Adieux aux toits de Diantra [Valk]

[Bon alors… J’ai lu votre RP avec Lily, et ça m’énerve parce que c’est n’importe quoi ^^ Oui, Dan est enceinte, mais seulement de trois semaines ! Son ventre est toujours plat, et elle-même n’est toujours pas au courant. Merci de corriger les incohérences…]

Alors qu’elle laissait sa peine s’exprimer comme bon lui emblait à travers ses yeux humides, Daneva entendit quelqu’un monter sur le toit. Allons bon… Qu’il la tue, si ses intentions étaient mauvaises. Dane ne se défendrait pas. Elle n’en avait plus l’envie, plus la force. Et puis avec un peu de chance il lui offrirait une mort rapide et sans douleur, elle pourrait ainsi rejoindre son cher Calis là où il l’attendait… Le visage dans les mains, elle ne prit pas la peine de lever les yeux vers lui. Il se mit à lui parler… Dane soupira. La mise à mort ne serait pas pour aujourd’hui.

Ses mots étaient creux. Ils ne signifiaient rien pour Dane… Cet homme ne savait pas ce qui lui était arrivé le soir précédent. Il ne comprenait pas le mal qui la rongeait et ne pouvait, de fait, lui apporter du réconfort. Même avec un mouchoir… Enfin la jeune femme leva les yeux vers lui, faisant preuve d’une bonne volonté surhumaine. Aussitôt, elle fut happée par le regard bleu profond qu’elle connaissait si bien.

-Valkayre ?

Sa voix était brisée par les cris qu’elle avait pu pousser, mais elle exprimait aussi tout son étonnement face à cet homme dont elle avait jadis été assez proche. Elle pensait ne jamais le revoir… Il était dissimulé sous quelques voiles, mais son regard seul suffisait à Dane pour le reconnaître. Encore une fois, il semblait changé, meurtri tout comme elle. Qui sait dans quelles horreurs il s’était encore jeté ? Avec émotion, elle s’empara du mouchoir qu’il lui tendait et le serra entre ses doigts sans le quitter des yeux. Il était la dernière personne qu’elle aurait imaginé rencontrer ce soir.

Par contre, lui ne semblait pas l’avoir reconnu tout de suite. Ressemblait-elle désormais à n’importe quelle femme de Diantra, seule et désespérée comme toutes ces veuves ? Sans doute… Plus rien ne l’atteignait, elle n’avait plus rien à faire de la gloire ou de quelque artifice que ce soit. Il n’y avait que ce vide qui l’obsédait sans lui laisser de répit…

Daneva l’écouta parler. Elle adorait l’écouter parler… Ses paroles étaient justes et sincères, et elles faisaient du bien à la jeune femme, qui avait besoin de cela. Tout en écoutant, elle se plongea une nouvelle fois dans la profondeur de ses yeux bleus, une couleur qu’elle n’avait pas oublié et qui la fascinait toujours autant. Une fois immergée, elle se sentait portée par un fluide agréable, et ses malheurs semblaient s’estomper pour laisser place au calme et à la sérénité. Reconnaissante, Dane prit la main de Valkayre et caressa lentement sa peau. Il était arrivé au moment où elle avait le plus besoin de lui, de sa présence.

-Je lutte, mon ami… Mais c’est difficile sans lui…

Il lui parla d’alliés. Certes, elle en avait… Toute une guilde vraisemblablement. Enfin, alliés… Il fallait le dire vite. Ces gens là lui apparaissaient soudain comme un poids. Il fallait s’occuper d’eux ! Leur donner des ordres, les diriger, prendre les bonnes décisions, et se faire obéir. Il fallait surtout se montrer forte, et ça Daneva pensait ne plus en être capable. Quelle serait leur réaction lorsqu’ils s’apercevraient que leur chef n’était plus qu’une loque désespérée incapable de cacher son chagrin ? Tout cela effrayait la Silencieuse plus qu’elle ne voulait l’avouer, cela semblait si difficile… Il lui serait impossible de retrouver la grande et forte Daneva avant un moment, le temps que la peine et les souvenirs s’effacent suffisamment.

-Je suis seule. Les apparences nient cette vérité, mais en réalité je ne peux compter sur personne. Ils me tueront lorsqu’ils apprendront que… je leur ai menti.

