Fantomatique

Le gamin dévisagea Etheldred :

" Pourquoi étiez-vous là haut ? "

Effectivement, l'idée de dormir à l'entrée du grenier pouvait paraitre bizarre, elle ne pouvait pas dir ele contraire. Elle souria et ouvrait la bouche pour répondre lorsque la femme s'en chargea à sa place :

" Je crois pas que ce soit une question à laquelle on souhaite vraiment une réponse. Elle a peur de nous. Ou plutôt de toi. Elle a nécessairement peur de toi, parce que si j'avais tenté quelque chose contre vous, j'aurais mis le feu à la bicoque. Beaucoup plus simple et beaucoup moins aléatoire. Surtout pour ceux qui dorment au premier.

Etheldred hausse les sourcils et lui rend son sourire, en moins perfide, elle n'a jamais été douée pour ça et de toute façons, elle est plutôt... amusée :

" Ah oui ? Vous mettriez le feu à votre maison ? " demanda-t-elle en insistant sur le "votre" légèrement moqueuse.
En fait, elle avait surtout craint un vol, plutôt qu'un assassinat. A moins d'avoir affaire à une tueuse compulsive, elle ne voyait pas ce que la femme aurait eu à gagner à allumer un incendie. L'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit, d'ailleurs. En plus, quelqu'un qui se préoccupe de garder les plantes du coin en état pour qu'elles repoussent ne peut décemment pas coller le feu à une cabane ne pleine forêt ! D'ailleurs elle ne l'avait pas fait. Tout ce que faisait cette inconnue, c'était beaucoup de bruit pour effrayer, mais, aux dernières nouvelles, ça s'arrètait là. Tant mieux, d'ailleurs, Etheldred ne voulait pas chercher les ennuis : ils arrivaient très bien tout seuls.
Elle lança un regard amusé à l'enfant en espérant qu'il ne prendrait pas au pied de la lettre ce que disait la femme.

Cette dernière entreprit de sortir la bouilloire du feu.

" Rien de mieux qu'une infusion à la menthe pour débuter une journée. Surtout une journée pluvieuse. "

Etheldred retint une grimace : elle détestait la menthe, ne s'en servait qu'en tant que plante médicinale. Puis elle sourit à nouveau, perplexe. Boire l'infusion préparée par une femme qui elle-même se méfie qu'on l'empoisonne ? Elle avait appris que souvent les gens redoutaient ce qu'ils infligeaient eux-même aux autres. Elle était sans doute excessivement méfiante mais c'est ce qui la tenait en vie, alors... Peu importait vu que de toutes façons, elle ne tenait pas à en boire, même si c'était réellement de la menthe, ce que c'était probablement d'ailleurs, elle devait bien le reconnaitre.

Elle comptait repartir, en réalité. Le jour était levé et ses vêtements étaient secs, même si vu le temps ils ne le resteraient pas longtemps. Dans quelques heures, en marchant rapidement, elle serait chez elle et pourrait se faire un bon repas. Enfin, pour l'instant, elle ne voulait pas planter la femme avec sa bouilloire alors qu'elle faisait - enfin - un geste pour se montrer un peu ouverte.

Elle finit de descendre les escaliers et s'assit près du feu. Il faudrait qu'elle pense à emmener l'eupatoire en partant.

Marion n'était pas une personne gentille. Elle était indifférente à pas mal tout le monde, à moins que ce soit de potentiels clients. Et dans les bois, comme ça, les gens n'étaient pas des clients. Donc, ces deux êtres, elle s'en moquait royalement. Du moins, c'est ce qu'elle espérait refléter. Marion mentait bien à tout le monde, même à elle-même. Elle était même parvenue à se persuader qu'elle était humaine.

- C'est pas ma maison, c'est la maison de quiconque en a besoin. C'est pour cette raison qu'il faut la garder pratique et efficace. Faudra replacer le fauteuil et rentrer d'autre bois. Si vous y penser, réparer la porte de l'armoire que j'ai brulé hier serait bienvenu. Et si ça vous amuse, réparer les escaliers aussi. Malheureusement, j'ai pas le temps aujourd'hui.

S'était remise près de l'âtre, elle sirote doucement son thé. Marion avait des principes très strictes. Tout ce qu'elle prenait, elle s'assurait de le remette d'une manière ou d'une autre. Le gamin se lève soudainement et vient lui chiper une tasse. Elle feint à la perfection celle qui n'a rien vu. Marion était apothicaire, elle préparait et concoctait des remèdes, la plupart du temps, souvent contre de l'argent, mais aussi parce que c'était vachement glorifiant de se dire qu'on avait sauvé une vie, ou du moins rendu plus heureuse l'espace d'un instant. Mais ça, elle ne l'avouerait jamais à quelqu'un.

