Sujet: Prendre son envol [Heracle] Mar 4 Juin 2024 - 22:22
Vérimios, premier mois d'hiver, troisième ennéade An 21 du XIe Cycle
A mon retour, les regards s’étaient fait interrogateurs, mais je ne m’étais pas étalée sur ma conversation avec le Goff, reprenant d’autres parties de dés et d’autres descentes de chopine, jusqu’à regagner tard dans la nuit, mon lit dans cette auberge que nous occupions avec Ballast.
Lui, j’avais attendu le moment opportun pour lui parler de ma liste. Le moment où il serait le moins enclin à me tomber sur le râble pour cet « accord » passé avec celui qui finalement était un vulgaire inconnu aux yeux du mage un peu moins aux miens, puisque son nom n’était sans doute pas répertorié dans la longue liste des « connaissances » de Ballast. Et que oui, il s’agissait avant tout d’un surnom, de ceux qu’on affublait au premier marin venu. Rien à voir avec les noms à rallonge des nobliaux d’Ithri’Vaan.
Et plus le temps passait, plus je réalisai que je n’avais pratiquement rien de concret à offrir à mon mestre si ce n’était la précieuse liste. Je n’avais su soutirer que peu d’information à ce fameux Goff et moins encore celui de son commanditaire, et ça je sentais que ça allait prodigieusement déplaire à mon mestre.
Quant au capitaine, lui se contentait de mener le Vol d’or, suivant nos choix à moi et à Ballast, même si pour le coup, ce serait ma voix qui emporterait la mise, mais pas sans essuyer une magnifique tempête au préalable.
Et si j’avais espéré que déballer tout ce que j’avais appris la veille, en présence d’Hernan, allait jouer en ma faveur, je compris vite à l’attitude de Ballast et en voyant le capitaine se tenir droit, impassible sans jamais chercher à intervenir qu’il ne faisait pas le rempart que j’avais espéré contre les salves de Ballast. Tsss j’aurai pu le parier !
Et la tempête donc s’abattit sur mes oreilles et mes épaules voûtées, jusqu’à ce que je décide de la surmonter. - Ça fait des mois et des mois que tu me rabâches qu’il est temps que je prenne ma vie en main et que je ne suis plus une apprentie. SOIt, à présent tu as devant toi, Deejarah Sandrakis qui a décidé qu’on mènerait cette première expédition sur le Royal que cela te plaise ou non, c’est MA décision.
J’avais élevé la voix, frappé du poing sur la table, réussissant à fissurer le masque impassible du capitaine qui me lança un regard surpris, le mien s’éclairant peu à peu de certitude. Même Ballast en resta sans voix pendant un instant, mais on ne coupait pas la chique d’un vieux râleur aussi facilement. Et il ne mit pas longtemps à se reprendre. - Soit, c’est là ton choix, mais sache que je le désapprouve. On ne sait absolument rien de ce type qui est sorti de nulle part pour te refiler une liste avec des navires marchands soi-disant richement lestés. Et si tout ça n’était qu’un maudit piège ? Et tu veux sauter dedans à pieds joints ? Tu n’sais même pas pour qui il travaille ! - Quelle importance ? Savoir le nom de son commanditaire ne va rien changer à ce que nous allons gagner avec ces prises.
Bon je sus aussitôt à son expression que j’avais dit une ânerie. Je le vis se crisper, avant d’éructer, la voix pleine d’une rage glacée. - Est-ce que tu as étudié les noms de ces navires ? Il y en a au moins trois qui appartiennent à la compagnie de la princesse Maralina Irohivrah .
J’ouvris la bouche mais aucun son n’en sorti. - Oui, tu vois, cette même princesse qui nous avait proposé un marché en or, elle et le maître des milles-caves. Et là non seulement le marché est tombé à l’eau, mais Marzaban a été assassiné. Et toi tu veux t’embarquer dans cette chasse au trésor, sans savoir dans quoi on met les pieds ?? Il me fallut quelques instants pour riposter mais j’y vins enfin : - Et alors ? On est parti deux ans, on revient, on fait ce que tout pirate est sensé faire en attaquant les navires marchands. Je ne vois pas ce qui te contrarie autant. Et si vraiment tu crains de fâcher la princesse, et bien ça tombe bien, le Royal ne navigue pas pour elle. Il resta un instant coi alors j’en profitai pour enfoncer le clou : - Tu voulais que je sois digne de mon père, alors c’est le moment, ne crois-tu pas ? Et peu importe cette liste !
J’expliquai ensuite que si vraiment il voulait en savoir plus, il n’aurait qu’à interroger le Goff puisque ce dernier était prêt à embarquer avec nous pour nous prouver sa bonne foi, ...... ou peut-être pour une autre obscure raison hm ?
Pour ma part, mon choix était fait, et quand le jour fut venu, une énéade après cette fameuse rencontre, nous étions à quai, attendant sur l’invité surprise qui je l’espérai ne me ferait pas passer pour une imbécile en jouant les absents.
C’est donc non sans nervosité que je guettai les abords du quai ce jour-là alors que le reste de l’équipage s’activait à bord. Le capitaine était dans sa cabine en discussion avec le Bosco et le Ballast se tenait non loin du pavois, paré sans doute à se moquer de moi. Et plus le temps passait, plus ma nervosité s’accrut.
