindre, avec de douces et rassurantes notes rosées. La silhouette côtière s'est dessinée, avec ses falaises abruptes et son ciel parsemé de cormorans et d'autres oiseaux venus saluer les rescapés avant d'aller se nicher sur la proue ou dans les haubans. Le calme est revenu et avec lui la promesse d'une vie plus longue pour tous ses occupants. Sur le pont, près de la barre, le capitaine dont le visage est encore rudement marqué par la bataille, délivre ses ordres avec ce qu'il reste de sa voix. Les membres d'équipage, semblant tout aussi las et pressés d'arriver, s'affairent quant à eux avec la rudesse des hommes de mer conscients que le jour n'aurait pu jamais se lever. La mort n'a donc point voulu d'eux et les a laissé partir. Oui, le plus dur est derrière, avec ceux que la déesse a néanmoins voulu rappelés ses côtés ; bien trop nombreux, pour sûr...    À l'approche des falaises abruptes de la côte ydrilote déjà cramée par les ardeurs de ce début d'été, le capitaine cède soudainement le timon à son bosco avant de gagner la passerelle. Les quelques passagers venus respirer l'air frais s'inclinent et le saluent, tandis qu'il fend la foule avec encore suffisamment d'aplomb pour se frayer un chemin. Ses pas, aussi pesants que des ancres, marquent le pont si durement éprouvé que des trous le transpercent en plusieurs endroits. Il avance laborieusement, laissant derrière lui quelques regards toujours aussi hébétés que lors de la nuit précédente. Les couloirs menant aux cabines sont sans dessus-dessous. D'innombrables vestiges jonchent encore le sol, tandis que l'eau de mer continue de s'immiscer. Il lui faut à présent enjamber des hommes épongeant les flaques et vidant les seaux. Mais enfin, après tant d'obstacles, il parvient devant la porte désirée ; celle du bout, réservée à la clientèle fortunée, et par là-même, maîtresse du bâtiment. Quelques coups fermes donnés à la porte sont aussitôt suivis d'un « entrez » impérieux. La poignée s'actionne et le capitaine, sans même se soucier de son apparence, pénètre enfin dans la cabine. Il aperçoit, assise sur l'une des deux couchettes, une femme dont le visage oscille entre une grâce maternelle et la rigueur inhérente à son rang. Dans ses bras, elle tient sa fille, dont les yeux semblent vouloir le deviner dans la pénombre, sans y parvenir. La petite infirme remue alors la tête, de haut en bas, et paraît encore éprouver le même mal de mer que depuis leur départ de Thaar. À l’opposé, sur un lit, repose le fils aîné, dont la nuit fut aussi courte que celle des hommes. Point de haut-le-cœur pour ce brave héritier promis à un grand avenir dans la marine. Le capitaine, respectueux, le salue au passage tout en reportant à nouveau son regard en direction de la seule véritable figure d’autorité qu’il s’est assigné à mener à destination, avec sa progéniture.    « La baie d’Ydril est en vue, sayyida Rahmini Ypsilantis, souffle-t-il en esquissant un léger sourire contraint.    — Des nouvelles de la Ferté ? demande-t-elle.    — Point depuis la veille au soir, sayyida. Mais… je gage qu’elle réapparaîtra lorsque nous aurons atteint le port.    — Puissent les Dieux vous avoir entendus, prononce Elvira en continuant de caresser délicatement la chevelure d’Adonia. Vous féliciterez vos marins pour leur vaillance, capitaine, en vous assurant qu’ils soient justement récompensés.    — J’y veillerai, grimace-t-il en songeant aux quelques funestes offrandes laissées dans les eaux. Autre chose, sayyida ?    — Non, disposez, maintenant ».    Le capitaine s'en retourne vers les quartiers de l'équipage, laissant ainsi la dame et ses rejetons à nouveau seuls. Le silence recouvre quelque peu ses droits, malgré les multiples craquements des charpentes mises à si rudes épreuves durant la nuit. L’allure digne de la matriarche s’estompe finalement au profit d’une apparence plus intime. Si elle parvient enfin à lâcher sa fille qu’elle a tenu fermement toute la nuit durant, c’est pour se rendre au près de la petite fenêtre où l’on aperçoit encore l’Eris à perte de vue. Elle guette un petit point, mais ne voit toujours rien. Comme si l’angoisse de la terrible nuit n’avait pas réussi à s’éteindre, elle ressent l’inquiétude de l’après, lorsqu’il faut songer aux disparus et celui qu’elle ne reverra peut-être plus jamais.    « Heracle, souffle-t-elle en direction de son aîné. Emmène Adonia sur le pont, veux-tu. Il faut qu’elle prenne l’air et… une fois là-bas, dresse le bilan des pertes pour que nous sachions qui prévenir à notre retour... Elle parvient à faire quelques pas dans son sens. Veille sur ta sœur et ne la laisse jamais seule, sous aucun prétexte, c’est compris ? insiste-t-elle tout en s’approchant désormais suffisamment près de lui pour qu’il soit le seul à pouvoir l’entendre. Lorsque nous serons chez votre aïeul, nous aurons une discussion, toi et moi, sur ce qu'il s'est passé cette dernière nuit... réclame-t-elle avant de terminer, Et... veillez à vous rendre aussi convenables que possible pour notre arrivée. J'ai bien peur qu'il nous faille faire les présentations sans votre père...»
Dernière édition par Adonia Ypsilantis le Ven 5 Avr 2024 - 13:09, édité 1 fois |
| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Mer 3 Avr 2024 - 18:44 | |
| Un cauchemar éveillé, duquel même l’âme la plus hardi eût souhaitée se réveiller pour s’y dérober. Décrite ainsi, il n’était mots autres et plus justes pour y décrire sa dernière vêprée. Son expérience bien que ténue face aux autres marins qui peuplaient le navire, avait essuyé par le passé nombres d’intempéries et de tempêtes, qui chaque fois s’étaient vues vaincue par la Bastilla. Auréolée par la renommée de ses innombrables pérégrinations, la nef Ypsilantis était aux yeux de tous ce que l’expertise Suderonne combinée au savoir-faire Vaanie pouvait offrir de mieux. Et pour preuve, asseyant sur cette notoriété une victoire additionnelle contre la tyrannique Éris, la Bastilla pouvait jouir à nouveau des eaux sereines. Ses voiles toutefois, portaient la quille du navire et se gonflaient par l’entremise d’une brise macabre, icelle engendrée par ces naufragés, dont les souffles d’agonie faisaient encore échos sur les mers. À la fin, qu’elle fût maigre ou replète, il n’était d’expérience en ce monde qui soit à même de préparer qui que ce soit à de telles tribulations. On ne peut apprivoiser la mort, pas celle-ci. Et Héracle, bien que son pied marin le tînt à bonne distance du mal de mer, ne s’en trouva guère pour autant exempté de maux. Courage, s’était-il répété à chaque fois qu’une vague avait cherché à oblitérer la coque du navire. Des vœux bien vains, lorsque les pleurs, les cris ainsi que le barouf du mistral et de l’intrusive flotte viennent haranguer le désespoir. Oh, il avait bien tenté quelques sorties héroïques sur le pont, chaque fois couronnées d’insuccès : soit par l’ordre irrécusable du capitaine de déguerpir au plus preste ou par le bouillon d’eau qu’il se prenait à la tronche alors que le pont se noyait sous les flots.