Pour l'instant, elle s'assurait que ces gens là comprennent ce qu'était cette bicoque.

- Il y avait d'autres bêtes en haut ?
- Bien sûr que si, coupe-t-elle de manière effrontée, la jeune femme. Elle pose sur chacun d'eux un regard acajou, puis plisse les yeux. Elles sont chez elle. On raconte que c'était la bicoque d'une fée nocturne... ou des fées nocturnes. Peu importe, elle est toujours là et c'pour ça qu'il faut garder la bicoque en état d'accueillir les gens.

Marion inventait bien des choses. Quoique d'un autre côté, elle avait habité cette bicoque durant quelques années, puis elle était repartie et c'était assurée que tout reste en état. C'était une cabane lacé à un point relativement stratégique pour le promeneur perdu. En deux siècles, elle y avait retrouvé quelques cadavres, fautes de besoins essentiels, comme le bois sec et l'eau. Elle avait détesté être obligée d'aller enterrer des cadavres dans la cours arrière. Mais elle l'avait fait, parce que si les gens lui importaient peu dnas leur individualité, la vie, elle, lui était essentielle. Égoïstement essentielle.

- Et il ne faut pas brutaliser les chauve-souris, elles sont les gardiennes... et bouffent des tas d'insectes nuisibles, complète-t-elle, uniquement à titre informatif pour le garçon. D'ailleurs, elle le regarde personnellement lorsqu'elle émet cette affirmation.

Marion n'était jamais avare de conseils. Elle avait un tempérament un peu froid, un peu sec, mais il reflétait plus une intention neutre que bénéfique ou malsaine. Elle affirmait et ensuite les gens en faisaient bien ce qu'ils voulaient. De toute façon, elle agissait de même.

En fait, Marion était du genre à prévenir une personne d'éviter ce chemin pour une raison quelconque, mais aussi de le regarder crever parce qu'il n'a pas suivi son conseil. Et ça, c'était sans doute la seule chose qu'elle se souciant de laisser transparaître. Contrairement aux deux autres qui semblaient plus ou moins nerveux, Marion dégageait une assurance presque choquante.

" C'est pas ma maison, c'est la maison de quiconque en a besoin. C'est pour cette raison qu'il faut la garder pratique et efficace. Faudra replacer le fauteuil et rentrer d'autre bois. Si vous y penser, réparer la porte de l'armoire que j'ai brulé hier serait bienvenu. Et si ça vous amuse, réparer les escaliers aussi. Malheureusement, j'ai pas le temps aujourd'hui. "

Etheldred ne répondit rien. Elle comptait bien ramener du bois et ele n'avait rien contre le fait de replacer le fauteuil. Mais de là à remplacer la porte de l'armoire... De toutes façons, elle n'en avait pas les compétences. Si son père avait été un bon menuisier, elle n'avait pas eu le temps d'apprendre ce métier et ce qu'elle pouvait faire en bois restait grossier et bien médiocre.

" Il y avait d'autres bêtes en haut ? "

Etheldred ouvrait la bouche pour répondre quand la femme la coupa, parlant de fées nocturnes. L'herboriste sourit en se demandant la part de vérité dans ce qu'elle racontait. Elle croyait peu aux fantomes et autres créatures légendaires, mais elle n'ignorait pas qu'il y avait parfois des créatures plus ou moins magiques en forêt. La clairière des fées, entre autres, où elle se gardait bien d'aller sous peine de se retrouver à la merci de ses habitantes.
La remarque sur les insectes acheva de la convaincre que le grenier ne renfermait pas grand chose d'autre que de la poussière et des chauves souris.

Etheldred se leva. Elle avait une longue route devant elle et la pluie pouvait bien durer des jours, elle ne comptait pas attendre aussi longtemps. Elle se tourna vers la femme et le garçon :

" Bon, eh bien je vais vous laisser. Je ramène un peu de bois et je partirai. "

Joignant le geste à la parole, elle sortit dehors et entreprit de ramener des buches. La pluie, à défaut de s'être arrètée s'était calmée et tombait finement. Peut-être que son surcot en laine suffirait à la protéger en moment. Elle récupéra suffisamment de buches et jeta au passage un regard sur l'eupatoire. Exactement ce qu'elle cherchait, et même plus vu qu'il y avait les deux espèces. Elle ramena le bois et entreprit d'aller ramasser les plantes.

Revenant se mettre près de la cheminée, elle installa les pieds d'eupatoire dans sa sacoche de façon à ce qu'ils tiennent bon pendant le trajet.