Heracle Ypsilantis
Humain
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Mar 11 Juin 2024 - 17:56
« Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu que tu m’obliges à tant de rudesse ? questionna le Prince, une pomme à moitié croquée dans la paume de sa main. J’ai fait montre de bon cœur, de patience et j’ai été, il me semble, tolérant plus que la raison me l’autorisait. Il croqua dans son fruit, l’estomac creusé par l’appétit. Les petits délits sont souventefois essuyés d’un simple revers de la main, certes étampés dans la figure des moindres hommes. De sorte oui, à ce que leurs auteurs en comprennent les conséquences. Mais toi … Toi, qui était l’un de mes plus vieux clients, tu as délibérément mis ta main dans ma poche afin de te saisir de mes richesses. Et pour cela, il en coûtera le prix fort de notre amitié. Héracle hocha gravement du chef à quelques reprises, dans une moue légèrement exagérée de peine. Pendant qu’il mastiquait encore la pulpe de sa pomme, il poursuivit en offrant à son interlocuteur bâillonné, ligoté et aux yeux bandés, la finalité de sa leçon du jour. Mais toi, tu n’as rien d’un moindre homme ! Tu as garni mes quais de tant de navires que je ne saurais en décompter le lot et pour cela, jamais je ne t’en serai suffisamment reconnaissant. Il gratifia le condamné d’une petite tape amicale à son visage, comme pour le rassurer. Voilà bien pourquoi le message que j’enverrai aujourd’hui sera dès plus éloquents. Tes successeurs n’auront jamais odit plus clair avertissement que celui-ci, j’en suis persuadé», termina le Prince, un sourire doux placardé contre son faciès aux joues rosies par la fraîche du soir.
Héracle repoussa d’une main la porte de ce cabanon tout miteux dans lequel il se trouva juste et esseula le pauvre homme sans plus se retourner. Juché sur le porche de ce cagibi, terré lointain dans cet endroit le moins fréquenté du port, il aperçut avec étonnement la présence d’une âme familière ; celle de Le Goff, l’un de ses plus fidèles homme de main. Or, comme s’il venait tout juste de sortir d’un évènement festif -à l’instar de la condamnation à mort qu’il venait de prononcer-, Héracle accueillit avec bonhommie sa drille favorite.
« Par le con denté de Tyra, tu te serais égaré, grand dadet? » questionna le Prince envers son subalterne, l’air avenant.
« Eh bien, pour être bien franc, je vous ai suivi. On ne débarque pas dans ce genre d’endroit par hasard, vous vous doutez bien... »
« Effectivement! Alors, mh ? Que me vaut l’honneur d’avoir été le sujet de ta traque nocturne, Le Goff ? »
Le rustaud déglutit lourdement, cherchant pendant l’ombre d’un instant les mots empreints d’assez de justesse pour que son maître ne s’en voit courroucé de trop. Et alors qu’il allait enfin délier sa langue, Héracle lui passa le bras autour des épaules, de sorte à le tracter à bonne distance des marches qui menaient au cachot de fortune.
« Prends garde, mon ami! », enjoint Héracle, alors que le bruit constant des vagues contre les pilotis des quais se fit troublé par l’étrange bourdonnement des insectes. Décontenancé, Le Goff s’éloigna comme on lui conseilla, puis se retourna pour apercevoir dans la pénombre, deux hommes harnachés de pieds en cap de toiles formées d’un épais tissu. Ils tenaient tous deux pour arme de longues perches, dont l’extrême pointe semblait avoir percé de grands amoncellements bourdonnant de pâte de bois mâchées. Au vrai, ils transportaient, bien gardés dans leur harnois texturé, deux nid de frelons foisonnant à outrance de leur colonie.
« Que… » Plongé dans la stupéfaction de cette rencontre inopinée, effaré même, par la présence de ces bestioles ô combien craintes, Le Goff ne trouva plus rien à ajouter autre qu’un regard vers son voisin, les yeux quémandeur de réponses.
« Nous relocalisons ces nids, pour tout te dire. Ils importunaient les passants près de la passerelle huit. Cet endroit leur sera plus favorable ; ici, personne ne voudra les embêter. » Et avant que le batelier donne suite à la réplique d’Héracle, les deux courageux qui tenaient les nids, prirent leurs jambes à leur cou après qu’ils aient sauvagement balancé les maisons de pâte dans le cabanon. Alors là, ce fût la débâcle : on vit sortir par les interstices des planches murales une nuée de guêpes et, au travers le bourdonnement étourdissant, des hurlements étouffés d’humanoïde, cherchant à faire odir au travers tout ce barouf la portée de ses souffrances les plus ignobles.
« Alors Le Goff! Dis-moi, de quoi voulais-tu me parler? » Incita l’Espadon, tout jouasse que soit retirée de son pied cette épine qu’il trainait depuis si longtemps.
Le lendemain...
Au jour second, Le Goff quitta son poste prématurément, sans qu’on lui ait sommé de le faire. Il avait à son épaule un baluchon bien potelé, dans le creux de sa patte une poire de vinasse et à son ceinturon, un acier dont le fil avait été redressé pour l’expédition. Seul le cœur lui manquait, car à la veillée d’avant, annoncer son départ il n’en eût le courage. Il quitta tel un déserteur, dont la honte ne suffisait à retenir les pas vers le Vol d’or. Bientôt, il se trouva nez à nez avec celle qui l’avait convaincu, celle dont la vie de flibuste avait finalement sut le séduire.
