Au bord du lac (PY Cheilan)

Melian se réveilla avant le lever du soleil, une chose qui n'était pas coutume chez elle. La perspective de quitter son village natale pour la capitale elfique la réjouissait et la terrifiait en même temps. Avant de partir, elle parla une dernière fois à ses amis et promis de revenir avec des cadeaux.
Quitter son père fut plus difficile. Ils parlèrent longtemps, si longtemps qu'elle partit alors que le soleil était presque au zénith.

Melian ne s'inquiéta pas trop de son retard, elle poussa sa monture au galop, pensant ainsi arriver à Alëandir avant la tombée de la nuit. Malheureusement, la route n'était pas aussi large au milieu de la forêt que près des villages où elle s'aventurait habituellement. La jument crème fut obligée de ralentir, et bientôt elles n'avancèrent plus qu'au petit trot.

La jeune demie-elfe commençait à s'inquiéter, elle savait que cette forêt était dangereuse la nuit, de plus elle n'avait pas grand chose à manger et pour couronner le tout, elle avait la désagréable sensation d'être suivie.

Le soleil déclinait vite, bientôt elle ne vit presque plus rien. Les branches basses lui cognaient la tête et l'obligeaient à être penchée sur l'encolure du cheval pour ne pas se blesser. Melian remarqua que la végétation semblait plus espacée à droite. Ce n'était pas le chemin d'Alëandir, mais si elle pouvait galoper, elle irait certainement plus vite.

"Par ici ma belle" dit-elle en faisant tourner la jument.

Melian fut soulagée de voir qu'elle ne s'était pas trompée : le terrain était complètement dégagé, idéal pour un galop; à un détail près : il faisait noir. L'Elfe demanda tout d'abord à sa monture de trotter, puis voyant qu'elle ne trébuchait pas et n'avait pas peur, lui fit prendre le galop.

Le vent glacée soufflait dans ses cheveux, lui brouillant parfois la vue. Elle se recoiffa, et soudain la jument trébucha et tomba sur les genoux, projetant Melian par-dessus l'encolure. Le choc fut rude pour les deux, mais heureusement elles n'avaient que des contusions. L'elfe vérifia qu'elle ne saignait pas, appliqua de l'onguent sur les genoux de l'équidé et continua sa route au pas.

Son coeur battait si fort qu'elle l'entendait dans le silence inquiétant des environs. Cette impression d'être suivie ne s'était pas estompée. Après quelques minutes angoissantes, elle vit une surface brillante au sol. Intriguée, elle s'en approcha. C'était en fait le lac d'Uraal, elle ne devait plus être loin !

La jument semblait attirée par l'eau, sans doute avait-elle soif. Melian se dit qu'un peu d'eau ne lui ferait pas de mal non plus, et elle savait qu'elle n'était plus contaminée. Elle descendit de selle et laissa le cheval s'abreuver. Tout à coup, elle eut une étrange sensation : elle ne savait pas comment, mais elle savait que quelqu'un était derrière elle. Son corps se mit à frissonner.

"Qui... Qui est là ?"

[Ceci se passe quelques jours avant le Rp de Diantra.
Pour le lieu... Un Loup-Mage qui court non-stop sans charge est plus véloce qu'un cheval, ce qui lui permettra de rejoindre la capitale humaine dans les temps quand ce sera nécesaire ^^]



Cheilan avait encore l'esprit embrumé la veille au soir, alors qu'il quittait la Grotte. Dans son esprit, il la quittait à jamais, et cela lui laissait un goût amer déjà trop souvent ressenti, le goût de la déchirure.
Aujourd'hui, il n'en était rien: il avait les idées claires, savait où il allait, ce qu'il cherchait. Mais pas véritablement ce qu'il était... Ainsi, l'immense Loup-Mage noir se frayait un chemin parmi les broussailles et les arbres sans hésiter, ce jusqu'à ce qu'il émerge sur un sentier un peu sauvage, mais toutefois entretenu. Il sentait l'odeur des Humanoïdes. Des Elfes, en l'occurrence.
Lorsqu'il eut dépassé un épais amas de rochers, le lac se découvrit à sa vue. Immense étendue d'eau vert-de-grise, réserve infinie de fraîcheur et de vie, mais dont la surface était ponctuellement ridée, gâchée par de minuscules points brunâtre. Qui se trouvaient être des bateaux.
Plus prudemment cette fois il reprit son chemin en longeant le lac à distance et dans la direction du soleil couchant, toujours au pas de course, à savoir qu'il franchissait cinq lieues métriques par heure. Il ne s'épuisait pas malgré sa vitesse, il se lassait seulement de cette épopée effrénée qui n'en finissait pas et du fait qu'il dû maintenir une constante méfiance.

