[Auberges] Rencontre d'affaires

Ydril. Ville portuaire la plus réputée du Miradelphia. Violet se demandait bien ce qui pouvait attirer tant les gens. Eau, poissons, puanteur... Beuh! Elle préférait de loin les sentiers noirs où elle affrontait le danger. Mais, enfin, elle n’avait pas le choix. Son informateur lui avait annoncé que sa nouvelle cible se trouvait dans cette ville, ainsi que son nouveau « compagnon » de travail. Décidemment, Violet était due pour ne pas avoir de chance...

La demi-drow rabattit son capuchon par-dessus sa tête avant de s’enfoncer dans les profondeurs d’Ydril. Elle préférait qu’on ne remarque pas son teint, aux risques de s’attirer des ennuis et l’attention de la population humaine qui avait en horreur tout ce qui pouvait s’apparenter aux drows. Elle traversa bon nombre de ruelles et trouva enfin l’endroit qu’elle recherchait. Lieu moyennement fréquenté, à l’enseigne de cheval. Une auberge, parfaitement identique à la description de son informateur. Violet se glissa derrière deux hommes lorsqu’ils poussèrent la porte de la dite auberge et entra ainsi discrètement. L’attention de la clientèle était attirée par un troubadour qui racontait quelques histoires peu intéressantes... enfin, si on ne l’écoutait pas. Et, au grand bonheur de la demi-drow, elle passa inaperçue. Elle trouva rapidement une table, au fond de la pièce et put, ainsi, à son aise, observer la salle et ses occupants.

L’auberge était accueillante, si on aimait le style miteux. Le propriétaire devait avoir quelques problèmes d’argent, car plusieurs tables étaient vides et Violet se doutait que le deuxième étage devait être... peu invitant.

Une dame d’un certain âge (certainement la femme de l’aubergiste, qu’elle voyait justement très bien au bar, en train de boire une bière dans le dos de son épouse) s’avança vers sa table, en souriant (un sourire répugnant). Elle demanda poliment à Violet si elle désirait quelque chose à boire. Celle-ci leva la tête, toujours cachée sous son capuchon et la serveuse put ainsi voir ses yeux briller.

-Non, lui lança-t-elle de sa voix froide.

Elle garda pour elle les commentaires désobligeants qui lui passaient par la tête et laissa la pauvre femme quitter sa table avec un air insatisfait. Violet soupira tout bas. Pourquoi avait-il fallu qu’elle rencontre son « partenaire » dans une ville grouillante d’humains et qui sentait le poisson pourri? Violet se le demandait bien.

Rhys repoussa son capuchon et descendit de cheval. Ydril. Ville malodorante, aux auberges sans doute aussi mal fréquentées que depuis la dernière fois qu'il était venu, un, peut-être deux ans auparavant.

"Toujours aussi puante, en tout cas." se murmura-t-il.