" Pas mal de marche m'attends pour rentrer chez moi, je vais donc vous laisser. "

Elle récupéra ses armes et poussa la porte :

" Bonne journée. "


[hrp : je pense que je vais m'arrèter là, je manque franchement d'inspiration, surtout que jud est absent. Si vous voulez continuer quand même, vous pouvez toujours me rappeler vu que je ne suis qu'à la porte. ]

- "C'est pas ma maison, c'est la maison de quiconque en a besoin. C'est pour cette raison qu'il faut la garder pratique et efficace. Faudra replacer le fauteuil et rentrer d'autre bois. Si vous y penser, réparer la porte de l'armoire que j'ai brûlé hier serait bienvenu. Et si ça vous amuse, réparer les escaliers aussi. Malheureusement, j'ai pas le temps aujourd'hui."

L’autre femme s’était d’abord exprimée sur la bicoque. Ce n’était pas chez elle et heureusement pour elle car vu l’état des lieux, ce n’était pas le meilleur endroit pour s’y sentir bien comme dans un nid douillet. Qui voudrait rester vivre ici, dans une vielle maison qui tombe en ruines et au fin fond de la forêt ? Finalement, Jud s’en contenterait largement s’il n’y avait pas ces fichues créatures démoniaques, un escalier synonyme de mort imminente et un grenier un peu trop lugubre.

Replacer le fauteuil, réparer la porte de l’armoire, remettre les escaliers en état… et pourquoi pas un petit ménage de printemps tant que nous y sommes ?! Le jeune garçon la fixait avec un air désintéressé vis à vis des tâches qu’elle venait d’énumérer. Jud avait déjà eu l’occasion de faire des petits travaux quand son père l’exigeait mais cela lui valait davantage de réprimandes au vue du travail de qualité moyenne ou de l'exigence sans faille de son paternel.

Jud caressait son petit animal, l’œil ensuite posé sur Etheldred. Il attendait sa réponse quelque peu dépourvue d’intérêt aux yeux de beaucoup mais il se demandait bien quelles autres créatures étranges avaient envahies cette vieille bicoque. Mais le garçon tourna la tête dans l’autre direction.

- "Bien sûr que si […] Elles sont chez elle. On raconte que c'était la bicoque d'une fée nocturne... ou des fées nocturnes. Peu importe, elle est toujours là et c'pour ça qu'il faut garder la bicoque en état d'accueillir les gens."

La femme sorcière avait répondu avant que l’herboriste n’en ai eu le temps. Jud n’en fut que partiellement surpris et prit note de ses paroles quelques peu étranges. Des fées nocturnes ? Le gamin afficha un visage un peu étonné puis se tourna directement vers l’autre jeune femme afin d’y déceler un sourire ou un bref indice lui permettant de comprendre que la sorcière disait des sottises. Un léger sourire avait fait son apparition mais finalement, l’enfant ne su l’interpréter. Il resta dubitatif devant les deux femmes, puis silencieux. Il porta la petite tasse jusqu’à ses lèvres puis il avala une nouvelle gorgée. A peine le liquide avait-il disparu de sa bouche que la sorcière le dévisageait en parlant des créatures nocturnes.

- "Et il ne faut pas brutaliser les chauve-souris, elles sont les gardiennes... et bouffent des tas d'insectes nuisibles".

Elle le fixait d’une telle façon en disant ces mots que tout cela ne plaisait guère au garçon. Le traitait-elle d’insecte nuisible ? A cet instant même, il l’aurait bien traiter de vieille folle mais il lui avait déjà volé une tasse et il souhaitait l’apprécier jusqu’à la dernière goutte avant d’abandonner les deux femmes au rangement ou autres réparations de cet intérieur délabré. De la même façon, il se trompait peut-être sur la signification des propos précédents et il était plus prudent de rester silencieux s’il ne souhaitait pas finir en ceinture comme c'était le cas pour le pauvre raton laveur anonyme qui accompagnait la sorcière.

Mais il n’eût pas le temps de partir dans une réflexion supplémentaire à ce sujet puisque la jeune herboriste montra son désir de quitter les lieux. Elle prétextait une longue marche pour rentrer chez elle puis elle leur souhaita une bonne journée avant de se diriger vers la porte. Jud n’était pas du genre à rattraper les gens qui s’apprêtaient à quitter sa zone de sécurité, il en était même heureux. Toutefois, il aurait quand même préféré que ce soit l’autre femme qui s’aventure dans les bois.

Le jeune humain regardait Etheldred s’éloigner sans lui répondre et sans la retenir ici. Il avala une nouvelle gorgée de son infusion puis il se leva pour poser la tasse sur la table. Il songea alors qu’il était hors de question que les autres travaux de la bicoque puissent retomber sur lui et reviennent donc au dernier présent.

-"Je ne réparerai rien du tout" Dit-il à la femme avec son visage grincheux et fermé.