Déjà, il s'était décidé quant à ce qu'il allait faire. Il savait bien sûr que plus il y avait d'Humanoïdes en un seul lieu, plus il aurait de chance de la retrouver, elle. Il avait donc jeté son dévolu sur les villes, et s'était mis à en chercher une qui soit suffisamment grande. Il avait le temps - notion par ailleurs abstraite qui ne le préoccupait que peu. Il savait qu'il la retrouverait, fut-ce là où il ne s'y attendait pas.

Un bruit régulier, qui croissait, éveilla sa réflexion. Il avançait près de lui tout en restant caché derrière les arbres, mais semblait se rapprocher, comme si leurs chemins se rejoignaient. Le cheval était moyennement chargé. Intéressant. Il n'était pas pas ferré. Cela était encore mieux. L'être qu'il portait, cet être de taille moyenne et qui prenait soin de lui, qui était en toute logique un être réfléchi, n'était-il pas elle ?

La nuit, déjà, avait recouvert l'immense Mage de son voile noir. De la couleur de son pelage. Il y voyait, s'y fondait.

"Par ici ma belle"

L'équidé avait déboulé sur son sentier, et repartait déjà à tout allure devant le Loup. Il n'était pas étonnant qu'il n'ait pas été remarqué, de par sa discrétion.
Elle accéléra encore. Mais peu importait à Cheilan. Après tout, il était bien plus grand qu'un cheval, et ne supportait aucun poids sur son dos. Il était libre, lui.

Le cheval chuta, et le Loup dû piler net pour ne pas entamer trop la distance qui les séparait. Courte pause. Ils repartirent, mais à une vitesse pitoyable.
De nouveau, le lac était en vue. Et même plus qu'en vue, ils se trouvaient à son niveau.
L'air nocturne était glacé... enfin, tout était relatif; Cheilan appréciait cette température.
Tandis que le cavalier mettait pied à terre, il se rapprocha à pas furtifs, imperceptibles.

Enfin, il fut juste derrière elle. Il était d'une immobilité de marbre, abaissant lentement sa truffe vers ses cheveux et en identifia l'odeur.
Ce n'était pas elle. Ce n'était même pas une Humaine. Cela signifiait-il par ailleurs qu'il ne se trouvait pas dans l'une de ces contrées que ces êtres peuplaient ? Peu lui importait d'être en territoire nain, elfique ou quoi que ce fut. Ce n'était pas eux qui l'intéressait.

"Qui... Qui est là ?"

Elle l'avait remarqué, donc. Une seconde, il fut partagé entre le désir de repartir, continuer, et celui de rester. Mais que faire, s'il restait ?
Il avait faim.
Aussi, il répondit à l'Humanoïde en se glissant devant elle. Le cheval n'aurait pas peur de lui. Intelligentes, ces petites bêtes. Et compréhensives, surtout lorsque l'on usait un peu de magie.
Pour le coup, les extrémités de ses pattes le picotèrent désagréablement. Il sauta dans l'eau, anvança jusqu'à en avoir au ventre, et plongea son museau pour trouver des poissons.
En un instant, il en tenait. Il les jeta sur la berge. Les Humanoïdes, même s'ils n'étaient pas toujours sensible à ce genre de cadeaux, comprenaient en général l'intention. Puis il en croqua encore quelques-uns, et ramena son regard vers les deux êtres.
Il n'en avait pas nettement conscience, mais il n'avait vraiment pas envie qu'ils partent.

Melian n'entendit pas de réponse mais elle vit quelque chose bouger à sa droite. Un animal, plus grand qu'un cheval, un ours sans doute. Non, ça ne pouvait pas être un ours, le museau était trop long, le corps trop fin et ses oreilles étaient longues et pointues.