Il se mit en route sur les pavés. La ville descendait vers son port, en pente douce, et plus l'on progressait vers la mer, plus l'odeur était pestilentielle, et pas seulement à cause du poisson. Le port était plein à craquer, aussi les établissement aux alentours devaient être eux aussi remplis de marins. Les auberges à l'enseigne de cheval n'étaient pas nombreuses, et ce fait réduisait encore les possibilités.
Réfléchissant en même temps qu'il progressait, il se dit que l'endroit idéal pour la rencontre qui se profilait devait être une auberge banale, moyennement pleine. Un endroit discret, ni mal fréquenté ni trop luxueux. Et tandis qu'il cogitait, ses yeux cherchaient. Il ne lui fallut d'ailleurs pas longtemps pour trouver une auberge correspondant à la description. Le Hongre du Roi, qu'il s'appelait. C'était une bâzisse rectangulaire, construite sur deux étages, en bois. Rien que l'aspect extérieur ne donnait pas envie d'entrer : volets mal entretenus, peinture à la chaux décrépie, fenêtre sales... avec un soupir, il se résigna, et chercha le personne censé s'occuper de son cheval
Il ne vit ni écuries ni palefreniers, et cela ne l'étonna que peu. Il se dit alors que la solution se trouverait dans les ruelles latérales, et il avait raison : de longs bâtons de bois étaient fixés aux murs latéraux, avec juste assez d'espace pour y passer une sangle et faire un nœud. Rhys laissa la selle sur son étalon brun à crin et queue gris clair. Il ne resterait pas longtemps. Du moins l'espérait-il...
Il poussa la porte de l'auberge. Et, effectivement, l'intérieur était pire que l'extérieur. Les tables étaient sales, marquées à jamais de coups de couteau ou d'éclaboussures de bière,e t le sol avait sérieusement besoin d'un bon coup de balais. Le pire était sans doute l'âtre. Éteint, ce qui n'avait rien de surprenant, vue la saison, il était couvert de suie et de cendres blanches, sans doutes l'accumulation de plusieurs années de délaissement. Avec un demi-sourire, le jeune homme se dit qu'avec ces yeux, il serait sûrement en mesure de distinguer les différentes couches correspondant à chaque hiver...
La clientèle remplissait à peine la moitié de la salle, et était principalement concentrée sur un jeune homme aux cheveux blonds et au teint pâle, qui semblait réciter des histoires. Mal, et avec une mauvaise diction... les autres clients étaient soit plongés dans la contemplation méditative du fond de sa chope, soit en train de jouer aux cartes.
Tous, sauf un. Il se tenait assis à une table du fond, capuchon rabattu sur la tête, sans consommation. Quelqu'un qui était venu pour régler une affaire et repartir vite, pas pour rester savourer une chope d'ale. Son compagnon, sans aucun doute.
Il s'approcha, puis s'assit. Ses yeux se posèrent alors sur un visage aux traits fins, à la peau grise et lisse. Une femme. Un sourire en coin aux lèvres, Rhys renvoya l'aubergiste qui s'approchait d'eux sans commander, lui garantissant qu'ils ne resteraient pas longtemps, puis reporta son regard sur sa future compagne, et dit :

"Alors comme ça, c'est avec vous que je vais travailler."

Ses yeux d'or mat ne quittaient pas ceux de son interlocutrice, bien qu'ils aient été cachés par l'ombre que créait son capuchon... pour qui aurait eu une acuité visuelle normale. Mais lui distinguait parfaitement les iris,bien que ne pouvant en déterminer la couleur.

"Je suis Rhys Ordeith." dit-il après quelques secondes.

Violet avait le goût de se cogner la tête contre la table à laquelle elle prenait place tellement les propos du troubadour, certainement mal payé, étaient ennuyeux comme ce n’était pas possible. Toutefois, elle préféra éviter entrer en contact avec la surface sale de cette table. Aussi, abandonna-t-elle son idée aussi vite qu’elle était apparue. Elle aussi très bien put lancer une injure au médiocre poète, mais attirer l’attention n’était pas son but principal. Cette idée-là aussi fut mise de côté.

La demi-drow avait inspecté tous les visages un à un, tentant d’identifier la personne avec qui elle avait à faire. Toutefois, elle ne trouva rien. Aucune figure ne lui inspirait confiance (non... surtout pas celui d’un humain) et personne ne lui laissait l’impression d’être envoyé là pour parler d’une mission. Son intuition lui affirmait d’ailleurs qu’il n’était pas là... enfin... lui ou elle. Et c’est ainsi que Violet s’était mise à écouter le troubadour, pour passer le temps.

La porte s’ouvrit au moment où Violet cherchait d’autres idées pour faire taire l’indésirable. Dès qu’elle aperçut cet homme, elle sut à qui elle avait à faire. Cheveux bruns, traits fins, plutôt grand pour un humain, un corps fait sur mesure pour les combats. Si Violet aurait été une humaine, elle aurait craqué pour ce genre d’homme, toutefois, elle n’en ressentit qu’un profond dégoût. Un humain. On lui avait donné un humain comme partenaire de travail...

L’homme devait avoir senti son regard peser sur lui, car il se retourna vers elle et ne la lâcha plus du regard. Il s’aventura entre les tables et prit place sur la chaise de l’autre côté de la table. Au début, personne ne parla, laissant les yeux faire leur travail. Violet sentit qu’il la scrutait, malgré son capuchon. Elle remarqua d’ailleurs que son regard était particulier. Elle devrait se méfier. Finalement, il lui lança une phrase qui fit en sorte que ses lèvres s’étirèrent en un rictus dédaigneux.