Deejarah Sandrakis
Sang-mêlé
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Jeu 13 Juin 2024 - 20:11
Je guettais toujours son arrivée alors que dans mon dos, les ordres fusaient, pour finir par retirer les amarres l’une après l’autre, remontant lentement les lourdes aussières pour les lover sur le pont. La passerelle était encore dehors quand je l’aperçus enfin, non sans en ressentir un certain soulagement. Je ne tenais pas du tout à entendre les moqueries de Ballast qui ne manquerait pas de me dire qu’il m’avait prévenu, plusieurs fois même.
Mais il n’allait pas pouvoir le faire, pas plus que nous n’allions renoncer à cette chasse car Le Goff avançait dans ma direction, son baluchon sur l’épaule et bouteille à la main, ce qui me fit sourire, oubliant toute nervosité. - Contente de voir que tu as tenu parole, le Goff !
Je désignai la boutanche du menton en riant. - Aurais-tu peur qu’on te laisse mourir de soif ?
Je me tournai enfin vers les gars qui attendaient derrière la passerelle. - Allez viens, il est temps d’embarquer !
Je le précédai, bondissant sur la passerelle franchie en un rien de temps et dès que le Goff en eut fait de même, elle fut retirée, et les gars restés à quai pour retirer la dernière amarre, sautèrent pour s’accrocher au bastingage et grimper à bord sans la moindre difficulté. Je présentai aussitôt le Goff aux autres. - Je vous présente notre nouvelle recrue. Le Goff va rester quelques temps parmi nous et pourquoi pas si l’expérience lui plait, rester jusqu’à ce que mort s’en suive ! lançais-je joyeusement, le tout acclamé d’un Hourra teinté des rires de l’équipage qui rappelé à l’ordre par Yann se remit très vite au travail.
La première voile fut affalée, puis la seconde, et moi je restai sur le pont face au Goff, alors que dans notre dos, je sentais la présence plus qu’attentive de Ballast appuyé des deux mains sur son bâton noueux. Quand il cogna doucement sur le pont, une fois, deux fois, je sus qu’il s’approchait de nous. - Voici donc ta source, celle qui t’a si gentiment procuré une liste plus que « fournie ». Alors ? dis-moi Le Goff, qui semble si bien renseigné ou qui possède assez d’argent pour payer la capitainerie pour obtenir une telle liste ? A qui ça rapporte, hormis nous, bien que j’ai encore des doutes à ce sujet. Cette personne est-elle si influente que tu tiennes autant à son anonymat ? Oui Deejarah m’a raconté dans le détail votre conversation, alors ?
Je soupirai, échangeant un rapide regard d’excuse avec le batelier. Je savais que je ne pourrai éviter un tel interrogatoire, même si j’avais espéré qu’il lui laisserait profiter un peu de l’allégresse de ce départ avant de l’assaillir de questions.
Heracle Ypsilantis
Humain
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Lun 17 Juin 2024 - 18:41
Il assura sa présence d’un sourire envers la flamboyante donzelle qui guettait son arrivée, puis affronta du regard la rampe qui jointait le quai au pont principal du navire. Dès que tu poseras le pied sur cette passerelle, tu seras un déserteur, sac à fiente, se critiqua lui-même le reître. Il quitta donc la terre ferme au profit du Vol d’Or, s’approchant près de celle qui était source de ses maux les plus immédiats.
« N’as-tu donc jamais entendu qu’en mer, il n’est pas plus fidèle alliée que le flasque du matelot ? Elle se tient prête à tout évènement! Solitude, crainte, peur, festoiement, j’embrasserai le goulot de cette flasque en espérant ne jamais y sentir le fond! »
Aux présentations, le rustre les salua d’un leste geste de la patte. L’équipage ne détonnait pas des autres ; il y avait des matelots en tous genres, eussent-ils été maigrelets, dodus comme des petits pourceaux gavés de lait ou montés par d’abondants muscles, tels d’immuables rocs. Et à voir la trogne de certain, pour sûr que sa place lui conviendrait pour la durée du périple. Ce ne fût qu’une fois que la sulfureuse pirate suggéra qu’il puisse ici prendre racine, lui donna toute suite la nausée. La miséricorde d’Héracle n’avait que bien peu de portée et il se sentait chaque seconde passée sur la nef de plus en plus loin d’elle. Mais avant que ses pensées ne s’enfièvrent de trop, son attention fût harponnée par l’arrivée singulière de Ballast. Et harponné fût le bon terme, car le hardi ne semblait guère entendre à la rigolade ; il lui enfonça dare-dare dans le gosier une tripotée de questions dont la réponse exacte ne pouvait guère quitter la prison de ses dents. Or il tenta de s’en dérober comme il le fit si gauchement avec Deejarah.
« Malheureusement, comme à cette partie de dés à la taverne, la chance semble vouloir se dérober à toi ! J’ai bien peur de n’avoir en ma possession les réponses à tes questionnements les plus pesants. Par contre, la plume qui endosse ce papelard est très certainement, comme tu dis, quelqu’un qui semble avoir le bras long. Par contre, si jamais ça a du poids dans la balance, je peux te dire que j’ai besogné suffisamment longtemps sur les quais pour voir que ce vélin n’empeste pas le mensonge. Si vous avez choisi une cible quelconque ; elle sera au rendez-vous. Que si je mens me pousse au menton des couillons! »
Deejarah Sandrakis
Sang-mêlé
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Sam 22 Juin 2024 - 6:17
Mon regard s’alluma d’une lueur moqueuse. - J’ai ouï-dire, en effet que la bouteille peut-être de bonne compagnie, mais pas de trop non plus, le capitaine n’apprécierait pas et puis....la solitude à bord n’est pas vraiment à craindre, tu auras bientôt assez de la compagnie de tous ces gredins, crois-moi !