Le flot de ses larmes s’était tari peu à peu, mais à ces paroles, les sillons humides se remplirent à nouveaux et Dane s’accrocha désespérément au regard de l’homme, salvateur.

-Ils ne savent pas qui je suis vraiment, mais le secret ne restera pas longtemps gardé… J’ai peur de ce qui pourrait m’arriver si…

Calis… Sans lui elle se sentait si vulnérable ! Il était au courant pour Pahe, et elle se rassurait souvent en pensant que lorsque viendrait enfin le moment de dévoiler la vérité, l’assassin serait à ses cotés pour la défendre, et pour cela elle se sentait à l’abris de toute atteinte. Mais le protecteur n’était plus… Le protecteur, l’amant, la raison de vivre de Daneva. Puis elle observa Valkayre, l’homme qu’elle appelait autrefois « seigneur blanc » avec une touche de malice. Il n’avait plus rien de blanc, bien que l’aspect noble ne puissent pas quitter sa personne, y demeurant par nature. Ses habits étaient bruns, sombres… La jeune femme fronça les sourcils et passa des doigts tremblants sur le tissu qui recouvrait sa poitrine.

-Que t’es-t-il arrivé, Valkayre ? Toi d’ordinaire si clair et si pur, tu portes aujourd’hui des lambeaux d’obscurité. Quel est donc ce mal qui a réussi à atteindre ton cœur ?

Il n’y avait donc plus rien de beau dans cet univers ? Toutes ces jolies choses dont elle appréciait la douceur ou la couleur auparavant s’étaient estompés et lui paraissaient aujourd’hui grisâtres, mornes et sans intérêt. Lorsqu’il lui parla de sa guilde, et de ses buts, Dane réprima un soupir. Elle ne voulait pas lui répondre, car la réponse ne lui plairait pas. Ceci était un des points sur lesquels les deux humains ne s’entendaient pas, ce qui faisaient qu’ils étaient si différents. Ignorer la question ne fut pas bien difficile, car elle fut suivie d’une mise en garde intrigante…

-Ne pas… Aller au nord ? Mais pourquoi me rendrais-je là bas ?

En y mettant le temps, elle finit par faire le lien entre ses différentes paroles. L’effet conjugué de sa fatigue et de sa douleur, ainsi que celui des yeux envoûtants de son interlocuteur annihilaient son esprit et la rendaient confuse…

-Tu… Tu y es allé ? Qu’as-tu vu ? Que t’ont-ils fait ?

Soudainement inquiète, Dane se souvint que Valkayre avait aussi fait un séjour dans les salles de torture drows… Cet homme avait vécu les pires choses que l’ont pouvait imaginer en Miradelphia, et était vraisemblablement aussi allé les chercher ailleurs. Sa bouche trembla à nouveau tandis que son regard fiévreux scrutait le visage de l’homme à la recherche d’éventuelles blessures. Elle tenait beaucoup à lui, et n’aurait pas supporté qu’il lui arrive malheur, à lui aussi…

Il avait l’air d’être sauf. Du moins, d’après ce que Daneva pouvait apercevoir… Valkayre avait toujours été doué pour dissimuler les choses qui le gênaient. A moitié rassurée, elle laissa mollement tomber sa main sur ses genoux repliés et les fixa un long moment. Il lui proposa un repos avec lui, dans un certain campement. La jeune femme secoua faiblement la tête, l’air navré.

-Nous partons ce soir… Et notre départ ne peut être retardé. J’aurai aimé venir avec toi, mais encore une fois je dois refuser. Même si ils ne savent pas encore à quel point, les Silencieux ont besoin de moi. Je ne peux pas les abandonner…

Sans force, elle se servit du mouchoir de l’homme qui se tenait en face d’elle pour sécher ses joues avec des gestes maladroits. La proposition qu’il lui avait faite était terriblement tentante, mais comme elle l’avait expliqué, ses responsabilités l’emportaient sur ses désirs. Certes elle avait besoin de repos et de soins, et n’aspirait qu’à la quiétude des bras protecteurs de son ami… Son corps malade et meurtri ne supporterait plus très longtemps de ce manque d’attentions. Cependant si elle laissait la Compagnie livrée à elle-même, ce serait comme renier ses principes et ne pas tenir toutes les promesses qu’elle avait fait à Calis et à elle-même… C’est pourquoi elle finit par lever une nouvelle fois les yeux et appuyer ses paroles d’un regard décidé.

