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| Finissons-en. | |
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Harald Barbe-Sanglante
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Nombre de messages : 704 Âge : 30 Date d'inscription : 05/03/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 171 ans (An 21:XI) Taille : 1m49 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Finissons-en. Dim 14 Juil 2024 - 1:24 | |
| 2ème jour, 6ème ennéade de Vérimios | Premier mois de l’Hiver. Cité d’Almis | Almion. Année XXI | Xième Cycle. La Perle de l’Est méritait définitivement bien son nom. Véritable joyau, dans ce royaume le plus au Nord du monde, et trônant au segment le plus oriental de celui-ci, elle était, depuis plusieurs ennéades maintenant, au centre de toutes les attentions, et de toutes les anxiétés. Notamment celles de Harald, soixante-huitième Grand-Roi du Zagazorn.
Dans ses profondeurs se jouaient l’avenir des Mares Noires, ces fameuses créations monstrueuses aux origines inconnues et mécaniques décidément difficile à maîtriser. Qui aura pu créer telle abomination ? Qui aura pu décider cela ? De quel esprit tordu, quelle magie impie, quelle motivation désastreuse, aura pu naître une telle création que d’aucun pouvait conférer au démoniaque ? Nul ne le savait actuellement… Mais, aujourd’hui, nombreuses étaient les caboches et les cervelles qui cogitaient dans ces niveaux condamnés où, quelques années auparavant, moururent plusieurs Dawis sous les coups puissants d’un Golem de Pierre, puis, sous les coups éthérés de créatures sorties tout droit du plan des ombres. Des runistes, parmi les plus éminents de ce monde post-Voile, dirigés par le désormais légendaire et ô combien rigide Yggdar Frappe-Rune. Harald en était sûr : à eux tous, ils trouveraient bientôt des réponses à ce qui se jouait dans ces sous-sols humides, froids et sombres. Peut-être même refermeraient-ils ce portail démoniaque ? Allez-savoir…
Mais autre chose se jouait à la surface. Une chose… Que seule Harald allait pouvoir gérer, entreprendre et, espérons-le, vaincre : les Nains de Feu. Qui sont-ils ? Que cherchent-ils ? Sont-ils la prochaine grande menace qui pèse sur le Zagazorn à peine renforcé et réunifié après un Voile cruel ? Ou sont-ils uniquement… Des Nains, sauvés de la damnation par une entité vivant depuis des cycles et des cycles, avant même la création des Nains ? Tant de questions… Tant de craintes aussi, sans réponses franches actuellement.
Harald avait fait préparer la cité à une siège magique. Les portes furent renforcées, des runes furent gravées, des défenses furent creusés à-même la pierre et le roc de cette montagne autrefois fière et forte, car siège du cœur ésotérique de tout le Zagazorn d’avant Voile. Des zones furent condamnées, définitivement, ou temporairement, afin qu’en cas d’attaque, l’assaillant ne puisse passer que par une ou deux entrées faciles à défendre. Mais, en plus de cela, des champignonnières furent réaménagées. Des graines, des légumineux, des troupeaux, ramenés depuis le Lörn et le Brissalion pour ravitailler cette cité encore sous perfusion. Prenant personnellement la tête de la cité, Harald remania toutes les infrastructures, les échelons du pouvoir local, plaçant la cité – déjà sous loi martiale – en état de siège imminent. Si, au début, les Almiens de souche – et de choix – regardèrent tout cela d’un œil inquiet, et sans doute inquisiteur face à la réputation grandissante du souverain en tant que cruel dictateur, les effets positifs d’une telle organisation se firent rapidement ressentir… Et enfin, on mangeait à sa faim dans cette cité frugale. Enfin, on était en sécurité.
Mais cela n’était point suffisant. Car depuis des ennéades maintenant, Sognir, Narundi nommé par Harald quelques mois auparavant, était manquant. Il était parti pour la montagne de feu… Pourquoi ? Harald n’en savait rien, et surtout n’était point certain des motivations du vieillard aigri et grisonnant aussi aveugle qu’une taupe. Ses entrailles lui criaient que quelque-chose se tramait là-bas… Quelque-chose de mauvais.
Alors, il rameuta quinze de ses plus talentueux et fidèles guerriers. Quelques Almiens, beaucoup de Lantais, et quelques Kirganais. Tous voulurent suivre le Roi dans la nouvelle aventure qui, à n’en point douter, serait dangereuse, voire, mortelle. Il fit préparer des montures robustes, musculeuses et à la couche de graisse développée pour faire face au froid mortel de cet hiver bien trop rude. Armés, équipés, préparés pour une aventure aussi dangereuse que sauvage, ils se préparèrent pour le départ tant attendu. Car oui, impossible de rendre secret une telle… Initiative.