-Visiblement, souffla-t-elle.

Quelques secondes passèrent et il se présenta comme étant Rhys Ordeith. Le nom de famille ne sonnait pas vraiment humain. Elle devait en apprendre plus sur lui. Elle saurait quoi demander à son informateur la prochaine qu'il se présenterait à elle.

-Violet, répondit-elle à son tour, sachant parfaitement que c’était son prénom qu’il voulait en retour.

La jeune demi-drow ne quittait pas cet homme du regard, comme pour le défier. Elle bougea un peu, afin d’être plus à l’aise pour discuter... ou pour lui sauter dessus à la première occasion.

-Vous savez de quoi notre... travail retourne, j’imagine? dit-elle plus qu’elle ne demanda.

Violet... pas vraiment Drow, comme nom. C'était sans doute le parent humain qui avait choisi.... ou bien elle avait changé de nom elle-même. Une chose était sûre, néanmoins : elle était demi-drow. Et elle ne semblait pas enchantée d'avoir à travailler avec un humain... d'ailleurs, elle n'avait pas vraiment l'air d'apprécier les congénères de Rhys...
Celui-ci tiqua. Elle était pourtant jolie... ils auraient pu bien s'entendre. Peut-être même auraient-ils pu travailler ensemble. En parlant de travail...

"Moui", répondit-il à la question de sa partenaire. "Ça ne devrait pas nous prendre beaucoup de temps, d'aillers. Il faut juste le localiser. après, c'est un jeu d'enfant."

Il ne savait pas ce qu'elle valait en combat, mais vue la prime qui était offerte, leurs employeurs ne devaient sûrement pas avoir choisi une mercenaire quelconque. Par contre, il se demandait quelles armes elle maniait. Sans doutes des armes discrètes, ou bien des armes classiques, qui n'attireraient pas une attention particulière. Des dagues? Une épée, peut-être? Il n'était sûr de rien. Mais il n'allait pas tarder à le savoir.

"Quoi de mieux pour deux futurs partenaire que de faire connaissance en se montrant l'un l'autre ce qu'ils valent au combat?"

Il sourit, puis reprit, les yeux toujours plongés dans ceux de la demi-drow, comme depuis qu'il était arrivé :

"Les joueurs de cartes, à la table au milieu de la salle, ont l'air prêts à se sauter dessus. Un peu comme vous sur moi, depuis que vous avez changé d'assiette sur votre chaise. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'un d'eux en accuse un autre de tricher. Et vu l'endroit, ça va sûrement finir en bagarre générale."

Leur rythme respiratoire, les grincements des chaises sur lesquelles on changeait de position, des mots et des jurons proférés tout bas... les indices étaient nombreux, et Rhys était certain que s'il avait tourné les yeux et observé la table, il ne pourrait pas être aussi convaincu de ces déductions qu'il ne l'était déjà.

Violet ne passa pas outre le fait que Rhys tiqua lorsqu'elle lui afficha son air traditionnel du "fou moi la paix, l'humain". Elle savait que son humeur n'attirait pas les visiteurs à sa table... et c'est ce qu'elle voulait, en fait. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'agir ainsi. Elle ne pouvait s'empêcher de penser... de penser à...
La demi-drow soupira, comme si quelque chose l'agaçait. Elle ne voulait pas y penser, elle ne devait pas y penser... pas maintenant. Sinon... sinon la rage l'envahirait.
Un rictus mauvais s'installa sur ses lèvres lorsque Rhys lui répondit.

-Comme tu le dis... un jeu d'enfant.