Ou peut-être finirait-il par les apprécier, sans doute pas autant que moi-même je les aimais, avec leurs qualités et beaucoup de défauts. Mais voilà, ils étaient mon unique famille. Même le cynique Ballast qui derrière ses airs sévères, je le savais nourrissait pour moi la même affection, enfin bien sûr, jamais de façon trop visible, n’est-ce pas ? Et il en allait de même pour Jeb.
Je le présentai ensuite aux autres et mon annonce fut accueillie par des hourras, de quoi mettre tout le monde de bonne humeur. Quoique l’idée d’un prochain abordage devait grandement y aider. Seule ombre au tableau, celle qui se présenta à nous tenant son éternel bâton pour mener une abrupte disquisition à laquelle sans véritable surprise, le Goff se prêta de bonne grâce mais jouant tout autant que ce soir-là derrière la taverne, les anguilles entre les mots d’excuse pour finalement ne strictement rien révéler de plus que ce que nous avions déjà deviné.
Mais ça, j’aurai pu le parier ! Ce qui laissa accroché sur mon expression un sourire amusé, plus encore face au froncement de sourcil de Ballast qui eut besoin de quelques secondes pour digérer ce coup dans l’eau. La réplique finit enfin par sortir, acide et teintée d’agacement. - La chance hmm ? La chance, mon gars n’a rien à voir avec tout cela et tu le sais aussi bien que moi. Je n’saurai en revanche t’arracher tes secrets si ta langue ne veut point parler. Cependant je gage que Deejarah s’emploiera bien mieux à cet exercice que moi. - Hein ?
Alors que je m’étais faite jusque-là, auditrice attentive et amusée de la conversation, la répartie eut le don de me couper dans mon divertissement. Qu’avais-je donc raté pour l’entendre arriver à une telle conclusion ? Et c’est médusée que je regardai Ballast abandonner déjà la bataille, mon regard accompagnant sa démarche assurée malgré sa cécité, le mien teinté de soupçon et d’irritation. Parce que je craignais de trop comprendre l’allusion, certes avec un temps de retard.
Quand il revint pour croiser celui du Goff, je pinçais le nez de contrariété et enchaînais comme si de rien n’était, oubliant le vieil aveugle qui faisait mine désormais de nous ignorer, ce qui lui était très facile de simuler au vu de son handicap. - Hmm ce qu’il voulait dire, c’est qu’il finira de toute façon par découvrir la vérité ! Tu n’crois pas ? Mais assez parlé de ça, je suis curieuse mais pas au point d’en gâcher mon plaisir et ton premier envol sur le Vol d’or.
Je rebondis tel l’emblème de notre pavillon pour répondre à ce qui n’était pas vraiment une question, mais je pouvais supposer qu’il avait envie de connaître notre prochaine cible. - Je suppose que tu as eu le temps d’étudier la liste toi aussi ? Dans ce cas, tu seras sans doute ravi d’apprendre que c’est sur le Royal que nous avons jeté notre dévolu. Point de modestie dans son nom, mais son tonnage en revanche, nous laisse la marge nécessaire pour lui couper facilement la route et ne pas craindre d’affronter de trop nombreux adversaires dont nous ne saurions nous débarrasser seuls. Car qui dit petit tonnage, dit petit équipage. En revanche, il transporte de précieuses soieries issues des meilleurs tisserands et qui se vendront à pris d’or.
Je guettais sa réaction. - Alors qu’en penses-tu ? Si la liste « dit vrai » et si son capitaine n’a pas changé d’avis sur son itinéraire, nous devrions le croiser à quelques encâblures au nord de l’île des deux bosses sur la route des Thanorites.
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Mer 26 Juin 2024 - 20:17
Tandis qu’ils conversèrent, la vie semblait prendre place sur le pont premier. Sans que fusent les ordres, les bas matelots s’affairaient d’ores et déjà aux tâches les plus basiques. Les cordages fûrent vérifiés, les voiles inspectées et il en fût de même pour la cargaison et le chaînage qui en retenait la pesanteur. Du coin de l’œil, tandis que le rêche Ballast tirait la pipe à son amie, Le Goff admira l’harmonie que semblait projeter l’équipage. De dissensions ou de discorde, seul le travail bien fait et l’efficacité cherchait à primer : et cela était bon! Lorsque quitta Ballast, esseulant la bleusaille avec la sulfureuse flibustière, Le Goff trouva à illuminer sa bouille d’un sourire plus que conquit.
« Il devrait tremper le jeune à l’occasion, ça aurait la qualité de le rendre plus agréable, m’est d’avis! » Il en oublia sitôt la saillie lancée avec qui il se trouva. Enfin, les mots échappés de la prison de ses dents, il n’avait plus qu’à assumer sa vilaine raillerie. Aussi trouva-t-il à sauter du coq à l’âne en donnant raison à ce que lui avait souligné Deejarah. « Le Royal, dis-tu ? » questionna Le Goff, les sourcils froncés, circonspect. « De quel maître répond la nef ? Qui en possède la main mise ? Dans tous les cas, il me semble avoir souvenance de ce navire … Il n’a que deux mâts et, si sa cargaison est aussi garnie que le papier le prétend, nous aurons en effet bel avantage sur ce dernier pour qu’il n’en vienne à nous distancer. » Là, un réel sourire, tel que la belle n’en avait vu sur la trogne du Goff, vint illuminer ses traits. Il demeurait, dans les tréfonds de son regard pairs, une rutilante étincelle de détermination.