« Mes frères ! Mes sœurs ! » Commençait-il, ouvrant les bras comme il savait si bien le faire, avant de, doucement, les refermer et de prendre un regard autrement plus sérieux. Il ne serait pas grandiloquent, non. Il ne serait point spectaculaire, non. Aujourd’hui, il remettait sa vie entre les mains des Dieux… Et l’instant, était grave. « Mes enfants. » Sa voix se pose. En hauteur, face à la foule citadine et militaire, il appuie son avant-bras gauche sur la tête de sa hache à une main. « Aujourd’hui, je pars. Avec quelques braves, je pars. Je ne vous abandonne pas. Je ne vous quitte pas. Je ne vous oublis pas… Mais je pars. Ce qui se trame au Nord, ne requiert pas que des questions, des craintes, et des préparations au cœur du roc qui nous abrite en attendant que l’hiver passe et que l’avenir nous donne des réponses passives. Ce qui se joue au Nord, du côté de la Montagne de Feu, requiert ce que seul l’honneur peut commander : le sacrifice. De soi, de ceux qui désirent remettre leurs Braises au creux des pognes des Dieux. De ceux qui décident, sciemment, de faire passer l’intérêt et la vie des autres, au-dessus de leur propre existence. » Doucement, il attrape sa couronne en Mogarium, et la dépose à ses pieds dans un mouvement presque protocolaire. Il la laisse-là, alors qu’il se redresse, et regarde l’assemblée devant lui qui ne cessait alors de grandir tant l’étonnement et la rumeur enflait à une vitesse ahurissante. « Ce sacrifice, j’y suis préparé. Et je consens à le faire, aujourd’hui, demain, ou dans un mois. J’ai toujours œuvré pour notre royaume. J’ai juré fidélité au Zagazorn, et aux Braises-Vies qui y naissent, y vivent et y meurent, dans l’honneur et la beauté de nos coutumes ancestrales. Je ressens aujourd’hui, plus que n’importe quel autre jour, l’appel du Destin. Aujourd’hui… Je remets ma vie entre les mains des Dieux. » Il s’éloigne, symboliquement, de sa couronne d’un pas, et place alors son casque sur son crâne, symbolisant alors la suite des évènements à venir. « Être le Roi du Zagazorn et de tous les Nains, est le plus grand honneur que les Dieux, et vous, ayez pu m’offrir. Si les Dieux me le permettent, je règnerais alors jusqu’à-ce que mes cheveux prennent la couleur de la neige, que mon corps rabougrisse, et que j’atteigne l’âge de l’ancêtre vivant. Mais, s’ils ne me le permettent pas… Alors je mourrais la hache à la main, sur cette montagne qui nous appartient. Je vais aller trouver les Nains de Feu, et en finir une bonne fois pour toute sur cette menace qui pèse au-dessus de nos caboches. Dussé-je mourir, je rendrais mon souffle en souriant, car il n’y a pas plus belle mort que celle que l’on offre à sa patrie. Si j’y survis, alors, notre royaume n’aura plus rien à craindre et nous pourrons alors voir les jours à venir sous un soleil radieux. » Il point sa couronne des deux mains. « Si je ne suis pas revenu dans deux mois… Vous devrez convoquer l’Althinkalan, pour élire un nouveau Roi, ou une nouvelle Reine. Vous, fiers Almiens ô combien meurtris au cours de ces dernières décades. Vous… Qui avez la force de pouvoir sauver le royaume après ma mort. Je vous fais entièrement confiance. Si je revenais… Alors je serais aussi heureux qu’un père voyant son enfant pour la première fois dans ce monde. » Il fit demi-tour, avant de finalement revenir devant la scène. « Je vous aime, comme j’aime mes enfants. C’est un honneur que d’être un paternel, pour un tel peuple. Baruk ! » 9ème jour, 8ème ennéade de Vérimios | Premier mois de l’Hiver. Quelque part dans les Hautes-Terres | Territoires sauvages Année XXI | Xième Cycle. Il avait laissé sa couronne là où il s’était tenu, et avait enfilé alors sa monture, prit ses armes, et était parti en direction de l’Orsirzdin. Si son esprit était préparé à cette aventure dangereuse, la réalité, elle, fut autrement plus difficile encore. Le froid était infernal… Tous les jours, presque en continue, tombaient des tonnes et des tonnes de poudreuse, dangereuse, dans laquelle les sabots des Béliers glissaient parfois. Bêtes et cognards étaient sur le qui-vive en tout temps, et tous lieux, mais tous tinrent bon.
Tels les élus des Dieux en les temps reculés, la quinzaine de cognards montés à dos de Bélier se sentait transcendés par une mission qui les dépassait tous. Chaque défi, chaque affrontement, resserraient les liens éthérés que seuls des frères d’armes et compagnons d’infortunes peuvent un jour connaître. Mais, aussi soudés puissent-ils être, ils n’en demeuraient pas moins des mortels, dans un environnement impitoyable.
Ils perdirent le premier brave, alors qu’ils traversèrent un tunnel naturel permettant de raccourcir une partie du trajet. L’épaisseur de neige fraiche était telle qu’ils ne purent entendre les craquements de la montagne trahissant une fragilité que le poids des montures, en surface, finirent d’accélérer. Une congère aussi grande qu’un Elfe se décrocha, et embrocha Gondür Dur-Lame et sa monture, tuant l’un et l’autre si rapidement que les pauvrets ne purent point émettre le moindre bruit. Le second brave à donner sa vie, fut une brave : Aslaug Crâne-Dur. Almienne pure souche, elle connaissait les monts comme personne ! Mais même elle ne pu survivre à la plus grande avalanche jamais vue d’œil de Nain : une plaque, immense, se décolla de la montagne où circulait les quatorze survivants. Alertée, elle pu prévenir le Roi et ses compagnons, leur permettant de fuir en trouvant l’unique chemin où la couche était moins épaisse, et donc, plus sûre. Mais ce faisant, elle se sacrifia pour que les autres puissent vivre…
Trois autres trouvèrent la mort quelques-jours après, au cours d’une bataille épique et ô combien horrible. Alors qu’ils se reposaient dans un creux naturel que d’aucun croyait obturé par un précédent éboulis, la fatigue emporta celui qui devait être de faction. L’éboulis n’était au final, qu’un piège, savamment disposé par quelques Berserkers retranchés. Lorsqu’ils ouvrirent le passage, ils se jetèrent sur la cohorte Naine dans des cris gutturaux bestiaux digne des pires bestioles de ce monde. Ils tranchèrent la gorge de Throfl Bec-de-Coq, excellent pisteur, chasseur, combattant à pied et… Chanteur. Chaque nuit, alors que le moral chutait, il jouait de sa petite viole, et chantait des champs à la gloire du Zagazorn, remontant alors le moral des braves, réchauffant les cœurs, attisant les passions. Un soir, il joua tant et tant, qu’il ne pu prendre le moindre repos avant la nuit suivante… Tous purent s’endormir au son doux de son instrument, telle une berceuse pour les Nanillons lors d’un soir sans lune. Avait-il seulement râlé ? Que nenni ! A la place, il avait remercié les Dieux de lui avoir octroyé tel don de pouvoir transcender la fatigue, la douleur, la peine et le chagrin, pour poursuivre cette mission quasi divine. Le second à tomber fut Yärr Frappe-Pogne, appelé « mi main » après qu’il ait dû s’amputer lui-même la moitié de sa main gauche pour se sortir d’un éboulement dans les profondeurs d’Almis. Transcendé par ce qui se passait, il se jeta corps-et-âme dans la bataille, sauvant Harald in-extremis alors que l’un des Berserker allait décapiter Harald d’un coup de tranchoir. Il succomba aux assauts d’une demi-douzaine de Berserker obnubilés par sa force et ses cris, et sauva le groupe, qui put alors reprendre du poil de la bête. Toutefois, dans cette contre-offensive, un troisième Nain perdit la vie : Frollö Poing-de-Roc. Lantais d'origine, formé dans l'infanterie lourde, il mena la contre-attaque tête en avant et poings au clair, et succomba face aux lames des Berserkers.