-J’aurai préféré que nos retrouvailles se déroulent dans d’autres circonstances.

Ses mains sur ses hanches la troublaient. C’étaient des gestes tendres, caractéristiques du désir provoqué par la tendresse… En effet, peu après leur rencontre, Valkayre et Daneva avaient échangé quelques baisers dans les catacombes de la cathédrale, alors qu’ils pensaient ne plus jamais se revoir. Du temps avait passé depuis ce moment là… Il y avait eu Calis, et jamais plus Daneva ne pourrait aimer un homme autant qu’elle avait aimé son défunt amant. Pourrait-elle même un jour aimer de nouveau ? A cet instant cette question lui paraissait absurde. Bien sûr que non, pensait-elle. Il lui semblait que même la mort n’avait pas réussi à trancher ce lien unique qui l’unissait avec Calis. Elle l’aimait toujours, et doutait d’être capable de l’oublier, même avec du temps.

Quel lien aurait-il pu alors se tisser entre l’ex-assassin blanc et la voleuse, en dehors de l’amitié ? Que pouvait-t-il espérer d’elle ? Il enleva finalement ses mains et elle baissa de nouveau les yeux, honteuse de se poser de telles questions. Le souvenir de Calis la hantait peut être, mais celui de Kurt et de ses outrages le faisaient tout autant. Si Valkayre n’avait pas été si intime avec elle, elle n’aurait sans doute pas supporté qu’il la touche ainsi. Prenant son inspiration, il finit par lui raconter ce qui lui était arrivé au nord, sur ces terres inconnu. Dane eut du mal à le croire… Cela paraissait irréel… Mais pourtant elle savait que Valkayre ne lui aurait jamais menti, quelle que soit la raison. Pour cela, elle considéra son récit avec un sentiment de malaise. N’existait donc t-il pas sur cette terre un lieu sain et pur où vivre heureux serait possible ? Et puis Valkayre… Encore une fois il avait souffert, et curieusement savoir de telles choses la rendaient malade d’inquiétude.

Contredisant ses pensées précédentes, elle se redressa dans un gémissement de douleur et enserra avec douceur le torse de l’homme. De toutes les forces qui lui restaient, elle le serra contre elle et sentit ses côtes cassées protester mais les ignora. Elle avait besoin de la présence de son ami désormais, et s’attacha à prélever un peu de sa force en inspirant dans son cou. Elle aurait besoin d’une bonne dose de courage pour continuer sur la voie qui semblait tracée devant ses pas.

[Désolé pour le retard TT Je peux pas le faire maintenant, mais j'éditerai plus tard pour mettre en forme]

Dane observait son ami d’un œil fatigué. Elle réfléchissait à ce qu’il représentait désormais pour elle, maintenant que Calis était mort et qu’elle comment à mesurer l’ampleur du mal qui ravageait Miradelphia et qui ravagerai son futur. En réalité, il était l’une des rares personnes à qui elle confierait sa vie sans vraiment hésiter. A qui d’autre sinon ? A… Non, il n’y avait personne d’autre. Il était bel et bien sa seule attache fiable, son seul ami. En réalisant cela, Dane sentit sa lèvre inférieure trembler une nouvelle fois. Elle savait qu’il ressentait pour elle plus que de l’amitié, mais ne pourrait jamais lui offrir plus que cela, et elle s’en voulait de lui faire du mal ainsi… Quoiqu’il en soit, il était là pour elle ce soir, et pour ça elle éprouvait à son égard une profonde et tendre reconnaissance. Etre seule face à l’adversité était tellement difficile… Surtout dans son état.

Elle ne s’y attendait pas, mais lorsqu’il la prit avec délicatesse entre ses bras, elle s’abandonna et replia ses bras contre sa poitrine. Elle avait confiance en lui et savait qu’il agissait pour son bien. Il était vraiment gentil, même si les côtes de Dane lui hurlaient le contraire. Seul un être particulièrement agile aurait été capable de sauter ainsi de toits en toits, et Valkayre était sûrement l’un des plus expérimentés en la matière. La promenade fut cependant très douloureuse pour son corps, et la jeune se retint de nombreuses fois de laisser échapper un gémissement plaintif. Chaque choc était pour elle un calvaire…

Heureusement, l’établissement n’était pas très loin, et c’est avec soulagement qu’elle laissa aller sa tête contre le bras protecteur de l’assassin.