Il soupira lui aussi de soulagement, lorsqu’enfin, les suppliciés reçurent grâce du ciel. Il reprit contenance avant sa jeune sœur, oui, mais le regard hagard hantait son faciès aux traits éreintés. Lorsqu’il fût interpellé par sa mère, de mots ne réussirent à franchir la prison de ses dents, il consultât silencieusement icelle du regard, dans l’attente de ses directives prochaines. Il acquiesça tout aussi mollement, puis s’enquit de la présence de la menotte de sa sœur, dont il la tracta hors de ce simulacre de tombeau. Lorsqu’ils conquirent les premiers couloirs, les relents de panique de la veillée bondirent à leur nasaux : une poignée de marsouins étaient au pas de leurs derniers jours, la gueule aussi pâlotte que le cul d’une nonne, baignant dans leurs déjections les plus infâmes et démunis tous autant qu’ils étaient d’assez de force pour s’en extirper. Prudemment, il guida sa sœur dans ce labyrinthe de macchabées en devenir, de sorte à ce qu’elle ne s’embourbe pas dans quelques dégueulis. Après quelques temps, à serpenter au travers cette accablante désolation, la promesse d’une réelle délivrance se fit sentir : une brise fraîche, un air doux, salin, puis, la caresse d’un soleil dominant, dont les stratus brillaient par leur absence. Ses lèvres s’étirèrent aussitôt d’un sourire franc, presqu’ému, face à l’éclat de ce monde qui s’était montré tantôt si laid. « Je souhaiterais tant que tes yeux puissent admirer par-delà les miens, ma sœur. Il n’existe en ce monde de tableau plus beau et plus magnifique que celui de l’après-tempête… » Son bras vint délaisser la main d’icelle, puis conquit sa petite charpente au profit de ses épaules qu’il enlaça d’une accolade fraternelle. Après quelques instants, à contempler l’horizon, il guida sa main jusqu’au bordé, d’où elle pouvait prendre sécuritairement appui. « Mère m’a demandé de dresser le bilan pour elle, je te laisse prendre plein bol d’air frais. » Il l’ésseula, puis conquit le second pont, où dominait le quartier-maître ainsi que le timonier.« Le capitaine… »« S’est retiré, oui ; il a le fondement tout brun que le restant de l’équipage, mon garçon. » L’interrompit le quartier-maître, qui sembla avoir la mèche aussi courte que les heures de sommeil qu’il avait dans le corps. Droit comme une barre, le rustre observait l’horizon aux côtés du timonier, comme s’il chercha, à l’instar de sa mère, un point fixe en mer. « Ma mère aimerait s’enquérir des pertes, de ceux qui ont été rappelés à la mer… » Le quartier-maître ravala sa langue pour ne pas l’incendier de tous les noms. Il rappela à son souvenir l’importance de son patronyme et cherchât à excuser son indélicatesse… Après un silence qui lui parut une éternité, il répondit lentement, comme si à chaque mot on lui écorcha de nouveau le cœur. « La Ferté est portée disparue. Nous l’avons perdue de vue après la deuxième heure… Rien n’indique qu’elle soit coulée, mais il se peut que son équipage ait été mit en déroute et que les survivants ne parviennent pas à reprendre le bon cap… Il n’est pas impossible que le navire ait été endommagé ; notre mât de misaine d’ailleurs, devra se priver de sa voile. Quant au reste de l’équipage… Trois sont passés par-dessus bord, quatre sont grièvement blessés et plus d’une dizaine ne tiennent plus sur pied. Nous avons suffisamment d’hommes pour arriver à bon port mais, je suggèrerai au capitaine que nous gardions le cap avec le moins de voilure possible. Nous pourrons dès lors laisser aux matelots le temps qu’il leur faudra pour se remettre de leurs émotions avant d’arriver à destination pour l’amarrage... Les traits faciès du quartier-maître se crispèrent d’une colère latente, retenue et bâillonnée comme il le put. Allez narrer à votre illustre mère les séquelles qu’a causé son voyage, qu’elle puisse compter combien d’hommes elle n’aura pas à défrayer. »Héracle soutint son regard, sanguin, prêt à lui priver de l’usage de la parole d’un coup poing à la mâchoire. Et plutôt que de rajouter une couche sur tout le malheur qui s'était échu depuis la veille, il le remerciât d’un hochement tout simple du chef. Il s’en retourna vers sa sœur, mais sa voix n’avait plus rien de sa douceur de tantôt.« Viens Adonia, allons nous changer, Ydril sera a portée de vue d’ici quelques heures. »[/color]
Dernière édition par Heracle Ypsilantis le Jeu 6 Juin 2024 - 5:09, édité 2 fois |
| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Sam 13 Avr 2024 - 9:42 | |
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Est-ce donc l’impression ressentie lorsque l’on réchappe à Tyra ? Sont-ce là les sentiments perceptibles d’une salvatrice délivrance due à une improbable chance ? Elle a cru disparaître tout en ignorant si son ultime soupir serait exhalé avant que l’eau de mer s’immisce dans sa gorge ou avant qu’une poutre finisse par ployer sous la trop forte pression. Elle s’est trouvée si petite et insignifiante, lorsque la mer déchaînée les acculait au point de vouloir les emporter. Comment fait ce frère pour apprécier ce désert mouvant et bleu ? Lui qui en parle avec tant d’allant et d’affection, suivant la directe ligne de leur paterfamilias… Où se trouve d'ailleurs ce dernier brillant par son inquiétante absence ? L’ombre de son vaisseau n’apparaît plus sur cette ligne infinie et vertigineuse. Il n’y a plus que ces falaises leur faisant face, celles annonçant cet autre continent duquel provient une moitié de son sang. Quand bien même ces dernières se trouvent à quelques embardées de la Bastilla, elle ne saurait les distinguer dans leur entièreté et n’aperçoit que leur intimidante silhouette. Aux côtés de son aîné parti quérir les nouvelles des pertes concédées à l’océan, elle se tient simplement à la rambarde la séparant d’une funeste chute. Luttant encore contre la houle donnant bien du mal à son cœur, elle fait entrer autant d’air que possible pour ne point se défaire des quelques menus morceaux avalés depuis les matines. Pourtant, lorsque Heracle s’en retourne jusqu’à elle pour l’inviter à le suivre afin de se préparer à la future rencontre de leur parentèle ydrilote, les vagues syllabes qu’elle espérerait prononcer se font supplanter par une bile venant s’étaler prestement et mollement sur les pieds de son aîné.    « Pardon, Heracle, je… se retient-elle en mettant cette fois-ci ses mains devant sa bouche.    N’étant plus à ça près, son frère lui épargne quelques représailles ; à l’oral du moins, puisqu’elle ne peut discerner clairement l’expression de son visage. Abattue et lasse, elle préfère lui tendre à nouveau la main avant de le suivre sur ce pont si accidenté à maints endroits qu’elle attendrait presque d’être portée sur ses épaules pour ne point risquer de se blesser. Mais, le peu de fierté l’habitant encore, lui octroie quelques nobles airs qui malgré sa cécité apparente lui permet d’avancer dans les dédales de ce qu'il reste de leur embarcation.    « Heracle ? l’interpelle-t-elle, calmement. J’ai peur pour notre père et… j’ai peur de devoir faire la rencontre de notre famille sans qu’il ne soit à nos côtés. J’ai entendu nos parents avant notre départ, il y a quelques jours de ça, et… je sais ce qu’ils pensent de nous et de ces origines composant pour moitié notre sang. Que ferons-nous s’ils se montrent mauvais à notre égard ou pis, s’ils nous chassent ? Je ne suis pas certaine de pouvoir à nouveau endurer un tel voyage en mer après ce que nous avons dû vivre cette dernière nuit… Et je ne me vois pas rester ad vitam aeternam sur cette terre étrangère sur laquelle nous serons toujours perçus comme des métèques ».    Les inquiétudes sont si nombreuses qu’elle se retient d’en dire plus, préférant par ailleurs éviter que leur mère ne les entende à son tour. Là, bientôt, après être arrivée devant les deux malles d’habits respectifs, où l’eau de mer est parvenue à s’infiltrer, il leur faut à présent choisir les tenues les moins imbibées dans la perspective de paraître suffisamment respectables une fois à quai.    « Est-il vrai que notre aïeul, Hérode, est un homme craint parmi les siens ? lui demande-t-elle, soucieuse de connaître la vérité. Gylippe, notre servante, m’a même confié qu’il pouvait se montrer sévère et calculateur ; suffisamment, du moins, pour avoir réussi à se hisser jusqu’au conseil de la cité, auprès de cette autre famille par alliance dont l'héritier siège sur le trône...»