Mais, bientôt, le moral déclina. Trop de morts… Trop de fatigue, de chagrin et de fardeau sur le cœur et les caboches. Harald lui-même pensa à rebrousser chemin, à attendre le Printemps… Lorsqu’ils découvrirent un corps glacé aux traits pourtant caractéristiques : des yeux d’un rouge carmin tel un sang séché ; une peau noire de cendre, rendue grisâtre par la glace et la mort ; une longue barbe et… Des traits connus : Sognir.
« Ainsi, Sognir aura trouvé les Nain de Feu… Et ce faisant, aura pactisé avec eux. » Dit alors Harald, grelottant, la barbe plein de petites congères, le souffle haletant et les cheveux aussi raides que des piquets. Emmitouflé comme le serait un bambin dans quatre épaisseurs de couvertures, il regardait le corps sans vie remarquablement conservé par le froid et la glace. Tous étaient silencieux… Tous attendaient, également. « Ainsi donc, même le fier Almien désireux de redonner à la Perle, sa place d’antan, aura succombé aux attraits de la trahison. Qu’espérait-il trouver là-haut ? Un pouvoir quelconque, pour des conquêtes quelconques ? Avait-il su peu d’estime de nous, pour s’arroger les pouvoirs mythiques d’engeances du passé afin de poursuivre ses propres combats ? » Questionnait-il, autant pour lui que pour ses braves encore en vie. « Sognir… Sous tes traits de vénérable ancien… Tu n’avais en réalité rien de sage. Continuons, mes amis. Nous sommes proches du but. » 5ème jour, 1ère ennéade de Karfïas | Second mois de l’Hiver. Orsirzdin | Hautes-Terres du Septentrion Année XXII | Xième Cycle. La montagne était là, devant eux. Endoloris, les pieds bleuis par le froid et l’humidité glacée, les yeux rougis par les petits grêlons qui frappaient leurs visages depuis des heures et des heures, les lèvres si gercées que des crevasses profondes s’y étaient établies offrant alors douleurs et inconfort, ils regardaient toutes et tous cette montagne à moitié effondrée sous l’action magique d’un être semi-divin. Dans cette montagne, d’ardentes volutes s’échappaient, tranchant drastiquement avec l’environnement glacial de ces lieux. De grandes fumées blanches embrumaient les environs d’une sorte de brouillard spectral… Mais tous pouvaient le voir et le ressentir : ils étaient là où se trouvaient les Nains de feu. Alors, ils s’avancèrent, un pas après l’autre, jusqu’à-ce que la chaleur devienne trop forte pour des êtres habitués au froid, et à la peau si meurtrie que la moindre température positive pouvait se comparer à une immolation par le feu. Ses compagnons étaient derrière lui, armes rangées… Le but n’était pas de combattre, oh non. Le temps de l’effort, du don de soi, de l’abnégation, était derrière eux ! L’heure du sacrifice était arrivée maintenant.
« Nulrir ! Nains de Feu ! Nains du Feu Primordial ! » Hurlait Harald, la voix si blessée qu’il s’agissait davantage d’une raillerie qu’un véritable cri rauque et fier. « Mes frères et sœurs et moi, sommes passés par la neige, le froid et la mort, pour nous présenter face à vous ! Acceptez-vous de nous parler ? » Les dès étaient jetés. La vie de Harald, tout Roi qu’il était, ne lui appartenait plus. Pas sûr qu’ils survivent, ni lui ni ses cognards, au trajet du retour… L’heure… Oui, c’est l’heure.
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Nombre de messages : 1686 Âge : 824 Date d'inscription : 14/01/2008
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| Sujet: Re: Finissons-en. Dim 28 Juil 2024 - 20:32 | |
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Un écho résonne dans le vallon. S’écorche contre les troncs des arbres calcinés, solidifiés par des flammes trop ardentes, comme figés dans le temps. Et pour leur répondre, la montagne fendue, de l’autre côté du vallon, tremble, gronde et vomit une gerbe de lave. Les holwerms s’agitent au creux des rivières de terre en fusion, s’unissant aux échos se réverbérant sur cette terre de flammes.
Là, au loin, entre les vents cendrés, s’agitent quelques dawi à l’apparence étonnante. En tout point semblable à Nulrir, à Sognir. Une petite troupe de cinq individus se forme rapidement. Mené par une barbe qu’Harald reconnaît sans peine à mesure qu’il approche, lui qui, lors de leur première entrevue, avait convoqué des puissances de fleu et de lave dans sa confrontation avec le Main-Ferme.
Les fidèles du Feu Primordial arrivent bientôt à portée des braves encore en vie. Leurs regards sont emplis d’autant de méfiance que de curiosité. Des regards allant aux dawis fourbis jusqu’à leur chef.
- Harald Barbe-Sanglante. Je me dois de l’avouer, je me languissais de ton arrivée. Sognir t’as donc bel et bien transmis mon message mais… Je ne le vois point. Sans animosité, mais plutôt un brin inquiet, Nulrir approche tout en cherchant du regard parmi la troupe. Nous avons creusé dans la roche un peu plus bas, là où la chaleur ne vous fera pas suffoquer, afin d’accueillir d’éventuels messagers. L’honneur me commande de vous inviter à vous abriter sans plus attendre. Toi et les tiens avez souffert, je le vois bien.