« S’il dit vrai, qu’attendons-nous ? Je suis prêt, fin paré à écouter les moindres ordres qui me seront attribués! » Assura Le Goff avec l’enthousiasme du petit nouveau, tout excité qu’il était de torcher le pont et les chiottes, lorsqu’on le lui demandera…
Deejarah Sandrakis
Sang-mêlé
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Mar 2 Juil 2024 - 18:37
Tremper le jeune hein ? L’expression lui valut de prime réaction, un air éberlué, avant d’éclater de rire. C’était ce genre d’expression qu’on ne pouvait entendre que dans les bouches les plus dissolues. Et j’en avais entendues de pire, mais celle-là pour sûr, était originale. - Je n’en suis même pas certaine, finis-je par répliquer en m’esclaffant toujours, surtout que son jeune comme tu dis ne l’est plus tant que ça !
Et là, l’idée s’accompagna d’une image qui eut le mérite de me faire aussitôt cesser de rire. Il valait mieux ne pas trop y songer. Je préférai tout ignorer de ce que Ballast pouvait faire avec... BREF ! Je repoussai l’idée de toutes mes forces pour me concentrer sur autre chose.
Comme ce navire que nous nous apprêtions à arraisonner. Je ne l’avais assurément pas choisi pour son auguste nom, mais pour sa cargaison, plus riche que ne l’était sa capacité de nous échapper. Même si oui, nous pouvions nous attendre à forte partie dès lors qu’ils comprendraient nos intentions. Le butin serait sans doute bien protégé mais l’équipage ne manquait ni d’ambition, ni de courage, et moi encore moins.
Je partageai donc l’information avec le Goff qui mit d’autres points en balance, comme le nom de celui qui dirigerait le navire ainsi que celui de son propriétaire. Pour le reste, la seule évocation du Royal suffit à réveiller quelques souvenirs. Je complétais donc ceux-ci par le nom du capitaine : Armand Salis et Meerim Vivier, la compagnie propriétaire du navire.
Et le Goff fut d’accord avec moi pour dire que nous aurions l’avantage en vitesse et donc il validait mon choix. Même si ce ne serait pas le seul puisque nous avions un autre atout autrement plus considérable à savoir que le Vol d’or était accompagné par deux mages élémentaires. Nous avions à ce sujet déjà défini nos rôles à chacun, Ballast gèrerait l’adversaire alors que moi j’accompagnerai le vol d’or. Ce que je finis par déclarer au Goff, étant donné qu’il faisait partie de l’équipage, autant qu’il fusse au courant. - Nous aurons un autre avantage sur l’adversaire, je suis une arcaniste de l’air, comme mon maître. Si avec tout ça, nous ne parvenons pas à mettre la main sur le butin du Royal, tu pourras dire au tien de maître que le jeu n’en valait pas la chandelle. Dans le cas contraire... Je me tournai vers lui et plantai mon regard dans le sien. - ... Je compte sur toi pour aller lui vanter notre prouesse de ce jour et celles à venir, qu’il sache à qui il devra cette victoire sur ses adversaires.
Après quoi, il ne fut plus vraiment temps de palabrer. Nous n’allions pas tarder à nous mettre en position et l’enthousiasme du Goff aiguillonnait plus encore le mien alors que nous arrivions au large de l’île des deux bosses.
Ce fut alors le calme avant la tempête. Le pavillon rouge à tête de mort et sabres croisés remplaça le renard bondissant identifiant le Vol d’or et chacun se prépara à un abordage qui ne saurait plus tarder. Le Goff fut mis à contribution au regard de ses capacités, s’il était plus habile à l’arc ou au sabre, et moi je me tins prête à la proue du navire, ayant noué mon foulard rouge autour de la tête, mes mains caressant déjà l’air qui filait doucement entre mes doigts, dans chaque mèche de mes cheveux, se glissant malgré sa fraîcheur tout contre ma peau quelque peu rougie par ce jour glacial de Vérimios.
Ballast lui, se tenait sur le gaillard d’arrière, mains concentrées sur son bâton, tout son esprit tendu au loin, vers notre adversaire qui continuait d’avancer dans notre direction sans se douter de ce qui n’allait pas tarder à lui tomber dessus.
Et enfin il retentit, le cri de la vigie signalant le pavillon espéré. Tous les hommes se mirent en branle, au gré des ordres du Bosco, tant les gabiers que les hommes au pont, dirigeant les voiles suivant un ordre bien établi qui devait respecter mes directives et celles du capitaine, le tout consistant avant tout à suivre le vent, celui que je lèverai pour porter le vol d’or plus vite encore jusque sur les flancs de l’adversaire, tandis que Ballast de son côté, leur couperait la route, jetant le Royal directement dans la gueule de son ennemi.
Ainsi au signal, marquais-je l'air de dessins plus précis, doigts ondulant au gré du vent qui s'épaissit et se densifia, gonflant les voiles déferlées qui claquèrent, se tendirent et le Vol d'or bondit en avant, sortant de sa cachette. Concentrée sur le cap à tenir, le vent accompagna ma danse si particulière, pour bientôt couper la route du Royal dont aucune manoeuvre n'aurait pu le tirer de ce mauvais pas et au vu du pavillon rouge, il savait que c'était le pire qui l'attendait.