Il s’empressa alors de retourner vers le fauteuil et d’attraper ses affaires. Il attrapa l’écureuil et le cala sous son pull puis il déposa son sac sur son épaule. Il laissa le fauteuil là où il se trouvait et se dirigea à son tour vers la sortie, observant avec prudence les gestes que pourrait éventuellement entreprendre la femme étrange.

La pluie semblait légère et il reprendrait lui aussi sa route en direction des côtes, si toutefois il savait dans quelle direction partir…


[Hrp : Pas de soucis Etheldred, et merci pour ton RP. Je m'apprête aussi à partir mais je suis toujours dispo si Marion veut continuer :) ]

Marion n'était pas du genre à demander quelque chose, mais elle laissait supposer que ne pas faire ce qu'elle insinuait allait être une idée très mal reçue. Elle proposait en fait et laissait sous-entendre que décliner allait apporter des conséquences pires que de se proposer généreusement. Marion n'avait pas l'air mauvaise, au premier abord, elle ne l'était d'ailleurs pas, mais on pouvait parfois en douter. Elle dégageait souvent l'impression des pires choses et très rarement des meilleures choses. C'était la plupart du temps un avantage.

À la grande satisfaction de Marion, la femme obtempère et annonce son départ, tout en assurant qu'elle ramènera du bois. Bien, très bien. Marion termine son infusion et va puiser de l'eau dans le puis pour nettoyer sa tasse et celle que l'étrangère n'a pas prit. Tant pis pour elle, pense l'apothicaire. Marion apprécie davantage quand la femme revient avec le bois promis. En voilà une qui saisit rapidement. La gamin, lui, n'a pas vraiment réagit. Mais bon, elle ne s'attend pas à grand chose du gamin. C'est un gamin et les gamins font rarement ce que les adultes demandent. C'est une des caractéristiques principales des gamins de faire le contraire de ce que les adultes demandent. La jeune femme prend congé et les deux personnes restantes la regardent se diriger vers la porte. Marion se contente de hocher la tête.

- Je ne réparerai rien du tout.

Marion tourne un regard acajou vers le gamin et hausse un sourcil. Son air actuel est relativement indéchiffrable, ses gestes suspendus dans l'éternité, elle doit nécessairement être contrariée. Durant une seconde ou plutôt cinq, elle détaille le gamin, puis reprend son action là où elle l'avait suspendue.

- Tu sais, gamin, les fées nocturnes sont généreuses et elles offrent un toit aux êtres égarés. Mais faut être un minimum reconnaissant en les aidant pour l'entretient de ces bicoques. Y'en a plusieurs dans les forêts. Et elles se passent le mot si ceux qui profitent de leur bicoques sont des ingrats. Tu pourrais avoir besoin de leur aide un jour et elles feront la sourde d'oreille. Ça t'a plus de dormir au chaud et au sec, hein ? Bah faut être un minimum reconnaissant. Replace au moins la chaise et lave ta tasse. Ce serait un minimum, quand même, dit-elle du ton cassant de la réprimande.

Jud se retourna. La femme lui parlait des fées, enfin surtout des corvées qu’il devait remplir avant son départ déjà bien imminent. Laver sa tasse et remettre le fauteuil… hum ce n’était pas bien compliqué et cela prendrait seulement une minute ou deux. Mais Jud n’était pas un garçon très obéissant. Il fixa la jeune femme.

-"Vous dites n’importe quoi ! Ca n’existe pas. J’en ai jamais vu de toute façon".

Autant il était facile de considérer les chauves souris comme des créatures démoniaques qu’il ne pouvait se résoudre à accepter que des fées nocturnes étaient les heureuses propriétaires de vieilles bicoques délabrées dans les bois.

La femme l'avait aussi traité d'ingrat, ce n'était pas directement personnalisé mais il l'avait bien deviné. Il n'avait rien dit à ce sujet, se contentant de rehausser son écureuil sur son épaule tout en boudant.

L’enfant grogna, souffla puis il retourna en trombe vers le centre de la pièce. Il s’approcha du fauteuil et le poussa vers l’endroit où il l’avait vu la première fois. Il replaça la lanière de son sac qui était tombée de son épaule puis il dévisagea à nouveau la sorcière.

"C’est vous qui avez sali la tasse !"

C’était une drôle de façon de voir les choses. Jud se dirigea de nouveau vers l’entrée avant de lancer quelques mots supplémentaires.

"Si elles voulaient accueillir les gens, les fées laisseraient pas entrer les démons ! … et les vieilles sorcières non plus". Avait-il dit en étant un peu plus discret sur la fin.

Jud jeta un dernier coup d’œil sur la pièce en se disant qu’il était peut-être plus intéressant de retrouver les routes et l’entourage végétal. Cette bicoque était peut-être convenable le jour et avec la présence de quelques personnes mais seul la nuit c’était loin d’être rassurant. Et encore, les adultes représentaient sa plus grande peur.