Une naine à la peau de cendre approche à son tour, elle observe ses cousins à la peau pâle. Un regard pour Nulrir suffit à ce dernier pour comprendre, il opine du chef et désigne la direction d’une main.
- Nola était guérisseuse dans sa vie d'antan, elle pourra s’occuper des plus mal en point. Sachez malgré tout que nos corps étant différents, nous ne possédons que peu d’onguents et de remèdes qui vous siéraient.
Sur les visages commence à poindre une sorte d’incrédulité. Ni les fils du feu ni ceux du Grand-Royaume ne s’étaient préparé à ce qui allait suivre. Sans l’ombre d’un doute, quelque chose avait manqué.
_________________ Ombre fugace Maître de ton destin -Crédits de l'avatar: ETERNAL RETURN - Art of pierre / Alain D. Site de l'artiste: http://www.3mmi.org/v9/ |
| | | Harald Barbe-Sanglante
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| Sujet: Re: Finissons-en. Mar 30 Juil 2024 - 8:19 | |
| L’une des principales choses qui séparait la population des guerriers, était cette accointance avec la mort. Cette manière de vivre, d’agir et de combattre au mépris du danger, de manquer de mourir plus de fois qu’il serait possible de les compter et, pourtant, d’en réchapper encore et encore… Seul ou à plusieurs. C’est le fait de voir mourir les siens, au combat ou à cause du froid ; de maltraitance ou en sacrifice ; dans les flammes ou la neige ; sous la lame ou le roc de quelques créatures pas assez intelligentes pour faire quoi que ce soit d’autres avec les produits miniers. Harald avait toujours eu ce regard : celui de ceux qui en ont trop vus, de ceux qui ont trop vécus de choses de ce genre. Trop d’horreurs, de pertes et de gens aimés que l’on voit mourir pour de grandes causes… Ou de plus petites. Mais, aujourd’hui, son regard avait changé encore… Comme il avait changé depuis ces dernières années alors qu’il commandait à une nation en plus de guerriers dédiés à la guerre et aux combats. Il commandait à la nation, et le royaume répondait. Mais, en conséquence, à chaque fois qu’il envoyait des Nains conquérir commercialement la Péninsule, son regard changeait ; à chaque fois qu’il envoyait des Nains reprendre le Nord, son cœur s’assombrissait ; à chaque fois qu’il ordonnait que l’on se prépare à la guerre, sa Braise pleurait celles qui tomberaient sur les champs de batailles à venir. Il regarda Nimir alors avec cette intensité grandissante de celui qui, justement, doit décider pour le plus grand nombre. Aujourd’hui, il était prêt à consentir au sacrifice ultime, car sa vie, sa Braise, son existence tout entière, dépendaient alors de ce qui se jouerait ici. Il n’avait aucune magie avec lui… Il n’avait presque plus de vivres, et autrement dit, plus de chances de mourir avec ses guerriers et cognardes que de revoir un jour les territoires bénis des Dieux. Il y était prêt… Aussi regardait-il Nimir avec intensité, sans peur et sans faillir, même lorsque ce dernier mentionna Sognir, qui était censé délivrer un message. « Je n’ai point eu de messages. Mais j’ai vu Sognir. » Lui dit-il tout de go, sans chercher à masquer ce qui était une vérité immuable dorénavant. « J’ai vu son cadavre, à plusieurs lieux d’ici. Il est mort dans le froid et la glace, mais les traits de cendre des vôtres étaient toujours bien visibles. Il n’aura pas atteint Almis… » Confiait-il, avant de regarder à nouveau Nimir, une pointe d’autorité dans les yeux. « J’apprécies l’attention portée aux miens. Ce serait déshonneur de refuser votre aide, et stupide que de faire croire qu’elle ne nous est pas vitale. Je te remercie. Mais je dois savoir… » Dit-il, laissant entrevoir alors la suite de ce qu’il allait demander, bien que cela soit véritablement une évidence dans de telles conditions. « Quel message devait-il me délivrer ? » Il suivrait bien-sûr, Nimir et les siens. Car bien qu’inquiet face à la trahison manifeste du vieil Almien devenu Narundi de son propre chef, bien des choses échappaient au Roi… et Harald avait besoin de savoir, et de comprendre.