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Mer 3 Juil 2024 - 20:02
Les présentations faites et bien dites, les ordres du capitaine fusèrent à tout vent par tans, Le Goff se retrouva aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau. Ses petons s’étaient vus ancrés depuis fort trop longtemps aux quais et la sensation de retrouver l’air vivifiant de la mer contre ses joues lui remémorèrent ses folles années de jeunesse. Enfin, de plus tendre jeunesse, puisque d’âge il ne s’apparentait qu’aux débuts de la trentaine. C’était grisant, de se retrouver à voguer sur les eaux maritimes, bercé par la houle d’une mer indomptable. Jamais la fibre du dirigeant ne s’était manifestée en lui, or recevoir des ordres, eussent-ils été des plus ingrats, lui convenait totalement. Et puis, il avait pleine conscience qu’il était ici « la bleusaille du jour », le « petit nouveau » ou même « la pupute de service », alors, il avait ses preuves à faire. Et pour faire, rien ne plaisait d’avantage qu’une âme qui ne connaissait de mots autres que « À votre ordres, capitaine »!
Ainsi donc le loup de mer s’affaira au bon vouloir de son capitaine, tournant à l’unisson avec l’aide de ses comparses le cabestan pour tirer l’ancre de fond et libérer de ses entraves le Vol d’Or. Il tira avec fougue sur les cordages, déliant tous nœuds qui empêchait la voile de misaine de se tendre face à l’amplitude du vent. Là, le navire prit son air d’allée et une fois sortit des bas-fonds portuaires, Le Goff sentit pour la première fois depuis moult années le réel sentiment de la liberté. Il porta son regard à l’horizon, voyant poindre d’ores et déjà ce que l’avenir avait de meilleur à lui offrir. Son sourire était large, vaste, à la juste mesure de son plaisir et de son contentement, puis se retourna vers la sulfureuse Deejarah, qui jamais ne lui était apparue plus belle et désirable. Le vent balayait sa crinière de feu, tandis que ses affublements épousaient les reliefs de son corps avec la plus délicieuse des justesses. Ahh, tudieux! Il l’aurait prise là, devant toutes ces fripouilles de sac-à-vin, s’il en avait la chance, se dit-il, la bouille toujours illuminée par ce sourire béat.
Les heures passèrent et s’écoulèrent aussi prestement qu’un claquement des doigts. Le Goff s’était permit de quitter le premier pont pour rejoindre celle qui lui avait permit l’expérience, puis lui tint à peu près ce langage :
- Je ne sais trop comment je pourrais un jour te remercier. Je sais que j’ai insisté pour te suivre, que tu n’avais en moi de confiance à me donner, mais là, vraiment, mer…
- NAVIRE À TRIBORD! Hurla la vigie, nichée dans son auguste perchoir. Alors à l’unisson, tous les regards se braquèrent à l’ouest, là où volait au vent, la bannière de leur cible. Le cœur du Goff manqua un battement, tant l’euphorie vint lui chatouiller les tripes. Car il est vrai, tant fût son plaisir à voguer sur le Vol d’Or, il en avait oublié que les probabilités que la liste soit mensongère existaient. Il se pouvait, en définitive, que leur cible n’ait été au rendez-vous et que, in extremis, l’itinéraire du navire marchand ait changé! D’un hurlement de cette voix porteuse de bonne nouvelle, tout doutes furent enrayés, ne laissant plus place à autre sentiment que celui de la joie. Enfin, se fût jusqu’à temps qu’il ne découvre les talents arcaniques de Deejarah … Les yeux écarquillés, il se demanda si la faim, ou ce surplein d’alacrité passagère lui avait fait halluciner les mimiques de sa si charmante amie. Une crainte inexplicable vint se mêler à la félicité qui l’habitait, l’hébétant pendant l’ombre d’un instant.
- Nom d’une couille en bois, c’est une sorcière! Tonna-t-il tout haut, incapable de garder pour lui-même cette vive réflexion.
- Oui et heureusement, ducon! Grâce à elle nous aurons le pas sur notre cible avant qu’ils n’aient chance de se dérober ! lui répondit du tac au tac le timonier, qui tenait la barre avec ténacité.
- Préparez les grappins! Sortez les passerelles! Sortez vos aciers de votre cul mes p’tites pucelles et préparez-vous à l’abordage, par les cinq!
Deejarah Sandrakis
Sang-mêlé
Nombre de messages : 122 Âge : 27 Date d'inscription : 21/08/2020
Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Dim 7 Juil 2024 - 18:28
Nous étions quasiment bord à bord, remplis de l’euphorie avant l’ultime étape de l’abordage. Dans quelques instants, nous allions devoir livrer bataille dans de sanglants corps à corps, jusqu’à la mort du dernier des hommes du Royal, marins ou mercenaires engagés pour protéger leur marchandise.
Ballast avait déjà réduit à néant deux bordées de flèches balayées d’un coup de vent et renvoyées à l’eau tout bonnement, laissant vite comprendre à nos adversaires qu’ils avaient désormais peu de chance de revoir leurs familles un jour à moins de nous défaire mais, là clairement, l’avantage nous appartenait.
Si j’avais bel et bien entendu le cri du Goff je n’avais nullement réagi, trop concentrée sur ma tâche mais assurément nous y reviendrions plus tard. Là tout de suite, nous avions tout autre chose à faire que de taper la discussion, comme de nous lancer à l’abordage du Royal. Et dès que le fameux cri retentit, celui que tout pirate attendait avec une impatience fervente, ce fut un déferlement de grognements et de cris de guerre, chacun s’élançant suspendu après les cordes des grappins, ou bondissant sur les passerelles prestement jetées entre les ponts pour nous précipiter sur nos adversaires.