L'enfant atteignit le palier et observa les alentours, se demandant de quel côté il pourrait partir. Continuer le sentier serait sans doute la meilleure solution...

Les gamins sont crédules, c'est un fait bien connu, mais certains ne comprennent rien à l'art d'être un enfant. Fallait les remettre dans le bon chemin ces gamins. Mais il était quand même agaçant ce gamin à ne pas vouloir faire ce qu'elle lui dit de faire.

- Tu vois pas le vent non plus, pourtant, ça existe.

Logique implacable du gamin anéantie, mais elle s'en voulait un brin de détruire de si belles illusions. Il aurait pourtant à le découvrir assez rapidement. Le passage à l'âge adulte en brisait des tas d'illusions. À commencer par celle qui nous faisait croire qu'on voulait faire ce que nos parents nous destinaient. S'il replace la chaise avec une relative mauvaise foi, la tasse, il plaide le "c'est pas moi qui l'ai salit". Soit, elle le lui accorde. Après tout, c'est pas faux. Elle se met donc en frais de nettoyer sa tasse, mais elle n'a pas dit son dernier mot. Elle ne relève pas davantage. Inutile de toute façon. Elle le laisse s'éloigner vers le pallier, mais elle entend très bien son commentaire murmuré.

- Tu sais, gamin, dit-elle en essuyant la tasse du dit gamin, t'as pourtant été bien accueilli, non ? Un fauteuil pour la nuit, un toit pour te protéger de la pluie et une tasse d'infusion. Et y'avait les chauve-souris en haut. Et puis, si t'as jamais vu de fée nocturne, comment tu sais ce qu'elles font ou pas ? Elle adresse au gamin un sourire très peu rassurant. Et puis, les mauvaises fées sont des sorcières, la plupart du temps.

Elle renifle et jette un coup d'oeil au fond de la tasse, question de savoir si elle est vraiment propre. Ça semble lui satisfaire.

- Enfin, c'est comme tu veux, si tu préfères prendre le risque de vexer une fée nocturne, à ta guise.

Elle range la tasse, mais ne referme pas le panneau, puisqu'il n'y en a plus. Mais elle s'assure de placer les tasses à l'envers.

- Je connais bien le coin. Diantra, c'est plein sud. C'est par-là que je vais.

Un humain si jeune, il allait nécessairement à Diantra. Sûrement pas chez les elfes. Et plus haut, c'est la mort qui l'attend. Donc c'est nécessairement plein sud.

Posté à l’entrée de la maisonnette, le jeune garçon dû faire face, une nouvelle fois, aux remarques de la femme étrange.

- Tu vois pas le vent non plus, pourtant, ça existe.

*Qu’est-ce qu’elle raconte ?*

Jud se disait qu’il ne voyait pas le vent mais qu’il le sentait, même les feuilles des arbres elles remuaient, donc il existait. Par contre les fées nocturnes, ben non, il n’avait jamais vu un morceau d’aile et il en avait jamais entendu parler avant. Faire le lien avec la bicoque n’était donc pas si simple. Bref, ça n’existait pas, puis voilà.

Il regarda l’inconnue une petite seconde, suffisamment pour comprendre qu’elle entreprenait de laver la tasse. Tant mieux, il n’aurait pas à le faire. Et très vite, le sermon suivant arriva. Il fallait être redevable, être gentil avec des fées nocturnes qui n’existaient pas, car elles lui avaient laissé un toit sur le point de s’écrouler - chose que faisaient déjà très bien les escaliers, un vieux fauteuil, des créatures démoniaques et pour couronner le tout, deux bonnes femmes assez… louches. L’une d’elles avait fait assez d’infusion pour plusieurs personnes mais c’était de sa faute s’il ne lavait pas la tasse. Et puis cette histoire de sorcière et du risque de vexer une fée nocturne ne l’interpellait pas beaucoup, ou plutôt il faisait mine de ne pas y croire.

"… vous dites n’importe quoi".

Il soupira à nouveau pour accompagner ses propos mais il restait tout de même en lui une petite part de doutes. Il tenta de ne plus penser à toutes ces choses et se rappela qu’il était venu par la gauche, il serait donc logique de reprendre le sentier qui continuait sur la droite de la bicoque.

- Je connais bien le coin. Diantra, c'est plein sud. C'est par-là que je vais.

Toujours sur le palier, le garçon ne bougea pas d’un centimètre et tourna le regard vers la sorcière. Décidément cette femme n’avait rien qui lui plaisait. Elle allait à Diantra, quelle horreur ! C’était justement l’endroit qu’il fuyait, le seul lieu dont il ne voulait plus jamais entendre parler. Il serait bien parti dans la direction opposée sans attendre une seconde de plus mais il préférait confirmation afin d'être certain de ne pas se retrouver accidentellement au sud, et surtout, dans la ville qu’il ne souhaitait plus fouler de ses pas.