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| | | Harald Barbe-Sanglante
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| Sujet: Re: Finissons-en. Jeu 10 Oct 2024 - 15:29 | |
| De messages, il n’y en eu, en réalité, que très peu ce jour-là. S’ils conservaient encore quelques notions de leurs vies passées lorsqu’ils furent en vie avant de trépasser pour n’être sauvés que par une entité des temps jadis, le respect de l’honneur de l’invité et du damné, en était une. Ils n’étaient plus que dix survivants sur une épopée de quinze cognards et bavettes. Ces résistants, transits de froid, blessés d’engelures, de corps-aux-pieds, de crevasses et autres plaies que le froid forme sur les extrémités et qui, en quelques-jours seulement, peuvent condamner une vie, furent pris en charge par le feu de celle qui s’appelait Nola, ancienne guérisseuse Almienne. Ses cataplasmes, ses incantations et ses soins, transcendés par la chaleur divine qui l’animait depuis que le Béhémoth l’avait sauvée du froid et de la mort, rendirent une fière chandelle aux peaux meurtries et aux corps harassés. Même Harald, pourtant prêt à mourir à la demande des Dieux, ou à la moindre nécessité, pu ressentir les bienfaits de ces savoirs-faires ancestraux améliorés par une magie semi-divine. Appréciant l’exercice, Harald se laissa faire, et remercia la guérisseuse pour l’aide qu’elle avait apporté à l’équipée. Mais tout le froid et toutes les souffrances du monde ne sauraient anéantir le but de cette folie glaciale. Pourquoi avoir quitter le confort d’une antique cité reconquise ? Pourquoi avoir été si loin dans l’inconfort, la souffrance et le danger ? Pour céder aux bienfaits de quelques onguents ? D’une magie honnie ? Non, assurément non. Le souverain avait des choses à dire, des choses à faire, un devoir à accomplir. « Plusieurs des miens sont morts pour m’accompagner jusqu’ici. Si votre cœur est aussi noir que la nuit et aussi assombri que le ciel lors d’une éruption volcanique, je crois, non, je sais, que vous mesurez pourtant toujours la portée de tels sacrifices. Nous étions quinze… Et cinq sont morts pour que je puisse vous parler aujourd’hui, alors, j’irais droit au but ! » Commençait-il, la voix forte, l’attitude fière, et le regard brûlant d’une étincelle d’un nouveau genre. Une étincelle qui indiquait non point la colère ou la rancœur, mais une chose bien plus belle, plus épique également : celle du devoir, celle de l’intention d’aller jusqu’au bout quel qu’en soit le prix, quelles que puissent être les conséquences. « Il y a de cela des mois, lorsque nous sommes venus une première fois entrevoir la montagne de feu, j’ai condamné à mort, et exécuter moi-même deux amis, pour trahison. Deux amis avec lesquels je me suis battu par le passé, pour pouvoir survivre, pour pouvoir vivre. Je les ai tués, parce qu’ils vénéraient Mogar à nouveau, et parce qu’ils voyaient votre présence comme un défi de la part du Père. Un défi pour que nous retournions dans son giron, mais, pour cela, nous devions vous exterminer. J’ai refusé leurs conclusions que je crois erronées. Et puisqu’ils m’affrontaient, et que ce n’était pas la première fois qu’ils préparaient une trahison, ou un outrepassement de mes ordres… Je les ai condamnés et exécutés sur cette montagne. Et puis, si je puis être certain du bienfondé de ma démarche et de la justesse de mes actes… Je ne peux ignorer votre présence sur ce royaume et l’essence qui vous compose. Vous aviez suivi Dun Eyr le Fou et Mogar le Destructeur, pour finalement vous abandonner à Feu Primordial. Un jour ou l’autre, vous et moi, les vôtres et les nôtres, s’affronteront. Pour la conquête, pour la maîtrise ou simplement par pure dévotion religieuse. Aussi, puissent les Dieux m’en être témoins, je viens vous voir afin de connaître vos intentions et vous exposer les miennes. » Il n’y eut point d’affrontement, ni en ce jour, ni les jours suivants. Les Nains de Feu, représentés par Nulrir, n’avaient que peu de demandes, peu d’obligations à transmettre ou de choses à imposer. Ils n’avaient pas l’air nombreux, mais ce qui s’apparentait à une ville de flammes et de cendres regorgeait de vie. Ils n’avaient point d’armées, mais étaient armés, eux, naturellement. Alors pourquoi avoir refait surface ? Pourquoi en ces temps ? Pourquoi ainsi ? Ils ne voulaient pas de guerres, ils ne voulaient pas de morts inutiles. Ils ne désiraient ni expansions, ni accords d’aucune sorte. Ils ne désiraient ni soumissions, ni choses à imposer manu-militari. Ils voulaient… Ils voulaient être laissés tranquilles. Ils voulaient vivre en paix, dans cette partie du royaume qui appartenaient autrefois aux Nains qui fut perdue depuis le Voile. Ils se défendraient si besoin, ils iraient jusqu’à l’affrontement si nécessaire, mais ils ne tenteraient rien si rien n’était tenté contre eux. Une paix de principe pour une vie tranquille dans ce bout de terre perdue au bout du monde. Les Nains du Feu Primordial accordèrent aux Nains du Zagazorn quelques-jours pour se remettre de ce périple éreintant. Les jours devinrent des ennéades, tant les corps et les esprits avaient été meurtris… Se jeter dans cet environnement glacial, faire face aux tempêtes de neiges, aux éboulements de terrains, aux Berserkers, aux Engeances et autres dangers, c’était risquer à nouveau la mort de toute l’équipée… Mourir si près du but… Était un risque à prendre.
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 171 ans (An 21:XI) Taille : 1m49 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Re: Finissons-en. Jeu 17 Oct 2024 - 14:10 | |