Il n’y avait ici plus aucune réflexion ni hésitation, juste la soif du combat et de l’or, le besoin d’en découdre pour démontrer notre valeur et la détermination des pirates que nous étions. Nous devions gagner, il n’y avait aucune autre alternative, vivre ou mourir, l’or ou le sang !
Et je m’étais élancée à l’instar des autres, me jetant dans une mêlée sans pitié, embrochant et cognant tant de mon sabre que d’un coup de poing, ou de botte bien placé, emportée par cette fièvre communicative, puis esquivant une flèche ici, un coup de sabre là, sentant parfois l’éclaboussure du sang sur mon visage, me mouvant dans le flux et dans l’air, sans cesse ni répit, tant pour nous que pour ceux qui tentaient tant bien que mal de résister...
En vain !
Mon sabre larda une nouvelle fois la peau d’un adversaire, avant de chercher du regard, mon mestre qui veillait, toujours à sa place depuis le vol d’or, attentif à chaque influx du vent, portant ensuite mon attention sur le Goff, pour reprendre aussitôt le combat face à un homme de forte stature qui frappa brutalement. Nos lames s’entrechoquèrent, le colosse usant alors de tout son poids pour me faire courber, son sabre pesant contre le mien avec une force contre laquelle je ne pouvais lutter. Je courbai donc pour ensuite mieux me défiler, roulant de côté, laissant son sabre embrocher le plancher plutôt que moi, pour répliquer aussi vivement d’un coup d’estoc en plein ventre, lame remontant vers le haut, cherchant le cœur, et la mort. Nos regards se croisèrent et la vie fut prompte à l’abandonner, mais le combat n’était pas terminé pour autant.
Heracle Ypsilantis
Humain
Nombre de messages : 106 Âge : 21 Date d'inscription : 23/02/2024
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 32 ans Taille : 1m75 Niveau Magique : Non-Initié.
Sa présence avait conquis le premier pont lorsque le glas du branle-bas de combat sonna. La voilure tendue à outrance par les courants artificiels des magiciens, le navire enfonça la houle si sauvagement que les vagues sautèrent par-dessus le bastingage pour détremper de pieds en cap son équipage. C’était à se demander s’il pleuvait averse vu la célérité dont la nef jouissait! Et que dire de l’amorce de leur prochain abordage ? Tractés par ces mêmes manipulateurs d’Art, les brises furent intimées à un brusque changement de direction, décélérant aussitôt le navire dans son allée lorsqu’il fût à correcte distance de sa cible. À l’unisson, maints grappins furent projetés en tout sens, s’accrochant autant au bordage qu’aux multiples cordages. Les deux navires, forcés à la rencontre, donnèrent ainsi libre accès aux grappilleurs des mers, de sorte à ce qu’avant longtemps, le chant des aciers puisse venir se mêler aux hurlements furibonds des belligérants. Et Le Goff, dans toute cette épique débâcle, avait bien envie de conchier ses braies. C’est que fort de plusieurs années de calme et d’oisiveté aux quais, le bougre, à l’instar de ses abdominaux, s’étaient joliment ramollis ! Alors, une fois devant le fait accompli, lorsque chargeât l’épée levée dans le but de l’embrocher, ses illusions de courage et de hardiesse volèrent en fumée au profit de la peur. Une crainte viscérale, qui vous tord les boyaux si ardemment qu’il vous en coupe le souffle! Alors donc poussât en lui l’héroïsme des désespérés, laissant ses instincts prendre le pas sur sa conscience. Il tira de son fourreau son moche acier pour s’en aller se fracasser contre ses semblables, déviant chaque attaque qui lui était destinée. Bientôt, alors qu’il sentit la chaleur du sang frais napper sa vieille trogne de sac-à-vin, les nerfs à vif, il se sentit renaître et vivre derechef ses années de jeunesse, où la fougue abondait et s’écoulait telles les pièces d’or des poches d’un Prince Marchand.
À mesure qu’étaient défaites les forces du navire ennemi, que son acier se trempait dans les chairs déchirées de ses détracteurs, que le pont se noyait par tant de sang que de leurs viscères, il poussait en lui une euphorie telle que lui en provoquerait l’invitation formelle des plus accueillantes cuisses de Thaar! Non point qu’il fût à l’étroit dans ses braies lorsque, baignant dans l’hémoglobine, il se déplaça en direction de la cale, mais il en fît sécher ses dents tant son sourire fût large! La rixe musclée tirait à sa fin et, pendant qu’agonisait bruyamment les défenseurs de la nef, il était grand temps d’enrayer le restant de ses craintes les plus opiniâtres à propos de la cargaison. Jusqu’au dernier moment, le houlier ne pouvait réellement croire que l’Espadon de l’Olienne fût complètement franc à propos de la sacro-sainte-liste. Il s’y refusait ; il y avait toujours la possibilité, quoique mince, qu’ils furent menés dans un guet-apens, de sorte à occuper la piraterie pour il-ne-savait quelle raison. Ainsi, cheminant à tâtons dans le clair-obscur de la sentine, il tomba nez à nez avec une montagne de caisses et de malles, tous aussi abondantes les unes que les autres. À l’aide du pommeau de son épée, il força l’accès au butin en fracassant le pommeau de son acier empoissé contre le verrou d’une malle. Incapable de bâillonner l’allégresse de sa découverte, il hurla de joie à pleins poumons jusqu’à en abîmer ses cordes vocales déjà écorchées de leur récente utilisation. Il délaissa son épée sans ménagement et s’enquit des soieries qu’il empoigna avec toute la satisfaction du monde, faisant outre des saletés qui le peignaient presque intégralement. Il se retourna vers les escaliers qui menaient, là, au dehors, y apercevant tout à coup la silhouette de sa sulfureuse amie.