-"Et pour aller à l’opposé, c’est par là ?"

Après un vague geste du bras, il exécuta quelques pas. En fait, la direction lui importait peu, du moment que tous les chemins ne menaient pas à Diantra.

Bon, elle dit n'importe quoi. Marion roule de yeux et soupir. Ce gamin était très mal élevé. D'un autre côté, c'était le lot de la plupart des gamins de cet âge qui se baladaient tous seuls. La plupart de ce genres de parents étaient soit irresponsables, soit à l'état de cadavre. Les deux étaient une possibilité, mais elle n'était pas là pour s'apitoyer sur le sort de ce gamin. Il n'avait pas l'air si mal en point. Grincheux, irresponsable et impoli, mais bon, avec des parents pareils, morts ou irresponsables, on ne pouvait guère s'attendre à mieux.

Marion ne disait pas n'importe quoi. Elle, elle croyait aux fées nocturnes. Elles n'étaient peut-être pas comme l'image qu'on s'en faisait, elle n'en avait peut-être jamais vu, mais elle sentait ces forces agir. D'expérience, elle pouvait dire si quelqu'un était apte à sa la survie en le voyant agir dans ce genre de situation. Si le gamin poursuivait dans cette voie, il ne ferait pas de vieux os. Elle avait constaté que lorsqu'on prenait sans donner, qu'on était radins, le destin agissait de même. Il prenait et gardait pour lui et en particulier la vie des gens.

Elle le jaugeait du regard, question de voir si elle ne verrait pas une parcelle de générosité. Elle en était là dans ses réflexions quand il lui demande s'il va dans le sens opposé il s'éloignera de Diantra. Elle regarde le gamin et plisse les yeux. Un fin rictus glisse sur ses lèvres.

- Avec une logique pareil, tu vivras très vieux, affirme-t-elle, avec tout de même une pointe de sarcasme.

Oh non, elle ne se moquait pas... presque pas. Mais tout de même, un doute lui vient. S'il voulait aller à l'opposé de Diantra et bien c'était un long voyage. Elle le rejoint dans le cadrage de la porte et pointe une première direction.

- Nord-Est, territoire elfe. Il sont d'un ennui mortel. Elle pointe une seconde direction. Plein nord, territoire nain. Des p'tits cons, mais si tu leur offre de la bière, ils te feront pas trop de problèmes. Elle pointe une troisième direction. Nord-Ouest. Je te déconseille fortement cette direction. Les elfes-noirs vont te bouffer. Ce sont des malades sadiques. Elle hausse les épaules. De toute façon, dans tous les cas, c'est un long voyage. J'espère que t'as des provisions, lance-t-elle, à la blague, mais elle a un autre doute. Elle redevient sérieuse et fronce les sourcils. T'as des provisions pour un tel voyage au moins ?

Quand même, il était jeune ce gamin pour faire de si long trajets, tout seul. Et pis, son sac était pas bien gros. Il avait l'air un peu maigre pour un humain. Pour un elfe, il aurait été ok, mais pour un humain, il manquait un peu de chair. Mais bon... il était pas commode ce gamin, elle n'allait certainement pas jouer à la maman. Elle était beaucoup trop vieille pour ça... enfin, humainement parlant, elle avait 400 piges... trop vieille pour les gamins. Et elle n'en avait aucune envie de toute façon.

Elle le voit étudier les trois directions avec une attention teintée de doute. Bon, qu'est-ce qu'il allait lui sortir encore comme conneries... les gamins étaient surprenants... on savait jamais à quoi s'attendre d'un gamin. Surtout d'un gamin avec un caractère pareil. Horrible.

- J'en trouverai en chemin !
- Ah ouais. Elle avait de sérieux doutes là-dessus. Malgré tout ce qu,on pouvait dire, c'était pas si facile que ça survivre en forêt. En fait, le plus difficile c'était d'accepter de bouffer des trucs très nourrissant avec un goût horrible.
- ... Et j’aime ni les nains, ni les elfes,de même un point en commun. Elle hoche la tête, compréhensive. Elle eut peur un moment qu'il la questionne sur les Drows, mais elle fut vite rassurée. ...je veux voir les îles.

Les îles ?