| 7ème jour, 5ème ennéade de Karfïas | Second mois de l’Hiver. Quelque part dans les Hautes-Terres | Territoires sauvages Année XXII | XI Cycle. Le tintement des armes, le bruit de l’acier ; le fracas sourd des boucliers, les craquements des os ; l’odeur du sang dans celle de la neige fraîche ; les cris, au milieu des orages. Tel l’avènement de la fin d’un monde, la cohorte de survivant devait faire face à sa propre fin. Alors qu’ils faisaient route vers la Perle de l’Est, gravissant les mêmes anciennes routes, vieux chemins et autres sentes chaotiques oubliées depuis le Voile, que celles qu’ils avaient gravies en se rendant vers la montagne de feu, une attaque eut lieu. Lancée par quelques Engeances qui vivotaient ça et là, l’horreur s’élança vers ces êtres dont les corps étaient fourbus depuis des jours déjà. Les soins apportés par les Nains de Feu furent suffisants durant les jours de repos : ils soignèrent les cors aux pieds, les engelures et autres plaies plus ou moins profondes causées par le froid et que seuls les environnements secs et chauds sauraient soigner. Ils offrirent à manger et à boire, et, après les discussions entre Harald et Nulrir, garantirent un sauf-conduit pour l’épopée royale jusqu’aux limites du territoire que les Nains de Feu s’arrogèrent voilà deux années… Et ensuite, eh bien… Ils furent seuls à nouveau. Dix survivants. Dix Braises-Vies, qui entreprirent le périple le plus difficile de leurs vies pour pouvoir revoir la cité de l’Est, et surtout, retrouver leurs clans, les êtres aimés et vivre pour se battre un autre jour encore. Dix guerriers et guerrières qui, maintenant, luttaient pour leurs survies. Douze Engeances s’étaient jetées sur la cohorte depuis de petites hauteurs, alors que le convoi royal s’apprêtait à passer dans une petite crique naturelle. Après une chute d’au moins cinq mètres, les démons de Brisséa se jetèrent sur les crânes et les épaules des compagnons du Roi. Ainsi placé en position de force, ceux qui furent jadis des Nains du Zagazorn et qui, aujourd’hui, n’étaient plus que des animaux, purent laisser ourdir toute leur sauvagerie. Leurs armes avaient beau être émoussées car datées de plus de deux décennies sans entretiens, leurs forces, rendue grandie par la bestialité, était suffisante pour détruire os et même petites pièces d’armures, faisant d’eux, des adversaires mortels. Sur les trente premières secondes de cet engagement inégal, trois Nains furent tués : Slepnir Bras-d’Acier, Goguenir Durazal et Agralda Dur-Tête. Deux autres, blessés, jetèrent leurs dernières forces dans le combat afin de renverser l’issue de cette bataille déterminante. Le tintement des armes glissant les unes contre les autres résonnait dans le lointain. Derrière leurs boucliers, certains Nains, acculés, recevaient les assauts sauvages de deux voire trois créatures. Le sang, partout, maculait la neige qui, au contact du liquide vital, produisait quelques volutes trahissant la différence entre le froid de la mort et la chaleur de la vie. Voyant que l’un de ses compagnons était blessé, et recroquevillé derrière son bouclier pour se protéger des attaques de deux bêtes, Harald, hurlant alors sa rage guerrière, bouscula son assaillant pour finalement planter le fil de sa hache de guerre dans la colonne vertébrale de l’une des Engeances presque couchée sur le bouclier du compagnon. A peine la lame eut-elle détruit les vertèbres du pauvret, ce dernier se laissa choir au sol, comme inanimé, ne pouvait plus utiliser que sa tête et le haut de ses épaules. Paralysé, il n’était plus une menace, et Harald décida de le laisser souffrir pour pouvoir revenir vers le combat. Sa seconde victime, il l’a décapitée d’un coup sec alors que l’Engeance, nuque tendue vers l’avant pour tenter de se frayer un chemin dans la garde du pauvret allongé sous son bouclier, lui était offert en sacrifice. Le lourd corps musculeux semblable à un sang-mêlé entre un Nain et un Beärog s’effondra au sol telle une poupée de son, désarticulée et sans aucun tonus. Epuisé, mais envie, Heildalr Brise-Bouclier était sauf, bien que blessé. Son visage arborait une affreuse balafre, un œil pendait de son orbite et le côté droit de ses lèvres était fendu, lui rendant un visage horrible. Mais il était en vie ! « Merci Harald ! Par Ikthor, j’ai cru ma dernière heure arrivée ! J’suis pas prêt à rejoindre mes ancêtres dans le Mogankordum. S’exprima alors le pauvret, épuisé, mais heureux d’être en vie.
« Ne me remercie pas trop tôt Heildalr, cet enfer n’est pas terminé ! » D’un coup, il permit au soldat au lourd bouclier de se remettre sur ses pieds. L’équilibre était chancelant, mais la détermination demeurait intacte. « Ikthor nous entende, nous allons nous faire massacrer si nous ne nous ressaisissons pas… »
« J’n’ai pas d’idée Harald ! On est dans un goulot d’étranglement ! Soit on fonce, soit on s’repli mais… On n’a pô masse de choix ! »
« Alors on fonce ! » Répondit Harald. « Courrons vers ces salauds ! Et ensuite, pousses-moi ! »
« Que j’te pousse ?! T’as r’çu un coup sur ta caboche ?! »
« On n’a plus l’choix d’être réfléchit : faut agir ! On court ! Et quand on arrive d’vant la mêlée, tu m’pousses le plus fort possible avec ton bouclier ! Avec un peu d’chance, on pourra faire tomber ces salauds et traverser l’goulot et former un mur de bouclier de l’autre côté ! »
« Mais Harald, mon Roi, tu risques d’canner en faisant ça ! »
« Un Roi, ça s’élit ; une vie d’Nain, ça s’protège ! Je préfère canner et rejoindre mes aïeux plutôt que de laisser qui que ce soit mourir aujourd’hui ! Aller ! Fait ce que j’te demande ! » L’idée était aussi terrible que désespérée. Mais quel choix avait-il ? Heildalr s’exécuta alors, non sans soupirer du mufle. Tous deux s’élancèrent en direction de la mêlée où 7 Nains combattaient 9 Engeances. Ils coururent et ruèrent tant et tant que, lorsqu’ils arrivèrent devant la mêlée, le puissant coup de bouclier propulsa Harald tel un roc depuis un trébuchet. Telles des quilles, Nains et Engeances chutèrent et roulèrent au sol, s’entrechoquant, s’emmêlant même, s’incapacitant les uns les autres… « COUREZ ! » Groggys, inquiets mais poussés par l’irrépressible envie de survivre et de combattre, les guerriers, reconnaissant la voix de leur souverain, s’élancèrent sans demander leurs restes. Harald s’élança le dernier, et tous parvinrent à rejoindre l’issue de la passe où s’élargissait enfin le passage, suffisamment pour que quatre Nains puissent se positionner au-devant, boucliers tenus fièrement, et qu’une seconde ligne de haches et de piquiers puissent faire leurs offices. Harald se positionna derrière la seconde ligne encore, coordonnant la contre-attaque. Une minute à peine après avoir réalisé ce semblant de ligne militaire, les Engeances revinrent, s’élançant une à une à l’assaut au