En effet, il ne restait qu'à trouver la cible et à l'éliminer. Ce que la jeune demi-drow ne comprenait pas, cependant, c'était: pourquoi lui avoir envoyé quelqu'un? Faire disparaître quelqu'un était la chose la plus facile à faire et Violet ne croyait pas que l'homme à qui ils avaient à faire résisterait bien longtemps à leur assaut.
Elle scruta les yeux de son compagnon. S'il était là, devant elle, c'est qu'il avait de la valeur. Comment opérait-il? Quelle était sa méhode d'exécution préférée? Qui était-il en fait?
Ce fut Rhys qui trouva rapidement la solution à son problème... enfin, à leur problème, vue qu'il semblait y avoir réfléchi lui aussi. Un sourire sincère cette fois étira ses lèvres. Elle porta deux doigts à celles-ci avant de dire:

-C'est une idée à laquelle je n'avais pas songé...

Les yeux de Violet pétillaient de malices et de défis.

Au centre de la salle, les hommes qui jouaient aux cartes se regardaient avec de plus en plus de haine. De la sueur coulait sur leur front, leurs mains tripotaient nerveusement les cartes... Tout signalait un... accident.
Violet posait sa main sur la table devant elle, alors qu'une lueur métallique pouvait attirer l'attention à son poignet. Et ce fut à cet instant... que tout éclata.

-Espèce de CRÉTIN! Tu TRICHES! cria l'un, un grand blondinet aux yeux rougis et à l'haleine puant l'alcool.
-QUOI? lui hurlait l'autre en se levant, chancelant.

Et, puis, leurs copains se joignirent à eux, vociférant injures et commentaires grossiers. Ce fut ensuite le chaos. Une bagarre se déclancha en un rien de temps. L'aubergiste, saoul, riait à gorge déployée, tandis que sa femme allait le frapper avec une casserole pour le raisonner.

Violet, quant à elle, s'était levée, une très jolie dague à la main. Elle regardait Rhys, un sourire aux lèvres. Le capuchon qu'elle portait sur sa tête tomba, dévoilant une chevelure grise. Elle détacha d'un geste sa cape, montrant un corps musclé et prêt au combat. Violet n'avait enfin plus peur d'attirer l'attention...

-J'espère que tu n'as pas peur de faire mal à une fille... parce que moi... pas.

Rhys se leva tranquillement, comme si l'auberge n'était pas plongée dans le chaos. Les chopes et les tabourets avaient beau voler, les coups pleuvoir et le sang - déjà - couler, lui était dans sa bulle. Il se concentrait, tout en dégageant une impression de calme et de sérénité. Son combat promettait d'être acharné, et il en sortirait sans doute avec quelques hématomes et une ou deux coupures, au vu de la dague de sa partenaire et désormais adversaire, mais aussi la conviction qu'il travaillait avec quelqu'un de compétent.

"Ne t'inquiète pas. J'ai bien l'intention d'y aller à fond", répondit-il.

Que Violet soit une femme ne changeait rien. elle était mercenaire, et par conséquent elle avait choisi la voie des armes. Il n'avait pas l'intention de la traiter différemment à cause de son sexe. Au contraire, même : certaines femmes sont bien plus dangereuses que les hommes.
Lentement, sa main se porta au manche de son long couteau. Celui-ci était simple, mais solide : un manche tout à fait banal, adapté à sa paume, et une lame légèrement courbe, aiguisée d'un seul côté sur le tranchant et des deux de la pointe. Il le tenait lame vers le bas, parce que c'était la position la mieux adaptée à son style de combat.
Un sourire en coin aux lèvres, il lança, avec un ton de défi :

"Honneur aux dames."

Il ne se mit pas en position de combat. Les bras le long du corps, l'air détendu, les yeux fixés sur la demi-drow, il devait sans doute former un contraste étonnant avec la pagaille qui régnait désormais dans l'établissement. Mais il n'en avait cure. Seul le combat à venir importait.

Violet aima la façon dont son adversaire prit les choses en main. Il était d’un calme inquiétant, mais ça ne lui dérangeait pas. Elle avait déjà vu des hommes mourir de cette façon. Ils acceptaient leur destin, soit celui d’y laisser sa vie. Mais enfin, Violet n’avait pas l’intention de tuer Rhys, au contraire. Comme l’homme qui lui faisait maintenant face, elle désirait simplement voir quelles étaient ses capacités et pour quelles raisons leurs supérieurs avaient décidé de les... lier ensemble. La demi-drow eut un soupire à peine perceptible. Le mot « lier » ne lui plaisait guère.