- J’avais raison! La liste est bonne! Regard…, dut-il s’interrompre dans son élan euphorique, alors que vint se nicher de part et d’autre de sa panse une lame étrangère : celle d’un trouillard, tapis là, entre deux caisses. La force aux genoux lui manqua. De toute sa hauteur il s'écroula et s’étendit autant sur le sol humide de la cave que sur les soieries désormais loin d'être aussi immaculées, l’épée toujours enfouie dans ses entrailles. Le souffle quasi-absent, son agonie s’annonçant comme très courte, il souffla à peu près ces quelques mots vers Deejarah.
- Héracl... Le Ppr… ince des mers…
Deejarah Sandrakis
Sang-mêlé
Nombre de messages : 122 Âge : 27 Date d'inscription : 21/08/2020
Sujet: Re: Prendre son envol [Heracle] Mer 10 Juil 2024 - 19:00
Mon sang bouillonnait encore de la ferveur du combat, même si au vu du silence régnant, celui-ci touchait à sa fin, laissant le pont du Royal jonché des cadavres de nos adversaires. Un regard vers mes compagnons m’assura qu’ils s’en étaient sortis, certains blessés plus grièvement que d’autres, mais ils étaient en vie et foi de pirate, ils survivraient !
Le souffle encore court après cette sanglante frénésie, vêtements et visage tâchés de sang, mon regard fut attiré par un cri venant de la descente qui permettait l’accès au pont inférieur, et aux cales. Le Goff s’était le premier, précipité vers la cargaison du royal pour vérifier notre prise et semblait surprit d’y trouver là ce que la liste promettait !
Un cri de joie qui fit tourner plusieurs têtes dans ma direction. Alors sourcils froncés, partagée entre contrariété et la joie que procurait la victoire, je m’y rendis aussitôt laissant mes compagnons derrière moi, pour glisser d’un bond par-dessus les marches abruptes afin de rejoindre le Goff.
Mais je n’eus à peine le temps de faire un pas vers lui et vers le butin devant lequel il se dressait que je vis la lame, capturant un éclat de lumière dans cette sombre cale, transpercer mon ami de part en part, m’arrachant un cri d’avertissement qui hélas tomba bien trop tard.
A mon plus grand effroi, Le Goff tomba à la renverse, un sabre fiché dans ses chairs, ne laissant guère d’illusion sur son sort. Je fis un pas de plus alors qu’il semblait vouloir faire une dernière confidence et perçus ce nom, et un titre si ronflant que je crus un instant à une prière adressée à un dieu pour le salut de son âme, juste avant de passer à trépas. Un trépas qui sonna si vite que je n’eus guère le temps de lui dire un mot avant qu’il n’entame son ultime voyage.
Puis je sentis le mouvement sur mon flanc droit, mais avant d’avoir eu le temps de réagir, un cri suivi d’un râle se fit entendre et Jeb jura dans sa barbe, avant de récupérer son sabre qu’il venait d’enfoncer dans la poitrine du capitaine de ce rafiot. Ce lâche avait cru pouvoir se cacher des pirates, ou peut-être avait-il espérer sauver sa cargaison. Vain espoir et Jeb le rouge venait de le lui faire comprendre. - Ça va ? s’inquiéta-t-il en me jaugeant des pieds à la tête, alerté par mon cri, suivi bientôt de Galérand et de Yann qui constatant que tout allait bien pour moi s’en allèrent évaluer les dégâts auprès des caisses de marchandise.
Galérand lâcha un juron, poussant sans ménagement le corps du Goff. - Le cornichon ! Il a tout salopé avec son sang.
Jeb lui me dévisageait toujours, attendant ma réponse. Je finis par détacher mon regard du pauvre Goff pour secouer la tête. - J’n’ai rien, dis-je d’une voix éteinte... puis avec un temps de silence, le merci tomba du bout des lèvres.
Enfin je m’approchai de l’infortuné qui n’avait guère eu le temps de profiter de sa toute nouvelle vie de pirate, à mon grand et triste regret et je fermai ses yeux en glissant ma main sur son visage, avec pour seule consolation la joie que j’avais perçue sur son visage juste avant qu’il ne comprenne que cette victoire que nous avions emportée ensemble, serait la seule et unique... - Ramenez-le à bord du Vol d’or ! ordonnais-je sans attendre le capitaine qui nous rejoignit à son tour.
Je tenais à ce qu’on lui rendît les mêmes honneurs dus à tout homme de notre équipage. Ainsi selon l’ancienne tradition, son corps serait soigneusement enroulé dans une toile de voile, cousue à son nez et lestée d’un boulet pour l’emporter vers les fonds quand sa dépouille serait balancée par-dessus-bord.
Et j’abandonnai les lieux, laissant le trésor à l’appréciation de mes compagnons pour regagner le pont puis celui du Vol d’or où Ballast m’attendait, mon cœur lourd de cette perte, supportant sans ciller l’attention de mon mestre qui pour une fois, se garda de tout commentaire quand je lui annonçai la mort du Goff.
Nous aurions bien le temps plus tard de reparler de ce nom murmuré par le malheureux juste avant de rendre son dernier soupir.