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Jeu 6 Juin 2024 - 4:38 | |
| « Les péninsulaires ont leurs pensées bien définies et accordent bien plus de pouvoir à la couleur du sang que quiconque en ce monde. Il déposa une main contre la frêle épaule de sa cadette, puis la repoussa délicatement, de sorte à ce qu’elle lui laisse plein espace au-devant de cette luxuriante malle de tissus. Quant à Hérode … Il inspira profondément, comme s’il chercha la justesse des mots à emprunter, tandis qu’il se remémora les frasques d’une scène en compagnie de son paternel. Tout homme habité d’ambition se doit d’être craint, car la mesure de ce désir peut souventefois endiguer la morale au profit de la perfidie. Et notre aïeul, non seulement loge-t-il en son cœur la fierté démesurée de ceux que l’on affuble de sang bleu, mais aussi, le prurit de la gloire et de la renommée. » Au travers les froissements de tissus, balançant par-dessus son chef les morceaux aux relents d’humidité, Héracle dénicha enfin une robe à peu près correcte pour leur arrivée. Et de toute manière, c’était là probablement, le seul nippage qui n’avait jouit de leur involontaire baignade. « Hérode a probablement encore le cœur saignant de l’affront que son fils lui a fait subir. Il n’est en ces terres plus cher souhait pour un homme de si haut rang que de voir sa descendance poursuivre l’œuvre de leur vie : c’est-à-dire engrosser une bourge pour faire des chiards de bourge. » Terminant sa leçon du moment, Héracle ponctua ses si sages par la présence d’un sourire goguenard, de ceux qu’on lui connaissait si bien. Moins d’une poignée d’heure plus tard, sur le premier pont, désormais habité de ses habituels matelots, le glas fût sonné par le truchement d’une voix rauque et ô combien portante : Ydril, Capitaine! L’annonce déversa aussitôt dictée une énergie nouvelle sur le navire, comme si d’âmes en ces lieux n’avaient essuyés pendant plus d’heures qu’ils pouvaient en compter l’horreur des hurlements de désespoirs et les vomissures des estomacs renversés. Garde rapprochée, nippés dans leurs plus rutilent harnachement, serviteurs eux aussi affublés de leurs atours les plus élégants, se tenaient de part et d’autre de nos trois figures politiques.
À mesure que la nef poussait les vagues vers le rivage, à l’horizon se dessinait en de plus fins détails l’esquisse de ces terres d’accueil qui seraient tôt les leurs. L’oreille bien prêtée à la chose, l’échos des armateurs se mêlait à ceux des volatiles côtiers, qui virevoltaient en bordure des quais tels les saltimbanques célestes qu’ils étaient, certainement dans l’espoir de grapiller quelque chose à becqueter. Les billes bien rondes face à ce paysage nouveau qui s’offrait à lui, Héracle se défia du rang auquel sa mère l’avait adjuré, gagnant le bordé dans l’inéluctable envie de se rapprocher de l’horizon. Fondamentalement, les quais restaient des quais : des amoncellements de planches de bois clouées ensembles, de piloris enfoncés dans le lit du littoral, des cordages en plus que suffisance, ainsi que des manouvriers qui n’avaient pour crainte le labeur bien fait. Là, il reconnaissait d’ores et déjà ces lieux comme les siens! Mais ce qui tracta sa fascination, ce fût les établissements et les couleurs de la cité de la vaste et prospère Ydril. Les falaises qui la cerclaient étaient aussi blanche et pure que la craie et que les cumulus un jour de plein soleil. Et que dire de ce castel, dressé en Roi et maître des lieux ? Ce dernier qui surplombait de si haut la cité qu’il semblait avoir pour ambition de chatouiller les nuages de ses arrogantes courtines! Le Phare Céladon lui sembla pour coup bien chiche face à cette franche mesure de puissance.