- C'est quoi le meilleur chemin ?
- Les îles ? Mais les îles, c'est dangereux, c'est la racaille de la société qui s'y retrouve, les voleurs en particuliers et les escrocs... sans parler de tous les crétins qui n'ont pas trop le mal de mer et... Et elle se tait. Ce qu'elle venait de dire, c'est que les pas rebuts de la société, les assassins et les escrocs légales et les crétins qui ont le mal de mer restaient aux alentours ici. Ouais, c'est pas si mal les îles, après tout. Au moins ils ont des tavernes perpétuellement ouvertes et savent faire la fête. Elle jette un coup d'oeil au gamin. T'es un peu jeune, par contre pour les tavernes et les fêtes... d'un autre côté, s'il avait le pied marin, il avait un avenir pas trop mal. Mieux que dans les villes en y réfléchissant bien. Ouais, les îles c'est sans doute le meilleur choix. Y a un avenir pour les sans avenir, là-bas, marmonne-t-elle plus à elle-même qu'au gamin. Mais euh... si tu voulais aller à l'opposé de Diantra, t'es mal barré. Elle pointe vers le sud-est. Diantra, c'est plein sud et le meilleur moyen de trouver les îles sans passer par les coins dangereux, ennuyants et cons, c'est de tourner sud-est après Diantra et de prendre le bateau d'Ydril pour Meca.

Mais ça va lui prendre des jours...

Passer par Diantra n'était pas dans ses projets puisqu'il s'en était éloigné. Mais si c'était un chemin obligatoire pour rejoindre les îles, il se mit à penser qu'il n'aurait pas trop le choix. Il pourrait en prendre la direction mais éviter la grande ville en rallongeant son voyage. De toute façon, lors de son départ, il était parti dans une direction au hasard, arpentant les contrées sans se soucier d'une quelconque destination. Mais depuis quelques jours, et surtout à force d'errer sans objectif, le gamin se posait la question de ce qu'il allait bien pouvoir faire... de ce qu'il allait devenir. Là il était tranquille, seul, sur les chemins, certes, tout ceci avait du bon, mais chercher sans cesse de la nourriture et éviter les gens étaient des choses qui le lassaient peu à peu. Il n'avait pas de délais pour rejoindre les île, elles représentaient une opportunité pour éviter le grand continent, un petit rêve de gamin quant à la beauté de ces terres flottantes.

Jud écouta les commentaires de la femme tout en conservant son air neutre habituel. Dangereux, racaille de la société, voleurs et escrocs... cela ne pouvait pas être pire qu'ailleurs.

"Mais euh... si tu voulais aller à l'opposé de Diantra, t'es mal barré. [...] Diantra, c'est plein sud et le meilleur moyen de trouver les îles sans passer par les coins dangereux, ennuyants et cons, c'est de tourner sud-est après Diantra et de prendre le bateau d'Ydril pour Meca".

Ca allait encore être compliqué. Tout est compliqué, même les voyages. Le jeune garçon donna l'impression d'attendre ou de réfléchir. Cette terre était mal fichue tout de même.

Jud fit mine d'avancer dans la direction qui lui semblait correspondre aux indications de la femme, à savoir le sud. Il se retourna et l'interpella.

-"C'est vous qui passez devant... et vous me collez pas"

Il avait dit ça comme si c'était un sacrifice de voyager avec quelqu'un ou tout simplement la pire compagnie qu'il puisse avoir, à moins que la méfiance n'ait été perçu un bref instant. Toutefois, en la suivant sur une partie du chemin, il aurait sans doute plus de chance d'être dans la bonne direction et d'espérer trouver les îles, un jour.

C'était déjà un effort surhumain de voyager avec quelqu'un alors fallait au moins qu'elle soit loin devant et qu'elle parle avec son raton mort plutôt qu'à lui... sauf si c'était pour parler des îles, à la rigueur, mais bon, les fêtes et les tavernes c'était pas vraiment son truc. Et puis si c'était pour lui faire peur ou le décourager à l'avance sur le genre d'escrocs qui vivaient là bas, il finirait par croire que son avenir serait au fond des bois, dans une grotte que personne ne pourrait découvrir.

Enfin malgré ce qu'il pouvait en dire, certainement que voyager avec cette femme ne lui déplaisait pas entièrement. Il le ressentait bien, c'était comme s'il avait l'opportunité de se reposer sur une présence qui ne lui paraissait pas hostile, même si c'était pour quelques heures seulement.

Encore fallait-il qu'elle accepte la présence d'un gamin grincheux dans son sillage pour une partie de son voyage.

Ce garçon était soit très réfléchi, ce dont Marion doutait, soit légèrement idiot, ce qui était sans doute plus probable. Il mettait un temps à répondre, c'était fou. S'il prenait autant de temps à réfléchir avant de poser la moindre action, il allait mourir très jeune. Il devait pas avoir quitté ses parents depuis longtemps ce morveux. Si au moins il avait été divertissant et d'agréable compagnie. Mais non, pas du tout. D'un autre côté, un gamin divertissant lui aurait tapé sur les nerfs.