Violet observa ce que fit Rhys par la suite. Il portait sa main à sa hanche où, elle le remarqua à l’instant, pendait un long couteau, presque un sabre, vue la lame recourbée. Elle s’empêcha pourtant de toucher à son épée, toujours reliée à elle... mais elle devrait pourtant s’en servir, si elle ne voulait pas qu’elle encombre ses mouvements. Puis, une idée lui vint à l’esprit. Elle dégaina son épée et sauta sur la table entre les deux partenaires, pour l’y planter l’arme, qui se dressa bien fière sans tomber. Avec un sourire menaçant, elle déclara :

-Que celui qui ose y toucher prenne garde, car il gouttera de ma lame bien assez tôt.

Et elle redescendit, mais du côté de Rhys, cette fois. Son épée ne la gênerait pas lors de leur affrontement. Sa menace était lancée et bien réelle; personne n’y toucherait. Elle défia à nouveau Rhys du regard et, dès qu’il dit « Honneur aux dames... », elle se lança... en reculant d’un saut. Elle se mit loin de la table, pour ne pas l’avoir dans les jambes, mais les chaises l’agaçaient. Toutefois, elle devrait faire avec. Aussi, grimpa-t-elle sur l’une d’elle. Heureusement, les tables étaient assez distancées les unes des autres, ils auraient de l’espace. Mais avec la pagaille qu’il y avait au milieu de la pièce, ils devraient faire attention pour... ne pas blesser accidentellement quelqu’un qui se trouverait dans leur chemin.

Ainsi, Violet sauta de chaise en chaise et de table en table, en tournant autour de Rhys. Elle le narguait, c’était évident. Mais ce qui était tout aussi sûr, c’est qu’elle ne porterait pas le premier coup...

Rhys ne put réprimer le sourire en coin qui vint lui tendre les lèvres. Il aimait le tempérament de Violet. D'autant que sa menace était parfaitement crédible. Ne pas toucher à l'épée, donc...
Ses yeux d'or ne quittèrent pas une seconde la demi-drow. Après sa menace, elle semblai vouloir jouer avec lui, comme pour le narguer. Cela fit perdre son sourire au jeun homme : un adversaire, quel qu'il soit, se traite avec respect, ou du moins était-ce la règle qu'il suivait li-même. Mais ce n'est pas pour autant qu'il se sentait offensé. Il avait juste une raison de plus de combattre en utilisant toutes ses ressources, en donnant le mieux de lui-même.
D'ailleurs, en parlant de combat, Violet était quelqu'un de plutôt agile. Le mercenaire se dit qu'il pourrait tenter de la suivre, mais il n'était pas sûr de tenir la cadence bien longtemps. Pourtant, il se considérai comme quelqu'un doté d'une agilité assez surprenante. Aussi resta-t-il statique, les bras toujours le long du corps, les yeux suivant sans relâche la demi-drow à la dague.
Sa tête, elle, s'activait. Puisque son adversaire ne se décidait pas à porter le premier coup, il s'en chargerait. Mais il devait faire attention : comme il allait se déplacer avec elle, il devait éviter de lui blesser es jambes. Non pas que cela le dérangeât de la porter, mais il savait très bien qu'elle refuserait et s'entêterait à se déplacer seule. Il devait aussi éviter de blesser ses bras, car s'ils avaient à combattre, elle aurait quelques soucis. Il devait également éviter de...

*Au diable les précautions! Si elle est blessée pendant le combat, nous trouverons un guérisseur!*

Du coin de l'œil, il repéra un petit tabouret très proche qui pourrait lui être grandement utile, surtout que Violet semblait toujours suivre le même itinéraire. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se décider, puis il se mit en mouvement.
Pivotant sur le talon gauche, il vint placer son pied droit sous le siège du petit tabouret, entre deux des trois pieds, avant de compléter sa rotation, transmettant assez d'élan à l'objet pour l'envoyer contre la chaise sur laquelle la mercenaire allait passer. Le choc du bois contre le bois retentit au moment où Violet posait le pied sur la chaise qui se déroba sous elle. Elle n'avait pas fini sa chute que Rhys se jettait déjà en avant. Elle se relèverait sûrement, ou se rattraperait habilement, mais il ne lui laisserait pas assez d'espace pour faire plus...