Bientôt, les cordages furent échangés, les matelots balancèrent les aussières d’amarrage contre le quai afin que les nœuds viennent à retenir le navire au chassement de la houle. Il reprit sagement le rang qu’il était sien avant que de paires d’yeux viennent à épier de trop près le trio, puis rassura sa cadette d’une caresse discrète contre son avant-bras. « Tout ira pour le mieux, tu verras. »
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| | | Adonia Ypsilantis
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Jeu 6 Juin 2024 - 13:50 | |
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Au bruit de l’écume venant s’abattre sur la ligne de flottaison s’ajoutent désormais les échos toujours plus fiévreux de la cité. C’est que la belle Ydril n’est plus qu’à quelques encablures et les silhouettes de ce qu’elle imagine être la porte du Duomo et du Castellonovo se profilent dans son champ de vision. Et si cette dernière reste altérée, force est de constater qu’elle ne demeure pas moins estomaquée par toutes ces nouvelles choses. Les bruits ressemblent assurément à ceux de Thaar, quand bien même les accents sortant de la bouche des badauds agglutinés sur les quais n’ont rien en commun avec ce qu’elle connaît. Les odeurs, elles, sont quant à elles par centaines et même par milliers dont la plus dominante reste celle iodée de toute cette vase accumulée sur les roches martelées sans cesse par les vagues. Se tenant fermement aux côtés de son aîné, elle n’a plus osé dire mot depuis l’entrée au port. C’est à peine si elle perçoit l’arrivée de leur mère venue les rejoindre en compagnie des deux seuls serviteurs ramenés d’Ithri’Vaan. D’autres passagers, survivants de la tempête, sont sortis de leur antre pour assister à ce spectacle ou bien pour être les premiers à fouler la terre ferme tant rêvée.    « Restez toujours à mes côtés, les enfants, souffle leur mère. Cette cité n’est point la nôtre et ses habitants n’oublieront jamais de vous le rappeler. Héracle, tu aideras ta sœur à descendre et continuera de garder un œil sur elle jusqu’à notre arrivée chez votre aïeul.    — Est-ce lui qui viendra nous chercher, mère ? lui demande-t-elle, calmement en réprimant un bâillement.    — J’en doute, petite perle, répond-elle alors que le navire s’apprête à accoster. Nous le saurons très bientôt ».    Les marins continuent de s’affairer ; certains sautant sur le quai pour récupérer les cordages et amarrer le bâtiment. Les ordres manquent d’énergie, mais les corps s’exécutent dans une chorégraphie dépourvue d’allant. Les premières réactions entendues par-dessus bord, en provenance des quais, laissent présager de l’état du vaisseau à l’image de ses occupants exténués par l’effroyable nuit qu’ils viennent de vivre. Des soupirs parviennent même jusqu’à leurs oreilles et sa main se met à serrer un peu plus fort celle de son frère. Lorsque la passerelle est enfin mise, les survivants s’empressent de quitter le navire semblant tout droit revenu des abysses.    « C’est à nous de descendre, désormais… » prononce-t-elle, d’une voix tout aussi fatiguée que celle du capitaine.    La passerelle, bien qu’étroite, n’est point un obstacle trop périlleux aux côtés de son aîné l’empêchant de tanguer. L’équilibre a beau être encore précaire, elle réussit tant bien que mal à regagner terre, ressentant aussitôt la joie que l’on peut éprouver après avoir eu la certitude qu’une telle chose ne se reproduirait plus jamais. Des silhouettes, toutes plus grandes qu’elle, défilent à leurs côtés, se massent, puis disparaissent. Elles sont des dizaines, des centaines et peut-être même des milliers aux origines diverses et variées. L’une d’elle s’avance d’ailleurs dans leur direction, d’un pas preste, et suivie de quelques autres restant dans son sillage. S’il lui est difficile de distinguer les détails de son visage, il apparaît évident que cet homme n’est ni son père ni l’un de ceux qu’elle connaît.    « Êtes-vous Elvira Rahmani, l’épouse de Demetor Ypsilantis ? la questionne-t-il d’un ton sobre.    — C’est bien moi, affirme-t-elle. Et voici notre fils Héracle, ainsi que notre fille Adonia. Et vous, senor, qui êtes-vous ?    — Ignacio Delcando, l’intendant du Senor Hérode ; ce dernier m’a ordonné de venir vous chercher afin de vous mener chez lui, mais…    — N’était-il pas prévu que nous le retrouvions au donjon Peyredrac pour y prendre nos quartiers ?    — Disculpeme, Senora, mais mon maître semble avoir pensé que vous seriez plus à vos aises dans son palacio situé dans la ville, explique-t-il.    — C’est fort aimable, répond Elvira en se retenant d’insister plus longuement. Nous vous suivrons…    S’arrêtant quelques secondes semblant durer des minutes entières, l’intendant paraît guetter quelque chose ou quelqu’un derrière.    — Où se trouve le senor Demetor ?    — Nos navires ont du se séparer durant le voyage, mais il ne devrait plus tard… Je jure qu’il saura nous retrouver une fois arrivé.    — Sans l’ombre d’un doute, senora, répond-il, simplement. Mandez à vos serviteurs de poser vos bagages sur cette charrette ; mes hommes veilleront à vous les ramener.    — Nous n’avons hélas que quelques malles, tout au plus.    — Où se trouve le reste ?    — Avec mon époux ou dans le fond de l’Eris, je le crains.    — Hmpf… alors venez, suivez-moi, nous devrons encore emprunter la Via Veduti avant de gagner la haute-ville.    — Allons-y les enfants, suivons-les ».
   Plus tard...
Suite à la pénible ascension de la Via veduti se succède l'arrivée au sein de la propriété familiale des Ypsilantis. Ne pouvant, hélas, contempler les moindres détails de ce que l'intendant a auparavant appelé Palaco, seules quelques instants sont nécessaires pour réaliser que le lieu n'a rien à voir avec les palais d'estrévent. Quoique sur plusieurs étages, l'endroit paraît sobre et sans les ornements de richesse auxquels elle et son frère sont habitués à contempler depuis leur tendre jeunesse. Pis encore, le lieu semble délaissé et suffisamment négligé pour que des meubles soient recouverts de poussière et que des fruits, moisis, embaument l'espace de leurs délicats fumets. A cette incroyable découverte s'ajoute dès lors la certitude que le lieu n'a point été préparé en vue de leur arrivée pourtant annoncée depuis quelques mois. Ne sentant aucune once de gêne, l'intendant, toujours aussi sommaire dans ses paroles, les gratifie de quelques succinctes présentations en leur assurant au passage que des serviteurs s'empresseront plus tôt que tard de venir rafraîchir les lieux. Mais lorsque ce dernier s'en va et que la mère se retrouve enfin avec ses deux enfants, la colère semble vouloir se frayer un chemin au travers d'une bouche restée close depuis bien trop longtemps.    « Est-ce ici que notre père a grandi avec notre oncle et notre tante ? demande-t-elle pour éviter à leur génitrice de laisser les ténèbres l'emporter. Regarde Héracle, on y voit le port et les navires ; penses-tu que père nous fera signe lorsqu'il arrivera enfin ?    — Allez installer vos affaire dans vos chambres, intercède Elvira. Nous sommes attendus, ce soir, au près de votre grand-père ; celui-ci daigne finalement nous rencontrer... »    Aussitôt, les derniers mots prononcés par son frère lorsqu'ils étaient encore à bord, lui reviennent à l'esprit. Prise d'un frissonnement qu'elle s'évertue à masquer, elle guette au plus preste le faciès de ce dernier perdu dans cette brume toujours plus invasive au fil du temps. Une peur lancinante la guette et les mots cherchent à sortir. Alors, tandis que leur mère s'en est allée régler quelques affaires avec les servantes, elle s'empresse de revenir à nouveau dans les pattes plus grandes de son aîné.    « Sommes-nous des "chiards" de bourges, Héracle ? lui demande-t-elle. N'est-ce pas suffisant d'être de son sang pour qu'il nous aime ? Sinon... pourquoi nous avoir tenu aussi éloigné de lui, sans même avoir pris la peine de venir nous accueillir... ? »
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| | | Heracle Ypsilantis
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Mer 12 Juin 2024 - 20:51 | |
| Onques n’allait-il apprivoiser cette sensation aussi étrange qu’était la foulée première sur la terre ferme. Des ennéades durant, leurs charpentes avaient tanguées, chahutées au gré de la houle et s’étaient acclimatées à ce genre de transport. Elles en avaient fait leur quotidien et c’est bien pourquoi lorsque leurs pieds foulèrent les planches des quais, certes coulantes d’humidité, mais roides à souhait, nuls mathurins, eussent-t-ils été enhardis de la plus vaste expérience en haute-mer, ne pouvaient se targuer d’ignorer cet effet. Ce fugace déséquilibre, cette sensation passagère de gerbe au bord des lèvres, il eût été bien chiche le désagrément de leur arrivée! Mais là, c’était à un tout autre niveau, car lorsqu’ils embrassèrent la terre ferme des pieds, on ne leur accorda guère plus d’attention qu’à l’équipage d’une simple chaloupe de pêcheur à fruits de mer. Là, à observer aux alentours qu’on vienne à leur rencontre, force était de constater qu’ils étaient les acteurs involontaires de deux scénarios à deux ronds : soit l’épistole de leur venue manqua leur destinataire, soit elle fût ignorée. Lorsqu’une âme bien seule se manifesta pour les accueillir, l’intrigue lui sembla toute suite plus nette : on se torchait le fondement de leur venue en péninsule. Mais à la fin, que pouvait-il y faire ? Il allait, à l’instar de cette tempête qui terrassa la nef de leur paternel, subir sans avoir à y dire son mot et n’en serait au final, que le triste spectateur. Arrivé au palais en compagnie de son sang et de sa suite, Héracle laissa son attention voguer ci et là, question de noyer l’amertume qui embrumait ses esprits. Les centimètres d’épaisseur de poussière sur les meubles, le doux fumet du renfermé, les traces de la vermine qui dansait en absence de vie en ces lieux : finalement, ça n’avait rien du baume espéré sur ses maux. Parce que l’absence de sa parentèle péninsulaire aux quais n’avait rien eu d’une baffe, mais le faciès crispé d’Elvira, ses lèvres pincées, l’air acrimonieux qui planait dans le brillant de ses yeux, suffisait largement pour miner le moral du jeune Ypsilantis. Point encore assez mur en âge pour comprendre la portée de cet affront, mais assez mature pour saisir le déplaisir de sa mère, Héracle se tint au silence et ignora à peu près les multiples et anxieux questionnements de sa cadette.