Comme la jument ne paraissait pas effrayée, Melian se détendit elle aussi. Quelle était cet animal étrange ? La réponse lui vint soudain à l'esprit : un Loup-Mage ! la jeune elfe avait entendu parler de ces créatures puissantes mais jusque là elle avait toujours pensé qu'il s'agissait de légendes.

Le Loup-Mage entra dans l'eau, y plongea son museau et en ressortit rapidement, des poissons dans la bouche. Il en jeta un sur la berge à l'intention de Melian. Elle n'avait pas d'ustensiles de cuisine, mais elle avait une dague, un briquet, et il y avait du bois aux alentours. Et plus important, elle avait très faim.

"Merci" commença-t-elle par dire, ignorant si le Loup-Mage comprenait le langage elfique ou pas.

Avant de commencer à préparer à manger pour elle, elle s'occupa tout d'abord de son cheval. Elle enleva la selle et la bride de son dos et laissa l'animal chercher sa nourriture par lui-même, sachant qu'il ne s'éloignerait pas de sa maîtresse. Melian ramassa rapidement quelques branches, fit un petit feu, vida et écailla le poisson, et le mit au dessus du feu.

La lumière des flammes, bien qu'assez faible, lui permettait de mieux voir le Loup-Mage. Il était gigantesque, son pelage était noir et brillant, et une lueur d'intelligence et de sagesse brillait dans ses yeux. Par politesse elle évitait de le regarder trop longtemps mais elle était intriguée par sa présence. La jeune Elfe était persuadée que c'était lui qui la suivait depuis le début; elle ne comprenait pas pourquoi mais elle espérait bien le découvrir.

"Est-ce que vous me comprenez ?" finit-elle par demander

Alors que les poissons se débattaient en vain sur le sol humide, la Demi-elfe parla de nouveau.

"Merci"

Son a priori, une fois de plus, ne l'avait pas trompé. Cet être ne devait pas non plus représenter un danger important, en considérant qu'il l'attaque. Mais pourquoi se compliquer les choses quand tout se passait bien ?
Tandis que la Demi-elfe s'occupait de son cheval et préparait la nourriture, il ne la quitta pas des yeux.
Le Loup-Mage était sorti de l'eau, avant de se rapprocher du feu et de s'y assoir. Il restait néanmoins dans son ombre, préférant garder une distance respectable avec les flammèches qui s'enfuyaient en tous sens. User de la magie n'était pas, ou pas encore du moins, un acte des plus naturels pour lui. Quoi de plus normal d'ailleurs, étant donné qu'il venait tout juste d'achever son apprentissage.
Quant à elle, elle l'observait aussi, mais plus discrètement. Elle paraissait intriguée. Enfin, elle reprit la parole:

"Est-ce que vous me comprenez ?"

Il connaissait toux ceux des langages les plus couramment parlés par les Humanoïdes. Mais répondre à leur façon en hochant la tête ou quoi que ce fut eût été trop facile. Tout de même, il lui donna un indice en ramenant ses oreilles vers elle. Puis ill préféra donc changer de sujet.
En effet, il percevait nettement et depuis le début l'odeur de plantes qui ne lui étaient pas étrangères. De celles qu'il avait mangées sous la tutelle de sa mère, il y avait déjà si longtemps. Des plantes qui stimulaient les flux magiques de la Terre, lui avait-il semblé par la suite. En avait-elle ? Et lui en donnerait-elle seulement ? Chez ces êtres, tout avait de la valeur. Et puis, il faudrait encore qu'elle ne s'effraie pas...
Doucement, il se releva, et il contourna le feu, gardant la tête baissée vers elle, légèrement penchée sur le coté. Il était très grand, impression surement renforcée par le fait qu'elle ne se tenait pas redressée de toute sa hauteur.
Et maintenant, comment lui faire comprendre ?
Ceci ne relevait plus de l'impossible, depuis peu. Il en ressentit une agréable satisfaction.
Lorsque les fumées colorées se rejoignirent, simple mirage au-dessus du feu, elle formèrent une feuille bleuté. Feuille reconnaissable entre mille.
Pour ceux qui l'avaient déjà vue.