Violet admirait la patience de son adversaire. Elle-même savait que si on lui tournait autour, le « on » en serait vite venu à la conclusion de ne plus l’approcher. Pour une mercenaire, Violet était patiente (parce qu’elle prenait le temps d’analyser la situation et d’anticiper les évènements), mais elle perdait vite cet air serein et calme qu’elle abordait quelques minutes plus tôt si on l’agaçait sérieusement. Toutefois, la demi-drow était plutôt têtue et elle aimait se battre. Au contraire de l’humain, elle croyait que le respect se gagnait. Envers ses adversaires, elle ne témoignait aucun respect. De toute façon, la plupart du temps, ses adversaires étaient ses cibles. Elle devait les tuer. Elle ne leur adressait pas une prière alors qu’ils mourraient. Qui avait fait preuve de respect lors du décès prématurée de sa mère? Personne. Alors pourquoi en aurait-elle, elle-même? Rhys était peut-être quelqu'un en qui elle devait faire confiance, peut-être était-il quelqu'un à qui elle devait du respect, mais ses supérieurs ne décideraient pas pour elle. Si elle devait travailler avec ce mercenaire, c'est elle-même qui le jugerait... En tout cas, pour le moment, Rhys était bien parti. Violet aimait les valeurs qu'il affichait, bien qu'il semblait faire trop vite confiance à ce qu'il voyait. « Oh! Une mercenaire, j'vais lui demander de devenir mon amie! ... Pff! » Enfin, ce n’était peut-être pas ce qu’il avait dit, mais c’était l’impression qu’il lui avait donnée.

Une ombre passa sur le visage de la mercenaire, qui s’effaça aussitôt. Son attention toute entière retomba sur Rhys, qui venait de passer à l’action. Violet n’avait pourtant pas cessé de tourner en rond, mais, étant tombée dans la « lune », son trajet devint très facile à deviner. Il était le même, sans cesse. Aussi, Rhys sembla-t-il en profiter pour lui mettre des bâtons dans les jambes, ou plutôt, un tabouret...

Celui-ci percuta la chaise sur laquelle elle venait tout juste de mettre le pied. Elle eut beau tenter de reprendre son équilibre, elle l’avait déjà perdue. Tombant vers l’avant, elle ramena ses jambes contre elle et effectua une roulade très bien positionnée... Elle se redressa assez rapidement pour se retrouver nez à nez avec Rhys, dont le long couteau était parfaitement visible. Si elle ne bougeait pas précipitamment, elle savait que son corps en porterait les cicatrices. Un sourire se dessina sur les lèvres de la demi-drow, qui adressa un clin d’œil à son adversaire. Violet pivota sur ses pieds pour s’éloigner, tout en allongeant le bras d’où la pointe d’une lame brillante se fit apercevoir. Soit elle égratignait le si joli visage de notre Rhys, soit elle le ratait de peu.

Le tout se passa en quelques secondes à peine... Assez, en tout cas, pour attirer l’attention de la foule qui avait commencé à se calmer, suite aux cris répétitifs de la femme de l’aubergiste saoul... Bientôt, une foule se massa autour d’eux. Plus loin, les joueurs de cartes se remettaient des coups qu’ils s’étaient donnés. Dans un autre coin, un homme plutôt assommé se redressa péniblement en titubant et s’avança vers le troupeau. Il écarta quelques hommes et quelques femmes. Lorsqu’il entrevit (parce qu’il avait les yeux à moitié ouvert -il avait un oeil au beurre-noir) Violet dont la peau était de couleur charbon et Rhys, dont le regard était sans cesse rivé sur elle, il éclata de rire et s’exclama que la femme n’arriverait pas à faire tomber l’homme, faute de force. L’une des dames, dans la salle, offensée, lui cria que les femmes n’étaient pas bonnes qu’à faire le ménage et les enfants et les autres se joignirent à elle. Bientôt, le chaos les envahit à nouveau et la pagaille recommença...

Rhys et Violet, n'étant plus seuls, se retrouvèrent au milieu du coeur de la « fête »...