Une fois que leur matrone prit congé, que sa sœur lui asséna une autre question dont il n’avait évidemment pas la réponse, il explosa enfin : « Bien sûr que non! Nous n’avons rien en commun avec ces sagouins, si ce n’est que notre grand-mère a craché notre père de son con en terre de péninsule! Notre aïeul nous honni parce que son fils lui a mollardé au visage! Qu’il a uriné sur sa lignée en allant s’amouracher d’une vulgaire estréventine! Il jalouse son succès, qu’il a obtenu sans une once d’aide de sa si auguste lignée! Qu’ils aillent se faire encorner jusqu’à la moelle, tous autant qu’ils sont, ces pédérastes! » Ses pattes se crispèrent avec violence, retenant ses envies primales de frapper l’objet le plus près ou pi encore, la personne la plus immédiate. Enfin, il inspira profondément, comme si le fiel qu’il venait de cracher avait suffit et que sa jeune sœur en avait suffisamment essuyé les exhalaisons. « Viens, allons … I l soupira, bien las, allons découvrir nos luxueux appartements. La nuitée qui point à l’horizon promet d’être éprouvante à outrance. Il vaudra mieux dès lors, savoir où enchainer tes pas pour trouver ta couche une fois que l’épuisement t’aura gagnée. »
Dernière édition par Heracle Ypsilantis le Jeu 25 Juil 2024 - 3:57, édité 1 fois |
| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Mer 24 Juil 2024 - 13:39 | |
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L’a-t-elle déjà entendu avoiner de la sorte ? Une parmi bien d’autres qu’elle ne saurait, en réalité, dénombrer. Héracle, dans ses excès de fièvre, lui procure tant de peine qu’elle ignore comment l’apaiser. Alors, au lieu de lever la fronde pour rejoindre la gronde suscitant tant d’ardeur, elle s’abstient et se confond dans un silence contraint. Acquiesçant comme une sœur docile espérant ne pas plus envenimer le cœur de son aîné, elle le suit et se fige dans son sillage en commençant à compter les pas. Elle ne voit rien, ou si peu, de ce nouveau décor qui sera le leur. L’odeur n’arrive pas encore à l’amener jusqu’à l’écoeurement, mais elle ne peut ignorer que l’endroit semble abandonné. Elle écoute, obéit et retient les avertissements lorsqu’un mur ou qu’un objet entrave leur chemin. Ensuite, elle se laisse porter comme une feuille posée sur le lit d’une rivière au courant mouvementé. Héracle ne l’a pas quitté, ou pas encore, et si jamais telle chose devait arriver, alors elle n’aurait plus qu’à attendre qu’il revienne la chercher. Que pourrait-elle faire sans lui si quelque chose devait les éloigner ? Elle songe à leur père, retenu quelque part en mer et peut-être même - un frisson la prend - dans les plus profonds des abysses. Que le sort s’acharne et la prive de ce frère et alors sa vie ne sera plus qu’un enfer. C’est là le sort réservé aux impotents comme elle, une existence à l’ombre des jours et une enfance à demi-mesure. Là, sans mot-dire, prise d’une folle angoisse à l’idée de le perdre, l’aveugle surprend son frère en se blotissant contre lui. Nulle phrase savante - dont elle seule a le secret - ne s’immisce ; il n’y a qu’une peur infinie que le destin les sépare et la mène à la folie…
   Quelques heures plus tard…
   Au crépuscule, la mère et ses deux enfants se présentent aux portes de la citadelle Peyredrac. Des gardes les reçoivent et finissent par les laisser pénétrer le repère de leur seigneur et comte dont il lui fallut apprendre l’identité avant la soirée. Altiom d’Ydril. Combien de rumeurs a-t-elle déjà entendu à son sujet ? Les doigts de ses mains ne seraient pas suffisants pour toutes les chiffrer. Il s’avère seulement que l’illustre maître des lieux est absent pour le moment. Alors, les courcelles et autres lieux dont dispose l’endroit semblent bien vides et tristes. Guidés par des gardes de la forteresse construite sur un rocher, Elvira et ses enfants continuent de s’engouffrer toujours plus profondément dans ces entrailles fortifiées. Et lorsqu’arrive un moment où des silhouettes surgissent au fond d’un corridor ayant su préserver la fraîcheur nocturne, Adonia ne saurait dire s’il s’agirait de colonnes ou d’hommes.    « Veuillez me suivre, s’il vous plait,les invite Ignacio Delcando. Sans répondre autre chose qu’un simple hochement de tête, Elvira le suit et ses enfants la précèdent. Le chemin est à nouveau long, plus sinueux qu’auparavant. Ils sont entrés à l’intérieur du Palais et l’obscurité - en ce début de soirée - lui fait perdre la capacité d’entrevoir les formes et les distances. L’Odyssée semble enfin toucher son terme lorsqu’ils terminent dans une grande salle où les échos de leurs pas résonnent au fil de leur avancée. Se tenant encore et toujours dans le sillage de son aîné, elle glisse une tête sur son côté et pourrait presque apercevoir, au centre de la pièce, une ombre grande et imposante. Celle d’une table peut-être ? Mais alors qu’ils ne sont toujours pas arrivés, une voix résonne soudainement.    « Ainsi donc, voilà cette famille d’outre-Olienne qu'il me faut apprendre à connaître, s’exclame un homme.    — Merci de nous recevoir, Senor Ypsilantis, prononce sa mère après s’être figée devant eux. Nous vous remercions aussi de nous avoir prêtés votre hostel le temps que durera notre voyage.    — Sont-ce là les fruits de vos entrailles, le sang de mon fils, qui se tiennent derrière vous ? la questionne Hérode sans même répondre aux premiers remerciements.    — Ce sont eux, oui, Senor. Notre fils Héracle, ainsi que notre fille Adonia.    L’ombre du Grand-Père s’approche tout près d’eux, les observant avec l’acuité d’un aigle s’apprêtant à fondre sur sa proie. Il les épie comme l’on chercherait à déceler le bon grain de l’ivraie.    — Votre fils ressemble à s’y méprendre au mien lorsque ce dernier avait son âge. Le portrait est craché et ne saurait me faire croire au fruit d’une infidélité si répandue dans vos contrées. Voilà donc un beau, jeune et fier homme qu’il me verrait bien voir agenouillé pour lui flanquer la colée. Il serait bien en âge de porter l’épée et de revêtir l’armure, mais les Dieux en ont voulu autrement, en le faisant naître sur un autre continent. Tristesse ! Sans-doute sera-t-il bon à naviguer comme son père en a toujours rêvé. Où est d’ailleurs ce dernier ? Me boude-t-il encore de l’avoir renvoyé ? Son absence me déshonore et je ne saurai me remettre d’une enième provocation de sa part.    — Son navire n’est pas encore arrivé.    — Et où est-il, par tous les Dieux ?    — Nul ne le saurait, Señor Ypsilantis.    — D’Ypsilantis, s’il vous plait. Si par chez vous la noblesse est inexistante, veuillez respecter celle qui m'a vu naître !    — C’est entendu.    — Et qui se cache derrière l’aîné ? s’étonne Hérode d’Ypsilantis. Une bien petite chose que voilà, profitant de l’ombre de son frère pour fuir le jugement de son grand-père… Venez, approchez et embrassez cette bague sur laquelle est sculptée l’emblème de votre lignée !    — Peux-tu l’aider, Héracle ? lui demande sa mère.    — Est-elle incapable de s’en défaire ? Elle doit avoir l’âge de procréer, céans, et non celui de jouer à l’enfant.    — Elle ne vous voit pas, Senor d’Ypsilantis. Veuillez l’excuser.    — Elle ne voit pas ? répète-t-il pour être sûr d’avoir bien entendu. Par tous les Dieux, est-ce seulement possible que ces derniers aient eu la cruauté de me donner une aveugle pour descendante ?    — Je vous entends, Señor d'Ypsilantis, prononce-t-elle, doucement. Les Dieux ne m'ont pas doté de la vue, mais mon ouïe, ainsi que les autres de mes sens compensent ce qu'ils peuvent trouver d'importants. Mais, n'en portez nulle rancoeur à ma mère ou à mon frère, ils ne sauraient être responsables du châtiment qui me fut infligé.    — Elle n'est pas sotte, au moins, répond-il en éprouvant un petit rire. Allons, à table ! Vous attendre si longuement m'a mis en appétit et je souhaite terminer au plus preste pour reprendre les affaires laissées en cours. Et donc vous, mon garçon, contez moi donc l'épopée de votre traversée pour me servir d'accompagnement. J'ai bien hâte d'en découvrir à propos de qui vous êtes pour savoir si vous êtes bel et bien de mon sang comme votre mère me l'a assuré précédemment.
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Jeu 25 Juil 2024 - 18:13 | |
| S’approprier les lieux n’était pas chose aussi simple que d’y piéter, même si par d’informelles invitations ils furent conviés. L’architecture, bien qu’à des lieux de celles dont il prit pour habitude de reluquer, n’était guère dénuée de style. Le faste y était différent, mais tout aussi grandiloquent. Et à mesure qu’on laissait la curiosité décrire le moindre de ses détails, on pouvait y ressentir l’essence même des lieux. Au passage riverain des colonnades, par exemple, on pouvait y odir le chuchotis des bribes de conversation des tailleurs de pierre, se consultant tous sur la manière à adopter pour donner vie à ces brillants reliefs. Les murs, eux, habillés par les œuvres d’artistes peintre en tout genre, ou de vitraux brillamment assemblés, épiloguaient sur la toute l’opulence des lieux. S’ils pouvaient depuis peu estimer tout le pouvoir que pouvait détenir dans le creux de sa main les maisons de noblesse de la péninsule, il pouvait ce jourd’hui estimer leur richesse. Tout cela hélas n’avait que peu de valeur, lorsque qu’invités sous la contrainte des usages, les Ypsilantis (handicapés de leur figure paternelle) devaient faire acte de présence. Le ton semblât toute suite plus frais et distant, éconduit de tout ce que le décor pouvait offrir de beau et de bon. Et les allées, de même que les espaces communs ne grouillaient pas de l’usuelle main d’œuvre, prompte à s’occuper d’un si illustre castel. C’était oui, d’un augure tout aussi prometteur que l’hotel dans lequel on les avait claquemurés.
Préparé pour ce qui deviendrait très certainement la plus rance de ses pitances, Héracle, malgré son sang encore fumant, tâcha de faire belle figure au-devant de son aïeul. Le vieillard, monté de poils cendrés, de ridules au visage et de cernes aussi marqués que le passage d’une flopée de chiard aux hanches d’une femme, n’en avait pas l’air de la moitié d’un. À le reluquer, il en devinât le contenu du livre : un homme austère, droit dans ses bottes, pauvre de sens de l’humour et animé par la fougue des gens qui ne vivent que pour la postérité. Ou en tout cas, c’est bien la fidèle image qu’il cherchât à projeter, ne serait-ce que par l’absence de tout sourire pour égayer sa vieille bouille dégarnie.