-Entrons puisque tu y tiens. Ils se débrouilleront bien sans moi pour les derniers préparatifs. De toute façon, dans cet état je ne servirai pas à grand-chose…

Elle dissimulait son émotion derrière ces paroles laconiques, mal sans doute. Le fait que Valkayre prenne tant soin d’elle la touchait profondément, elle n’avait guère l’habitude de ces attentions particulières.

Lorsqu’il poussa la porte devant eux pour entrer, le décor provoqua chez Dane un haut-le-cœur. Ce grand salon, ces tables de bois, les lustres poussiéreux… Sans être identique, le lieu ressemblait très désagréablement à celui où l’attendait Kurt après avoir tué Calis. Bouleversée, la jeune femme ferma brusquement les yeux et enfouit sa tête contre la poitrine de Valkayre alors que son corps frêle était prit de secousses incontrôlables. Les souvenirs revenaient à sa mémoire comme d’insaisissables flashs… Elle haïssait ce qui s’était passé dans cette auberge, et revivre maintenant cette sale histoire était au dessus de ses forces.

L’horrible vision de l’auberge poussiéreuse s’estompa très vite. Valkayre avait compris que cela insupportait son amie, sans pourtant en connaître la raison. Il la prit par la main et l’entraîna ailleurs, loin de ses souvenirs. Elle le suivit sans hésiter, confiante quant aux choix de l’aventurier. La nuit était désormais tout à fait installée dans le ciel de Diantra, la lune avait chassé le soleil l’espace d’une douzaine d’heures, et les rues de la ville étaient plus sombres que les égouts – Dane en savait quelque chose. Une petite porte usée par le temps apparu bientôt devant les deux jeunes gens… Valkayre frappa et fut accueilli par ce qui semblait être un vieil et très bon ami. Ils entrèrent, se serrèrent dans les bras l’un de l’autre, discutèrent un moment. Daneva ne dit rien, ne regarda pas autour d’elle et se contenta de laisser ses yeux posés sur ses pieds. Ce n’était pas de la timidité… Elle n’avait tout simplement pas la force d’en faire plus, le fait qu’elle tienne encore debout était un miracle.

On la mena dans une humble et petite chambre, modestement meublée mais chaude et accueillante. On la coucha, on lui offrit à boire, à manger, de la chaleur… Dane accepta toutes ces attentions sans réfléchir, avec une reconnaissance immense. Ces gens étaient stupéfiants. Ils ne la connaissaient pas, ne savaient rien d’elle et des horreurs qu’elle avait pu commettre, et lui offraient leur lit, et tout le reste. Comme une vraie famille… La voleuse ferma longuement les yeux. Elle était seule à présent, seule avec Valkayre.

-Je ne pensais pas qu’il existait en Diantra des gens aussi serviables… Pour moi les hommes n’étaient plus que pourriture. Tu viens de me faire changer d’avis… Peut être que ça vaut la peine de se battre finalement. Seulement pour que ces familles survivent, et vivent heureuses.

Elle ferma de nouveau les yeux, pensant aux massacres drows qui avaient eu lieu plus à l’est, chez les elfes… Les victimes étaient sans doute pour la plupart des gens comme ceux là, profondément bons… A cette pensée, elle sentit une poussée de haine irriguer ses veines, haine qui s’estompa bien vite derrière le rideau de l’épuisement. Valkayre manifesta soudain le désir d’en savoir plus sur ce qui s’était passé. En effet, Dane était bien peu reluisante depuis leur rencontre sur le toit tout à l’heure… Il l’avait connu fière et forte, combattant des hommes expérimentés avec la détermination de la rage, désormais elle n’était plus qu’un corps vidé de son âme, un corps faible incapable de se mouvoir correctement…

-Il s’est passé des choses horribles, Valkayre… Je suis tombée malade, gravement, à cause du poison des drows. Le roi m’a aidé, il m’a soigné lui-même. Il n’est pas l’homme insensible que tu décrivais, mon ami. C’est un homme bon, et censé, bien qu’il m’ai paru dépassé par les événements qui ravagent sa ville.

Le souvenir suivant lui arracha une larme discrète qu’elle dissimula assez maladroitement.