travers de ce goulot où leurs épaisses carrures ne leur permettaient que de passer une à une. Sans attendre, et sans réelle coordination, elles s’élancèrent, fonçant dans les boucliers avant d’être percées et frappées par les haches, les épées et les lances, s’écroulant alors aux pieds des Nains. Pour permettre de manœuvrer, un Nain s’occupait de tirer les dépouilles jusqu’au derrière du mur de bouclier, évitant ainsi qu’un amoncellement de cadavre ne redonne l’avantage aux Engeances. C’est alors que l’une des dernières Engeances, s’élançant à son tour, hurla une phrase aux accents gutturaux inconnus du commun des Nains. Cette phrase, semblable à une incantation aux octaves de basses, trouva son point d’orgue lorsque l’engeance se heurta aux boucliers. Une lueur bleutée s’échappa alors des yeux et du torse de la bête, et une explosion, comme on en eut vue rarement, décima les rangs des Nains qui chutèrent comme un château de cartes. Réduite en charpie, l’Engeance n’était plus, mais deux de ses compagnons, survivant aux affres de l’explosion et aux coups des Nains passèrent la ligne de défense Naine, qui n’était plus, en réalité, qu’un reliquat de sang, de chair et d’acier. Le monde autour de lui n’existait pratiquement plus. Harald, propulsé par l’explosion, avait les esgourdes en sang et le cerveau en bouillie. Il ne sentait plus ni son corps, ni son visage, ses pognes tremblotaient sans qu’il ne puisse rien y faire et sa vue se troublait, alors que la pulse de sa vie allait et venait dans ses entrailles. Son souffle, coupé, reprit après de très longues secondes durant lesquelles il crut mourir. Il prit une longue respiration, gargouillant du sang qui s’accumulait dans l’arrière de sa gorge, et la douleur qui étreignit son palpitant et ses poumons lui arracha un rictus de gêne. Il siffla entre ses dents, obligé de soudainement s’allonger sur son flanc pour vomir ce sang qui stagnait dans sa gorge et s’éviter ainsi de se noyer dedans. La toux l’étreignit, plus douloureuse encore que l’immense crampe musculaire qui raidissait tous ses muscles. L’espace d’un court instant, Harald espérait que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve, un cauchemar, et qu’il finirait enfin par se réveiller dans un lit doux et chaud, auprès de Brynhild, loin de ces montagnes glaciales. Mais la réalité le rattrapa bien rapidement. Une chaussure de cuir glacé se plaça sur ses côtes et, d’un geste, le força à se remettre sur le dos. Au-dessus de lui se trouvait une des dernières Engeances ayant survécu aux combats. Son faciès buriné ressemblait davantage à celui d’une bête sauvage terrible et meurtrière. Ses yeux, injectés de sang, dardaient un regard de braise et de haine. Sans autre mesure, l’être transformé en monstre par les affres du Voile, planta dans le bide du souverain une épée rouillée qu’il trimballait çà et là. La sensation froide de l’acier transperçant son armure et s’enfonçant dans ses chairs, réveilla le souverain qui vit soudainement plus clair que jamais auparavant : il allait mourir. La morsure glaciale l’étreignit soudainement ; la douleur, inexistante au départ, lui arracha un cri plus animal que réellement désiré. Il hurla encore, lorsque la créature retira la lame tâchée d’un sang chaud qui, sitôt sorti du corps du Roi, commençait à cristalliser sur l’acier. L’espace d’un instant, la vie sembla… S’arrêter. S’il suivait des yeux le trajet de cette lame qui s’approchait soudainement de sa gorge, Harald, en réalité, revoyait sa vie défiler devant lui. Il revoyait son père et sa mère ; revoyait son Kumenouth, sa première manœuvre dans les rangs de l’infanterie lourde, sa première bataille contre les Grobis. Il ressentit à nouveau l’étreinte douce de sa première liée, laquelle lui donna trois enfants avant de mourir. Il revit ensuite l’atrocité du Voile, son accession aux rôle d’ Ongaraz de Lante, puis de Gazanundi, et enfin, de Groman-Rik. Il sentait, en une seconde seulement, le vent de l’été, les embruns sur la côte, l’odeur de sève du Lörn, l’humidité dans les couloirs sombres de Molgrunn lorsqu’ils redécouvrirent la cité. Les joies d’être père, d’être lié, d’être honoré. Il vit ensuite Brynhild, son visage, sa chaleur et son ventre rond… Il allait être père… Il l’était même probablement déjà, mais n’avait pas pu être là lorsque Brynhild mit au monde un fils, ou une fille. Était-elle seulement encore en vie ? Par les Dieux, il l’espérait sincèrement… Puis, une brise froide, un tintement scintillant, un bruit atroce et une gerbe de sang sur son visage. Lorsqu’il pu reporter son attention sur son agresseur, c’est là, qu’il les vit : cinq survivants, ayant tous plantés haches, épées et dagues dans le corps de l’Engeance qui, surprise et désarmée, s’était figée soudainement. Cinq lames, transperçant l’ennemi depuis toutes les directions, sauvant ainsi le Roi. Comprenant qu’il était sauvé, Harald s’abandonna alors à l’étreinte de la mort et sombra dans l’inconscience. 4ème jour, 7ème ennéade de Karfïas | Second mois de l’Hiver. Quelque part dans les Hautes-Terres | Territoires sauvages. Année XXII | Xième Cycle. Couché sur un bouclier transformé en brancard de fortune, Harald était là, à moitié-mort, à moitié-vivant. Il ne portait plus son armure, seulement une tenue de lin et de fourrure, son abdomen bandé par d’épais tissus renforcés pour prévenir tout saignement. Pour qu’il puisse garder sa chaleur, les guerriers avaient récupérer les fourrures et les couvertures de ceux tombés au combat, et les placèrent autour du Roi, dont même le visage était recouvert pour lui éviter les engelures et autres affres du froid. Régulièrement, les Nains s’arrêtaient pour reprendre leurs souffles, et s’assurer un peu de repos. Les bandages étaient changés. Le seul guerrier à ne point être blessé dans ses chairs, s’occupait des plaies et des blessures de ses camarades, qui, eux, avaient tous soufferts des lames et des coups des Engeances. De temps à autres, ils trouvaient quelques fleurs rares qui ne poussaient que là-haut afin de faire tomber les fièvres et d’assainir les plaies dont certaines commençaient à suppurer. « Est-il toujours en vie, Lörki ?! » Demanda Thromgrold, l’air inquiet.