Lorsque les échanges s’amorcèrent, Héracle resta coït, s’interdisant toute intervention de peur de jeter huile sur ce feu déjà bien engagé par l’âpreté de leur hôte. Et la tâche se montra d’autant plus ardue lorsque le barbon s’en prit à sa jeune sœur, dont les moqueries et sous-entendus à l’égard de son handicap sollicitèrent toute l’ire du juvénile Ypsilantis. D’une habileté bien gauche aux tromperies et autres faux-semblants, on pouvait nettement ressentir tout l’agacement qu’avait provoqué l’écoute des premières politesses. Sa mâchoire était un brin crispée, son menton clairsemé de quelques ridules, tandis que son échine sembla aussi roide que l’acier. La vue brouillée par le passage fugace de quelques sombres idées, l’audition tout aussi trouble, il fallut bien que son éminence Hérode réitère ses demandes. - Comme il vous siéra, Señor d’Ypsilantis, débuta le jeune marin en roulant des épaules, de sorte à récupérer un peu de sa souplesse naturelle. Le temps s’annonçait doux et prompt aux bons voyages. L’horizon était dégagé et quant à la brise, elle était prometteuse d’une agréable collaboration. L’Olienne dormait, ses courants étaient harmonieux et épargnaient les cœurs les plus lestes, ceux-là même qui cherchent à faire passer au teint verdâtre les plus sensibles à la moindre houle inopinée. Et la Ferté, le navire de notre père, voguait à belle allure à nos côtés sans jamais défaillir de son cap. Jusqu’à ce qu’Othar en décide autrement et qu’il décide de déchirer les cieux pour faire s’abattre sur l’Olienne sa plus grandiloquente colère. La marée cherchât à se mouvoir telle de l’eau en ébullition, les vagues se sont mises à prospérer d’amplitude, molestant chaque fois plus intensément la coque de notre navire. Alors la Ferté devint le cadet de nos soucis, car les envies furibondes d’Othar nous privèrent de notre mât de misaine et, c’est à ce moment, que je compris de quoi serait faite notre prochaine nuit, si tant est qu’elle donnerait sur un lendemain. Je compris cette nuitée de quoi était faite la puissance des Dieux, Señor d’Ypsilantis. Il marqua une pause dans son historiette, tandis que les maints serviteurs commençaient à peupler la table de couverts et de boustifaille. Nous devons gros à la Damedieu, car c’est à elle que nous devons l’immense plaisir, et l’honneur qui nous habite, de partager ce repas du soir en votre si humble compagnie, grand-père. Il s’était pour l’occasion vautré dans quelques référents aux déités ; quelque chose qu’il n’avait à cœur, mais qui savait de source sûre être apprécié des péninsulaires. S’il n’était pas en mesure d’arborer le masque de l’indifférence lorsque sa jeune sœur s'était fait incendiée, il était encore capable de charisme, fusse-t-il représenté par son allocution ou par ses airs seigneuriaux.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Dim 4 Aoû 2024 - 9:08 | |
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Le garçon avait de l’aplomb. De cela, il n’aurait pu en douter. Quel étonnant récit sans même réellement le trouver surprenant ; puisqu’aux jointures de l’Olienne et de l’Eris, les courants étaient trompeurs et souventefois mortels, même pour les plus repus à l’art de la navigation. Que son fils, Demetor, ait pu sombrer dans les abysses, n’était donc qu’une demi-surprise à défaut d’être un plein chagrin. Toujours est-il qu’écouter ce garçonnet faire le récit de cette folle embarquée le mit suffisamment en appétit pour qu’il se soit mis à picorer les quelques olives et belles tomates juteuses se battant en duel dans son auge. Malgré la pénombre régnant dans la grande salle de laquelle ne résonnait - pour une fois - aucune litanie de menestrel, il poursuivit l’étude minutieuse de sa progéniture. Et si la fillette, menue et plus aveugle que ne l’était sa propre tante avant sa mort, ne lui inspirait aucune idée d’avenir. Le jeune homme, lui, pourrait bien convenir. Ne serait-ce point justice et juste retour des choses que de réussir là où jadis le père avait échoué envers son aîné ?    « Eh bien, eh bien, reprend-il une fois le récit terminé et quelques tomates éclatées entre ses dents. Que votre rafiot ait réussi à vous amener à bon port revêt donc du miracle, j’entends. Que n’aurait point été mon malheur de ne faire la rencontre de la femme et des enfants de mon héritier exilé ? Cette traîtresse de mer m’a pris ce dernier et me donne désormais l’opportunité de corriger ses erreurs commises dans le passé.    — Desquelles parlez-vous, Senor ? demande Elvira.    — De celles qui lui ont fait quitter ce continent pour en habiter un autre, gronde Herode, en lui jetant un regard aussi noir que les olives gisant dans son assiette.    — Ce n’était pas une erreur, votre fils est devenu l’un des marchands et marins les plus influents d’Ithri’vaan, Senor.    — Un marchand ! peste-t-il. Cette tête de mule aurait pu devenir bien mieux s’il avait embrassé les nobles desseins auxquels j’espérais.    — Il a suivi sa propre voie, rétorque-t-elle. Nos enfants en feront de même.    — A ce propos. Puisque votre pater-familias fut aspiré par l’océan, c’est à moi qu’incombe désormais le devoir de m’occuper des siens.    — Nous ne procédons pas ainsi, Senor d’Ypsilantis. Nous remercions votre générosité, ainsi que votre hospitalité, mais nul ne nous a encore rapporté que mon époux avait bel et bien sombré en mer.    — Vous n’êtes point ici chez vous, Senora, la reprend-il. Une femme dépourvue d’époux ne saurait être bien perçu, d’autant plus si elle doit entretenir deux enfançons. Ainsi donc, nos lois étant nos lois, je serai leur père et veillerai à leur bonne éducation afin que ce garçon et cette fille deviennent des gens convenables et non des métèques.    — Je ne peux l’accepter, senor d’Ypsilantis.    — Je ne vous demande pas de l’accepter, senora. Telle est ma volonté, voilà tout. Il n’est point encore trop tard pour faire de votre fils un noble d’Ydril. Quant à votre fille, nous lui chercherons un parti convenable, où à défaut, l’enverrons au couvent de Notre-Dame, afin qu’elle y devienne une prêtresse.    — Je ne le souhaite pas, répond soudainement Adonia. J’aspire à autre chose depuis que je me mis à étudier les sciences arcaniques. Je ne serai ni bigote, ni l’épouse d’un homme de cette terre dont j’ignore tout.    — Pardon ! Voulez-vous répéter ?    — Êtes-vous aussi sourd que je suis aveugle, grand-père ?    Le patriarche se lève brusquement et lui flanque une volée sans même qu’elle n’ait pu avoir le temps de l’esquiver. L’air bien moins enjoué qu’auparavant, Herode paraît dès lors révéler sa véritable autorité ; celle que son fils aîné a tant cherché à s’affranchir par le passé en rejoignant l’estrévent.    — Parlez-moi encore une seule fois avec cette langue de vipère, jeune enfant, et je vous ferai enfermer dans les geôles, m’avez-vous bien entendu ? Et… quant à votre étude des Arcanes, je vous interdis d’évoquer cela à nouveau, ne serait-ce qu’une seule fois. Est-ce bien compris ?    — Ne levez plus jamais la main sur l’un de mes enfants, senor !proteste Elvira après avoir quitté la table.    — Rasseyez-vous ! Je n’ai guère terminé !    Les quelques gardes de la citadelle paraissent désormais bien plus nerveux qu’ils ne l’étaient. Cernés de toute part, Adonia a la sensation d’être devenu un petit oiseau pris dans un filet. Elle guette les portes, tout autour, dans l’infime espoir de voir surgir son père. Mais une nouvelle question l’assaille lorsqu’elle cherche à se rappeler pour quelle raison ce dernier a souhaité leur faire traverser l’océan pour les mener dans cette gueule du loup béante ? La chose ne lui a point été rapportée, mais peut-être que son frère saurait, lui ? Toujours est-il que la louve et ses deux petits n’ont guère d’autres choix que de rester quelques nouveaux instants pour écouter les derniers mots de leur nouveau pater-familias.     « Les épousailles de la duchesse de Soltariel auront bientôt lieu. Vous m’y accompagnerez, en ma qualité d’émissaire d’Ydril. Et pour cette occasion, je réclamerai de vous que vous incarniez mon nom et ma mesnie avec les plus grandes qualités. Je décide que votre fils devienne mon écuyer, céans, et que votre fille soit amenée dès demain auprès de la senora Agazzi qui lui apprendra les manières semblant lui être totalement abstraites.    Elle ne peut voir le visage de sa mère, mais le silence de cette dernière en dit long sur la retenue qu’elle s’impose pour ne pas insulter le grand-père de doux noms orientaux.    — A votre convenance, senor, répond-elle soudainement en levant sa main pour empêcher ses enfants de prononcer quoique ce soit. Le voyage nous a terriblement fatigué, vous permettez nous de nous retirer pour rejoindre nos quartiers et nous reposer ?    — Hors de ma vue.    Les enjoignant ensuite de la suivre pour se faire raccompagner par les gardes les ayant déjà conduit lors de leur arrivée, Elvira paraît se retenir de courir, trop pressée qu’elle est de s’en aller. Elle n’en reste pas moins soucieuse de faire passer ses enfants en premier et tient même la main de sa fille. Dès lors que la citadelle Peyredrac se trouve enfin derrière eux et qu’ils se dirigent vers l’hôtel miteux leur servant désormais de maison, l’héritière des Rahmini ôte son masque et libère un grognement comme jamais elle n’en a poussé.    « Ibn el kalb ! Ibn el haram ! aboie-t-elle, furieuse. Maudit soit votre père de nous avoir amené !    — Qu’allons-nous faire ? demande-t-elle. Allons-nous réellement devenir ce qu’il souhaite ?    — Nous devons trouver un moyen de rentrer chez nous, les enfants, qu'importe le temps que cela nous prendra... leur dit-elle en veillant à ce que les gardes, les escortant, ne puissent pas les entendre. Héracle, m’as-tu entendu ou... est-ce la destinée que tu souhaites ? Ton silence m'inquiète, mon fils et je redoute d'entendre tes mots. Mais parle, s'il te plait, et délivre-nous tes pensées, veux-tu ?    Encore loin de pouvoir réaliser à quel degré le vieil Herode a posé sa marque sur leur vie, Adonia cherche la main de son frère, dans l’espoir que la réponse de ce dernier lui permette d’entrevoir autre chose qu’une nouvelle trajectoire de vie uniquement due à la perte de leur père et à la rencontre de cet aïeul autoritaire. Et puis, la crainte l'envahit lorsqu'elle imagine son frère avoir cédé aux appels des sirènes...