-Calis me croyait déjà morte… Rétablie, je ne l’ai plus vu. Je pense qu’il se laissait mourir à son tour.

Une autre larme suivit la première. La voix de Daneva trahissait son trouble… Repenser à l’homme de sa vie lui était insupportable tant cela lui faisait de la peine, mais Valkayre devait savoir.

-Il y a deux jours… Je l’ai croisé par hasard sur le pont des potiers. Seulement Kurt était là aussi. Il a profité de la faiblesse de Calis… J’étais impuissante ! Je n’ai rien pu faire ! Pourtant j’étais présente !

L’atroce souvenir de cette nuit maudite la faisait désormais trembler de rage. Elle n’avait rien pu faire pour aider son amant à se battre contre Kurt, elle était même la cause de sa mort. En effet, ce sale porc n’aurait pas touché à Calis si cette dernière avait mieux dissimulé les sentiments qui les unissaient… Elle se serra compulsivement contre Valkayre pour dissimuler son visage tordu de douleur. Les sanglots faisaient trembler ses paroles.

-Il est mort dans mes bras… Transit de froid, déjà blanc comme un cadavre… J’ai poursuivit Kurt jusqu’à une auberge semblable à celle où tu m’as emmené tout à l’heure, pour le tuer. Je… Je le détestais plus que tout… Mais je n’ai pas été assez forte. Encore une fois, il a réussi à me réduire à néant, alors que je ne pensais pas que cela pouvait être pire.

Elle s’arrêta un moment, tentant de se calmer progressivement.

-J’aurai tant aimé que tu sois là… C’est un inconnu qui est venu à mon secours. Il l’a immobilisé, et puis j’ai…

Plus un mot ne sorti de sa gorge. Soudain, elle craignait que Valkayre ne la juge sur ce qu’elle avait fait. Lors de leur deuxième rencontre, il lui avait avoué traquer Calis, qui venait de tuer un homme avec une cruauté extrême. Cet homme menaçait Daneva… Celle-ci avait alors mesuré l’ampleur du sens de l’honneur de son ami Valkayre. Cette cruauté lui paraissait horrible, insoutenable, il voulait donner une leçon à ce collège qui respectait aussi peu ses adversaires. Mais que penserait-il d’elle lorsqu’elle lui raconterait ce qu’elle avait infligé à Kurt ?

-Je…

Les sanglots reprirent de plus belle. Si son ami venait à l’abandonner à cause de ses actes, elle ne pourrait sûrement plus trouver la force nécessaire pour continuer. Elle avait plus que jamais besoin de soutient, il devait le sentir.

La mort de Kurt avait fait la une de la Gazette de Diantra dès le lendemain, lorsqu’on avait retrouvé ce qui restait du corps de l’homme. Valkayre ne tarderait pas à faire le rapprochement entre ce fait divers et ce que venait de lui raconter Daneva. Toute la ville criait à l’horreur, ce crime ne devait pas rester impuni, l’atroce tueur devait payer pour ce qu’il avait fait. Kurt n’était certes pas très aimé, c’était même la pire des fripouilles, mais son cadavre désossé qui se résumait à de la chair étalée sur plusieurs mètres avait frappé les esprits… Heureusement, on n’avait pas retrouvé les vêtements déchirés de Dane sur les lieux, Damps avait dû s’occuper de ce détail lorsqu’il l’avait retrouvée nue, sanglotante et incapable de bouger, sur le seuil de l’auberge.

-Je pense que je n’aurai pas pu faire pire.

Elle se recula et prit entre ses mains la tête de l’aventurier pour plonger son regard dans le sien. Ses yeux humides étaient plus tristes que jamais, et éteints… Pourtant un bon observateur pouvait, en y croyant, apercevoir cette fameuse lueur de détermination. Très loin, cachée, timide et blessée.

Valkayre la jugeait. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il se montre compatissant, mais ce manque de tendresse était douloureux… Elle aurait aimé qu’il la prenne dans ses bras et la réconforte comme l’aurait fait le meilleur des amis, hélas l’assassin restait égal à lui-même. Devant le crime qu’elle avait commis, il demeurait sévère et posait sur elle un regard désapprobateur.