« Oui, loué soit Ikthor ! Mais il lutte ! On pourrait faire cuire un œuf sur le front du Roi ! Il nous faut arriver à la cité rapidement, ou bien nous perdrons notre souverain ! »
« Almis est à cinq jours de marche ! Quatre, si nous activons nos joufflus ! »
« Vous êtes tous blessés ! Y’a qu’moi ici qu’ait pas une guibolle atteinte ou un œil crevé. J’peux vous soigner, mais si vous tentez de rejoindre la cité l’plus vite possible, vous cannerez tous sur le ch’min ! »
« On était tous prévenus qu’on risquait d’canner ! Dans la bataille, en chutant d’une falaise ou en s’prenant une stalactite au coin du bec, mais on était tous prêts ! S’il faut caner devant les portes de la cité pour qu’le Roi puisses survivre, alors, on l’fera ! Eh, vous autres ! » Hélait-il, attirant le regard de ses compagnons d’infortune qui, épuisés, meurtris, le regardèrent avec morgue et froideur. « L’Roi est en train d’caner ! La cité est pô loin ! Allons, bougez-vous l’joufflu ! On est pas allé jusque devant ces foutus Nains de Feu pour que le Roi meurt à l’entrée d’l’Almion ! Bougeons-nous ! Et qu’nos ancêtres préparent d’quoi festoyer dans le Monde du Dessous ! BARUK ! » Était-ce la discours ? Ou l’idée d’un dernier combat ? Était-ce la perspective d’une mort dans l’honneur ? Ou simplement, le souffle du devoir à accomplir ? La mort rôdait autour d’eux, ricanant, lorgnant les corps et les Braises-Vies en attendant son heure… Mais tous se levèrent. Quatre Nains agrippèrent le bouclier duquel dépassait de petits troncs de bois servant de rampes, et, dans des grognements de douleurs, hissèrent le Roi sur leurs épaules. Le dernier survivant s’employa à porter sur son dos les armes, les sacs et autres paquetages, s’harnachant comme une véritable bête de laboure. Ensemble, unis comme une seule Braise, comme un seul corps, ils reprirent l’avancée… S’approchant un peu plus à chaque pas de la Perle de l’Est.9ème ème jour, 7ème ennéade de Karfïas | Second mois de l’Hiver. A l’entrée de la cité d’Almis | Au petit matin. Année XXII | Xième Cycle. L’aube pointait à peine le bout de son nez. Dans le ciel hivernal qui, doucement, laissait entrevoir l’arrivée du Printemps, de magnifiques couleurs rosées, dorées et orangées, annonçaient le lever d’un nouveau jour sur cette bonne vieille terre. Les gardes de la cité de l’Est regardaient ce magnifique spectacle avec des yeux d’enfants : que le pays était beau, que la montagne était belle ! Et dire qu’au loin, en direction de l’Est, se trouvait le royaume du Zagazorn, jusqu’aux confins de l’Ouest, dans les plus hautes montagnes de ce monde. Oh, ils espéraient qu’un jour, le royaume du Zagazorn puisse à nouveau rayonner sur les territoires qui furent siens… Mais pour cela, il leur fallait un Roi… Puis, alors qu’ils entreprirent leur ronde matinale, un bruit, différent de ceux de la montagne, mit les gardes en alerte. Un râle, des grognements. Serait-ce une attaque en devenir ? Plus ils s’assemblaient, plus les râles se faisaient proches. Puis, des mouvements de pierres, de petits éboulements. Quelqu’un, ou quelque-chose, gravissait la montagne depuis les vieilles sentes qui menaient loin au Nord-Ouest… Ils envoyèrent alors une petite troupe de quelques-soldats, qui disparut derrière les rocs où commençait la sente… Cinq minutes s’écoulèrent… Puis dix… Vingt… Et enfin, un bruit, un cri ! « C’EST LE ROI ! PAR LES DIEUX, LE ROI ! VENEZ NOUS AIDER ! » Les gardes, en position pour faire face à une attaque, se mirent alors à courir dans toutes les directions. Certains abandonnèrent les hauteurs et chemins de rondes, et traversèrent la grande porte renforcée depuis deux mois sur les ordres de Harald, s’enfonçant alors dans les reliefs des sentes anciennes… Avant de revenir. Le Roi était toujours sur ce bouclier transformé en brancard de fortune, et ses compagnons, transits de froid, blessés et même mourants, étaient ramenés bras-dessus, bras-dessous, par les gardes qui n’en revenaient pas de voir ainsi tant de souffrances. Ils ramenèrent bien vite l’ensemble de l’équipée dans les murs de la cité, leur offrant alors un repas chaud – pour ceux qui pouvaient manger – et un lit douillet, auprès des runistes guérisseurs. Ceux-ci préparèrent onguents et cataplasmes, et surtout, des runes pour que la peau puisse redevenir aussi rose que celle d’un nouveau-né, ressouder les os, faire tomber la fièvre, s’assure la survie de ceux qui subirent tant et tant. Harald fut même placé sur un lit d’acier où les runes de vie étaient gravées. Réservé pour les états les plus graves, ce lit était… La dernière chance. Sans cesse, runistes et guerriers se relayaient pour surveiller l’état du Roi qui, les premiers jours de son retour, était plus que préoccupant. Son fils veilla son père sans faillir… Et, fort heureusement, tous les autres survivants de l’équipée purent, petit à petit, sortir de l’antre des guérisseurs, leurs jours n’étant plus en danger. On fit alors porter la bonne nouvelle, par corbeaux. Le Roi était revenu de la Montagne de Feu, et sa vie était en danger. Blessé, il bénéficiait de tous les soins possibles, mais allait-il survivre… Lante, Kirgan, Thanor et Molgrunn, reçurent des corbeaux dans les jours à venir… Et la nouvelle ne tarderait point à atteindre tous les Nains.
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