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: [Pan du passé] Cet autre monde [Heracle] Mar 6 Aoû 2024 - 17:17 | |
| Pendant un moment, le grisant effet de la victoire s’était emparé du jeune Ypsilantis, lui fichant une chaire de poule de tous les diables. À la vue de la dentition jaunie, mais ravie de leur vieil âne d’hôte, il cru que son historiette avait fait mouche et l’avait amadoué. Au moins assez pour qu’un armistice temporaire soit déclaré et qu’ils puissent becqueter en paix, désormais que leur estomac avait repris ses aises en prenant distance sur la terre ferme, loin de la houle et des marées. À son grand damne, il n’avait stabilisé que pendant l’espace d’un moment ce qui se trouva comme étant la pointe de l’iceberg, car sans crier gare le monument de glace chavira bout pour bout et dans son ample débâcle éclaboussa l’ensemble de ses convives. Le ton montait crescendo et s’ardrait de plus belle, meurtrissant à la fois sa mère, mais aussi sa sœur au passage. Les poings de la jeune pousse Ypsilantis se refermèrent sous table à s’en blanchir les jointures, tandis que du bout des orteils sa jambe dextre se trouva sans repos et s’agitait sans cesse pour contenir la détonation de son mécontentement. Lorsque la baffe fusa et laissa odir l’échos de son claquement dans la vaste salle, l’aîné perdit l’emprise de son sang-froid et se redressa si sauvagement que son assise fut projetée à la renverse. Habité par la ferme idée de rendre à sa Seigneurie la politesse qu’il avait molesté à sa cadette, sa fougue fut freinée nette par la poigne de sa mère à son avant-bras, dont les ongles cherchant à percer ses chairs le ramena sitôt l’ordre. Vétusté par l’âge, un coup bien placé aux tempes suffirait à le renvoyer à ses Dieux qu’il chérit tant, pensât-il aussitôt dans une volée de violence. Bien que noyé par ce vaste torrent furibond, il lui restât une once de bon sens pour que ses idées de révoltes se voient tempérées par sa mère qui, malgré l’orage, tint la barre sans jamais défaillir.
L’heure du mangé s’étant abrégée, ils se retrouvèrent tous trois derechef dans leur faste demeure de poussière. Si sa mère n’avait pas laissé libre court à sa colère, pour sûr qu’Héracle aurait lui aussi dégoté quelques objets à fracasser pour éructer l’expression de sa hargne la plus cuisante! Mais le spectacle offert par sa génitrice lui remémora qu’il n’était pas seul à souffrir : elle devait très certainement se trouver pauvre de moyens, vulnérable à souhait, pour laisser sortir de ses fines lèvres une bile aussi verveuse. Et puis sa sœur, il pouvait encore distinguer l’endroit où l’anel d’Hérode s’était étampé… - Cette vie qu’il nous promet, je crache dessus, assura-t-il envers sa mère, mais aussi pour sa jeune sœur qui très certainement, embrassait le désir de le voir se positionner avec ou contre l’acariâtre géronte. Je ferai le dos rond en ce qui a trait son désir de me voir devenir écouillier, quel que soit cette bizzarerie. Mais je crois que la plus capitale des priorités serait de savoir si notre père se pare désormais d’algues et de coraux ou s’il bretaille pour rejoindre la côte. Lui étant vivant, nous pourrions éviter d’avoir du sang sur les mains pour retrouver notre Feldorn souhaitée … Dans le cas contraire … Il suspendit le restant de sa phrase pour épargner les chastes esgourdes de sa sœur, puis conclu le tout d’un regard entendu avec sa mère. S’ils ignoraient tous deux la sente à emprunter pour s’échapper de ce bourbier, ils partagèrent tout de même ce regard tacite, de ceux qui étaient près à tout pour y parvenir. Une ennéade s’était déjà écoulée. Neuf journées à tenir des armes trop lourdes pour le vieillard d’Hérode. Neuf jours à apprendre les mœurs chevaleresques et comment devait se comporter un gentilhomme. Neuf nausées à l’idée qu’il se pourrait bien qu’un jour il ait à prêter serment et à se découvrir un quelconque sens de l’honneur. Mais aussi, neuf passage aux quais de la cité, à monnayer avec quelques dures couennes l’envoi de vaillants marins pour patrouiller les côtes dans l’espoir de retrouver le sillage de leur père. Et finalement, neuf déceptions, à se buter contre l’évidence chaque fois un peu plus nette de son décès …
Au comble de la neuvième journée, tandis que le soleil s’était couché sur le drap de l’horizon, Héracle retrouva son logis comme il avait habitude de le faire. Cela étant dit, à quelques différences près : sa lippe était fendue d’une petite taillade sanguinolente et sa démarche claudicante hurlait la souffrance de sa jambe dextre. Molesté par de bien plus gaillardes épées que celle d’Hérode, la jeune pousse s’était frottée dans le baroud à plus fort et en avait chèrement pâti. Souffreteux autant de douleur physique que celle de sa double défaite du jour (de la rixe et de l’absence de nouvelles de son géniteur), le bougre s’en alla se barricader dans ses appartements pour n’y ressortir qu’au petit matin. Inspiré par le chatoiement de la voûte céleste, plutôt que chercher prompt repos, il se mit à cogiter. À méditer oui, de la méthode non pas la plus efficace pour se débarrasser de son géôlier, mais bien la plus cruelle. Le sommeil le trouva tantôt, tandis que des images de mort s’empilèrent les unes sur les autres …
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