Daneva se rallongea, et lui tourna le dos. Elle ne parvenait pas à supporter ces yeux bleus qui semblaient désormais… déçus par ce qu’ils voyaient. Depuis toujours Valkayre avait vu en elle une femme forte, indestructible, mais elle était humaine. La mort de Calis la touchait au plus profond d’elle-même, presque autant que le souvenir cuisant du viol qui avait suivi. Il ne pouvait pas comprendre ça, il ne pouvait pas comprendre ce que ressent une femme lorsqu’on abuse d’elle.

Cependant ses paroles étaient justes… Calis n’aurait pas voulu qu’elle se laisse aller de la sorte. Il fallait qu’elle se reprenne en main. Mais pourquoi ? Pour qui ? Dans quel but ? La vie désormais lui paraissait si fade… Rien ne valait plus la peine de se battre. Daneva n’était plus qu’un fantôme, une âme en peine qui attend son heure car elle n’a pas le courage de se donner la mort soi-même. Indécise… Se trancher les veines signifiait faire un choix, et elle ne souhaitait plus décider de rien d’important. Elle avait trop peur de se tromper, et préférait laisser agir le destin, ce même destin qui lui avait enlevé Calis. Puisqu’il aimait le sang, il ne tarderait sans doute pas à faire de la jeune femme sa victime !

Lorsque Valkayre reparla de la guilde, elle se redressa, toujours en lui tournant le dos. Le mur d’en face suffisait très bien… Elle n’avait pas envie de se replonger dans ses yeux, car elle ne trouverait alors pas la force d’affirmer clairement sa pensée.

-Nous sommes une bande d’assassins, et nous sommes fiers de l’être. Nous revendiquons cette nature, et le mépris des autres nous indiffère. C’est ainsi qu’est et qu’a toujours été la Compagnie des Silencieux, Valkayre. Et j’en suis le chef. Je suis celle qui dirige tous ces hommes, c’est moi qui donne les ordres, je ne les entends de personne d’autre.

A ces mots, elle se retourna enfin pour le regarder. Ce qu’elle venait de lui avouer était un énorme secret, une absolue marque de confiance. En réalité, si quelqu’un de la guilde l’apprenait, c’en était finit d’elle. Pahe, leader des Silencieux… Mensonge ! Un gros mensonge, sorti de la tête de Dane pour diriger la guilde tout en se maintenant à l’abri du machisme des assassins… Lequel, parmi tous ces hommes fiers, forts et rusés, accepterai d’être commandé par une femme ? Déjà, la prétendue place de seconde de Dane était reprochée dans les chuchotements des Silencieux… Une femme, une femme… Où était donc ce mystérieux leader qu’on attendait tant ? Pourquoi ne voulait-il pas montrer son visage ? Tout simplement parce qu’il n’existait pas.

-Tu sais désormais pourquoi ma vie ne tient plus qu’à un fil. Déjà, j’entends souffler les soupçons parmi mes hommes. Ils se doutent de quelque chose, cela fait trop longtemps que Pahe refuse de se montrer. Calis… Calis devait être à mes cotés lorsque je leur avouerai le réel état des choses, et m’aider à maintenir mon autorité. Maintenant qu’il n’est plus là, je suis véritablement seule et vulnérable face à tous ces hommes.

Elle ramena ses mollets sous ses cuisses afin de se tenir à genoux sur le matelas dur, et continua de fixer le visage de son interlocuteur avec un sérieux sans précédent.

-Dans quelques heures, nous partirons pour Nelen. Une fois là bas, je leur dirai. Alors, il y a de grandes chances qu’ils me tuent. Je ne les empêcherai pas de le faire, je n’ai plus la force de lutter contre mes ennemis, où trouverais-je celle de me défendre contre mes alliés ? Au moins je les aurai mené là bas, ils pourront se choisir un chef, un véritable chef, bien viril comme ils les aiment. Et leur chemin continuera, sans moi. Grâce à ce que j’ai fait, la guilde est sur la bonne voie, j’imagine que dans quelques années elle aura retrouvé sa gloire d’antan.

Fière, Daneva regardait Valkayre sans plus rien lui dissimuler. Elle ne savait pas vraiment comment il réagirait à toutes ces nouvelles informations…

-Ainsi tu connaîtra la cause de ma mort si un jour a nouvelle de celle-ci parvient à tes oreilles. Il est possible que ce soient les derniers instants que nous passons ensemble… Alors ne t’en fais pas, tu ne seras sans doute jamais obligé de me parler comme à un chef de guerre.