Il ne répond rien et semble vouloir prendre la route. Tant pis pour lui, elle avait fait tout ce qu'elle pouvait pour lui. Le choix était à lui maintenant. Et bon, après tout, il pouvait bien faire ce qu'il voulait, c'était le moindre de ses soucis. Elle était pas sa mère et s'il en avait une, bah elle avait qu'à le surveiller son mioche. Non, mais !

Elle roule des yeux et tourne les talons pour retourner à l'intérieur.

- C'est vous qui passez devant... et vous me collez pas.

Elle revient vers la porte, septique. Elle dévisage le gamin, une ou deux secondes. Non, il est sérieux ? Ouais, il est sérieux. Elle ricane. Elle ne ricane pas par méchanceté, mais uniquement parce que si le gamin avait passé quelques jours avec elle, il n'aurait pas fait cette proposition.

- Euh... j'veux pas... hum... comment dire... j'veux pas être désagréable, mais si j'pars en avant, je crois pas que tu arrives à me rattraper. Pas que tu sois pas un p'tit rapide, j'suis certaine que t'es un rapide, mais pas assez pour me suivre.

Marion était une apothicaire... enfin, à l'origine. Ensuite, elle avait bifurqué vers la guérison, et les produits de beauté. Et pour se faire, elle avait du se balader à travers une partie de Miradelphia. Et en plus, elle avait pas mal bien survécut.

- Je pars pas tout de suite. Faut que je termine tout ça, ici, avant de partir et j'ai besoin de quelques plantes en chemin, tu vois. J'suis apothicaire, à Diantra. Je crois que tu devrais plutôt rester avec moi, comme ça, au moins, je saurai quand tu me suivras plus.

C'était le genre de proposition qui ne plaisait pas en temps normal. Mais bon, elle s'en moquait pas mal. Elle était pas sa mère à ce gosse, hein.

Vraiment, ce gamin est long à la détente. Où alors c'est un surdoué qui doit mettre de gros efforts à mettre en marche son gros cerveau. Elle en doute. De groooos doutes.

- Et il y en a pour longtemps ?
- Pas vraiment, non dit-elle.

Elle retourne à l'intérieur et replace les chaises et bouge d'un brin le fauteuil, question qu'il soit exactement à la bonne place. Elle déniche un balais ayant visiblement connu de meilleurs jours et entreprend de balayer soigneusement l'âtre. Elle étouffe les braises et se débarrasse du surplus de cendre. Laisser des cendres dans l'âtre n'aurait d'effets que de rendre le tout trop humide.

Faut tout de même remettre un semblant d'ordre. Même si en fait c'est plus du rien du tout. C'était juste un ordre dans lequel elle remettait les choses ici, chaque fois. Comme ça, les gens perdus savaient que c'était une bicoque abandonnée.

- Ca sert à quoi un apothicaire ?

Oh, il est encore là, lui.

- Euh...

Elle fouille dans son sac et en sort une gourde. Elle se dirige vers ce qui ressemble à un placard et soulève encore le couvercle pour aller remplir sa gourde d'eau claire.

- Je fabrique des remèdes, des potions, des filtres, des onguents, des crèmes et d'autres soins et beauté. Techniquement, un apothicaire doit avoir boutique. Mais elle n'en a pas vraiment. Elle n'a qu'un étal. C'est suffisant. Et je suis la meilleure.

Du moins la meilleure humaine apothicaire. Les elfes n'avaient pas d'apothicaire... ils avaient des guérisseurs, ce qui revenait pas mal au même, sauf qu'ils ne faisaient pas dans la beauté, que dans les soins. Bon, des soins capillaires pour certains, mais c'était pas vraiment... en fait c'était... arf, ils étaient chiant les elfes. D'un autre côté, elle s'était spécialisée sur les remèdes et autres du genre humains. La plupart de ce qu'elle fabriquait soignait aussi les elfes, mais elle estimait depuis longtemps que les humains avait davantage besoin de ses services que les elfes. Son respect était bien davantage porté sur les humains qui devaient, vivre en si peu de temps que sur les elfes qui n'arrivaient pas à mieux en des siècles de vies. Marion avait choisit les humains. Et ils le lui rendaient bien. Ou du moins, pas pire que les elfes.

Elle termine ce qu'elle a à faire, puis enfile son manteau et l'attache jusqu'au menton. Elle jette le capuchon sur sa tête et passe la bandoulière par-dessus sa tête. La voilà prète. Elle sort à son tour et referme soigneusement la porte. Elle fait le tour de la bicoque puis revient vers le garçon.

- Viens, c'est par-là, dit-elle en se mettant en route.

Marion était rapide. Légère et rapide. En espérant que le gamin soit en forme pour la suivre.